Prolongation de la rétention administrative : critères et appréciation des menaces à l’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : critères et appréciation des menaces à l’ordre public.

L’Essentiel : Dans cette affaire, un étranger, désigné ici comme la personne retenue, a été placé en rétention administrative par l’autorité préfectorale. La préfecture, représentée par un avocat, a engagé une procédure pour prolonger cette rétention, suite à une obligation de quitter le territoire français notifiée à l’intéressé. Lors de l’audience, le juge a rappelé l’identité des parties et a informé la personne retenue de ses droits. L’avocat de la préfecture a plaidé pour la prolongation, tandis que l’avocat de la personne retenue a présenté ses arguments. Finalement, le juge a décidé de ne pas prolonger la rétention administrative.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, un étranger, désigné ici comme la personne retenue, a été placé en rétention administrative par l’autorité préfectorale. La préfecture de l’Isère, représentée par un avocat, a engagé une procédure pour prolonger cette rétention, suite à une obligation de quitter le territoire français notifiée à l’intéressé.

Déroulement des débats

Lors de l’audience publique, le juge a rappelé l’identité des parties et a informé la personne retenue de ses droits. L’avocat représentant la préfecture a plaidé en faveur de la prolongation de la rétention, tandis que l’avocat de la personne retenue a également présenté ses arguments.

Décisions administratives

Le 27 octobre 2024, une obligation de quitter le territoire français a été notifiée à la personne retenue. Par la suite, des décisions ont été prises pour prolonger sa rétention administrative, d’abord pour une durée de vingt-six jours, puis pour trente jours supplémentaires, en raison de l’absence de documents d’identité valides et des démarches entreprises par la préfecture pour obtenir un laissez-passer.

Recevabilité de la requête

La requête de l’autorité administrative a été jugée recevable, car elle était motivée, datée, signée et accompagnée des pièces justificatives nécessaires. La personne retenue a été informée de ses droits tout au long de la procédure.

Régularité de la procédure

L’examen des pièces a confirmé que la procédure était régulière. La personne retenue a été informée de ses droits et a eu la possibilité de les faire valoir depuis son placement en rétention.

Prolongation de la rétention

Le juge a examiné les conditions de prolongation de la rétention administrative. Bien que l’autorité préfectorale ait effectué des démarches pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement, il a été constaté qu’aucune réponse n’avait été reçue des autorités guinéennes. De plus, la présence de la personne retenue sur le territoire n’a pas été jugée comme une menace pour l’ordre public, en l’absence de condamnation pénale.

Conclusion de la décision

En conséquence, le juge a décidé de ne pas prolonger la rétention administrative de la personne retenue. La requête de la préfecture a été déclarée recevable, mais la prolongation exceptionnelle de la rétention a été rejetée. Le juge a rappelé à la personne retenue son obligation de quitter le territoire français et les conséquences d’un maintien irrégulier sur le territoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative d’un étranger est régie par l’article L. 741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet. »

Ainsi, la rétention ne peut être prolongée que si elle est justifiée par des raisons précises et si l’administration démontre qu’elle a agi avec diligence pour organiser le départ de l’étranger.

Il est également précisé dans l’article L. 742-5 du CESEDA que, lorsque le délai de la deuxième prolongation est écoulé, le juge peut, à titre exceptionnel, être saisi pour renouveler la rétention administrative pour une durée maximale de 15 jours, sous certaines conditions.

Ces conditions incluent notamment :

– L’obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement par l’étranger.
– La présentation d’une demande de protection ou d’asile dans le but de faire échec à la mesure d’éloignement.
– L’absence de délivrance des documents de voyage par le consulat compétent.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention ?

L’article L. 741-3 du CESEDA impose à l’administration une obligation de diligence dans le cadre de la rétention administrative. Cela signifie que l’administration doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le départ de l’étranger dans les meilleurs délais.

De plus, l’article L. 742-5 précise que, pour prolonger la rétention, l’administration doit démontrer qu’il existe des circonstances particulières justifiant cette prolongation. Cela inclut la nécessité d’obtenir des documents de voyage, ce qui doit être établi par l’autorité administrative compétente.

Il est également important de noter que l’article L. 824-3 du CESEDA rappelle que tout étranger qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français après avoir fait l’objet d’une mesure de rétention peut être puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 €.

Comment le juge évalue-t-il la menace pour l’ordre public dans le cadre de la rétention ?

La question de la menace pour l’ordre public est abordée dans le cadre de l’appréciation des conditions de prolongation de la rétention administrative. Bien que l’absence de condamnation pénale ne soit pas un obstacle à la caractérisation d’une menace pour l’ordre public, il est nécessaire que cette menace soit fondée sur des éléments concrets.

Le juge doit évaluer la situation en tenant compte du comportement global de l’étranger, en utilisant la technique du « faisceau d’indices ». Cela signifie que le juge doit examiner l’ensemble des éléments de preuve présentés, y compris les relevés administratifs et les faits délictueux allégués.

Dans le cas présent, la production de relevés administratifs sans les procédures afférentes ne permet pas de caractériser une menace pour l’ordre public. De plus, la détention d’un objet tel qu’un couteau suisse, qui a été remis et détruit, ne constitue pas en soi une menace suffisante pour justifier la prolongation de la rétention.

Quelles sont les conséquences d’une décision de non-prolongation de la rétention administrative ?

La décision de non-prolongation de la rétention administrative a des conséquences directes sur la situation de l’étranger concerné. En vertu de l’article L. 742-5 du CESEDA, si les critères pour la prolongation ne sont pas remplis, la rétention ne peut pas être maintenue.

Dans ce cas, l’autorité administrative doit alors envisager d’autres mesures, telles que la mise en liberté de l’étranger. Cela signifie que l’étranger ne peut plus être maintenu en rétention et qu’il doit être informé de ses droits et obligations, notamment en ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français, comme le stipule l’article L. 742-10 du CESEDA.

En résumé, la décision de non-prolongation de la rétention administrative entraîne la libération de l’étranger, sauf si d’autres mesures légales sont mises en œuvre pour assurer son éloignement.

COUR D’APPEL
de LYON

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

N° RG 25/00443 – N° Portalis DB2H-W-B7J-2KQO

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE TROISIEME DEMANDE DE PROLONGATION D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

Le 06 février 2025 à 15 heures 20

Nous, Sophie TARIN, Juge de LYON, assistée de Ingrid JENDRZEJAK, greffier.

Vu la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 ;

Vu le décret d’application n°2018-1159 du 14 décembre 2018 ;

Vu les anciens articles L. 552-1, L. 552-2, L. 552-7, et R. 552-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu les articles L. 742-1 à L. 742-10 et notamment les articles L. 742-1, L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6, L. 742-7, les articles L. 743-3 à L. 743-18 et notamment les articles L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, les articles L. 743-19, L. 743-20, L. 743-24, L. 743-25, et R. 743-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu la décision de placement en rétention de l’autorité administrative prise le 08 décembre 2024 par PREFECTURE DE L’ISERE à l’encontre de [V] [N] ;

Vu l’ordonnance rendue le 12 décembre 2024 par le juge du tribunal judiciaire de LYON prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours ;

Vu l’ordonnance rendue le 7 janvier 2025 par le juge du tribunal judiciaire de LYON prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours ;

Vu la requête de l’autorité administrative en date du 05 Février 2025 reçue et enregistrée le 05 Février 2025 à 14 heures 09 (cf. timbre du greffe) tendant à la prolongation exceptionnelle de la rétention de [V] [N] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée supplémentaire de quinze jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 741-3 du CESEDA émargé par l’intéressé;

PARTIES

PREFECTURE DE L’ISERE préalablement avisé, représenté par Me Morgane MORISSON-CARDINAUD, avocat au barreau de LYON, substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,,

[V] [N]
né le 16 Janvier 1999 à [Localité 1] (GUINEE)
préalablement avisé,
actuellement maintenu, en rétention administrative
présent à l’audience, assisté de son conseil Me Nadir OUCHIA, avocat au barreau de LYON, de permanence,

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE n’est ni présent ni représenté,

DEROULEMENT DES DEBATS

A l’audience publique, le juge a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

Me Morgane MORISSON-CARDINAUD, représentant le préfet a été entendu en sa plaidoirie ;

[V] [N] a été entendu en ses explications ;

Me Nadir OUCHIA, avocat au barreau de LYON, avocat de [V] [N], a été entendu en sa plaidoirie ;

MOTIFS DE LA DECISION

Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour d’un an a été notifiée à [V] [N] le 27 octobre 2024.

Par décision en date du 08 décembre 2024 notifiée le 08 décembre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [V] [N] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 08 décembre 2024.

Par décision en date du 12 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de LYON a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [V] [N] pour une durée maximale de vingt-six jours.

Par décision en date du 7 janvier 2025 , confirmée en appel, le juge du tribunal judiciaire de LYON a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [V] [N] pour une durée maximale de trente jours.

Par requête en date du 05 Février 2025, reçue le 05 Février 2025, l’autorité administrative nous a saisi aux fins de voir ordonner la prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

RECEVABILITE DE LA REQUETE

La requête de l’autorité administrative est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles dont la copie du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA.

REGULARITE DE LA PROCEDURE

Il ressort de l’examen des pièces jointes à la requête et des mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA que la personne retenue, pleinement informée de ses droits lors la notification de son placement, n’a cessé d’être placée en état de les faire valoir depuis son arrivée au lieu de rétention.

PROLONGATION DE LA RETENTION

Il résulte de l’article L. 741-3 du CESEDA qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.
Par ailleurs, au terme des dispositions de l’article L. 742-5 du CESEDA, quand le délai de la 2ème prolongation s’est écoulé, le juge peut, à titre exceptionnel, être à nouveau saisi et peut renouveler la rétention administrative pour une durée maximale de 15 jours, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
– l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement
– l’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection ou une demande d’asile
– la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
Sur l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement à bref délai :
il ressort de l’analyse des pièces de la procédure, et notamment de la requête en prolongation formalisée par l’autorité administrative :

que [V] [N] n’a pas remis de document d’identité ou de voyage en cours de validité mais se déclare de nationalité guinéenne, de sorte que la préfecture de l’Isère a sollicité les autorités de ce pays dès le 11 décembre 2024 en vue de son identification et de la délivrance d’un laissez-passer et saisi en parallèle l’UCI aux mêmes fins,

que l’autorité préfectorale a ensuite adressé des relances les 20 décembre 2024, 27 décembre 2024, le 6 janvier le 14 janvier et le 22 janvier 2025 à l’UCI pour connaître l’état d’avancement de sa demande auprès des autorités guinéennes.
– que l’unité centrale d’identification répondait par mail du 03 février 2025 qu’il n’avait aucun retour des autorités guinéennes.
Ainsi malgré les diligences, le dynamisme et la bonne foi non contestés des services de la préfecture qui ont saisi les autorités consulaires et procédé aux relances utiles, il y a lieu de constater qu’à défaut d’établir que la délivrance de documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, doit intervenir à bref délai, puisque d’une part le consulat de Guinée n’a apporté aucune réponse à ce jour, d’autre part, le préfet ne fait valoir aucune circonstance particulière qui permettrait à la juridiction d’être informée sur les délais et conditions de délivrance d’un laissez-passer, l’administration se peut se fonder sur le 3ième de l’article 742-5 du code précité pour solliciter un troisième prolongation de rétention.
En l’état des diligences décrites ci-dessus, dont la réalité n’est nullement contestée par l’intéressé, il y a lieu de retenir que l’autorité administrative a réalisé les démarches nécessaires en vue de permettre l’exécution de la mesure d’éloignement et qu’elle établit ainsi la délivrance à bref délai d’un laissé passez consulaire
Sur l’existence d’une menace pour l’ordre public :
Monsieur [V] [N] conteste que sa présence sur le territoire national puisse constituer une menace pour l’ordre public en ce qu’aucune condamnation n’a été prononcée à son encontre.

Si l’absence de condamnation pénale n’exclue pas la caractérisation d’une menace pour l’ordre public, laquelle procède d’une logique préventive, la réalité de cette menace doit répondre a minima aux critères de réalité et d’actualité que le juge apprécie au regard du comportement global de l’intéressé. C’est une appréciation in concreto selon la technique du « faisceau d’indices ».

En l’espèce la production de relevés administratifs mentionnant la mise en cause de Monsieur [V] [N] au titre de différents faits délictueux, sans la remise des procédures afférentes, ne permet pas de caractériser un telle menace.

Pareillement la procédure à l’origine de l’interpellation de monsieur [M] [G] n’est pas de nature à considérer la présence de ce dernier sur le territoire national comme une menace pour l’ordre public, s’agissant de la détention par l’intéressé d’un couteau suisse, multifonction, remis spontanément et détruit depuis sur instruction du procureur de la République.

Il s’agit donc d’une erreur manifeste d’appréciation commise au regard de la menace pour l’ordre public, laquelle n’est pas de nature à entacher la régularité de la procédure, la rétention étant justifiée par les diligences nécessaires pour permettre la reconduction de l’intéressé en Algérie.
Il en résulte que le moyen tiré de l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement diligences ainsi que la prétention qui lui est associée tendent uniquement à solliciter une mise en liberté et à obtenir de manière claire la mainlevée de la rétention administrative ce qui relève manifestement des prévisions de l’article L. 742-5 alinéa 3 du CESEDA.
Il convient en conséquence de considérer que les éléments invoqués par [V] [N] ne permettent pas de justifier qu’il soit mis à sa rétention administrative tandis qu’il ne fait état d’aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait depuis son placement en rétention.
Qu’en conséquence, les critères des dispositions de l’article L 742-5 du CESEDA ne sont pas remplis de sorte que la rétention administrative de [V] [N] ne peut pas être prolongée et que la requête en date du 05 Février 2025 de PREFECTURE DE L’ISERE en prolongation exceptionnelle de la rétention administrative à l’égard de [V] [N] doit être rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à dispositon au greffe, après audience publique, en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire ;

DECLARONS la requête en prolongation de la rétention administrative du préfet du PREFECTURE DE L’ISERE à l’égard de [V] [N] recevable ;

DÉCLARONS la procédure diligentée à l’encontre de [V] [N] régulière ;

DISONS N’Y AVOIR LIEU À LA PROLONGATION EXCEPTIONNELLE du maintien en rétention de [V] [N] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

INFORMONS en application de l’article L. 824-3 du CESEDA, que tout étranger qui, faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, d’une obligation de quitter le territoire français, d’une interdiction administrative ou judiciaire du territoire, se sera maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement, sera puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

RAPPELONS que l’intéressé a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 742-10 du CESEDA.

LE GREFFIER LE JUGE


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