L’Essentiel : L’affaire concerne l’application des dispositions de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique, régissant l’isolement et la contention des patients en hospitalisation complète sans consentement. Ces mesures doivent être un dernier recours, justifiées par un risque immédiat pour le patient ou autrui, et nécessitent l’évaluation d’un psychiatre. Il a été constaté que les médecins n’avaient pas fourni de motivation actualisée pour le renouvellement des mesures, et aucune décision n’avait été prise pendant plus de trois heures. En raison de ces irrégularités, le juge a ordonné la levée de la mesure d’isolement appliquée à la patiente.
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Contexte Juridique de l’AffaireL’affaire concerne l’application des dispositions de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique, qui encadre strictement l’isolement et la contention des patients en hospitalisation complète sans consentement. Ces mesures doivent être considérées comme un dernier recours, justifiées par un risque immédiat pour le patient ou autrui, et nécessitent une évaluation par un psychiatre. De plus, leur mise en œuvre doit être surveillée de manière rigoureuse par des professionnels de santé. Conditions de Renouvellement des MesuresLe texte précise également que, dans des cas exceptionnels, un médecin peut renouveler ces mesures au-delà des durées initiales, sous certaines conditions. Il est impératif d’informer un membre de la famille du patient ou une personne habilitée à agir dans son intérêt, ainsi que le juge, qui doit être saisi pour statuer sur le maintien de la mesure avant l’expiration de délais spécifiques. Obligations d’Information et de SaisineL’article R3211-31-1 stipule que l’information concernant le renouvellement des mesures doit être communiquée à un proche du patient, qui a le droit de saisir le juge pour demander la levée de la mesure. Si le juge autorise le maintien, le médecin peut renouveler la mesure dans les mêmes conditions, avec des délais précis pour la saisine et la décision du juge. Contrôle Judiciaire des MesuresLe juge, dans son rôle de contrôle, ne peut pas se substituer à l’autorité médicale concernant l’évaluation du consentement ou le diagnostic. Son rôle est de vérifier la conformité des motifs de la mesure avec les critères légaux, sans évaluer l’opportunité médicale de celle-ci. Irregularités dans la ProcédureDans cette affaire, il a été constaté que les médecins n’avaient pas fourni de motivation actualisée pour les jours concernés, ce qui constitue une absence de justification pour le renouvellement des mesures. De plus, il a été relevé qu’aucune décision de renouvellement n’avait été prise pendant une période de plus de trois heures, ce qui va à l’encontre des exigences légales de surveillance. Conclusion et Décision du JugeEn raison de ces irrégularités, la procédure a été jugée non conforme. Par conséquent, le juge a ordonné la levée de la mesure d’isolement appliquée à la patiente, en soulignant l’importance du respect des normes légales en matière de soins psychiatriques. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions légales pour l’isolement et la contention des patients selon l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ?L’article L3222-5-1 du code de la santé publique précise que l’isolement et la contention doivent être considérés comme des pratiques de dernier recours. Ces mesures ne peuvent être appliquées qu’à des patients en hospitalisation complète sans consentement. Elles ne peuvent être mises en œuvre que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre. De plus, leur application doit être adaptée, nécessaire et proportionnée au risque, après une évaluation du patient. Enfin, la mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée à des professionnels de santé désignés par l’établissement. Cette surveillance doit être tracée dans le dossier médical, avec des évaluations régulières : deux par 24 heures pour l’isolement et une toutes les 12 heures pour la contention. Quelles sont les obligations d’information relatives au renouvellement des mesures d’isolement et de contention ?Le paragraphe II de l’article L3222-5-1 stipule que, dans des cas exceptionnels, le médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées maximales de 48 heures pour l’isolement et de 24 heures pour la contention. Ce renouvellement doit être effectué sous les mêmes conditions que celles initialement établies. Il est impératif d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt concernant le renouvellement envisagé. De plus, le directeur de l’établissement doit informer le juge, qui doit être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure pour l’isolement et de la quarante-huitième heure pour la contention. Le juge doit statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure pour l’isolement et de la soixante-douzième heure pour la contention. Quel est le rôle du juge dans le contrôle des mesures d’isolement et de contention ?L’article R3211-31-1 précise que le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale concernant l’évaluation du consentement du patient, le diagnostic ou les soins. Son rôle se limite à un contrôle des motifs des mesures d’isolement ou de contention, en vérifiant leur conformité avec les critères établis dans le paragraphe I de l’article L3222-5-1. Ainsi, le juge ne doit pas apprécier l’opportunité médicale de la mesure, mais s’assurer que les conditions légales sont respectées. En cas de non-respect de ces conditions, comme l’absence de motivation actualisée pour les décisions de renouvellement, cela peut entraîner une irrégularité de la procédure. Quelles conséquences peuvent découler d’une procédure irrégulière concernant l’isolement d’un patient ?Dans le cas présent, il a été constaté que les médecins n’ont pas fourni de motivation actualisée pour les journées du 4 et 5 février 2025. Ce défaut d’actualisation est assimilé à une absence de motivation des décisions de renouvellement, ce qui n’est pas conforme aux dispositions légales en vigueur. Cela empêche le juge d’exercer un contrôle complet sur la mesure. De plus, il a été observé qu’aucune décision de renouvellement n’a été prise entre 20h29 et 23h54 le 5 février 2025, ce qui constitue une durée excessive sans interruption. Cette situation est en contradiction avec les exigences de surveillance stricte imposées par la loi, entraînant ainsi une irrégularité de la procédure. En conséquence, cela justifie l’ordonnance de mainlevée de la mesure d’isolement. |
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Emmanuelle WIDMANN
N°RG 25/00329 – JLD hospitalisation
[F] [I] née le 19/08/1971
ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE D’ISOLEMENT
(2e demande)
rendue le 6 février 2025 à 14h55
Par Emmanuelle WIDMANN, Juge au tribunal judiciaire de Lyon, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;
Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-34 et suivants du Code de la santé publique ;
Vu les pièces relatives à l’admission en hospitalisation complète de la patiente,
Vu la décision du juge du tribunal judiciaire de Lyon en date du 2 février 2025 autorisant le maintien de la mesure d’isolement ;
Vu les pièces du dossier et notamment le renouvellement de la mesure d’isolement du 5 février 2025 à compter de 23h54, après évaluation clinique par le Dr [G] [J], considérant que l’état de la patiente, [F] [I], nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure débutée le 30 janvier 2025 à 17h11 ;
Vu les informations délivrées aux tiers en application du premier alinéa du II de de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;
Vu la saisine du juge par le Directeur du CH [1] le 6 février 2025, enregistrée le même jour à 7h58, aux fins de maintien de la mesure sans demande de comparution du patient,
Vu l’avis du Ministère public ;
Vu les observations de Maître CALAME-SCHMIDT concluant à l’irrégularité de la mesure d’isolement d eal patiente;
Sans qu’ il soit besoin de procéder à l’ audition de la patiente;
L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention).
Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 heures pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au juge, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention.
Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.
L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contentionest délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.
Si le juge autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention, le médecin peut la renouveler dans les mêmes conditions. Le juge des libertés et de la détention est saisi avant l’expiration de la 168è heure (isolement)/120è heure ( contention) et doit rendre sa décision avant l’expiration de la 192è heure (isolement)/144è heure ( contention)
Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé.
En l’espèce, il apparait que les médecins n’ont pas mentionné de motivation actualisée pour les journées du 4 et du 5 février 2025. Ce défaut d’actualisation, assimilable à une absence de motivation des décisions de renouvellement, n’est pas conforme aux dispositions légales en vigueur et ne permet pas au juge d’exercer un contrôle complet sur la mesure.
En outre, il ressort de l’analyse du dossier que la mesure d’isolement appliquée à [F] [I] n’a fait l’objet d’aucune décision de renouvellement entre 20h29 et 23h54 le 5 février 2025, soit pendant plus de 3 heures sans qu’il ne soit fait mention d’une quelconque interruption de celle-ci ; que l’importance de cette durée constitue une pratique trop éloignée des dispositions légales en vigueur qui imposent une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.
Il résulte de ces développements que la procédure est irrégulière.
En conséquence, il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement de [F] [I].
Ordonnons la mainlevée de la mesure d’isolement concernant Mme [F] [I] ;
LE JUGE
Emmanuelle WIDMANN
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel au Directeur du Centre Hospitalier [1] pour notification à [F] [I] le 6 février 2025,
Le Greffier,
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel au directeur du Centre Hospitalier [1] le 6 février 2025,
Le Greffier,
– Avis de la présente ordonnance a été donné au procureur de la République le 6 février 2025,
Le Greffier,
– Copie de l’ordonnance notifiée par courriel au mandataire judiciaire le 6 février 2025,
Le Greffier,
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