Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Infiltrations d’eau et responsabilités en copropriété : enjeux d’indemnisation et de preuve.
→ RésuméContexte de l’affaireL’affaire concerne un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété, géré par un syndic. Une société civile immobilière (SCI), représentée par sa gérante, est propriétaire d’un studio dans cet immeuble. Des infiltrations d’eau dans le studio ont été signalées, entraînant une série d’interventions par une entreprise spécialisée pour identifier et réparer les fuites. Déclarations de sinistre et interventionsLe 5 octobre 2020, la SCI a informé le syndic des infiltrations, qui a ensuite mandaté une entreprise pour rechercher la fuite. Le syndicat des copropriétaires a déclaré un sinistre à son assureur, qui a conseillé à la SCI de faire de même. Plusieurs interventions ont eu lieu, mais malgré les travaux, des infiltrations ont persisté, jusqu’à ce qu’un rapport final indique l’absence d’infiltration dans le studio. Actions en justiceEn août 2022, la SCI a assigné le syndicat des copropriétaires et l’assureur en justice, demandant des dommages et intérêts pour les travaux de remise en état et la perte de loyers. La SCI a réclamé des sommes précises pour compenser les préjudices subis en raison des infiltrations. Arguments des partiesLa SCI a soutenu que les travaux de réparation avaient été pris en charge par le syndicat et que l’assureur devait indemniser les pertes. En revanche, le syndicat des copropriétaires a contesté la demande, arguant que la SCI n’avait pas prouvé l’origine des infiltrations ni la faute du syndicat. L’assureur a également demandé le rejet des demandes de la SCI, affirmant que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes. Décision du tribunalLe tribunal a débouté la SCI de toutes ses demandes, concluant qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’une faute de la part du syndicat des copropriétaires ni établi un lien de causalité entre les infiltrations et les dommages subis. La SCI a été condamnée aux dépens, et l’exécution provisoire de la décision a été maintenue. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Copie exécutoire délivrée le :
à Me RIOTTE
Copies certifiées conformes délivrées le :
à Me PATTE et Me COSTE-FLORET
■
8ème chambre
1ère section
N° RG 22/10161 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CXQBW
N° MINUTE :
Assignation du :
24 Août 2022
JUGEMENT
rendu le 04 Février 2025
DEMANDERESSE
S.C.I. LAUDI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Maître Hélène PATTE de l’AARPI ACTENA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1695
DÉFENDEURS
Le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] et [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice, la S.A.R.L. CABINET GRILLAT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Maître Victor RIOTTE de l’A.A.R.P.I. EVEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0027
S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Jean-Marie COSTE-FLORET de la SCP SOULIE ET COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267
Décision du 04 Février 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/10161 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXQBW
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
assistés de Madame Maïssam KHALIL, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 20 Novembre 2024 tenue en audience publique devant Madame JOSSELIN-GALL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
***
EXPOSÉ DU LITIGE
L’ensemble immobilier sis [Adresse 7] et [Adresse 5] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, son syndic est le cabinet Grillat ; le syndicat des copropriétaire est assuré auprès de la société AXA France Iard.
La SCI Laudi, dont Mme [M] [F] est la gérante, est propriétaire d’un studio situé au 5ème et dernier étage de cet immeuble ; cette société est également assurée auprès de la société AXA France Iard au titre de l’assurance multirisques habitation.
Le 5 octobre 2020, la SCI Laudi a signalé au syndic des infiltrations d’eau dans son studio depuis son plafond ; le même jour le syndic a remis un ordre de service à la société Holley Duran, entreprise de couverture-plomberie-chauffage, pour procéder à une recherche de fuite et vérification de la toiture.
Le 9 octobre 2020, le syndicat des copropriétaires a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société AXA France Iard, lui demandant d’ouvrir un dossier.
Le 12 octobre 2020, la société Axa France Iard a informé par courriel son assuré qu’il convenait que la SCI Laudi procède à une déclaration de sinistre à son assureur, en application de la convention IRSI relative à la prise en charge des dégâts des eaux.
La société Holley Duran est intervenue ensuite à plusieurs reprises dans la copropriété et dans le studio de la SCI Laudi, en réponse aux alertes de Mme [F], qui constatait des infiltrations persistantes :
Décision du 04 Février 2025
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– Le 5 et 6 octobre 2020 pour la recherche de fuite et la vérification de la toiture, ce qui a conduit au nettoyage des chéneaux et au dégorgement de l’évacuation ;
– Le 9 novembre 2020, s’agissant de la réfection de solin contre souche de cheminée et nettoyage ;
– Le 25 octobre 2021, pour la réfection du dessus de mur, de l’entablement et pose d’un bas de feuille en zinc.
La dernière intervention de la société Holley Duran, consécutive à une nouvelle alerte de Mme [F], a consisté en une nouvelle recherche de fuite et a conduit à un rapport de visite de ladite société, en date du 28 janvier 2022, pour vérification de l’étanchéité de la couverture à la fluorescine, suite aux travaux effectués sur le chéneau.
Ce rapport a conclu à l’absence d’infiltration d’eau dans le logement de la SCI Laudi.
Par exploits en date des 24 et 25 août 2022, la SCI Laudi a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] et [Adresse 5] et la société AXA France Iard devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment d’obtenir leur condamnation in solidum en paiement des travaux de remise en état de son appartement ainsi que l’indemnisation de son préjudice de jouissance, résultant de l’impossibilité de procéder à la location de son bien immobilier pendant plusieurs mois.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2023, la SCI Laudi demande au tribunal de :
« Vu les articles 1240 et suivants du Code civil, les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
RECEVOIR SCI LAUDI en ses écritures et les dire bien fondés (sic);
CONDAMNER in solidum le SDC du [Adresse 7] pris en la personne de son syndic le Cabinet Grillat et la société AXA France IARD à payer à SCI LAUDI la somme de 8.312 euros à titre de dommages et intérêts en compensation des travaux de reprise;
CONDAMNER in solidum le SDC du [Adresse 7] pris en la personne de son syndic le Cabinet Grillat et la société AXA France IARD à payer à SCI LAUDI la somme de 9.750 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de loyers pour la période du 15 décembre 2021 au 15 mars 2023 ;
Subsidiairement,
CONDAMNER la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur de la société SCI LAUDI, à payer une somme de 8.312 euros au titre des travaux de reprise et 9.750 euros au titre de la perte des loyers pour la période du 15 décembre 2021 au 15 mars 2023 ;
En tout état de cause,
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CONDAMNER in solidum le SDC du [Adresse 7] pris en la personne de son syndic le Cabinet Grillat et la société AXA France IARD à payer à SCI LAUDI la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum le SDC du [Adresse 7] pris en la personne de son syndic le Cabinet Grillat et la société AXA France IARD aux entiers dépens de l’instance
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir »
Au soutien de ses prétentions, la SCI Laudi fait valoir que :
– Les travaux de réparation en toiture, partie commune, ont été pris en charge par le syndicat des copropriétaires, le sinistre a par ailleurs été pris en charge par l’ensemble des assureurs de l’immeuble, du locataire et de la SCI Laudi ;
– L’origine de la fuite ayant été résolue, la SCI Laudi a donc sollicité par mise en demeure le 19 avril 2022 l’indemnisation de son préjudice résultant d’une part des travaux de remise en état de son studio, et d’autre part des pertes de loyer subies ;
– Aucune solution amiable n’ayant été dégagée et au visa de la responsabilité pour faute, elle soutient que les pièces fournies aux débats par le syndicat des copropriétaires établissent que l’immeuble a subi une fuite en toiture, partie commune, qu’il en est résulté des dommages pour la SCI Laudi, que le syndicat des copropriétaires doit indemniser et que son assureur doit garantir ;
– En réponse aux moyens adverses sur sa carence probatoire, elle soutient qu’en matière de faits la preuve est libre et que le rapport de visite a été réalisé à la demande du syndicat des copropriétaires, il n’est donc pas unilatéral comme l’allègue la société AXA France Iard ;
– le préjudice qu’elle déclare subir consiste plus précisément à la somme de 8.312 euros pour la réfection du studio, réalisée au mois de mars 2023 après séchage des surfaces des plafonds et des murs, et la somme de 9.750 euros au titre de la perte des loyers du 15 décembre 2021 au 15 mars 2023 (15 mois de perte pour la somme de 650 euros mensuels) ;
– à défaut d’une condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires et de son assureur, la SCI Laudi soutient à titre subsidiaire qu’AXA France Iard doit être condamnée à lui verser ces sommes, au titre de la garantie qu’elle a souscrite auprès de cet assureur.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 7] et [Adresse 5] demande du tribunal de:
« Vu les pièces versées aux débats,
o DEBOUTER la société SCI LAUDI de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
Et à titre subsidiaire,
o Si le Tribunal de céans devait entrer en voie de condamnation à l’égard du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] et [Adresse 5] représenté par son Syndic la société CABINET GRILLAT à quelque titre que ce soit, il lui serait alors demandé de CONDAMNER la SOCIETE AXA France IARD à le relever indemne de toute condamnation ;
En tout état de cause,
o CONDAMNER la partie qui succombe à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] et [Adresse 5] représenté par son Syndic la société CABINET GRILLAT, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
o CONDAMNER la partie qui succombe aux entiers dépens de l’instance ».
Au soutien de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
– la SCI Laudi ne fait aucunement mention d’une déclaration de sinistre à son assureur, ni ne produit un quelconque contrat d’assurance multirisque habitation, alors que la convention IRSI, qui s’applique, prévoit que la gestion de son sinistre incombe à cet assureur ;
– cette société fait en outre mention dans ses écritures d’avoir été déjà indemnisée par son assureur ;
– aucune expertise judiciaire n’a été diligentée, de sorte que les désordres consécutifs aux infiltrations ne peuvent être identifiés avec précision et que l’origine des désordres reste en tout état de cause incertaine, et qu’il n’est pas possible d’identifier les reprises devant faire l’objet d’une indemnisation ;
– la demanderesse ne démontre pas en quoi les devis et factures versés aux débats ont pour objet des travaux remédiant aux désordres causés par les infiltrations, bien plus, ils font état d’une réfection totale du studio, incompatible avec un préjudice effectivement identifié ;
– les photographies produites n’ont pas été prises par un huissier, dès lors elles sont dépourvues de toute valeur probante ;
– la période relevée par la SCI Laudi pour évaluer son préjudice de jouissance est erronée, car les murs et plafonds du studio ont été repris au mois de mars 2022 ;
– à titre subsidiaire, la société AXA France Iard, en tant qu’assureur multirisque habitation de l’immeuble, doit être appelée à garantir les sommes que le syndicat serait amené à verser à la SCI Laudi.
Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2023, la société AXA France Iard demande au tribunal de :
« Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu l’article 16 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
– DEBOUTER la SCI LAUDI de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– CONDAMNER la SCI LAUDI à payer à la société AXA FRANCE IARD la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens».
Au soutien de ses prétentions, la société AXA France Iard fait valoir que :
– le rapport de visite dont la SCI Laudi se prévaut n’est pas une expertise judiciaire et n’a aucune valeur probante, étant en outre souligné que la société AXA France Iard n’a jamais été convoquée à une quelconque opération d’expertise amiable, dès lors le tribunal ne peut se fonder sur ce rapport de visite ou sur des photos non datées pour caractériser les désordres allégués, qui ne peuvent dès lors être identifiés avec certitude ;
– par conséquent, la SCI Laudi argumentant l’essentiel de sa demande sur un seul « rapport de visite » unilatéral ne satisfait pas à l’obligation de preuve qui lui incombe et ses développements sont donc inopérants.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance du 20 novembre 2023, et fixée à l’audience du 20 novembre 2024, puis mise en délibéré au 4 février 2025, date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, par décision contradictoire et rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE la SCI Laudi de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la SCI Laudi aux dépens ;
CONDAMNE la SCI Laudi à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 7] et [Adresse 5] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de la société AXA France Iard au titre des frais irrépétibles;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris le 04 Février 2025.
La Greffière La Présidente
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