Cour d’appel de Versailles, 20 janvier 2025, RG n° 24/00265
Cour d’appel de Versailles, 20 janvier 2025, RG n° 24/00265

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Prescription des actions en paiement : point de départ déterminé par l’achèvement des prestations.

Résumé

Contexte du contrat

Par un contrat daté du 1er octobre 2018, M. [G] [L] a mandaté M. [V] [E] pour réaliser plusieurs missions liées à un projet de construction d’une habitation à [Localité 5]. Ce contrat incluait des phases d’études préliminaires, d’élaboration du dossier de permis de construire et de conception du projet, avec une mission optionnelle de direction des travaux.

Honoraires et paiements

Les honoraires de M. [E] étaient fixés à 10 % du montant HT des travaux, répartis sur les différentes phases. M. [L] a versé un total de 24 000 euros TTC à M. [E] entre octobre et décembre 2018, après que M. [E] ait fourni une estimation des travaux à 903 307 euros. Le permis de construire a été obtenu le 13 mai 2019.

Résiliation du contrat

Le 11 septembre 2019, M. [L] a notifié à M. [E] sa décision de mettre fin au contrat. M. [E] a contesté cette résiliation par courrier le 2 octobre 2019, demandant le paiement des prestations déjà réalisées. M. [L] a confirmé sa décision de résiliation par un autre courrier le 30 octobre 2019.

Facturation et mise en demeure

Le 14 novembre 2019, M. [E] a émis une note d’honoraires de 46 457,94 euros, correspondant à 6,5 % du montant total des travaux, après déduction des paiements déjà reçus. En janvier 2020, le conseil de M. [E] a mis en demeure M. [L] de régler cette somme, tandis que M. [L] a contesté la facture et demandé un remboursement.

Procédure judiciaire

Le 1er février 2022, M. [E] a assigné M. [L] devant le tribunal judiciaire de Versailles pour obtenir le paiement de la somme due. M. [L] a soulevé une fin de non-recevoir pour prescription. Le juge de la mise en état a déclaré l’action de M. [E] irrecevable pour cause de prescription, estimant que le délai de prescription avait commencé à courir à la date de la note d’honoraires.

Appel et décision de la cour

M. [E] a interjeté appel de cette décision, soutenant que le délai de prescription ne devait pas commencer avant l’achèvement des prestations. La cour a convenu que la tentative de résiliation n’avait pas mis fin au contrat et que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir. Elle a donc déclaré l’action de M. [E] recevable et a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état.

Dépens et frais de procédure

La cour a condamné M. [L] à payer les dépens de l’incident et de l’appel, ainsi qu’une somme de 3 000 euros à M. [E] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 24/00265

N° Portalis DBV3-V-B7I-WI7F

AFFAIRE :

[V] [E]

C/

[G] [L]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Mai 2023 par le Juge de la mise en état de VERSAILLES

N° RG : 22/00839

Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :

à :

Me Coralie LEMAITRE-PRUNAC

Me Dan ZERHAT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANT

Monsieur [V] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Coralie LEMAITRE-PRUNAC, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 666

Plaidant : Me Richard KITAEFF, avocat au barreau d’AVIGNON

****************

INTIME

Monsieur [G] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

Plaidant : Me Benjamin SCETBON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0268

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

Par un contrat du 1er octobre 2018, M. [G] [L] a confié à M. [V] [E] les missions d’études préliminaires (phase 1), d’élaboration du dossier de permis de construire (phase 2) et de réalisation du projet de conception (phase 3) dans le cadre d’un projet de construction d’une habitation sur le terrain acquis par M. [L] à [Localité 5] (84).

Le contrat prévoyait également une mission optionnelle de direction des travaux.

Le montant des honoraires dus à M. [E] était fixé pour chacune de ces étapes proportionnellement au montant HT des travaux : 3,5 % pour les phases 1 et 2, 3 % pour la phase 3. La phase optionnelle était proposée au montant de 3,5 % HT. Soit un total de 10 % du montant HT des travaux.

Le 30 novembre 2018, M. [E] a transmis à M. [L] une estimation provisoire du montant des travaux à 903 307 euros et une demande d’acompte d’un montant de 12 000 euros TTC.

M. [L] a versé à M. [E] les sommes de 3 000 euros le 1er octobre 2018, 10 000 euros le 4 décembre 2018 (débité le 10 janvier 2019) et 11 000 euros le 22 décembre 2018 (débité le 15 janvier 2019), soit un total de 24 000 euros TTC.

Le 21 décembre 2018, M. [E] a déposé la demande de permis de construire qui a été obtenu le 13 mai 2019.

Par courrier recommandé du 11 septembre 2019, M. [L] a informé M. [E] de sa décision de mettre fin au contrat.

Par courrier recommandé du 2 octobre 2019, M. [E] a indiqué à M. [L] ne pas accepter cette résiliation unilatérale du contrat en l’absence de paiement des prestations déjà effectuées.

Par courrier, recommandé du 30 octobre 2019, M. [L] a confirmé sa décision de mettre fin au contrat.

Le 14 novembre 2019, M. [E] a envoyé à M. [L] une note d’honoraires pour un montant de 46 457,94 euros correspondant aux 6,5 % du montant total des travaux pour les phases 1, 2 et 3 de sa mission, après déduction des provisions déjà versées.

Par courrier du 9 janvier 2020, le conseil de M. [E] a mis en demeure M. et Mme [L] de payer le montant facturé.

Par courriers officiels du 23 janvier 2019 (sic) puis du 25 février 2020, le conseil de M. [L] a réclamé la suspension des poursuites en paiement et a répondu qu’il refusait de payer cette facture et demandait le remboursement d’un trop perçu de 8 515 euros.

Par acte du 1er février 2022, M. [E] a assigné M. [L] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 46 457,94 euros, outre 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident notifiées le 15 juillet, M. [L] a saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Par ordonnance du 5 mai 2023, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable car prescrite l’action de M. [E] et l’a condamné à verser à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le juge de la mise en état a retenu que l’article L.218-2 du code de la consommation s’appliquait, que le point de départ de la prescription biennale était la date d’émission de la note d’honoraires dont M. [E] demandait le paiement, soit le 14 novembre 2019, que l’architecte avait donc eu jusqu’au 14 novembre 2021 pour agir en paiement contre M. [L] et que M. [E] ayant assigné M. [L] en paiement le 1er février 2022, son action était irrecevable car prescrite.

Il a estimé que M. [E] avait considéré que ses honoraires lui étaient dus en raison de la résiliation unilatérale du contrat par M. [L], peu important que les prestations aient été terminées ou non et que M. [E] avait connu à la date d’émission de cette note d’honoraires les faits lui permettant d’exercer son droit au paiement de ses honoraires, soit la volonté de M. [L] de mettre fin au contrat.

Par déclaration du 8 janvier 2024, M. [E] a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses premières conclusions, remises au greffe le 12 juillet 2024 (9 pages), M. [E] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance et de :

– rejeter l’irrecevabilité et la fin de non-recevoir soulevées par M. [L],

– juger et déclarer son action en paiement non prescrite et donc recevable,

– condamner M. [L] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [L] aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses premières conclusions, remises au greffe le 12 août 2024 (8 pages), M. [L] demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,

– condamner M. [E] à la somme de 1 000 euros pour appel abusif,

– en tout état de cause, débouter M. [E] de toutes demandes,

– condamner M. [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ordonnance du 12 février 2024, la cour d’appel de Versailles a redistribué l’affaire à la présente chambre pour une bonne administration de la justice.

L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 18 novembre 2024 et elle a été mise en délibéré au 20 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats à l’audience publique, par arrêt contradictoire,

Infirme l’ordonnance du juge de la mise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [G] [L] ;

Déclare recevable comme non prescrite l’action en paiement engagée par M. [V] [E] à l’encontre de M. [G] [L] ;

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [L] aux entiers dépens de l’incident ;

Condamne M. [G] [L] à payer à M. [V] [E] une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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