Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny
Thématique : Conflit sur la conformité d’un bien immobilier et ses implications contractuelles
→ RésuméContexte de la VentePar acte sous-seing privé en date du 5 juillet 2014, une acheteuse a acquis auprès d’un vendeur, la SCCV, un bien en l’état futur d’achèvement, comprenant un studio et un jardin privatif de 17 m². La vente a été confirmée par acte notarié le 30 décembre 2014. Le vendeur est assuré par une compagnie d’assurance, la CNA. Intervenants dans l’Acte de ConstruirePlusieurs parties ont participé à l’acte de construire, notamment un bureau d’études techniques et de maîtrise d’œuvre, un bureau de contrôle, et un architecte maître d’œuvre. Ces intervenants sont également couverts par des assureurs respectifs. Refus de LivraisonL’acheteuse a refusé la livraison du bien, arguant que le jardin était en réalité une partie commune à usage privatif, inaccessible et non conforme aux stipulations contractuelles. Procédures JudiciairesEn avril 2019, l’acheteuse a assigné le vendeur devant le juge des référés pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire, ce qui a été accordé. En juin 2019, le vendeur a à son tour assigné l’acheteuse pour qu’elle prenne possession du bien. D’autres parties ont été assignées en intervention forcée par le vendeur. Rapport d’Expertise et Nouvelles DemandesUn rapport d’expertise a été déposé en octobre 2021. En juillet 2023, l’acheteuse a exprimé son intention de prendre possession du bien tout en demandant une indemnisation pour son préjudice. Le vendeur a formulé des demandes de condamnation à l’encontre de l’acheteuse, tandis que cette dernière a également formulé des demandes d’indemnisation contre le vendeur et les autres parties impliquées. Arguments des PartiesL’acheteuse soutient avoir été victime d’un dol, affirmant que le vendeur lui a vendu un bien avec un jardin accessible, condition essentielle à son achat. Les autres parties, y compris l’architecte et les bureaux d’études, ont nié toute responsabilité, soutenant que les travaux étaient conformes aux normes. Décision du TribunalLe tribunal a débouté l’acheteuse de ses demandes, considérant qu’elle n’avait pas prouvé le dol ni la non-conformité du bien. Le vendeur a été condamné à recevoir le solde du prix de vente, assorti d’intérêts, tandis que toutes les parties ont été condamnées aux dépens. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. |
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COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY
AFFAIRE N° RG 19/07436 – N° Portalis DB3S-W-B7D-THTN
N° de MINUTE : 25/00089
Chambre 6/Section 3
JUGEMENT DU 03 FEVRIER 2025
La S.C.C.V. [Adresse 4]
Chez la société PRIMOVILLA
[Adresse 9]
[Localité 12]
représentée par Me Pierre MORELON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0151
DEMANDEUR
C/
Madame [C] [B]
[Adresse 7]
[Localité 16]
représentée par Me Bahia HAJI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1708
La société SCOPING – SOCIÉTÉ DE COORDINATION D’ORDONNANCEMENT DE PILOTAGE ET D’INGÉNIERIE
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 14]
représentée par Me Béatrice NICOLAS (BN AVOCATS), avocat au barreau de PARIS, vestiaire: C1541
La société MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 10]
La société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentées par Me Gilles GODIGNON-SANTONI, LA SELARL DOLLA-VIAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0074
La société BTP CONSULTANTS
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par Me Antoine TIREL, SELAS INTERBARREAUX LARRIEU ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 073
Monsieur [Z] [O]
[Adresse 2]
[Localité 17]
représenté par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0244
La S.A. CNA HARDY (Insurance Compagnie limited, société de droit étranger)
adresse à l’étranger : [Adresse 5]
adresse en France
[Adresse 8]
[Localité 11]
représentée par Me Dominique LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 0491
La société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE
[Adresse 6]
[Localité 15]
non comparante
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Président : Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge
Assisté aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier
DÉBATS
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 25 Novembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Charlotte THIBAUD, Présidente de la formation de jugement, et
Messieurs David BRACQ-ARBUS et François DEROUAULT Juges, assistés de Mme Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
Monsieur François DEROUAULT, Juge, a rédigé le jugement rendu.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 03 Février 2025.
JUGEMENT
La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 5 juillet 2014, Mme [B] a acquis auprès de la SCCV [Adresse 4] – ci-après désignée la SCCV – un bien en l’état futur d’achèvement consistant en un lot de copropriété composé d’un studio et d’un jardin privatif de 17 m² sis [Adresse 4] à [Localité 19] (Seine-Saint-Denis), moyennant le prix global de 187 800 euros TTC.
La vente a été réitérée par acte notarié du 30 décembre 2014.
La SCCV est assurée auprès de la société CNA Insurance Company Limited – ci-après désignée la CNA.
Sont intervenus à l’acte de construire :
– la Société de Coordination d’Ordonnancement de Pilotage et d’Ingénierie – ci-après dénommée la société Scoping –, en qualité de bureau d’études techniques et de maîtrise d’œuvre d’exécution, assurée auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent désormais les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles – ci-après dénommées les MMA ;
– la société BTP Consultants en qualité de bureau de contrôle, assurée auprès de la société Axa France Iard ;
– M. [O] en qualité d’architecte maître d’œuvre de conception et de co-réalisation.
Mme [B] a refusé la livraison du bien au motif que le jardin s’avérait être une partie commune à usage privatif et était inaccessible et non conforme aux stipulations contractuelles.
Par acte d’huissier en date du 1er avril 2019, Mme [B] a assigné la SCCV devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.
Par ordonnance du 25 juin 2019, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné Mme [L] en qualité d’expert.
Par acte d’huissier du 6 juin 2019, la SCCV a assigné Mme [B] devant le tribunal de grande instance de Bobigny afin qu’il lui soit enjoint de prendre livraison du bien.
Par actes d’huissier des 21, 24, 27, 29 et 30 juillet 2020, la SCCV a également assigné en intervention forcée la société Scoping et ses assureurs les MMA, la société BTP Consultants et son assureur la société Axa France Iard, M. [O] et la CNA en qualité d’assureur aux fins d’appel en garantie.
Par ordonnance du 8 avril 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances et a prononcé un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport de Mme [L].
Le rapport d’expertise a été déposé le 8 octobre 2021.
Par courrier officiel de son conseil du 17 juillet 2023, Mme [B] a indiqué à la SCCV qu’elle entendait prendre possession du bien et demander la seule indemnisation de son préjudice.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2024, la SCCV demande au tribunal de :
– condamner Mme [B] à payer la somme de 9 395 euros, correspondant aux 5 % du solde du prix de vente selon acte notarié du 30 décembre 2014 ;
– assortir ce montant des intérêts légaux sur la somme de 9 395 euros à compter du 23 mai 2017, soit 10 jours ouvrés après la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception de convocation à la livraison en date du 10 mai 2017 ;
– condamner Mme [B] à payer la somme de 3 800 euros au titre de l’article 1147 du code civil, en raison du préjudice financier subi par la SCCV par résistance injustifiée et abusive ;
– débouter Mme [B] de toutes ses demandes indemnitaires à l’encontre de la SCCV, en l’absence de démonstration d’un dol et en l’absence de manquement de la part de la SCCV ;
– à titre subsidiaire, juger que la SCCV [Adresse 4] a valablement interrompu les délais à l’égard des défendeurs constructeurs et de leurs assureurs respectifs ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la société Scoping et les MMA, la société BTP Consultants, la société AXA France Iard, M. [O] et la CNA garantir la SCCV de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– condamner in solidum Mme [B] et tout autre succombant à payer à la SCCV la somme de 18 873,20 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [B] ou tout autre succombant aux entiers dépens de l’instance au fond et ceux de l’instance en référé, en ce compris les honoraires d’expertise ;
– rejeter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2023, Mme [B] demande au tribunal de :
– condamner in solidum la SCCV, M. [O], la société Scoping, son assureur les MMA, ainsi que la CNA à payer la somme de 27 800 euros correspondant à la moins-value de l’appartement du fait de sa non-conformité ;
– condamner in solidum la SCCV, M. [O], la société Scoping, son assureur les MMA, ainsi que la CNA à payer la somme de 13 730,36 euros à parfaire au titre de ses préjudices matériels ;
– condamner in solidum la SCCV, M. [O], la société Scoping, son assureur les MMA, ainsi que la CNA à payer la somme de 57 600 euros à parfaire au titre de son préjudice de jouissance ;
– condamner in solidum la SCCV, M. [O], la société Scoping, son assureur les MMA, ainsi que la CNA à rembourser à Madame [B] les dépens, notamment les frais d’expertise, ainsi qu’à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Mme [B] soutient qu’elle a été victime d’un dol dès lors d’une part que la SCCV lui a vendu un lot de copropriété comprenant un jardin privatif de 17 m² accessible depuis son studio, étant rappelé que l’existence de ce jardin était une condition impulsive et déterminante dans le choix du bien ; et d’autre part que la SCCV a vendu ce jardin comme étant un espace privatif accessible, présentant une continuité avec la pièce principale de l’appartement, alors même qu’elle était informée de l’impossibilité technique d’un tel ouvrage.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2024, la CNA en qualité d’assureur de la SCCV demande au tribunal de :
– rejeter toute demande à son encontre ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la société Scoping, les MMA, la société BTP Consultants, la société Axa France Iard, M. [O], à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– condamner tous succombants aux dépens de l’instance ainsi qu’à régler à la concluante la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et admettre Me Lacan au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
La CNA soutient que son contrat d’assurance n’a pas vocation à couvrir les litiges relatifs au prix de vente des immeubles faisant l’objet de construction, ni les litiges relatifs aux dommages consécutifs à des retards de livraison des constructions par l’assuré.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2024, la société Scoping demande au tribunal de :
– rejeter toute demande contre elle ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la SCCV, la CNA, M. [O], les MMA à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
– limiter les condamnations prononcées aux montants retenus par l’expert judiciaire dans son rapport d’expertise ;
– débouter les parties de toutes demandes de condamnation solidaire ou in solidum ;
– écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société Scoping soutient qu’elle n’a pas commis de faute ; que l’ouvrage est parfaitement conforme aux normes applicables ; que la SCCV ne peut en toute bonne foi nier ne pas avoir eu connaissance de la problématique en question.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2024, les MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles, en qualité d’assureurs de la société Scoping, demandent au tribunal de :
– rejeter les demandes de Mme [B] et de la SCCV ;
– à titre subsidiaire, déduire toute éventuelle condamnation une somme de 10 % au titre de la franchise contractuelle ;
Les MMA soutiennent que la responsabilité de son assurée n’est pas engagée et que les demandes de Mme [B] sont infondées dans leur principe.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, M. [O] demande au tribunal de :
– débouter toutes les parties de leurs demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la SCCV, la société Scoping et les MMA à garantir M. [O] des condamnations prononcées à son encontre ;
– à titre subsidiaire, limiter les condamnations prononcées aux montants retenus par l’expert judiciaire dans son rapport ;
– condamner Mme [B] et toute autre partie perdante à payer la somme de 10 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [B] et toute autre partie perdante aux entiers dépens.
M. [O] soutient que sa responsabilité contractuelle n’est pas engagée ; qu’il ne peut être auteur d’un dol à l’encontre de Mme [B] pour n’avoir pas été son co-contractant ; qu’il a conçu un projet conforme aux normes PMR et ne comportant pas de désordre constaté par l’expert ; que les détails de conception ont été validés par le maitre d’ouvrage, lequel n’a émis aucune observation sur les accès PMR, et a été consulté à chaque étape du projet pour donner son avis.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, la société BTP Consultants demande au tribunal de :
– débouter les parties de toutes demandes de condamnation formulées à l’encontre de la société BTP Consultants ;
– à titre subsidiaire, condamner in solidum la SCCV, la société Scoping, et leurs assureurs la CNA et les MMA à garantir et relever indemne la société BTP Consultants de toute condamnation qui pourrait être prononcée à l’encontre de BTP Consultants au profit de Mme [B] ;
– à titre subsidiaire, limiter les condamnations prononcées aux montants retenus par l’expert judiciaire dans son rapport ;
– condamner la SCCV ou tout succombant, à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La société BTP Consultants expose que l’expert a écarté toute responsabilité du contrôleur technique.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2024.
L’affaire a été inscrite au rôle de l’audience du 25 novembre 2024, où elle a été appelée.
Sur quoi elle a été mise en délibéré au 3 février 2025 afin qu’y soit rendue la présente décision.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,
Déboute Mme [B] de ses demandes ;
Condamne Mme [B] à payer à la SCCV [Adresse 4] la somme de 9 390 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2017 ;
Déboute toutes les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Mme [B] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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