Tribunal judiciaire de Bobigny, 28 janvier 2025, RG n° 24/04782
Tribunal judiciaire de Bobigny, 28 janvier 2025, RG n° 24/04782

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny

Thématique : Nommer un administrateur provisoire pour rétablir la gestion d’une copropriété en difficulté financière.

Résumé

Contexte de l’affaire

L’ensemble immobilier situé à [Adresse 2] à [Localité 4] est soumis à la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, qui régit la copropriété des immeubles bâtis. La ville de [Localité 4] a assigné le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, la société Relais Habitat, pour demander la nomination d’un administrateur provisoire en raison de la situation financière préoccupante de la copropriété.

Demande de nomination d’un administrateur provisoire

Le 24 avril 2024, la ville a sollicité le tribunal judiciaire de Bobigny pour ordonner la nomination d’un administrateur provisoire, invoquant l’article 29-1 de la loi de 1965. Lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 26 juin 2024, la société DAUMESNILS & CIE IMMOBILIER a été désignée comme nouveau syndic. La ville a ensuite soutenu que l’équilibre financier du syndicat était gravement compromis et que la copropriété ne pouvait pas assurer la conservation de l’immeuble.

Arguments de la ville de [Localité 4]

La ville a présenté des preuves de l’incapacité du syndicat à gérer ses finances, citant un taux d’impayés de 706.992,58 euros en mars 2024, alors que le budget prévisionnel était de 90.000 euros. Elle a également mentionné un arrêté préfectoral d’insalubrité concernant un lot de la copropriété et des problèmes structurels graves, tels que des fuites d’eau et des infiltrations, mettant en danger la sécurité des habitants.

Réponse du syndicat des copropriétaires

Le syndicat a contesté la demande de la ville, arguant que les conditions pour désigner un administrateur provisoire n’étaient pas remplies. Il a souligné les efforts déployés par le nouveau syndic pour redresser la situation financière et a contesté les montants des dettes avancés par la ville. Le syndicat a également fait valoir que l’arrêté préfectoral ne concernait qu’un seul appartement et non l’ensemble de l’immeuble.

Décision du tribunal

Le tribunal a examiné les éléments présentés par les deux parties et a conclu que l’équilibre financier du syndicat était effectivement gravement compromis. Il a donc décidé de nommer la SELARL AJAssociés, représentée par Maître [B] [F], en tant qu’administrateur provisoire pour une durée de 24 mois, avec des pouvoirs étendus pour rétablir le fonctionnement normal de la copropriété.

Conséquences de la décision

L’administrateur provisoire a été chargé de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation de l’immeuble et de rétablir l’équilibre financier du syndicat. Le tribunal a également précisé que les frais liés à cette mission seraient à la charge du syndicat des copropriétaires. Les demandes accessoires des parties ont été rejetées, et chaque partie a été laissée à la charge de ses propres dépens.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 28 JANVIER 2025
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND

Chambre 5/Section 1
AFFAIRE: N° RG 24/04782 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZFIR
N° de MINUTE : 25/00184

DEMANDEUR

COMMUNE DE [Localité 4], représenté par son maire en exercice.
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Maître Nathalie LAGREE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P 500

C/

DEFENDEUR

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L’ IMMEUBLE SIS [Adresse 2], pris en la personne de son syndic, la société DAUMESNIL & CIE IMMOBILIER, exerçant sous l’enseigne “SELESTIM”
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Frédéric DROUARD de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0378

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Charlotte THINAT, Présidente,

Statuant sur délégation du président du tribunal judiciaire conformément aux dispositions de l’article 481-1 du code de procédure civile,

Assistée aux débats de Madame Zahra AIT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 26 Novembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Charlotte THINAT, Présidente, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

L’ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 4] (93) est régi par la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Par exploit du 24 avril 2024, la ville de [Localité 4], représentée par son maire en exercice, a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 4] (93), représenté par son syndic, la société Relais Habitat – syndic de redressement, devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de voir ordonner la nomination d’un administrateur provisoire à l’égard de la copropriété susvisée sur le fondement de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 26 juin 2024, la société DAUMESNILS & CIE IMMOBILIER, exerçant sous l’enseigne SELESTIM, a été nommé en qualité de syndic.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 08 novembre 2024 et soutenues à l’audience, la ville de [Localité 4] a demandé au président du tribunal de :

DECLARER recevable la requérante en sa demande et la dire bien fondée ;
PRENDRE ACTE que la présente assignation est notifiée au Procureur de la République compétent ;
DIRE que l’équilibre financier du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], est gravement compromis ;
DIRE que le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble ;
DIRE que la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [B] [F], a une expérience particulière au regard de la nature de l’affaire ;

En conséquence :
ORDONNER la nomination d’un administrateur provisoire du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 4] ;
DESIGNER la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [B] [F], ou tout administrateur au choix du tribunal, en lui confiant tous les pouvoirs du syndic, ceux de l’assemblée générale (à l’exception de ceux prévus aux a et b de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965) et ceux du conseil syndical, ayant pour missions de :
– Se faire remettre les fonds et l’ensemble des documents et archives du syndicat ;- Régler les factures d’entretien courant de la copropriété ;- Prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété ;- Pourvoir à la conservation de l’immeuble et à l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] ;

– A cette fin, solliciter toute aide financière directe ou indirecte incluant les subventions auprès de l’Anah aux travaux éligibles, contribuant à faciliter la résorption des problèmes rencontrés, notamment en assurant la solvabilité de la copropriété ;
– Déposer à l’issue des 6 premiers mois de sa mission, un rapport intermédiaire présentant les mesures à adopter pour redresser la situation financière du syndicat des copropriétaires, si aucun rapport mentionné à l’article 29-1B n’a été établi au cours de l’année précédente. Ce rapport présentera :
une analyse de la situation administrative et comptable de la copropriété ;L’état de l’immeuble, les travaux à réaliser et leur degré d’urgence ;Des préconisations quant aux mesures à prendre pour assurer la conservation de l’immeuble ;- Mener toute action de médiation et négociation entre les parties.CONFIER en l’état, à l’administrateur provisoire, tous les pouvoirs du syndic dont le mandat cessent de plein droit sans indemnité, et les pouvoirs de l’assemblée générale des copropriétaires et du Conseil syndical, à l’exception de ceux prévu aux a)et b) de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;
RAPPELER à l’administrateur provisoire qu’il exécute personnellement la mission qui lui est confiée et qu’il peut toutefois lorsque le bon déroulement de la mission le requiert se fait assister par un tiers désigné par le juge sur sa proposition et rétribuée sur sa rémunération ;
DIRE que l’administrateur provisoire devra faire réaliser un diagnostic technique global (DTG) ;
FIXER la durée de la mission de l’administrateur désigné à 24 mois ;
DIRE qu’il sera statué sur les frais conformément à l’article 29-1 B de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
FIXER le montant de la rémunération de l’administrateur provisoire ainsi désigné ;
DIRE que la rémunération susvisée sera supportée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] ;
CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 4] aux entiers dépens ;

Au soutien de ses prétentions, la ville de [Localité 4] fait valoir que le syndicat est dans l’incapacité de pourvoir à la conservation et à l’entretien de l’immeuble et de régler ses dettes compte tenu de la situation financière gravement compromise de la copropriété. Elle soutient que la copropriété présentait un taux d’impayés de 512.499 euros au 04 février 2022, soit plus de 473%, et qu’en mars 2024, la somme totale des impayés aurait été actualisée à 706.992,58 euros par le syndic et ce, alors que le budget prévisionnel de la copropriété est de 90.000 euros. La ville de [Localité 4] rappelle que le lot n°35 de la copropriété fait l’objet d’un arrêté préfectoral de traitement de l’insalubrité du 10 août 2023 dont la mainlevée n’a pas été prononcée à ce jour, du fait de l’absence de tous travaux. Elle affirme qu’aucune mesure n’a été mise en oeuvre pour lutter contre les fuites et les infiltrations d’eau, ce qui est de nature à terme à fragiliser les structures de l’immeuble et à mettre en danger la sécurité des habitants. Elle considère que l’encaissement de la somme de 27.557,36 euros depuis la désignation du nouveau syndic ne peut suffire au regard du montant de la dette de la copropriété ; cette somme correspondant au montant devant être encaissé par trimestre au titre des appels de fonds de charges générales. Elle fait valoir que le syndicat ne produit pas les preuves d’un rétablissement en cours de la copropriété, notamment à l’égard de la dette copropriétaires d’un montant de 512.499 euros au 22 août 2024 ainsi que de la dette fournisseur à l’égard de la société VEOLIA d’un montant de 314.329,58 euros au 23 septembre 2024. La ville de [Localité 4] met également en exergue des manquements au règlement de copropriété et la présence d’un risque pour la santé et la sécurité des occupants au regard des constats réalisés par un ingénieur sanitaire de la ville le 18 septembre 2024. Malgré les échanges avec le nouveau syndic, aucun programme de travaux n’a été discuté ou présenté. Elle déduit de ces éléments la nécessité de désigner un administrateur provisoire et ce, afin de rétablir le fonctionnement normal de la copropriété.

Le syndicat des copropriétaires a constitué avocat. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 25 novembre 2024 et soutenues à l’audience, il a demandé au président du tribunal judiciaire de :

DIRE ET JUGER irrecevable et mal fondée la Ville de [Localité 4] en sa demande visant à voir désigner un administrateur provisoire, en l’occurrence la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Maître [B] [F], en qualité d’’administrateur provisoire de la copropriété du [Adresse 2],
DIRE ET JUGER en effet que les deux conditions alternatives de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, en l’occurrence un équilibre financier « gravement compromis », ou une impossibilité pour le syndicat des copropriétaires « de pourvoir à la conservation de l’immeuble », ne sont pas réunies,En conséquence,
DEBOUTER la Ville de [Localité 4] de sa demande visant à voir désigner un administrateur provisoire, en l’occurrence la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Maître [B] [F], en qualité d’’administrateur provisoire de la copropriété du [Adresse 2],DIRE ET JUGER que la Ville de [Localité 4] n’apporte aucun élément démontrant que les deux conditions alternatives de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 sont remplies,CONDAMNER la Ville de [Localité 4] à payer au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 2] pris en la personne de son syndic, la Société DAUMESNIL & CIE IMMOBILIER, exerçant sous l’enseigne « SELESTIM », une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens,
Le syndicat des copropriétaires soutient que la ville de [Localité 4] ne démontre pas que l’une des deux conditions visées à l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 serait constituée et qu’elle ne procède que par simples allégations. Il estime que c’est à la demanderesse qu’incombe la charge de la preuve et qu’elle ne justifie pas des sommes énoncées au titre des dettes de la copropriété. Il relève que l’arrêté du 10 août 2023 ne vise qu’un seul appartement et non l’immeuble en son entier. Il fait valoir les démarches entreprises depuis la désignation du nouveau syndic et souligne les difficultés auxquelles il a dû faire face en raison de l’absence de transmission par le précédent syndic des archives de la copropriété. Il précise que la dette dont la société VEOLIA fait état ne correspond pas à celle résultant des documents qu’il a en sa possession et a en conséquence pris attache avec ce fournisseur aux fins d’obtenir un état comptable détaillé. Un expert a été missionné en recherche de fuites et a permis d’établir l’origine des facturations particulièrement importantes mises à la charge du syndicat des copropriétaires. Il verse l’état des lieux de reprise de gestion établi par le syndic le 20 novembre 2024 pour démontrer la reprise de la copropriété par ce dernier et souligne que la somme de 45.000 euros a été recouvrée par la société SELESTIM depuis sa désignation. Il déduit de ces éléments que la ville de [Localité 4] doit être déboutée de ses demandes.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 26 novembre 2024. Elle a été mise en délibéré au 28 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS,

Le président du tribunal judiciaire,

Désignons la SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [B] [F], en qualité d’administrateur provisoire de l’ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 4] (Seine-Saint-Denis) afin de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de ladite copropriété, le cas échéant, procéder aux opérations de liquidation du syndicat des copropriétaires de la copropriété et de procéder à la clôture des opérations de liquidation ;

Confions audit administrateur tous les pouvoirs de l’assemblée générale, à l’exception de ceux prévus aux paragraphes a) et b) de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, modifiée par la loi du 24 mars 2014, ainsi que les pouvoirs du conseil syndical et du syndic et ce, pour une durée de un an à compter de la date de l’ordonnance ;

Disons que la durée de la mission donnée ci-dessus pourra être prorogée, ou qu’il pourra y mettre fin, sur requête ou en référé ;

Disons que conformément à l’article 62-5 du décret du 17 mars 1967 modifié par le décret n°2015-999 du 17 août 2015, le présent jugement sera porté à la connaissance des copropriétaires dans le délai d’un mois à compter de ce jour par les soins de l’administrateur provisoire et cette communication reproduira le texte du 7° de l’article 481-1 du code de procédure civile ;

Laissons à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens ;

Rejetons les demandes plus amples ou contraires.

Fait au Palais de Justice, le 28 janvier 2025

La minute de la présente décision a été signée par Madame Charlotte THINAT, Présidente, assistée de Madame Zahra AIT, greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Madame AIT Madame THINAT

 


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