Évaluation du taux d’incapacité suite à un accident du travail : prise en compte des antécédents médicaux et des séquelles psychologiques.

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Évaluation du taux d’incapacité suite à un accident du travail : prise en compte des antécédents médicaux et des séquelles psychologiques.

L’Essentiel : Le 22 décembre 2018, Mme [E] [Y], vendeuse, a subi un accident du travail en chutant avec les bras chargés. La déclaration a été faite le 28 décembre, suivie d’un certificat médical le 21 janvier 2019, indiquant un traumatisme au genou droit. La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge l’accident, et un certificat du 23 avril 2019 a révélé une tendinopathie patellaire. Le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 4 %, contesté par Mme [Y]. Le tribunal a finalement fixé ce taux à 9 % le 12 février 2024, décision confirmée en appel.

Accident du travail de Mme [E] [Y]

Le 22 décembre 2018, Mme [E] [Y], employée en tant que vendeuse par la société [3], a subi un accident du travail en chutant alors qu’elle se dirigeait vers la caisse avec les bras chargés. La déclaration de l’accident a été faite le 28 décembre 2018, et un certificat médical initial a été établi le 21 janvier 2019, indiquant un traumatisme au genou droit.

Prise en charge et évolution de l’état de santé

L’accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4]. Un certificat médical du 23 avril 2019 a révélé une nouvelle lésion, une tendinopathie patellaire droite post-traumatique, qui a également été reconnue comme liée à l’accident. L’état de santé de l’assurée a été déclaré consolidé le 14 octobre 2021, avec un certificat final mentionnant des séquelles persistantes et un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 4 %.

Contestation du taux d’incapacité

Le 19 octobre 2022, la caisse a notifié à Mme [Y] l’attribution d’un taux d’IPP de 4 %. En réponse, elle a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA), qui a confirmé ce taux lors de sa séance du 30 mars 2023. Mme [Y] a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rouen le 15 mai 2023.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 12 février 2024, le tribunal a fixé le taux d’IPP à 9 %, dont 3 % au titre du taux professionnel, et a condamné la caisse à verser 1 000 euros à l’assurée. Cette décision a été notifiée le 20 mars 2024, et Mme [Y] a interjeté appel le 9 avril 2024.

Prétentions de Mme [Y] en appel

Dans ses conclusions du 6 décembre 2024, Mme [Y] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de fixer son taux d’IPP à 30 %, ou à un taux supérieur à 9 %. Elle a également sollicité une expertise médicale et la condamnation de la caisse à lui verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a soutenu que le taux d’IPP ne devait pas être limité à 6 % en raison de l’impact de l’accident sur son état psychologique.

Réponse de la caisse

La caisse a demandé le débouté de Mme [Y], affirmant que l’évaluation du taux d’IPP avait pris en compte un état antérieur. Elle a précisé que le barème ne prévoyait pas d’indemnisation pour la persistance des douleurs et a contesté la demande de majoration du taux pour les séquelles psychologiques, soulignant l’absence d’avis d’un psychiatre.

Évaluation du taux d’incapacité permanente partielle

La cour a rappelé que le taux d’incapacité permanente est déterminé selon divers critères, y compris l’état antérieur de la victime. Elle a constaté que l’accident avait aggravé un état pathologique antérieur, mais a confirmé que le taux d’IPP avait été correctement évalué à 6 % en raison des séquelles anatomiques.

Confirmation du jugement et frais

La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Rouen, maintenant le taux d’IPP à 9 % et déboutant Mme [Y] de sa demande d’indemnisation supplémentaire. Elle a également condamné Mme [Y] aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour la détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?

La détermination du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est régie par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. L’incapacité permanente est appréciée à la date de consolidation de l’état de la victime. »

Ainsi, la juridiction doit prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents pour fixer le taux d’IPP, y compris les conséquences de l’accident sur la carrière professionnelle de la victime.

Il est également précisé que le taux peut être majoré pour tenir compte des conséquences de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle sur la carrière professionnelle de la victime, notamment en cas de risque de licenciement pour inaptitude, d’impossibilité de reclassement, de déclassement professionnel, de retard dans l’avancement ou de perte de gains.

Comment le barème d’indemnisation des accidents du travail prend-il en compte les états antérieurs ?

Le barème d’indemnisation des accidents du travail, en son chapitre préliminaire, précise que l’estimation médicale de l’incapacité doit faire la part de ce qui revient à l’état antérieur et de ce qui revient à l’accident ou à la maladie.

Il est indiqué que :

– Si l’accident révèle un état pathologique antérieur et l’aggrave, il convient d’indemniser totalement l’aggravation résultant du traumatisme.

– Si un état pathologique antérieur connu avant l’accident se trouve aggravé par celui-ci, l’aggravation indemnisable sera évaluée en fonction des séquelles présentées.

Dans le cas présent, il a été établi que l’état antérieur de l’assurée était avéré et qu’il s’est aggravé en raison de l’accident du travail.

Les premiers juges ont donc pris en compte cette aggravation dans l’évaluation du taux d’IPP, ce qui est conforme aux dispositions du barème.

Quelles sont les conditions pour majorer le taux d’IPP en raison de séquelles psychologiques ?

Pour qu’un taux d’IPP soit majoré en raison de séquelles psychologiques, il est nécessaire de se référer au barème des invalidités des accidents du travail, qui stipule que :

« Le syndrome névrotique anxieux, hypocondriaque, cénesthopatique, obsessionnel, caractérisé, s’accompagnant d’un retentissement plus ou moins important sur l’activité professionnelle de l’intéressé est évalué à hauteur de 20 à 40 %. »

Il est également précisé qu’il est nécessaire de recourir à un bilan neuropsychologique détaillé et à l’avis d’un neuro-psychiatre.

Dans le cas de Mme [Y], il a été constaté qu’elle ne justifiait pas de l’avis d’un psychiatre, ce qui a conduit à la conclusion que la composante psychologique de son état n’était pas suffisamment étayée pour justifier une majoration du taux d’IPP.

Quels sont les critères pour évaluer le taux professionnel d’incapacité permanente partielle ?

Le taux professionnel d’incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l’état séquellaire au jour de la consolidation de l’état de la victime.

Il peut être majoré pour tenir compte des conséquences de l’accident du travail sur la carrière professionnelle de la victime, notamment :

– Le risque de licenciement pour inaptitude,
– L’impossibilité de reclassement,
– Le déclassement professionnel,
– Le retard dans l’avancement,
– La perte de gains.

Dans le cas de Mme [Y], il a été établi qu’elle n’avait pas repris son emploi et que son contrat de travail avait été rompu par une rupture conventionnelle.

Les juges ont noté qu’il n’était pas possible de faire le lien entre cette rupture et les séquelles de l’accident, ce qui a conduit à la confirmation d’un taux professionnel de 3 %.

Quelles sont les conséquences de la décision de la cour sur les frais irrépétibles et les dépens ?

La cour a décidé de condamner Mme [Y] aux dépens d’appel et de débouter sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. Elle peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans ce cas, Mme [Y] ayant succombé dans son appel, elle est donc condamnée à payer les dépens, et sa demande de remboursement de frais irrépétibles a été rejetée.

N° RG 24/01299 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JUB4

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 31 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00423

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 12 Février 2024

APPELANTE :

Madame [E] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE RED

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 10 Décembre 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 10 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 31 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 22 décembre 2018, Mme [E] [Y] ( l’assurée) a été victime d’un accident du travail alors qu’elle était employée par la société [3] en qualité de vendeuse. La déclaration d’accident du travail établie le 28 décembre 2018, transmise par la société indiquait ‘ se dirigeait vers la caisse les bras chargés, chute’.

Le certificat médical initial établi le 21 janvier 2019 mentionnait ‘traumatisme genou droit, oedème, probable contusion rotulienne + douleur interligne interne’.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4] ( la caisse) au titre de la législation sur les risques professionnels.

L’assurée a ensuite adressé un certificat médical du 23 avril 2019 mentionnant une lésion nouvelle soit une ‘tendinopathie patellaire droit post traumatique’; laquelle, après instruction, a fait l’objet d’un accord de prise en charge au titre de l’accident du travail du 22 décembre 2018.

L’état de santé de l’assurée a été déclaré consolidé le 14 octobre 2021. Le certificat médical final mentionnait ‘les séquelles de l’accident de travail pour contusion du genou droit sur état antérieur symptomatique consistent en des gonalgies droites persistantes avec diminution des amplitudes articulaires notamment en flexion. IP:4%’

Par courrier du 19 octobre 2022, la caisse a notifié à l’assurée l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle ( IPP) de 4 %.

L’assurée a saisi la commission médicale de recours amiable ( CMRA) en contestation de ce taux.

En sa séance du 30 mars 2023, la CMRA a confirmé le taux.

L’assurée a saisi le 15 mai 2023 le tribunal judiciaire de Rouen.

Par jugement du 12 février 2024, le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen a :

– fixé dans les rapports entre la caisse et Mme [Y] le taux d’IPP de cette dernière à 9% à la date de consolidation le 14 octobre 2021, dont 3 % au titre du taux professionnel,

– condamné la caisse à verser à l’assurée la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la caisse aux dépens.

La décision a été notifiée à l’assurée le 20 mars 2024 et elle en a relevé appel le 9 avril suivant.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 10 décembre 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions remises le 6 décembre 2024, soutenues oralement à l’audience, Mme [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de statuer à nouveau et de :

– fixer son taux d’IPP à 30% et, à défaut, fixer ce taux d’IPP au taux que la cour voudra arbitrer et qui sera supérieur à 9 %,

– subsidiairement, ordonner une expertise médicale et surseoir à statuer,

– en tout état de cause, condamner la caisse à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Au soutien de ses demandes, l’assurée soutient que le taux d’IPP, dans sa composante anatomique, ne peut être limité à 6% en ce que la flexion de son genou est limitée à 100/110, de sorte que le taux doit être compris entre 5% et 15% ; que les douleurs doivent en outre être prises en compte.

Elle constate que pour limiter ce taux à 6%, les premiers juges ont tenu compte d’un état antérieur, que cependant celui-ci ne saurait limiter le taux anatomique en ce que le barème d’évaluation précise que si l’accident révèle un était pathologique antérieur et l’aggrave, il convient d’indemniser l’aggravation résultant du traumatisme.

Elle précise que l’accident a eu des conséquences sur son psychisme et a détérioré son état psychologique ; qu’une psychothérapie a été mise en place ; que tant ses médecins que son entourage attestent des répercussions psychologiques.

Elle considère que peu importe que la caisse ne se soit pas prononcée sur l’imputabilité de ces lésions dans le cadre d’un certificat médical pour nouvelle lésion puisque cette lésion étant survenue avant la date de consolidation, elle est présumée imputable à l’accident du travail sauf si la caisse apporte la preuve que celle-ci a une cause totalement étrangère au travail.

L’assurée soutient qu’en conséquence il convient de se référer au barème des maladies professionnelles qui prévoit une évaluation minimale de 10% supplémentaire concernant les troubles psychologiques.

En dernier lieu, elle considère qu’il convient d’ajouter un taux professionnel qui devra être au minimum de 10 % en ce qu’elle n’a pu reprendre son emploi, qu’elle a tenté de reprendre une activité commerciale mais que cela lui a été difficile, qu’elle a en conséquence mis en oeuvre une reconversion professionnelle lui offrant des postes administratifs se conciliant avec son état.

Par dernières conclusions remises le 10 décembre 2024, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de débouter l’assurée de ses demandes.

La caisse précise que l’évaluation faite par le médecin conseil a tenu compte d’un état antérieur interférent. Elle précise que le barème ne prévoit pas d’indemnisation spécifique au titre de la persistance de douleurs et d’une gêne.

Elle s’oppose à la demande de majoration du taux au titre des séquelles psychologiques indiquant d’une part que celles-ci ne sont pas décrites dans leur nature, dans leur intensité et qu’elle n’a jamais eu à se prononcer sur leur éventuelle imputabilité à l’accident du travail et, d’autre part, que pour que la présomption d’imputabilité puisse s’appliquer, il est nécessaire que ces lésions soient mentionnées au sein des divers certificats médicaux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La caisse précise qu’il convient d’appliquer le barème d’invalidité des accidents du travail et non celui des maladies professionnelles, tel qu’allégué par l’assurée ; que celui-ci précise que seul un psychiatre peut estimer valablement le déficit psychique de l’assurée ; qu’en l’espèce, cette dernière ne justifie pas avoir consulté de médecin psychiatre.

Concernant le taux professionnel, la caisse observe que l’assurée ne produit ni l’avis du médecin du travail concluant à une éventuelle inaptitude à son poste, ni la preuve de la perte de salaire engendrée par l’exercice d’une nouvelle activité professionnelle résultant des conséquences de l’accident, de sorte que l’incidence professionnelle alléguée n’est pas établie.

Elle n’exprime pas de désaccord avec la décision des premiers juges qui ont considéré que les éléments produits établissaient une limitation des aptitudes de l’assurée à occuper certains emplois physiques et qui a majoré le taux à 9%.

En dernier lieu, la caisse s’oppose à la mise en oeuvre d’une mesure d’expertise considérant qu’il n’appartient pas à la cour de suppléer la carence de l’assurée dans l’administration de la preuve.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle

En application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. L’incapacité permanente est appréciée à la date de consolidation de l’état de la victime.

Saisie de la contestation du taux d’incapacité permanente partielle retenu après consolidation, il appartient à la juridiction de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci.

Le taux peut être majoré pour tenir compte des conséquences de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle sur la carrière professionnelle de la victime, au regard du risque de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, de déclassement professionnel, de retard dans l’avancement ou de perte de gains.

Sur le taux anatomique

Le certificat médical initial de l’assurée du 21 janvier 2019 mentionne un traumatisme du genou droit, un oedème, une probable contusion rotulienne et une douleur interligne interne.

Une nouvelle lésion (‘tendinopathie patellaire droit post traumatique’) a également été prise en charge par la caisse.

Le certificat médical final du 14 octobre 2021 mentionne: ‘les séquelles de l’accident de travail pour contusion du genou droit sur état antérieur symptomatique consistent en des gonalgies droites persistantes avec diminution des amplitudes articulaires notamment en flexion. IP:4%’.

Dans son chapitre préliminaire, II.3 « Infirmités antérieures », le guide barème d’indemnisation des accidents du travail énonce que l’estimation médicale de l’incapacité doit faire la part de ce qui revient à l’état antérieur, et de ce qui revient à l’ accident ou à la maladie, en précisant que les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables ; que cependant, il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l’objet d’une estimation particulière :

– il peut arriver qu’un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l’occasion de l’ accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu’il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n’y a aucune raison d’en tenir compte dans l’estimation du taux d’incapacité.

– l’ accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l’aggraver. Il convient alors d’indemniser totalement l’aggravation résultant du traumatisme.

– un état pathologique antérieur connu avant l’ accident se trouve aggravé par celui-ci. Étant donné que cet état était connu, il est possible d’en faire l’estimation. L’aggravation indemnisable résultant de l’ accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l’ accident ou la maladie professionnelle.

Selon le guide barème d’indemnisation des accidents du travail , en son point 4.2.2 relatif aux atteintes des fonctions articulaires du genou, l’extension complète constitue le repère 0 et la flexion atteint 150. Il est préconisé, en matière de limitation des mouvements du genou , les taux suivants :

– L’extension est déficitaire de 5° à 25° : 5

– L’extension est déficitaire de 25° : 15

– L’extension est déficitaire de 45° : 30

– La flexion ne peut s’effectuer au-delà de 110° : 5

– La flexion ne peut se faire au-delà de 90° : 15

– La flexion ne peut se faire au-delà de 45° : 25

La cour rappelle qu’elle n’est pas tenue par les indications portées dans ledit barème.

En l’espèce, la caisse indique que selon le rapport d’évaluation du taux d’IPP établi par le médecin conseil la flexion du genou ne peut s’effectuer au-delà de 110°.

Le médecin consultant mandaté par le tribunal judiciaire, le docteur [K], a rappelé le contenu du dossier médical de l’assurée : les IRM montrent une majoration de l’état antérieur ( état antérieur documenté par IRM: notamment gonalgies chez une sportive pratiquant la course à pied, dysplasie), difficulté à s’agenouiller et à s’accroupir ; examen médical montrant une marche normale, un accroupissement limité par la douleur, une limitation des amplitudes articulaires du genou droit et dans une moindre mesure à gauche.

Le médecin précise que l’accident a dégradé le fonctionnement du genou droit justifiant un taux de 6%.

Selon le rapport de la CMRA, des pièces versées au débat il a été tenu compte d’un état antérieur de ‘chondropathie de grade 1 rotulienne interne sur dysplasie modérée fémo-patellaire’ mis en évidence par une IRM du genou droit réalisée le 15 juin 2017 soit 18 mois avant la survenue de l’accident du travail.

Il ressort des éléments produits que l’état antérieur de l’assurée était avéré, qu’il s’est aggravé en raison de l’accident du travail et que cette aggravation a été prise en compte.

Mme [Y] n’apporte pas d’élément médical susceptible de contredire cette appréciation conforme au barème, dès lors que son argumentation et les pièces médicales produites ont été communiquées au médecin conseil, au médecin consultant ainsi qu’à la CMRA.

Il n’est pas établi par les pièces versées aux débats que ces séquelles psychologiques soient sans lien avec l’accident du travail.

Cependant, si l’assurée demande à la cour de majorer ce taux au regard des séquelles psychologiques présentées, il y a lieu de relever que le barème des invalidités des accidents du travail qu’il convient d’appliquer, prévoit en son chapitre 4.2.1.11 (névroses post-traumatiques), que le syndrome névrotique anxieux, hypocondriaque, cénesthopatique, obsessionnel, caractérisé, s’accompagnant d’un retentissement plus ou moins important sur l’activité professionnelle de l’intéressé est évalué à hauteur de 20 à 40 %.

Il est également précisé qu’il est nécessaire de recourir à un bilan neuropsychologique détaillé et à l’avis d’un neuro-psychiatre.

En l’espèce, l’assurée ne justifie pas de l’avis d’un psychiatre.

Dès lors, la composante anatomique du taux d’IPP a été justement évaluée à 6 %, et il n’apparaît pas nécessaire d’ordonner une nouvelle expertise.

Sur le taux professionnel

Le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l’état séquellaire au jour de la consolidation de l’état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation ou à la date de la demande de révision.

Ce taux peut être majoré pour tenir compte des conséquences de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle sur la carrière professionnelle de la victime, au regard du risque de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, de déclassement professionnel, de retard dans l’avancement ou de perte de gains.

En l’espèce, il ressort des éléments produits que l’assurée n’a pas repris son emploi, que son contrat de travail a été rompu par le biais d’une rupture conventionnelle, de sorte qu’il n’est pas possible de faire le lien entre cette rupture conventionnelle et les séquelles de son accident du travail.

Comme justement relevé par les premiers juges, l’assurée ne justifie pas des pressions qu’elle déclare avoir subies de la part de son employeur et elle ne produit pas d’éléments suffisants tendant à établir que la baisse de salaire concernant les emplois occupés postérieurement est en lien avec les séquelles de son accident du travail.

Mme [Y] justifie cependant par les éléments produits d’une limitation de ses aptitudes à occuper certains emplois compte tenu de ses séquelles.

En conséquence, c’est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges lui ont attribué un taux professionnel de 3 %.

Le jugement est en conséquence confirmé.

2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’appelante qui succombe en son appel est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen du 12 février 2024 ;

Y ajoutant :

Déboute Mme [E] [Y] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] [Y] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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