Tribunal judiciaire de Nîmes, 3 février 2025, RG n° 22/03932
Tribunal judiciaire de Nîmes, 3 février 2025, RG n° 22/03932

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Nîmes

Thématique : Responsabilité notariale et manquements aux obligations de conseil

Résumé

Contexte de l’Affaire

Dans cette affaire, un groupe de vendeurs, composé de plusieurs indivisaires, a signé un compromis de vente avec un couple d’acquéreurs concernant une maison située dans la commune de [Localité 6]. Le prix de vente convenu était de 400 000 euros, avec un dépôt de garantie de 20 000 euros versé par les acquéreurs. Cependant, un des indivisaires s’opposait à la vente, ce qui a soulevé des questions sur la validité de l’acte.

Obligations et Conditions de Vente

La signature de l’acte authentique de vente devait se faire au plus tard le 15 février 2020, sous réserve de la levée de plusieurs conditions suspensives, notamment l’obtention d’un prêt et d’un permis de construire. Malgré le versement du dépôt de garantie, l’acte réitératif n’a pas été signé, ce qui a conduit les acquéreurs à mettre en demeure le notaire de restituer le dépôt et de les indemniser pour des frais engagés.

Réclamations des Acquéreurs

Les acquéreurs ont assigné la SCP notariale en justice, arguant que le notaire avait manqué à son obligation de conseil en permettant la signature d’un compromis alors que la décision judiciaire autorisant la vente n’était pas définitive. Ils ont demandé des indemnités pour les frais engagés, estimant que la responsabilité du notaire était engagée en raison de ses manquements.

Arguments de la SCP Notariale

La SCP notariale a contesté les accusations, affirmant qu’elle n’avait commis aucune faute et que les acquéreurs n’avaient pas respecté les conditions suspensives. Elle a également souligné que les frais demandés par les acquéreurs étaient à leur charge et que la clause pénale prévue dans le compromis n’avait pas été mise en œuvre.

Décision du Tribunal

Le tribunal a examiné les demandes des parties et a conclu que le notaire n’avait pas commis de faute. Il a été établi que les acquéreurs étaient conscients des conditions nécessaires à la réitération de la vente et que le notaire avait correctement informé les parties des implications juridiques. Par conséquent, les demandes d’indemnisation des acquéreurs ont été rejetées.

Conséquences Financières

En raison de la décision du tribunal, les acquéreurs ont été condamnés à verser des frais à la SCP notariale, et leur demande d’indemnisation a été déboutée. Le tribunal a également statué sur l’exécution provisoire de la décision, la rendant immédiatement applicable.

Conclusion

Cette affaire met en lumière les responsabilités des notaires dans le cadre de transactions immobilières et souligne l’importance pour les acquéreurs de bien comprendre les implications juridiques des actes qu’ils signent. Le tribunal a confirmé que la responsabilité du notaire ne peut être engagée que si une faute est clairement établie, ce qui n’a pas été le cas ici.

Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée à
la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI
la SELARL [9]

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
Le 03 Février 2025
1ère Chambre Civile
————-
N° RG 22/03932 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JTZY

JUGEMENT

Le Tribunal judiciaire de NIMES, 1ère Chambre Civile, a, dans l’affaire opposant :

Mme [O] [K]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 3]
représentée par la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant,

M. [G] [M] [W]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 7]
représenté par la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant,

à :

S.C.P. [S] [8]
immatriculée au RCS de NIMES sous le n° [N° SIREN/SIRET 4] prise en la personne de son gérant en exercice Maitre [H] [R] [S] notaire associé domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocats au barreau de NIMES, avocats plaidant,

Rendu publiquement, le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 02 Décembre 2024 devant Nina MILESI, Vice-Présidente, Antoine GIUNTINI, Vice-président, et Margaret BOUTHIER-PERRIER, magistrat à titre temporaire, assistés de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré entre les magistrats.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 3 juillet 2019 reçu par Maître [H] [R] [S], notaire à [Localité 12], M. [H] [T] [J], M. [L] [J], Mme [A] [Z] veuve [J], M. [D] [J], Mme [R] [N] [P] veuve [J], et M. [H] [C] [J] (VENDEUR) ont signé un compromis de vente avec Mme [O] [K] et M. [M] [W]( ACQUEREUR) portant sur une maison à usage d’habitation, sur la commune [Localité 6] (30) moyennant un prix de 400 000 euros, hors la présence de M [U] [J] opposé à cette vente.

La signature de l‘acte authentique de vente devait intervenir au plus tard le 15 février 2020 après la levée des conditions suspensives liées à l’obtention d’un prêt, à l’obtention d’un permis de construire et aux conditions suspensives classiques liées à l’urbanisme et aux droits réels et hypothécaires. Le dépôt de garantie prévu à l‘acte d’un montant de 20 000 euros a été versé par l’ACQUEREUR.

L‘acte réitératif de vente n’a pas été signé.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2022 les acquéreurs par l’intermédiaire de leur conseil ont mis en demeure le notaire d’avoir à restituer le dépôt de garantie dans un délai de 15 jours et d’avoir à payer à titre indemnitaire la somme de 14 395 euros, correspondant aux frais engagés arguant d’une faute du notaire défaillant dans son obligation de conseil et d’efficacité de son acte. Le notaire a restitué le dépôt de garantie sans répondre favorablement à la demande indemnitaire.

Considérant que le notaire avait commis une faute, Mme [O] [K] et M. [M] [W] ont fait délivrer une assignation à comparaître à la SCP notariale [S]-[8] devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin de voir statuer sur leurs demandes indemnitaires.

******
Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées par voie électronique le 2 septembre 2024 Mme [O] [K] et M. [M] [W] au visa de l‘article 1240 du code civil demandent au tribunal de:
De dire et juger que la SCP NOTARIALE [S]- [8] a engagé sa responsabilité pour les motifs ci-dessus exposés,
En conséquence,
Condamner la SCP NOTARIALE [S]- [8] à verser aux concluants la somme de 14 395 € au titre des préjudices financiers subis se décomposant, comme suit :
-6 100 € au titre des honoraires d’Architecte,
-450 € au titre des frais d’honoraires d’huissier,
-3 600 € au titre des honoraires du Géomètre Expert,
-3 649 € de la taxe sur le permis de construire,
-196 et 400 € de règlements de sommes au Notaire selon mention dans l’acte,
Débouter la SCP NOTARIALE [S]- [8] de ses demandes.
Condamner la SCP NOTARIALE [S]- [8] à payer aux concluants une somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Dire n’y avoir lieu à écarter l ‘exécution provisoire de la décision à intervenir,
Condamner la SCP NOTARIALE [S]-[8] aux entiers dépens.

Ils font valoir que la responsabilité du notaire est engagée car il a manqué à son obligation de conseil et à son obligation d’assurer une sécurité juridique aux actes qu’il reçoit. Ils estiment qu’il a laissé signer le compromis de vente alors que les indivisaires n’avaient pas le droit car la décision judiciaire, autorisant la vente par les co indivisaires malgré l’opposition de l’un d’entre eux, n’était pas définitive contrairement à ce qui est mentionné dans l‘acte du 29 juillet 2019, s’agissant d’une ordonnace de référé.

Ils considèrent que le notaire devait vérifier les déclarations de ses clients, or ces derniers n’ont pas obtenu une telle autorisation car ils ont été déboutés par le juge des référés le 8 janvier 2020, décision confirmée par la cour d’appel de Nîmes le 19 avril 2021.

Ils évaluent leurs préjudices en lien avec les manquements du notaire aux montants des frais déboursés au titre des honoraires de l’architecte, de l’huissier, et de l’expert-comptable. Ils ajoutent la taxe sur le permis de construire et les frais du notaire. Ils indiquent avoir obtenu leur prêt et le permis de construire.

Ils contestent que le notaire puisse s’exonérer de sa faute en se prévalant de la clause spéciale car son devoir de conseil est absolu envers ses clients profanes en la matière.

*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2023 la SCP [S]-[8] demande au tribunal de :
Juger l’action infondée en l’absence de toute faute, préjudice et lien causal,
Débouter Monsieur [W] et Madame [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Ecarter l’exécution provisoire,
Condamner Monsieur [W] et Madame [K] solidairement à payer au concluant la somme de 3 600 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,

Elle conclut à son absence de faute car elle a relaté en caractère gras le contexte de l’ordonnance obtenue le 28 novembre 2018 autorisant la vente sans l‘accord de M [U] [J]. Elle souligne que les demandeurs ne démontrent pas avoir respecté les conditions suspensives. Elle ajoute qu’elle a renseigné les acquéreurs quant au caractère temporaire de l’ordonnance de référé dans un paragraphe intitulé “ DECLARATION SPECIALE” qui informait ses derniers de la nécessité, pour les vendeurs, d’obtenir une décision judiciaire définitive permettant de régulariser la vente.

Elle indique avoir prévue une clause pénale en cas de défaut de réalisation résultant des vendeurs. Or les acquéreurs n’ont pas sollicité la mise en œuvre de la clause pénale.

Sur le préjudice elle fait valoir qu’il n’y a pas de lien causal, que la demande de 6100 euros repose sur une facture de 1100 euros et que les frais de demande de permis de construire étaient prévus à la charge exclusive des acquéreurs. Sur les taxes fiscales elle relève qu’elles devaient rester également à la charge des acquéreurs.

Elle soutient qu’il n’y a pas de relation entre la situation des acquéreurs et une faute de sa part, qui en l‘espèce est inexistante.

Enfin elle sollicite de voir écarter l’exécution provisoire.

*****
Il convient de se référer aux dernières conclusions signifiées pour un plus ample exposé des moyens des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

******

La clôture est intervenue le 18 août 2024 par ordonnance du juge de la mise en état en date du 4 avril 2024 avec fixation en audience de plaidoirie au 2 septembre 2024.
L’affaire a été renvoyée à l’audience du 2 décembre 2024 pour être plaidée, le rabat de la clôture a été ordonné et une nouvelle clôture fixée au 18 novembre 2014.

La décision a étémise en délibéré au 3 février 2025.

PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,
DEBOUTE Mme [O] [K] et M. [G] [W] de leurs demandes indemnitaires,
CONDAMNE Mme [O] [K] et M. [G] [W] à payer la somme de 2500 euros à la SCP [S] – [8] en application des dispositions de l‘article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de Mme [O] [K] et de M. [G] [W] fondée sur les dispositions de l‘article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [O] [K] et M. [G] [W] aux entiers dépens de l’instance et les déboute de leur demande à ce titre,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire, et rejette toute demande contraire,

Le présent jugement a été signé par Nina MILESI, Vice Présidente, et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à dispoition.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon