Tribunal judiciaire de Bobigny, 29 janvier 2025, RG n° 24/00599
Tribunal judiciaire de Bobigny, 29 janvier 2025, RG n° 24/00599

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny

Thématique : Imputabilité des arrêts de travail : enjeux de la communication médicale entre employeur et caisse d’assurance

Résumé

Accident du travail de M. [K] [L]

M. [K] [L], agent de piste au sein de la société par actions simplifiée (SAS) [8], a signalé un accident du travail survenu le 15 mars 2022. Lors de cet incident, il a ressenti une douleur au bas du dos en soulevant un carton alors qu’il chargeait un avion. Un certificat médical a été établi le même jour, prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 19 mars 2022. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne a ensuite pris en charge l’accident, notifiant la société [8] de sa décision le 28 avril 2022.

Contestation de la prise en charge par la SAS [8]

Le 6 octobre 2023, la SAS [8] a contesté la décision de la CPAM concernant la prise en charge des arrêts et soins de M. [K] [L]. En l’absence de réponse, la société a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny le 28 février 2024 pour contester la durée et l’imputabilité des arrêts de travail. L’affaire a été entendue lors d’audiences en octobre et décembre 2024, où la société a demandé que les arrêts et soins soient jugés inopposables.

Arguments de la SAS [8]

La SAS [8] a soutenu que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire en ne transmettant pas les certificats médicaux au médecin mandaté par l’employeur. Elle a également affirmé qu’en l’absence de ces documents, la CPAM ne pouvait pas prouver la continuité des symptômes et des soins, remettant ainsi en question la présomption d’imputabilité des arrêts de travail. En cas de doute, la société a demandé une expertise médicale pour évaluer la situation.

Réponse de la CPAM

La CPAM a demandé au tribunal de rejeter le recours de la SAS [8], arguant que le défaut de transmission des pièces médicales ne constituait pas une violation du contradictoire. Elle a affirmé que le certificat médical initial et l’arrêt de travail présumaient l’imputabilité des soins et arrêts de travail jusqu’à la guérison de M. [K] [L]. La CPAM a également souligné que la société n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour contester cette présomption.

Décision du tribunal judiciaire de Bobigny

Le tribunal a statué que l’absence de transmission des rapports médicaux ne justifiait pas l’inopposabilité de la décision de prise en charge par la CPAM. Il a également noté que la présomption d’imputabilité s’appliquait à tous les arrêts de travail liés à l’accident, sauf preuve du contraire. En conséquence, la demande principale de la SAS [8] a été rejetée, mais le tribunal a ordonné une expertise médicale pour évaluer les arrêts de travail et soins prescrits à M. [K] [L].

Expertise médicale ordonnée

Le tribunal a désigné un expert judiciaire pour examiner le dossier médical de M. [K] [L] et déterminer si les arrêts de travail et soins étaient liés à un état pathologique préexistant ou à une cause postérieure. L’expert devra rendre son rapport dans un délai de trois mois, et la SAS [8] devra avancer les frais d’expertise. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure pour examiner les conclusions de l’expertise.

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00599 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZAN4
Jugement du 29 JANVIER 2025

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 JANVIER 2025

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00599 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZAN4
N° de MINUTE : 25/00173

DEMANDEUR

Société [8]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Xavier BONTOUX de la SOCIETE CIVILE FAYAN-ROUX BONTOUX & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 1134

DEFENDEUR

CPAM DE SEINE ET MARNE
[Localité 4]
dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 18 Décembre 2024.

Madame Elsa GEANDROT, Présidente, assistée de Madame Fouzia DJAFFAR et Monsieur Philippe LEGRAND, assesseurs, et de Madame Dominique RELAV, Greffier.

Lors du délibéré :

Présidente : Elsa GEANDROT, Magistrat pôle social
Assesseur : Fouzia DJAFFAR, Assesseur salarié
Assesseur : Philippe LEGRAND, Assesseur non salarié

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Elsa GEANDROT, Magistrat pôle social, assistée de Dominique RELAV, Greffier.

Transmis par RPVA à : Maître Xavier BONTOUX de la SOCIETE CIVILE FAYAN-ROUX BONTOUX & ASSOCIES

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Jugement du 29 JANVIER 2025

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [L], salarié de la société par actions simplifiée (SAS) [8] en qualité d’agent de piste, a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 15 mars 2022.
La déclaration d’accident du travail établie le même jour par l’employeur et adressée à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine et Marne est ainsi rédigée :
“- Activité de la victime lors de l’accident : M. [L] chargeait un avion.
– Nature de l’accident : il aurait ressenti une douleur au bas du dos en soulevant un carton.
– Siège des lésions : bas du dos
– Nature des lésions : douleur”.
Le certificat médical initial, rédigé le même jour, par le docteur [D] [W], prescrit un arrêt de travail jusqu’au 19 mars 2022.
Par lettre du 28 avril 2022, la CPAM a notifié à la société [8] sa décision de le prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
166 jours sont inscrits au titre de ce sinistre sur le compte employeur.

Par lettre du 6 octobre 2023, reçue le 11 octobre 2023, la SAS [8] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA) de la caisse afin de contester la décision de prise en charge de l’ensemble des arrêts et soins prescrits à M. [K] [L].
A défaut de réponse, par requête envoyée le 28 février 2024, reçue le 5 mars 2024 au greffe, la société [8] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de contester la durée et l’imputabilité des arrêts de travail prescrits à M. [K] [L].
A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée à l’audience du 16 octobre 2024, date à laquelle elle a été renvoyée. l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 18 décembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions récapitulatives n°1, reçues au greffe le 10 octobre 2024 et soutenues à l’audience, la société [8], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– A titre principal de juger inopposable l’ensemble des arrêts et soins prescrits à M. [K] [L] au titre de son accident du travail du 15 mars 2022
– A titre subsidiaire, de juger qu’il existe un différend d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions et arrêts de travail indemnisés au titre de l’accident du 15 mars 2022 et d’ordonner, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire ou une mesure de consultation sur pièces afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM au titre de l’accident du 15 mars 2022 déclaré par M. [K] [L].
La société [8] soutient à l’appui de ses demandes que la CPAM a manqué au principe du respect du contradictoire en ne communiquant pas au médecin mandaté par la société les certificats médicaux. Elle ajoute qu’à défaut de production de ces certificats médicaux, la CPAM ne démontre pas la continuité des symptômes et soins de sorte qu’elle ne peut se prévaloir de la présomption d’imputabilité des arrêts et soins. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu’en l’absence d’élément médical, il existe un doute sérieux quant au caractère professionnel de la totalité des arrêts et soins pris en charge.
Par courrier électronique du 21 novembre 2024, la CPAM a sollicité une dispense de comparution à l’audience et le bénéfice de ses conclusions, lesquelles ont été reçues le 29 novembre 2024 au greffe. Aux termes de ses conclusions, la CPAM de Seine et Marne demande au tribunal de déclarer mal fondé le recours de la société [8], de l’en débouter et en conséquence de lui déclarer opposable l’ensemble des arrêts et soins afférents à l’accident du travail du 14 mars 2022 de M. [K] [L].

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Jugement du 29 JANVIER 2025

Elle soutient que le défaut de transmission des pièces médicales au médecin désigné par l’employeur ne constitue pas une atteinte au principe du contradictoire mais seulement un manquement aux règles de fonctionnement de la CMRA qui n’est pas sanctionné par l’inopposabilité de la décision litigieuse à l’égard l’employeur. La CPAM fait valoir que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail de sorte que la présomption d’imputabilité s’applique à l’ensemble des arrêts prescrits jusqu’à la date de consolidation ou de guérison de l’assuré. Elle ajoute que la société [8] ne renverse pas cette présomption en démontrant l’existence d’une cause étrangère et ne produit aucun élément de nature à soulever l’existence d’un conflit d’ordre médical de sorte que le recours à une mesure d’expertise ou de consultation n’est pas justifié.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions de celle-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 29 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;
Ordonne avant dire droit une expertise médicale judiciaire sur pièces ;
Désigne pour y procéder :
Docteur [C] [N]
expert judiciaire inscrit sur la liste de la cour d’appel de Paris
[Adresse 5].
Tel : [XXXXXXXX01]
[Courriel 9]

Dit que l’expert doit retourner sans délai au service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny le coupon réponse par lequel il déclare accepter ou non ladite mission ;
Donne mission à l’expert de :
1. Prendre connaissance du dossier médical de M. [K] [L] conservé par le service médical de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne, et notamment le rapport médical du praticien-conseil ainsi que celui de la commission médicale de recours amiable, s’ils existent, ou encore ceux transmis par le médecin désigné par l’employeur,
2. Se faire communiquer et prendre connaissance de tous documents utiles à sa mission, et notamment le dossier médical de M. [K] [L], même éventuellement détenus par des tiers, médecins, établissements hospitaliers, organismes sociaux,
3. Entendre tous sachants et notamment, en tant que de besoin, les praticiens ayant soigné l’intéressé,

4. Dire si tout ou partie des arrêts de travail et des soins prescrits à M. [K] [L] au titre de l’accident du 15 mars 2022 résulte d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs, et dans l’affirmative, en préciser la nature,
5. En cas de réponse positive à la question précédente, déterminer les arrêts de travail et soins exclusivement imputables à cet état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou à cette cause postérieure totalement étrangère,
6. Faire toute observation utile et nécessaire à la résolution du litige ;
Fixe à la somme de 800 euros (huit cents euros) le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée entre les mains du régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Bobigny, au plus tard le 28 février 2025 par la société [8];
Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;
Rappelle qu’en application de l’article R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance maladie doit transmettre au médecin expert par le biais du service médical l’ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du premier alinéa de l’article L. 142-10 du même code ayant fondé sa décision ;
Dit qu’il appartient aux parties de communiquer à l’expert toutes pièces qu’il jugera utile à son expertise ;
Rappelle que l’expert doit aviser le praticien-conseil du service médical de la caisse primaire d’assurance maladie et le médecin mandaté par l’employeur de la date à laquelle il débutera ses opérations d’expertise ;
Dit que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix pour remplir sa mission ;
Désigne le magistrat coordonnateur du service du contentieux social pour suivre les opérations d’expertise ;
Dit que l’expert devra de ses constatations et conclusions dresser un rapport qu’il adressera au greffe du service du contentieux social du présent tribunal dans le délai de trois mois à compter du présent jugement et au plus tard le 29 avril 2025 ;
Dit que le greffe transmettra copie du rapport au service du contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie ainsi qu’au médecin désigné par l’employeur ;
Renvoie l’affaire à l’audience du mardi 03 juin 2025, à 9 heures, salle d’audience G,
Service du Contentieux Social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Dit que la notification du présent jugement par lettre recommandée avec accusé de réception vaut convocation des parties à l’audience de renvoi ;
Dit que les parties devront s’adresser dès notification du rapport d’expertise leurs conclusions sur le fond et leurs pièces pour être en état de plaider à l’audience de renvoi précitée ;

Réserve les autres demandes et les dépens ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que tout appel à l’encontre de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification,
Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

Dominique RELAV Elsa GEANDROT

 


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