L’Essentiel : Le 24 juillet 2017, un patient se rend à la clinique pour une blessure au pied droit causée par un tesson de bouteille. Après une première consultation, une radiographie ne révèle pas de corps étranger, et il rentre chez lui. Cependant, des douleurs apparaissent, et une échographie montre la présence d’un corps étranger. Le patient subit deux opérations et est en arrêt de travail. Estimant avoir été mal diagnostiqué, il informe le médecin de son intention d’engager sa responsabilité. Faute d’accord amiable, une expertise est demandée et ordonnée par le tribunal. Le patient réclame une indemnisation pour divers préjudices.
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LES FAITS CONSTANTSLe 24 juillet 2017, Monsieur [E] [T] se rend à la clinique [Adresse 7] pour une blessure au pied droit causée par un tesson de bouteille. Après une première consultation, une radiographie ne révèle pas de corps étranger, et il rentre chez lui. Cependant, des douleurs apparaissent, et une échographie effectuée le 12 septembre 2017 montre la présence d’un corps étranger. Monsieur [T] subit deux opérations, le 28 septembre et le 20 octobre 2017, et est en arrêt de travail jusqu’au 19 novembre 2017. Estimant avoir été mal diagnostiqué, il informe le Docteur [F] de son intention d’engager sa responsabilité, ce dernier étant assuré par LA MEDICALE DE FRANCE. Faute d’accord amiable, une expertise est demandée et ordonnée par le tribunal. LA PROCEDUREMonsieur [E] [T] assigne le Docteur [R] [F], LA MEDICALE DE FRANCE et la CPAM de Moselle devant le Tribunal judiciaire de Metz par actes d’huissier signifiés en juin et juillet 2023. Les parties constituent avocat, et la CPAM de Meurthe-et-Moselle intervient volontairement. L’ordonnance de clôture est rendue le 11 octobre 2024, et l’affaire est mise en délibéré pour le 6 février 2025. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIESMonsieur [E] [T] demande la reconnaissance de la responsabilité du Docteur [R] [F] pour sa prise en charge du 24 juillet 2017, ainsi qu’une expertise médicale. Il réclame également une indemnisation totale de 70.286,11 € pour divers préjudices. Il soutient que le Docteur [F] n’a pas correctement analysé la radiographie et aurait dû privilégier une échographie. La CPAM de Meurthe-et-Moselle demande le remboursement de prestations versées à Monsieur [T] et la garantie de LA MEDICALE DE FRANCE. En réponse, le Docteur [R] [F] et LA MEDICALE DE FRANCE contestent la responsabilité et demandent le rejet des demandes de Monsieur [T]. DECISION DU TRIBUNALLe tribunal déclare le Docteur [R] [F] responsable d’une erreur de diagnostic, mais déboute Monsieur [E] [T] de la plupart de ses demandes d’indemnisation. Il condamne le Docteur [R] [F] à verser 4.162,50 € à Monsieur [T] pour les dommages causés par l’erreur de diagnostic. La SA LA MEDICALE DE FRANCE est condamnée à garantir le Docteur [R] [F] pour cette condamnation. Le tribunal rejette également les demandes de la CPAM et des défendeurs au titre des frais d’expertise et des articles 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de motivation du jugement selon le Code de procédure civile ?Selon l’article 455 du Code de procédure civile, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. » Cette disposition impose au juge de justifier sa décision en exposant les arguments des parties, ce qui garantit la transparence et le respect du droit à un procès équitable. De plus, l’article 768 alinéa 3 précise que « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. » Cela signifie que les parties doivent s’assurer que leurs arguments sont clairement formulés et maintenus tout au long de la procédure, sous peine de les voir considérés comme abandonnés. Quelles sont les conditions de la responsabilité médicale selon le Code de la santé publique ?L’article L1142-1 du Code de la santé publique stipule que « Toute personne qui, par son fait, cause un dommage à autrui, est tenue de le réparer. » Dans le cadre de la responsabilité médicale, cela implique que le professionnel de santé doit respecter une obligation de moyens, c’est-à-dire qu’il doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité et la santé de son patient. En cas de manquement à cette obligation, comme dans le cas d’une erreur de diagnostic, le professionnel peut être tenu responsable des conséquences dommageables qui en résultent. Il est donc essentiel de prouver que l’erreur commise a directement causé un préjudice au patient pour engager la responsabilité du médecin. Quels sont les droits de la victime en matière d’indemnisation des préjudices corporels ?La victime d’une erreur médicale a le droit de demander réparation pour l’ensemble des préjudices subis, conformément aux principes généraux de la responsabilité civile. Cela inclut les dépenses de santé actuelles et futures, les pertes de gains professionnels, ainsi que les préjudices moraux tels que la souffrance endurée, le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément. Le tribunal doit évaluer chaque poste de préjudice et déterminer le montant de l’indemnisation en fonction des éléments de preuve fournis par la victime. Il est également important de noter que l’article 1240 du Code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, impose que le préjudice soit certain et direct pour être indemnisé. Ainsi, la victime doit établir un lien de causalité entre l’erreur médicale et les préjudices subis pour obtenir une indemnisation complète. Quelles sont les conséquences de l’absence de diagnostic dans le cadre de la responsabilité médicale ?L’absence de diagnostic, comme celle constatée dans le cas de la présence de fragments de verre dans le pied d’un patient, peut engager la responsabilité du médecin. En effet, si le professionnel de santé n’a pas détecté une condition médicale qui aurait dû être identifiée, cela peut être considéré comme une faute dans l’exercice de ses fonctions. Cette faute peut entraîner des conséquences graves pour le patient, notamment des interventions chirurgicales supplémentaires et des complications de santé. Dans ce contexte, l’article L1142-1 du Code de la santé publique est particulièrement pertinent, car il établit que la responsabilité du médecin peut être engagée pour les dommages causés par son inaction ou son erreur. Il est donc crucial pour la victime de prouver que l’absence de diagnostic a directement conduit à des préjudices supplémentaires pour obtenir réparation. Comment se déroule la procédure d’expertise médicale dans le cadre d’un litige ?La procédure d’expertise médicale est un élément clé dans les litiges relatifs à la responsabilité médicale. Elle est généralement ordonnée par le tribunal pour évaluer les faits et déterminer si la prise en charge médicale a été conforme aux standards de soins. L’article 12 du Code de procédure civile permet au juge de désigner un expert pour éclairer la juridiction sur des points techniques. L’expert doit alors examiner le patient, analyser les documents médicaux et rédiger un rapport qui sera soumis au tribunal. Ce rapport est essentiel pour établir la responsabilité du médecin et évaluer les préjudices subis par la victime. Il est important de noter que les parties peuvent contester le rapport d’expertise et demander une contre-expertise si elles estiment que l’évaluation n’est pas satisfaisante. Ainsi, la procédure d’expertise médicale est un processus rigoureux qui vise à garantir une évaluation juste et équitable des faits. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
N° de RG : 2023/01801
N° Portalis DBZJ-W-B7H-KEKH
JUGEMENT DU 06 FEVRIER 2025
I PARTIES
DEMANDEUR :
Monsieur [E] [T], né le [Date naissance 5] 1994 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Charlotte CORDEBAR de l’ASSOCIATION CORDEBAR-RUMBACH, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B103
DÉFENDEURS :
LA S.A. LA MÉDICALE DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 1]
Monsieur Le Docteur [R] [F], né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 8], domicilié à l’Hôpital Clinique [Adresse 7] – [Adresse 7]
représentés par Maître Hélène SOMLAI-JUNG, avocat postulant au barreau de METZ, vestiaire : B504, et par Maître Marie-Aline LARERE de la SCP AUBRUN- AUBRY-LARERE, avocat plaidant au barreau de NANCY,
APPELEE EN DECLARATION DE JUGEMENT COMMUN :
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 4]
défaillante
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE, Pôle Service Recours contre les Tiers, prise en la personne de son représentant légal, sise [Adresse 6]
représentée par Maître Charlotte CORDEBAR de l’ASSOCIATION CORDEBAR-RUMBACH, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B103
II COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Cécile GASNIER, Juge, statuant à Juge Unique sans opposition des avocats des parties représentées
Greffier : Caroline LOMONT
Après audition le 21 novembre 2024 des avocats des parties représentées
Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. » Selon les dispositions de l’article 768 alinéa 3 « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »
1°) LES FAITS CONSTANTS
Le 24 juillet 2017, Monsieur [E] [T] s’est présenté au service d’accueil des urgences de la clinique [Adresse 7] à [Localité 8] pour une blessure à la face plantaire du pied droit survenue après avoir marché sur un tesson de bouteille.
Monsieur [T] a été pris en charge par le Docteur [F] qui a prescrit une radiographie pour recherche d’un corps étranger qui n’a pas révélé de corps étranger, de sorte que Monsieur [T] est rentré chez lui.
Des douleurs étant apparues dans les jours suivants le retour au domicile, Monsieur [T] a consulté de nouveau et il résulte de l’échographie réalisée le 12 septembre 2017 la présence d’un corps étranger dans le pied.
Monsieur [T] a été opéré le 28 septembre 2017 par le Docteur [K] à la clinique [Adresse 7] puis à nouveau le 20 octobre 2017. Il a été en arrêt de travail du 28 septembre 2017 au 19 novembre 2017.
Estimant avoir été victime d’une erreur de diagnostic et d’un défaut de prise en charge adéquate le 24 juillet 2017, Monsieur [T] par l’intermédiaire de son conseil, a indiqué au Docteur [R] [F] qu’il entendait engager sa responsabilité et lui a demandé de lui indiquer les coordonnées de son assureur responsabilité civile. Le Docteur [F] l’a alors informé être assuré auprès de la compagnie LA MEDICALE DE FRANCE.
A défaut de solution amiable, Monsieur [T] a sollicité une expertise en référé. Par ordonnance du 21 mai 2019 (RG 19/00134), le Président du Tribunal de Grande Instance de Metz a fait droit à sa demande et a confié la réalisation d’une expertise médicale au Docteur [W].
Suite au rendu de son rapport par l’expert judiciaire, Monsieur [E] [T] a introduit la présente instance.
2°) LA PROCEDURE
Par actes d’huissier de justice signifiés les 19 et 29 juin 2023 ainsi que le 6 juillet 2023 et déposés au greffe de la juridiction par voie électronique le 13 juillet 2023, Monsieur [E] [T] a constitué avocat et a assigné le Docteur [R] [F], la S.A. LA MEDICALE DE FRANCE et la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE (CPAM MOSELLE) devant la Première chambre civile du Tribunal judiciaire de METZ.
La S.A. LA MEDICALE DE FRANCE et le Docteur [R] [F] ont constitué avocat par acte notifié par RPVA le 20 juillet 2023.
Par acte notifié au RPVA le 13 septembre 2023, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE (CPAM MEURTHE ET MOSELLE) a constitué avocat et est intervenue volontairement à l’instance aux cotés de Monsieur [E] [T].
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE (CPAM MOSELLE) n’a pas constitué avocat. Il résulte de l’acte de signification que celui-ci a été remis à une personne habilitée à recevoir l’acte.
La présente décision est réputée contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 novembre 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré au 6 février 2025 par mise à disposition au greffe.
3°) PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon les termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 4 avril 2024, Monsieur [E] [T] demande au tribunal au visa de l’article L1142-1 du Code de la Sante Publique ainsi que des articles 12 et 232 et suivants du code de procédure civile, de :
– Dire et juger la demande de Monsieur [E] [T] recevable et bien fondée ;
– Dire et juger que la responsabilité civile professionnelle du Docteur [R] [F] est engagée envers Monsieur [E] [T] suite à sa prise en charge fautive du 24 juillet 2017 dans le service des urgences de la Société par Actions Simplifiée « HOPITAL CLINIQUE [Adresse 7] »;
– Dire et juger le Docteur [R] [F] seul et entièrement responsable des conséquences dommageables subies par Monsieur [E] [T] suite a sa prise en charge fautive du 24 juillet 2017 dans le service des urgences de la Société par Actions Simplifiées « HOPITAL CLINIQUE [Adresse 7] » ;
A titre principal, avant dire droit :
– ORDONNER une expertise médicale confiée à tel Expert près la Cour d’Appel de METZ qu’il plaira à la juridiction de céans de désigner selon mission précisée au dispositif ;
Au fond,
– Réserver les droits de Monsieur [E] [T] quant au chiffrage de l’indemnisation de son préjudice corporel découlant de sa prise en charge par le Docteur [F] le 24 juillet 2017, après dépôt du rapport d’expertise à intervenir.
A titre subsidiaire,
– Condamner le Docteur [R] [F] à payer à Monsieur [E] [T] les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir :
dépenses de sante actuelles : 283,57 €
frais divers : 2673,49 €
PGPA : 12.190,50 €
1/3 personne temporaire : 5.148 €
incidence professionnelle : 8.000 €
dépenses de santé futures : 6.337,75 €
déficit fonctionnel temporaire : 3.052,80 €
souffrances endurées : 10.000 €
préjudice esthétique temporaire : 2.000 €
préjudice esthétique permanent : 2.000 €
préjudice sexuel : 5.000 €
déficit fonctionnel permanent ; 6.600€
préjudice d’agrément : 7.000€
TOTAL DU : 70.286,11 €
– Condamner le Docteur [R] [F] à payer à Monsieur [E] [T] la somme de 1.466 euros au titre des frais d’expertise de l’instance en référé ;
En tout état de cause,
– Dire et juger le jugement à intervenir opposable à la société anonyme « LA MEDICALE DE France », prise en la personne de son représentant légal ; – Condamner la société anonyme « LA MEDICALE DE France », prise en la personne de son représentant légal, à garantir l’ensemble des condamnations à intervenir à l’encontre de son assuré le Docteur [R] [F] ;
– Déclarer commun à la CPAM de la MOSELLE le jugement à intervenir ;
– Condamner le Docteur [R] [F] à payer à Monsieur [E] [T] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner le Docteur [R] [F] aux entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux de la procédure de référé RG 19/00134 ;
– Prononcer l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [E] [T] fait valoir :
– que la responsabilité du Docteur [F] est engagée envers lui sur le fondement de l’article L1142-1 du code de la santé publique en ce qu’il n’a pas analysé correctement le cliché résultant de la radiographie pratiquée le 24 juillet 2017, sur lequel le morceau de verre était visible ; qu’en outre et en tout état de cause, le Docteur [F] aurait dû privilégier une échographie du pied pour réaliser son diagnostic ; qu’ainsi, sans cette erreur de diagnostic, Monsieur [T] n’aurait pas eu à subir les deux interventions subséquentes et déploré un important préjudice corporel au pied droit avec une lésion irréversible du long fléchisseur de l’hallux ; que c’est parce que les morceaux de verre n’ont pas été retirés immédiatement du pied de M. [T] qu’ils se sont enfoncés plus profondément et que les lésions irréversibles sont survenues ;
– sur la demande de contre-expertise, que le rapport d’expertise du Docteur [W] est critiquable en ce qu’il limite la responsabilité du docteur [F] qui est pourtant pleinement engagée ; qu’en outre, certaines doléances de M. [F] n’ont pas été retenues par l’expert et la discussion médico-légale est carencée ; que le Docteur [W] n’a pas pris en compte les conclusions du Docteur [K] quant à l’existence d’une difficulté à la flexion plantaire ; qu’en outre, il résulte de l’avis du Docteur [Y] que si les morceaux de verre ont pénétré en profondeur, entraînant une lésion du tendon et cette difficulté à la flexion plantaire, c’est uniquement du fait de la mauvaise prise en charge par le Docteur [F] le 24 juillet 2017 ; qu’ainsi, la responsabilité médicale du Docteur [F] ne saurait s’arrêter à septembre 2017 puisqu’il est responsable de l’intégralité des désagréments et autres aggravations et interventions subies par M. [T] ; que, par ailleurs, les quantums des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux retenus par l’expert méritent d’être réévalués ; que la date de consolidation a été fixée arbitrairement et que des postes de préjudices ont été oubliés ;
– à titre subsidiaire, sur le chiffrage du préjudice corporel de Monsieur [T], que la date de consolidation a été fixée arbitrairement au 19 décembre 2017 alors que le Docteur [Y] la fixe au 9 septembre 2019 ; que sont ainsi à inclure dans l’indemnisation les mois durant lesquels M. [T] a subi 2 interventions ainsi que la période de convalescence jusqu’à consolidation.
Pour le détail des prétentions relatives au chiffrage de chacun des postes de préjudice, le Tribunal renvoie, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions sus-visées.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 13 septembre 2023, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE (CPAM MEURTHE ET MOSELLE) demande au tribunal au visa des articles 12 et 328 et suivants du code de procédure civile ainsi que de l’article L376-1 du Code de la Sécurité Sociale, de :
– Recevoir la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE, Pôle Service Recours contre les Tiers, prise en la personne de son représentant légal, en son intervention volontaire.
– La déclarer bien fondée.
En conséquence,
– Condamner le Docteur [R] [F] à payer à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE, Pôle Service Recours contre les Tiers, prise en la personne de son représentant légal, les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir :
prestations et débours : 4.954,68 euros
indemnité forfaitaire de gestion : 1.162 euros
– Dire et juger le jugement à intervenir opposable à la société anonyme « LA MEDICALE DE France », prise en la personne de son représentant légal.
– Condamner la société anonyme « LA MEDICALE DE France », prise en la personne de son représentant légal, à garantir l’ensemble des condamnations à intervenir à l’encontre de son assuré le Docteur [R] [F] ;
– Condamner le Docteur [R] [F] à payer la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MEURTHE-ET-MOSELLE, Pôle Service Recours contre les Tiers, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner le Docteur [R] [F] aux entiers frais et dépens de la procédure ;
– Prononcer l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.
A l’appui de ses prétentions, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE (CPAM MEURTHE ET MOSELLE) indique :
– qu’elle agit à l’encontre du Docteur [R] [F] en application de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale ; que selon décompte versé aux débats, la CPAM a servi les prestations suivantes à M. [T] ou pour son compte, en rapport direct et certain avec l’accident médical dont il a été victime : 2 111,40 euros au titre des dépense de santé actuelles, 857,50 euros au titre des indemnités journalières versées du 29 septembre 2017 au 19 novembre 2017, 98,44 euros de frais échus et 1887,34 euros de frais à échoir à compter de 2020 au titre des dépenses de santé futures, soit 4954,68 euros ; qu’outre cette somme, elle sollicite le paiement de la somme de 1162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ; que la SA « LA MEDICALE DE FRANCE » garantira les condamnations mises à la charge de son assuré le Docteur [F].
Par des conclusions notifiées au RPVA le 9 septembre 2024, qui sont leurs dernières conclusions, la S.A. LA MEDICALE DE FRANCE et le Docteur [R] [F] demandent au tribunal au visa de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique et de l’article 1240 du code civil, de :
– RECEVOIR Monsieur [E] [T] en son action mais le déclarer mal fondé,
A TITRE PRINCIPAL,
– JUGER que le docteur [R] [F] a satisfait à son obligation de moyens dans sa prise en charge de Monsieur [E] [T] à l’Hôpital Clinique [Adresse 7] le 24 juillet 2017 ;
– DEBOUTER Monsieur [E] [T] de toutes ses demandes fins et prétentions ;
SUBSIDIAIREMENT,
– JUGER n’y avoir lieu à contre-expertise ;
– DEBOUTER Monsieur [E] [T] de sa demande à ce titre,
Si la juridiction de céans devait retenir la responsabilité du docteur [R] [F] dans la prise en charge de Monsieur [E] [T] aux services des urgences de l’Hôpital Clinique [Adresse 7] le 24 juillet 2017,
– LIMITER cette responsabilité à l’omission de l’existence de fragments de verre dans le pied ;
– LIMITER l’indemnisation au poste de préjudice des souffrances endurées a hauteur de 1/7 ;
– JUGER l’offre d’indemnisation de 1 500 € satisfactoire ;
En tout état de cause,
– JUGER qu’il n’existe pas de lien de causalité certain et direct entre l’absence de diagnostic de l’existence de fragments de verre dans le pied le 24 juillet 2017 et les opérations chirurgicales subséquentes,
– DEBOUTER Monsieur [E] [T] de toutes ses demandes, fins et prétentions.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, si la juridiction de céans estimait qu’il existe un lien de causalité entre l’absence de diagnostic de présence de fragments de verre dans le pied et les opérations chirurgicales subséquentes,
– REDUIRE à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de Monsieur [E] [T] ;
– REJETER les demandes au titre du préjudice esthétique définitif, du préjudice sexuel, de l’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel, de l’assistance de tierce personne et faute de justificatifs les demandes de dépenses de santé actuelles et les dépenses de santé futures ;
– DEBOUTER Monsieur [E] [T] de toutes demandes fins et prétentions qui seraient contraires aux présentes ;
Vu la créance produite par la CPAM,
– JUGER que plusieurs postes de dépenses sont également réclamées par Monsieur [T] qui en sera débouté (frais de consultations, de radiologie, de semelles orthopédiques) ;
– JUGER n’y avoir lieu à imputer les indemnités journalières au Docteur [F], celles-ci étant liées exclusivement à l’accident;
– REJETER la demande de la CPAM au titre des frais irrépétibles;
– CONDAMNER Monsieur [E] [T] à verser à Monsieur le docteur [R] [F] et à LA MEDICALE, une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile à raison des frais irrépétibles qu’ils ont dû engager pour faire valoir leurs droits à la présente instance ;
– CONDAMNER Monsieur [E] [T] aux entiers dépens comprenant le coût de l’expertise du docteur [X] [W].
En défense, la S.A. LA MEDICALE DE FRANCE et le Docteur [R] [F] répliquent :
– que le compte rendu du radiologue, le Docteur [S], concluant ainsi « absence de corps étranger radio-opaque visible ; absence de séquelle osseuse traumatique », le Docteur [F] avait, le 24 juillet 2017, réalisé une fermeture de la plaie de quelques millimètres par colle chirurgicale et laissé le patient rentrer à domicile ;
– que l’expert judiciaire conclut à une négligence qu’il impute au Docteur [F] de ne pas avoir remarqué la présence d’un corps étranger sous la plaie, entraînant un surcroît de douleurs qu’il évalue à 1/7 entre le 24 juillet 2017 et le 3 septembre 2017 ; qu’en revanche, l’expert estime que la détection plus tôt des fragments de corps étrangers n’aurait pas évité l’intervention, ni la rupture du tendon long fléchisseur du hallux, de sorte que le traitement aurait été le même ;
– que sur le fondement de l’article L 1142-1 du code de la santé publique et de l’article 1240 du code civil, la mise en œuvre de la responsabilité du médecin suppose l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité certain et direct entre les deux, étant précisé qu’un médecin n’est tenu qu’à une obligation de moyen ; qu’en l’espèce, le Docteur [F] a mis en œuvre des moyens adaptés au cas de M. [T] et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir détecté un corps étranger alors même que le radiologue, spécialiste de la lecture des images, ne l’a pas constaté ; que cette absence de détection est due à la localisation en profondeur et à la fragmentation du corps étranger ; qu’en outre, rien ne justifiait de prescrire des examens complémentaires puisque la radiographie ne laissait apparaître aucun corps étranger ;
– que, par ailleurs, le demandeur ne démontre pas que la faute alléguée du Docteur [F] est en lien avec sa double intervention chirurgicale ; qu’en effet, l’expert judiciaire indique clairement que l’intervention pour retirer le corps étranger aurait été indispensable dans tous les cas même si ce corps avait été détecté dès le 24 juillet 2017 ;
– sur la demande de contre-expertise, que les affirmations du Docteur [Y], médecin conseil du demandeur, ne s’appuient sur aucun élément de littérature ; qu’ainsi, contrairement à ce qu’elle affirme, en médecine d’urgence, la recherche d’un corps étranger pénétrant nécessite en première intention des radiographies standards, la systématisation de l’échographie ne faisant donc pas consensus ;
– à titre subsidiaire, sur les demandes indemnitaires, que seules les souffrances endurées entre le 24 juillet 2017 et le 3 septembre 2017 au taux de 1/7 sont imputables au Docteur [F] au titre d’une négligence d’après l’expert judiciaire ; qu’ainsi tous les autres postes de préjudices sont à rattacher à l’accident en lui-même et non à la prise en charge du Docteur [F] ; que la date de consolidation au 19 décembre 2017 retenue par l’expert judiciaire doit être entérinée, cette date correspondant à la dernière consultation de M. [T] chez le chirurgien orthopédiste qui retient que M. [T] va bien et qu’il n’est donc pas prévu de le revoir ;
– sur la créance de la CPAM, que les frais visés sont la conséquence de l’accident et n’ont pas de lien avec l’absence de diagnostic de la présence d’un corps étranger dans la plaie ; à titre subsidiaire, que certaines demandes sont aussi visées par M. [T], de sorte que cela amènerait à une double indemnisation.
Pour le détail des prétentions relatives au chiffrage de chacun des postes de préjudice, le Tribunal renvoie, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions sus-visées.
IV MOTIVATION DU JUGEMENT
A titre liminaire, il convient de constater l’intervention volontaire de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE par acte notifié par RVPA le 13 septembre 2023 et de déclarer cette intervention volontaire recevable.
Par ailleurs, il sera souligné que dans son dispositif, M. [T] sollicite d’abord du tribunal qu’il statue sur la responsabilité du docteur [F] mais forme ensuite et à titre principal une demande de contre-expertise avec pour mission, outre l’évaluation des préjudices, de se prononcer sur cette responsabilité.
Il convient donc, pour répondre de façon cohérente aux demandes de M. [T] de traiter d’abord la demande de contre-expertise puis dans un second temps, si le Tribunal s’estime suffisamment informé par l’expertise judiciaire, la responsabilité du docteur [F] et les demandes indemnitaires qui en découlent.
1°) SUR LA DEMANDE DE CONTRE-EXPERTISE
En application de l’article 232 du code de procédure civile, « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien ».
Dans le cadre du présent litige, une expertise judiciaire a d’ores et déjà été ordonnée en référé et confiée au Docteur [W] qui a rendu son rapport en date du 30 décembre 2019.
Cependant, le demandeur reproche à l’expert judiciaire d’avoir limité la responsabilité du Docteur [F] et de ne pas avoir retenu ou d’avoir réduit les doléances de M. [T] notamment quant aux conséquences des douleurs subies du fait de la présence de morceaux de verre dans son pied. Monsieur [T] appuie sa demande de contre-expertise sur sa pièce n°28, à savoir un dire de son médecin conseil, le Docteur [Y] en date du 18 décembre 2019.
En l’espèce, il résulte de la lecture du rapport d’expertise judiciaire que l’expert judiciaire a procédé à un rappel des faits clair, complet et objectif. Par la suite, il a listé tous les documents communiqués par les parties aux fins d’étude et a bien pris en note les plaintes et doléances de M. [T]. Il apparaît que l’examen clinique a été mené avec sérieux. Par ailleurs, l’expert judiciaire a répondu à l’ensemble des questions de sa mission et a répondu aux dires des parties, notamment au dire du Docteur [Y].
Il apparaît donc que l’avis du Docteur [Y] n’est pas un élément nouveau susceptible de remettre en cause les conclusions de l’expert judiciaire, il s’agit d’un avis divergent formulé par le médecin conseil d’une des parties. Il convient de préciser sur ce point que l’avis d’un médecin conseil payé par l’une des parties ne présente pas la même force probante et les mêmes garanties d’objectivité et d’impartialité qu’un rapport d’expertise judiciaire.
Par ailleurs, l’expert judiciaire a parfaitement répondu aux différents points techniques soulevés par le Docteur [Y] dans son dire. Il apparaît que le principal point de désaccord entre les deux médecins concerne les conséquences de l’absence de détection de ces morceaux de verre dans la plaie de M. [T] dès le 24 juillet 2017. En effet, l’expert judiciaire estime que ces conséquences sont très limitées puisque M. [T] auraient de toute façon dû être opéré, ni la première ni la seconde opération n’étant imputables au Docteur [F] et que le tendon long fléchisseur du hallux se serait de toute façon rompu. A l’inverse, le Docteur [Y] estime que c’est parce que ces morceaux de verre n’ont pas été retirés qu’ils ont migré plus profondément dans le pieds du plaignant, causant des douleurs, la rupture du tendon et deux opérations plus lourdes que s’il avait été opéré immédiatement.
Sur ce point, l’expert judiciaire indique que « Il n’est pas imaginable que les corps étrangers aient perforé l’épaisse aponévrose plantaire et les muscles sous-jacents pour aller sectionner le tendon long fléchisseur du hallux et revenir ensuite se loger à nouveau dans le tissu sous-cutané ».
L’expert judiciaire a précisé dans son rapport qu’il s’était appuyé sur l’échographie et l’IRM réalisées postérieurement à la prise en charge du 24 juillet 2017 qui montrent l’épaisseur des tissus musculaires et aponévrotiques qui séparent le fragment de verre et le tendu Long fléchisseur du hallux. Ainsi, il a expliqué très clairement son positionnement en indiquant qu’une blessure partielle du tendon au moment de l’accident a laissé temporairement une continuité à ce tendon cependant affaibli qui s’est rompu le 10 août 2017 comme cela peut se produire sur une corde dont des tresses sont affaiblies.
Par ailleurs, contrairement à ce qui est allégué par le demandeur, l’expert judiciaire a parfaitement pris en compte les documents émanant du Docteur [K] y compris concernant l’existence d’une difficulté à la flexion plantaire. Cette difficulté constatée est parfaitement compatible avec l’hypothèse défendue par l’expert judiciaire selon laquelle le tendon ne s’est rompu que le 10 août 2017. Il sera souligné sur ce point que l’expert judiciaire a souhaité solliciter des informations complémentaires auprès du Docteur [K] mais que le demandeur s’y est opposé, comme cela ressort du rapport d’expertise judiciaire. Monsieur [T] ne peut donc par la suite venir critiquer l’expertise judiciaire en considérant que l’avis du Docteur [K] n’a pas suffisamment été pris en compte.
Il apparaît donc qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause les conclusions de l’expertise judiciaire et que le Tribunal s’estime suffisamment informé.
Monsieur [E] [T] sera donc débouté de sa demande de contre-expertise ainsi que de sa demande de réserve de ses droits quant au chiffrage de l’indemnisation de son préjudice corporel.
2°) SUR LA RESPONSABILITE DU DOCTEUR [F]
En application de l’article L 1142-1 du code de la santé publique :
« I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ».
Par un arrêt du 20 mai 1936 (Cass. 20 mai 1936, Mercier), la Cour de cassation a admis qu’il se forme entre le médecin et son patient un contrat comportant l’obligation pour le médecin de donner à son patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. Le médecin est donc débiteur d’une obligation de moyens. Lorsqu’il manque à cette obligation, sa responsabilité est engagée. Pour cela, il faut qu’il y ait une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux.
En l’espèce, il est établi et non contesté que lors de son examen par le Docteur [F] aux urgences le 24 juillet 2024, des morceaux de verre étaient présents dans la plaie de M. [T] au niveau du pied droit. De même, il est établi et non contesté que M. [T] a été renvoyé chez lui uniquement après la réalisation d’une radiologie du pieds droit, de sorte que ces morceaux de verre n’ont pas été retirés.
S’il résulte des pièces versées par le Docteur [F] que le radiologue avait conclu à l’absence de corps étranger radio-opaque visible et à l’absence de séquelle osseuse traumatique, il n’en résulte pas moins que l’absence de détection de ces morceaux de verre par le Docteur [F] constitue une négligence fautive de la part de ce dernier.
En effet, d’une part, cela est qualifié comme tel par l’expert judiciaire dans son rapport. Dans sa réponse au dire du Docteur [Y], l’expert judiciaire indique que ces corps étrangers étaient visibles sur la radiographie initiale. Il résulte d’ailleurs des pièces du dossier que lors de la consultation du 25 septembre 2017 par le Docteur [K], ce dernier avait fait état d’une radiographie qui permet un doute sur la persistance d’un corps étranger. Cela confirme donc que ces morceaux de verre étaient visibles ou a minima, laissaient planer un doute, de sorte qu’il appartenait au Docteur [F] de lever ce doute en complétant son examen avec une échographie.
Si la méthodologie médicale prévoit de réaliser d’abord une radiographie dans les cas de corps étranger pénétrants, il appartient ensuite au médecin de faire des examens complémentaires au besoin, ce qui était nécessaire en l’espèce. Par ailleurs, le fait que le radiologue n’ait pas non plus détecté ces corps étrangers, n’est pas de nature à exonérer le Docteur [F] de sa propre responsabilité.
En revanche, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que les conséquences dues aux manquements du Docteur [F] sont très faibles, limitées aux douleurs ressenties entre le 24 juillet 2017 et le 3 septembre 2017.
En effet, selon l’expert judiciaire : « Si le Docteur [F] avait reconnu la présence de fragments de corps étrangers sous la plaie le jour même de l’accident, en particulier au vu de la radiographie, il aurait adressé Monsieur [T] a un chirurgien en urgence ou en différé pour leur ablation. La responsabilité du Docteur [F] s’arrête donc à la date du 4 septembre 2017, jour où le Docteur [L], médecin traitant, a pris cette initiative ».
Ainsi, selon l’expert judiciaire, si la présence des corps étrangers peut expliquer quelques douleurs, elle n’est en revanche pas à l’origine de la rupture du tendon. Il estime que même si l’ablation des corps étrangers avait été réalisée d’emblée, l’atteinte initiale du tendon serait passée inaperçue et la rupture totale serait survenue quand même.
Ainsi, il y a lieu d’engager la responsabilité du Docteur [F] mais seulement en ce qui concerne la négligence de ce dernier lors de la prise en charge du 24 juillet 2017. Ainsi, le Docteur [R] [F] sera déclaré responsable du défaut de détection des morceaux de verre présents dans la blessure au pied droit de Monsieur [T] lors de sa prise en charge du 24 juillet 2017 dans le service des urgences de la Clinique [Adresse 7].
3°) SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE EN INDEMNISATION DU PREJUDICE
Vu l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l’article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Il est de principe que la réparation d’un préjudice doit l’être dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.
Le principe de la réparation intégrale interdit à la victime de cumuler sa créance de réparation contre le responsable avec des sommes à caractère indemnitaire, versées par des tiers payeurs.
Toutes les prestations servies aux victimes par un tiers payeur admis à recourir sur le fondement de l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 doivent être imputées sur les préjudices de la victime, même si ce tiers payeur n’exerce pas de recours, ne produit pas de décompte, en présente un inférieur aux versements effectués, voire n’intervient pas à l’audience.
Il convient de se prononcer sur la liquidation des préjudices en prenant en considération les conclusions du rapport d’expertise judiciaire établi le 30 décembre 2019 par le Docteur [W] (ordonnance du du 21 mai 2019 RG N° 19/00134). Selon cet expert, l’ensemble des postes de préjudice détaillés dans son rapport sont essentiellement dus au traumatisme initial qui a justifié les interventions chirurgicales. Effectivement, il apparaît que l’accident initial, à savoir le fait que M. [T] ait marché sur un tesson de bouteille et se soit blessé au pieds, ne peut être imputé à M. [F]. Seules les conséquences directes et certaines de son défaut de prise en charge peuvent être imputables au Docteur [F].
Ainsi, selon l’expert judiciaire, les conséquences dues aux manquements du docteur [F] sont très faibles, elle se limitent à une part des douleurs de l’ordre de 1/7 du 24 juillet 2017 au 3 septembre 2017.
En l’espèce, puisque le défaut de diagnostic imputable au Docteur [F] n’est pas la cause des deux opérations qui ont suivi, ni de la rupture de son tendon, il apparaît que tous les préjudices qui en découlent ne présentent aucun lien de causalité avec la faute reprochée au Docteur [F].
– sur les demandes formées par la CPAM de MEURTHE-ET-MOSELLE
Au titre des dépenses de santé actuelles, la CPAM sollicite la somme de 2111,40 euros au total en remboursement des frais hospitaliers, des frais médicaux (consultation de chirurgien orthopédique), des frais de radiologie, des frais infirmiers et des frais pharmaceutiques. Cependant, l’ensemble de ces dépenses sont liées aux deux opérations et aux soins y afférents, de sorte qu’ils ne sont pas imputables au Docteur [F]. En effet, ces frais auraient dans tous les cas été exposés que le Docteur [F] commette une erreur de diagnostic ou non. La CPAM de MEURTHE-ET-MOSELLE sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Concernant les pertes de gains professionnels actuels, il résulte de la notification des débours de la CPAM qu’elle a versé la somme de 857,50 euros à M. [T] au titre des indemnités journalières du 29 septembre 2017 au 19 novembre 2017. Il apparaît que ce versement d’indemnités journalières commence le 29 septembre, au moment de la première opération subie par M. [T] pour retirer les bouts de verre encore présents dans la plaie. Cette opération étant inévitable et sans lien avec l’erreur de diagnostic reprochée au Docteur [F], il apparaît que le lien de causalité entre ce poste de préjudice et la faute du Docteur [F] fait défaut. La CPAM de MEURTHE-ET-MOSELLE sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
De même, les dépenses de santé futures sont liées à l’accident initial et à la rupture du tendon long fléchisseur du hallux le 10 août 2017 mais ne sont pas imputables à l’erreur de diagnostic commise par le Docteur [F]. La CPAM de MEURTHE-ET-MOSELLE sera donc déboutée de sa demande pour ce poste de préjudice.
Enfin, compte tenu de ce qui précéde, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE sera déboutée de sa demande de paiement formée contre le Docteur [F] au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.
– sur les demandes formées par Monsieur [T]
S’agissant des dépenses de santé actuelles, les frais relatifs aux opérations, aux visites de contrôle post-opératoires avec le Docteur [K], au bilan podologique ou pour polysomnographie ne sont pas imputables au Docteur [F] puisqu’ils ne résultent pas de son erreur de diagnostic mais de l’accident en tant que tel. Ainsi, seules les visites chez son médecin traitant en août et septembre 2017 sont directement liées à l’erreur de diagnostic du Docteur [F] puisque si ce dernier avait constaté la présence de corps étrangers, M. [T] aurait immédiatement été adressé à un spécialiste avec réalisation d’une échographie et ces deux rendez-vous chez son médecin traitant n’aurait pas eu lieu.
En conséquence, l’indemnisation de ce poste de préjudice se limitera à 7 euros correspondant à la part non remboursée par la CPAM quant à ces deux rendez-vous chez le médecin généraliste.
S’agissant des frais divers, les frais relatifs aux jours d’hospitalisation ne sont pas imputables au Docteur [F] puisqu’ils auraient été exposés par le demandeur en tout état de cause, ces opérations étant inévitables et n’étant pas liées à la faute reprochée au Docteur [F].
Intègrent en outre les frais divers, les frais de déplacement exposés par le demandeur mais qu’il faut limiter aux frais de déplacement en lien direct avec l’erreur de diagnostic du Docteur [F]. Ainsi, il y a lieu à indemnisation des frais de déplacement pour ces deux rendez-vous chez son médecin traitant qui n’auraient pas eu lieu en l’absence d’erreur de diagnostic par le Docteur [F]. De même, seront indemnisés les frais de déplacement sur [Localité 9] pour voir son médecin conseil et pour se rendre à l’expertise judiciaire. L’un des voyages à [Localité 9] mentionné dans le tableau produit par le demandeur n’est en revanche pas justifié et n’apparaît pas en lien avec la faute reprochée au Docteur [F].
Ainsi, le nombre de kilomètre s’élèvent à 978 km. Compte tenu de la production de la carte grise, le taux de 0,568 proposé en demande sera retenu, de sorte que les frais de déplacement s’élèvent à 555,5 euros.
Enfin, Monsieur [T] sollicite la somme de 1800 euros au titre des honoraires facturés par son médecin-conseil qui l’a assisté pendant l’expertise judiciaire. Cette demande apparaît justifiée puisque les factures du Docteur [Y] sont produites, il y sera donc fait droit.
Ainsi, une somme de 2355,5 euros sera retenue pour ce poste de préjudice.
Concernant la perte de gains professionnels actuels (PGPA), il s’agit du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c’est-à-dire des pertes de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu’à la date de consolidation. En l’espèce, il apparaît que Monsieur [T] a bénéficié du versement de son salaire d’apprenti jusqu’au terme de son contrat d’apprentissage le 27 août 2017 puis il indique n’avoir rien perçu du 29 août 2017 au 28 septembre 2017, ne pouvant s’inscrire au pôle emploi parce qu’il ne pouvait rechercher activement un emploi du fait de son handicap à la mobilité et des vives douleurs ressenties.
Cependant, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que ces vives douleurs ressenties étaient principalement dues à la rupture du tendon à compter du 10 août 2017 et non à la présence de morceaux de verre dans le pieds de Monsieur [T].
Il en résulte qu’il n’est pas démontré de lien direct et certain entre l’erreur de diagnostic du Docteur [F] et cette impossibilité de rechercher un emploi.
Par ailleurs, les pertes de gain postérieures, notamment à compter du 29 septembre 2017 et de l’arrêt de travail de Monsieur [T], résultent de l’opération subie qui était inévitable et n’est donc pas imputable au docteur [F].
Ainsi, Monsieur [T] sera débouté de sa demande formée à ce titre.
Quant aux dépenses de santé futures, à savoir le renouvellement annuel de sa paire de semelle orthopédique, ce préjudice est sans lien avec la faute de diagnostic reprochée au Docteur [F]. Monsieur [T] sera donc débouté de sa demande à ce titre.
S’agissant de l’assistance par tierce personne, il convient d’abord de souligner que seule la période allant jusqu’au 3 septembre 2017 serait susceptible d’être mise à la charge du Docteur [F] en ce que son erreur de diagnostic a retardé la prise en charge et l’ablation des corps étrangers présents dans le pied de Monsieur [T], prolongeant ainsi la période traumatique.
Cependant, il résulte de l’expertise judiciaire que eu égard à sa blessure, aucune assistance par tierce personne n’est retenue.
Il sera relevé sur ce point que les conclusions de l’expert judiciaire sont corroborées par le fait que M. [T] est tout de même parti en vacances au mois d’août 2017 malgré la présence de verre dans son pied, ce qui démontre qu’il conservait une certaine mobilité, mobilité qui a surtout été affectée par la rupture du tendon long fléchisseur du hallux, ce qui n’est pas imputable au Docteur [F].
Ainsi, Monsieur [T] sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur l’incidence professionnelle, ce poste n’a pas pour objectif d’indemniser la perte de revenu liée à l’invalidité permanente mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, de l’augmentation de la pénibilité du travail qu’elle occupe ou de la nécessité de changer de profession.
Ce poste comprend les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, et plus largement tous les frais nécessaires à un retour de la victime dans la sphère professionnelle.
Ce poste de préjudice comprend également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.
Il résulte de ce qui précède que l’éventuelle incidence professionnelle subie par Monsieur [T] résulte de l’accident initial à savoir le fait d’avoir marché sur un tesson de bouteille et non de l’erreur de diagnostic par le Docteur [F] qui a retardé le retrait des morceaux de verre présents dans son pieds.
Ainsi, le demandeur sera débouté de sa demande à ce titre.
Concernant le déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l’expertise judiciaire que le Docteur [W] a retenu un déficit fonctionnel temporaire total les 28 et 29 septembre 2017 ainsi que les 19 et 20 octobre 2017, dates des deux opérations. Cependant, ces journées ne peuvent être imputables au Docteur [F] alors même qu’il résulte de l’expertise judiciaire que la première opération était inévitable et que la seconde n’est pas en lien avec la prise en charge du patient par le Docteur [F] le 24 juillet 2017.
Par ailleurs, l’expert judiciaire retient un DFT partiel à hauteur de 50% du 24 au 26 juillet 2017, ce qui correspond à l’accident initial, puis du 10 au 13 août 2017, ce qui correspond à la rupture du tendon long fléchisseur du hallux. Par la suite, l’expert judiciaire retient un DFT à hauteur de 10% jusqu’au 27 septembre 207.
Il apparaît donc qu’aucune incapacité n’est retenue entre le passage à l’hôpital de M. [T] fin juillet puis la rupture du tendon long fléchisseur du hallux le 10 août 2017, ce qui n’est pas imputable au Docteur [F], il en résulte qu’aucune incapacité n’est directement imputable au défaut de diagnostic du Docteur [F].
Monsieur [T] sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Sur les souffrances endurées, comme le souligne l’expert il y a lieu de distinguer les souffrances résultant directement de l’accident en lui-même, celles résultant de la rupture du tendon long fléchisseur du hallux par la suite et celles résultant de l’erreur de diagnostic commise par le Docteur [F].
Seules ces dernières, qui s’élèvent à 1/7 sur la période allant du 24 juillet 2017 au 3 septembre 2017 d’après l’expertise judiciaires, peuvent être indemnisées par le Docteur [F]. La proposition de ce dernier d’indemniser ce poste de préjudice à hauteur de 1500 euros apparaît adaptée, ce montant sera donc retenu.
S’agissant du préjudice esthétique temporaire, il s’agit de l’altération physique subie jusqu’à la date de consolidation. Monsieur [T] fait valoir avoir porté des pansements et autres bandages sur son pied pendant 3 périodes distinctes. Il a en outre utilisé des cannes anglaises à diverses périodes.
Cependant, seul le préjudice esthétique résultant directement de l’erreur de diagnostic du Docteur [F] peut être mis à la charge de ce dernier. Le préjudice esthétique résultant des deux opérations ne lui sont donc pas imputables. Cependant, il apparaît que si le Docteur [F] avait détecté les morceaux de verre, la première intervention aurait pu avoir lieu dans la foulée de son hospitalisation du 24 juillet 2017 de sorte que le port de bandage aurait été réduit. Le préjudice esthétique temporaire sera donc fixé à 1/7, conformément à ce qui est retenu par l’expert judiciaire dans son rapport, et limité sur la période du 24 juillet 2017 au 3 septembre 2017. Une somme de 300 euros sera donc allouée à Monsieur [T] à ce titre.
Concernant le Déficit Fonctionnel Permanent, qui a été fixé à 3% par l’expert judiciaire, ce poste de préjudice ne présente pas de lien avec l’erreur de diagnostic imputable au Docteur [F] puisque ce déficit est lié directement à l’accident initial et à la rupture du tendon long fléchisseur du hallux qui en a résulté. Le demandeur sera donc débouté de sa demande d’indemnisation à ce titre.
De même, pour le préjudice esthétique permanent et pour le préjudice d’agrément, ces postes de préjudice ne sont pas imputables au Docteur [F] puisque son erreur de diagnostic n’a causé aucun préjudice permanent, il a simplement retardé la bonne prise en charge de Monsieur [T] et le retrait des morceaux de verre qu’il avait dans le pied. En conséquence, Monsieur [T] sera débouté de sa demande d’indemnisation formée au titre du préjudice esthétique permanent et du préjudice d’agrément.
Concernant le préjudice sexuel, d’une part, il a été clairement répondu par l’expert sur ce point, l’expert judiciaire estimant qu’aucun préjudice sexuel n’est caractérisé. Par ailleurs et en tout état de cause, une éventuelle baisse de libido serait à mettre en lien avec l’accident initial, la rupture du tendon long fléchisseur du hallux et ses conséquences et non avec l’erreur de diagnostic reprochée au Docteur [F]. Ainsi, Monsieur [T] sera débouté de sa demande d’indemnisation formée sur ce fondement.
S’agissant enfin des frais d’expertise, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une expertise judiciaire, ces frais sont inclus dans les dépens, il n’y a donc pas lieu de condamner spécifiquement les défendeurs au paiement de ces frais.
En conséquence, il y a lieu d’évaluer les conséquences dommageables de l’accident comme suit :
dépenses de sante actuelles : 7 €
frais divers : 2355,5 euros
souffrances endurées : 1500 €
préjudice esthétique temporaire : 300 €
TOTAL : 4 162,5 euros €
Le Docteur [R] [F] sera donc condamné à payer cette somme à Monsieur [E] [T], assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
4°) SUR L’APPEL EN GARANTIE FORME A L’ENCONTRE DE LA SA LA MEDICALE DE FRANCE
En application de l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
En l’espèce, il résulte du dossier et n’est pas contesté que le Docteur [F] a souscrit auprès de la compagnie LA MEDICALE DE FRANCE un contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle. Cette dernière n’oppose aucun argument pouvant faire échec à l’apllication de sa garantie.
En conséquence, la SA LA MEDICALE DE FRANCE sera condamnée à garantir le Docteur [R] [F] de toute condamnation prononcée à l’encontre de ce dernier.
Il sera souligné que compte tenu de cette condamnation il n’y a pas lieu de déclarer le jugement à intervenir opposable à la société LA MEDICALE DE FRANCE puisqu’elle est partie au jugement et fait l’objet d’une condamnation.
5°) SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Selon l’article 696 du code de procédure civile, « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
L’article 700 du code de procédure civile, « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »
Le Docteur [R] [F] et la SA LA MEDICALE DE FRANCE, qui succombent, seront condamnés aux dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé RG 19/00134 (ordonnance président du Tribunal de grande instance de Metz du 21 mai 2019) et les frais et honoraires de l’expertise judiciaire rendue par le Docteur [W].
Le Docteur [R] [F] sera condamné à régler à Monsieur [E] [T] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la solution apportée au litige, il y a lieu de débouter le Docteur [R] [F] et la SA LA MEDICALE DE FRANCE de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
De même, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
6°) SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a instauré le principe de l’exécution provisoire de droit. Les dispositions du décret relatives à l’exécution provisoire de droit sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Tel est le cas pour une instance introduite le 13 juillet 2023.
En l’espèce, les défendeurs sollicitent que l’exécution provisoire soit écartée eu égard au risque de non représentation des fonds. Cependant, ce risque n’est nullement démontré et il apparaît limité compte tenu de la faible ampleur de la somme allouée à Monsieur [T].
En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
7°) SUR LA DECLARATION DE JUGEMENT COMMUN
Lorsqu’une personne victime d’un préjudice corporel agit à l’encontre d’un tiers qu’elle estime responsable de son préjudice, il lui appartient de mettre en cause son organisme de sécurité sociale. La Caisse de Sécurité Sociale peut intervenir volontairement à l’instance civile. A défaut, le tiers payeur doit être cité aux fins de déclaration de jugement commun, en application des articles L. 376-1 alinéa 8 et R. 376-2 du Code de Sécurité Sociale. Devant une juridiction civile, l’organisme de sécurité sociale ne peut être régulièrement mis en cause que par la délivrance d’une assignation, comme en l’espèce.
Il y a lieu de déclarer le présent jugement commun à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MOSELLE.
Le Tribunal judiciaire, Première Chambre civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONSTATE l’intervention volontaire de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE et la DECLARE recevable ;
DEBOUTE Monsieur [E] [T] de sa demande de contre-expertise ainsi que de sa demande de réserve de ses droits quant au chiffrage de l’indemnisation de son préjudice corporel ;
DECLARE le Docteur [R] [F] responsable du défaut de détection des morceaux de verre présents dans la blessure au pied droit de Monsieur [E] [T] lors de sa prise en charge du 24 juillet 2017 dans le service des urgences de la Clinique [Adresse 7] ;
DEBOUTE la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de MEURTHE-ET-MOSELLE de sa demande au titre des dépenses de santé actuelles, au titre des pertes de gains professionnels actuels, au titre des dépenses de santé futures et au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.
DEBOUTE Monsieur [E] [T] de sa demande d’indemnisation formée au titre de la perte de gains professionnels actuels, au titre des dépenses de santé futures, au titre de l’assistance par tierce personne, au titre de l’incidence professionnelle, au titre du déficit fonctionnel temporaire, au titre du Déficit Fonctionnel Permanent, au titre du préjudice esthétique permanent, au titre du préjudice d’agrément, au titre du préjudice sexuel et au titre des frais d’expertise ;
CONDAMNE le Docteur [R] [F] à payer à Monsieur [E] [T] la somme de 4 162,5 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables de l’erreur de diagnostic commise le 24 juillet 2017 ;
CONDAMNE la SA LA MEDICALE DE FRANCE à garantir le Docteur [R] [F] de toute condamnation prononcée à son encontre ;
DIT n’y avoir lieu à déclarer le présent jugement opposable à la SA LA MEDICALE DE FRANCE ;
CONDAMNE le Docteur [R] [F] et la SA LA MEDICALE DE FRANCE aux dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé RG 19/00134 (ordonnance président du Tribunal de grande instance de Metz du 21 mai 2019) et les frais et honoraires de l’expertise judiciaire rendue par le Docteur [W].
CONDAMNE le Docteur [R] [F] à régler à Monsieur [E] [T] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE le Docteur [R] [F] et la SA LA MEDICALE DE FRANCE de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de MEURTHE ET MOSELLE de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du présent jugement.
DECLARE le présent jugement commun à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MOSELLE.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 6 février 2025 par Madame Cécile GASNIER, juge, assistée de Madame Caroline LOMONT, Greffier.
Le Greffier Le Président
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