Cour d’appel de Versailles, 20 janvier 2025, RG n° 22/01279
Cour d’appel de Versailles, 20 janvier 2025, RG n° 22/01279

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Licenciement pour faute grave : évaluation des manquements professionnels et conséquences.

Résumé

Contexte de l’affaire

La société de Transport Interurbain des Lignes Express, désignée sous le nom de Stile, est une société par actions simplifiée immatriculée à Versailles, spécialisée dans le transport public routier de personnes. Elle emploie plus de 11 salariés.

Engagement de M. [X]

M. [A] [X] a été engagé par la société Stile en tant que conducteur receveur par un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2020, avec une reprise d’ancienneté au 6 mai 2019 pour son travail antérieur chez CTVMI. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers.

Sanctions disciplinaires

Au cours de l’année 2020, M. [X] a reçu plusieurs sanctions disciplinaires de la part de la société Stile, incluant un rappel à l’ordre en décembre 2019, suivi de mises à pied de trois jours en avril et de quatre jours en juillet. En septembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, accompagné d’une mise à pied conservatoire.

Licenciement pour faute grave

Le 18 septembre 2020, la société Stile a notifié à M. [X] son licenciement pour faute grave, en raison de manquements répétés à ses obligations contractuelles, notamment la conduite sans carte conducteur dans le chronotachygraphe à plusieurs reprises, ainsi que d’autres infractions liées à la sécurité routière.

Procédure judiciaire

M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy le 4 février 2021, contestant la légitimité de son licenciement, qu’il a qualifié de sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu le 24 mars 2022 a requalifié le licenciement en manquements professionnels justifiant une cause réelle et sérieuse, condamnant la société Stile à verser diverses indemnités à M. [X].

Appel de M. [X]

M. [X] a interjeté appel du jugement, demandant une requalification de son licenciement et des indemnités supplémentaires pour préjudice moral. La société Stile a également interjeté appel, contestant la requalification de son licenciement et les condamnations financières.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que le licenciement pour faute grave de M. [X] était justifié. Elle a rejeté toutes les demandes indemnitaires de M. [X], y compris celles relatives aux congés payés, et a condamné M. [X] aux dépens d’appel.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 22/01279 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VET4

AFFAIRE :

[A] [X]

C/

S.A.S. STILE

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 24 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de POISSY

N° Section : C

N° RG : F 21/00050

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Salif DADI

Me Oriane DONTOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANT

Monsieur [A] [X]

né le 17 Juillet 1976 à MAROC

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Salif DADI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0912

****************

INTIMÉE

S.A.S. STILE

N° SIRET : 528 943 970

Prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant : Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0007

Substitué : Me Marie-Astrid BERTIN, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT

FAITS ET PROCÉDURE

La société de Transport Interurbain des Lignes Express (ci-après désignée la société Stile) est une société par actions simplifiée (SAS) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Versailles, sous le numéro 528 943 970, elle exploite une activité de transport public routier de personnes et emploie plus de 11 salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er janvier 2020, M. [A] [X] a été engagé par la société Stile en qualité de conducteur receveur, coefficient 140, avec une reprise d’ancienneté au 6 mai 2019 au titre de la période travaillée dans le cadre de la société CTVMI.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Par courrier daté du 9 décembre 2019, la société Stile a notifié à M. [X] un rappel à l’ordre.

Par courrier daté du 6 avril 2020, la société Stile a notifié à M. [X] sa mise à pied à titre disciplinaire pour une durée de trois jours.

Par courrier daté du 27 juillet 2020, la société Stile a notifié à M. [X] sa mise à pied à titre disciplinaire pour une durée de quatre jours.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er septembre 2020, la société Stile a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

L’entretien préalable s’est tenu le 14 septembre 2020, en présence d’un délégué syndical.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 septembre 2020, la société Stile a notifié à M. [X] son licenciement pour faute grave, en ces termes :

« Monsieur,

Nous faisons suite à l’entretien préalable auquel vous étiez convoquée le 14 septembre 2020, et pour lequel vous vous êtes présentée en étant accompagné de Monsieur [J], Délégué syndical à STILE.

Vous êtes salarié de STILE depuis le 1er janvier 2020 en qualité de conducteur receveur suite à une demande de mutation que nous avons acceptée, et d’une convention de transfert de la société CTVMI avec reprise d’ancienneté.

A plusieurs reprises sur l’année 2020, nous vous avons déjà notifié des sanctions disciplinaires en raison d’un manquement à vos obligations contractuelles. Vous avez de nouveau eu des comportements fautifs que nous avons évoqué lors de l’entretien et que nous vous récapitulons ci-après :

‘ En date du 1er septembre 2020, suite à une vérification de l’utilisation des cartes conducteur via notre logiciel TX VISIO, il apparaît que vous avez conduit votre car à plusieurs reprises sans votre carte conducteur chronotachygraphe, à savoir le 14/01/2020 de 12h27 à 14h52, le 18/02/2020 de 16h53 à 19h54, le 13/05/2020 de 07h37 à 09h4, le 11/06/2020 de 5h02 à 7h40. Cette pratique est illégale. En effet, l’article L. 3315-5 précise « Est puni de six mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende le fait de se livrer à un transport routier avec une carte de conducteur non conforme ou n’appartenant pas au conducteur l’utilisant ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule. Vous n’avez effectué aucun signalement concernant ces dates sur une perte ou un vol de votre carte, ni d’un oubli, comme vous l’impose l’article 2.2. du règlement intérieur « Manipuler correctement et conformément aux lois en vigueur, le sélecteur du chronotachygraphe dont sont équipés les véhicules et plus généralement tous les matériels qui pourraient le remplacer (notamment chronotachygraphe électronique) ». Vous devez impérativement conduire votre car avec la carte conducteur insérée. Lors de l’entretien vous nous informez que vous ne comprenez pas.

Depuis le 01/01/2020, nous avons d’ores et déjà pu constater et sanctionner des manquements de même nature à vos obligations.

– En effet, nous vous avons adressé une journée de mise à pied datée du 8 avril 2020 pour le non-respect de la réglementation concernant l’utilisation de votre téléphone portable en conduite.

– En effet, nous vous avons adressé trois journées de mise à pied pour les 14/04/2, 16/04/20 et 21/04/20 pour le non-respect de la réglementation concernant l’utilisation de votre oreillette (téléphone) en conduite (procès-verbal reçu)

– En effet, nous vous avons adressé quatre journées de mise à pied pour les 04/08/20, 06/08/20, 11/08/20, 13/08/20 pour un défaut de sécurité lié à votre conduite.

Les manquements dont vous faites preuve compromettent notre obligation de sécurité vis-à-vis de nos clients, de nos collaborateurs, vous y compris, ainsi qu’aux autres usagers de la route, et sont en total contradiction avec notre mission de délégation de service public, ce que nous ne saurions cautionner plus longtemps. Les explications recueillies auprès de vous lors de l’entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation au sujet de vos agissements fautifs.

Ainsi et pour l’ensemble de ces faits, nous considérons que votre comportement n’est définitivement plus compatible avec la poursuite de nos relations contractuelles.

Par conséquent, nous vous informons que nous sommes amenés à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. »

Par requête introductive reçue au greffe le 4 février 2021, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy d’une demande tendant à ce que son licenciement pour faute grave soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse et intervenu dans des conditions humiliantes et vexatoires.

Par jugement rendu le 24 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Poissy a :

– fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 2 368 euros ;

– dit et jugé que le licenciement de M. [A] [X] ne repose pas sur une faute grave mais seulement sur des manquements professionnels justifiant une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Stile à verser à M. [A] [X] avec intérêts légaux à compter du 8 février 2021, date de réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse, les sommes suivantes :

* 410,73 euros au titre de rappel de congés ;

* 2 368,00 euros au titre de rappel de l’indemnité de préavis ;

* 236,80 euros au titre des congés payés afférents ;

– rappelé que l’exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l’article R. 1454-14 alinéa 2 du code du travail ;

– débouté M. [A] [X] de sa demande de rappel de salaire relative à la mise à pied conservatoire ;

– condamné la société Stile à verser à M. [A] [X] avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement la somme de :

* 592 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– débouté M. [A] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail ;

– condamné la société Stile à verser à M. [A] [X] la somme de :

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné à la société Stile de remettre à M. [A] [X] l’attestation pôle emploi corrigée sans astreinte ;

– ordonné la capitalisation des intérêts légaux conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

– ordonné la majoration du taux de l’intérêt légal de cinq points à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter du jour où la décision est devenue exécutoire conformément à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

– débouté la société Stile de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Stile aux entiers dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 19 avril 2022, M. [A] [X] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 octobre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 14 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [X], appelant et intimé à titre incident, demande à la cour de :

– infirmer partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

– juger le licenciement de M. [A] [X] sans cause réelle et sérieuse ;

– et en ce sens, condamner la société de Transport Interurbain des Lignes Express (Stile), à lui verser les sommes suivantes :

* 4 736 euros au titre de l’indemnité visée à l’article L. 1235-3 du code du travail ;

* 1 095,29 euros au titre de son rappel de salaire (mise à pied conservatoire du 1er au 18 septembre 2020) ;

* 109,52 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait des conditions humiliantes et vexatoires ayant entouré la rupture de son contrat de travail ;

* 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– confirmer le jugement en ses autres dispositions.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 11 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Stile, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– dire et juger la société Stile recevable et bien fondée en son appel incident et, plus généralement, en ses demandes, fins et conclusions ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* requalifié le licenciement pour faute grave de M. [X] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

* condamné la société à verser à M. [X] les sommes suivantes :

– 410,73 euros au titre du rappel de congés payés,

– 2 368 euros au titre de rappel de l’indemnité de préavis,

– 236,80 euros au titre des congés payés y afférents,

– 592 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société aux entiers dépens y compris les frais d’exécution.

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaire relative à la mise à pied conservatoire;

* débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour les prétendues conditions vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail.

Y faisant droit et statuant de nouveau :

– juger que le licenciement pour faute grave de M. [X] est parfaitement justifié ;

En conséquence :

– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause :

– condamner M. [X] à payer à la société Stile la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [X] en tous les dépens de 1ère instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy du 24 mars 2020 dans l’intégralité de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ECARTE des débats les pièces 7 et 9 ;

REJETTE le moyen tiré de la prescription ;

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [X] est justifié ;

DÉBOUTE le salarié de l’ensemble de ses demandes indemnitaires y compris de celles formées dans le cadre des congés payés d’août 2020 ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [X] aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon