Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
→ RésuméM. [R] [L] a engagé une procédure pour résilier le bail de deux parcelles qu’il possède, exploitées par M. [V] [T] depuis 1981, en raison d’une sous-location prohibée. La cour a jugé recevable l’action de M. [R] [L] et a accepté l’intervention de Mme [W], co-bailleresse. Cependant, elle a rejeté la demande de validation du congé et de résiliation du bail, tout en accordant une indemnité de 3.000 euros à M. [V] [T] en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [L] est propriétaire de deux parcelles sur lesquelles M. [V] [T] exploite depuis 1981. M. [R] [L] a demandé la résiliation du bail pour sous-location ou cession prohibée.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [R] [L] demande la validation du congé délivré à M. [V] [T] et la résiliation du bail. Mme [W] intervient pour demander la résiliation du bail en tant que co-bailleresse.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rejette la fin de non-recevoir de M. [V] [T] et juge recevable l’action de M. [R] [L]. L’intervention de Mme [W] est également acceptée. La cour confirme le jugement en rejetant la demande de validation du congé et de résiliation du bail. Une indemnité de 3.000 euros est allouée à M. [V] [T] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 06 JUILLET 2023
(n° /2023, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13397 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGF4Y
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2022 -Tribunal paritaire des baux ruraux de LAGNY SUR MARNE – RG n° 51-21-0001
APPELANT
Monsieur [R] [L]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représenté par Me Marie SOYER de la SAS DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : W06
INTIME
Monsieur [V] [T]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représenté par Me Isabelle KISTNER de la SELARL IKOS AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 243
Ayant pour avocat plaidant Me Myriam BRITON, avocat au barreau du Val de Marne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François LEPLAT, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François LEPLAT, président
Mme Anne-Laure MEANO, président
Mme Aurore DOCQUINCOURT, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Céline RICHARD
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [L] est propriétaire de deux parcelles situées sur la commune de [Localité 8], Lieu-dit [Localité 10], cadastrées sections A n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6]. Elles recouvrent une superficie totale de 91 ares et 60 centiares.
Ces parcelles sont exploitées par M. [V] [T] depuis 1981.
Par requête reçue au greffe le 11 juin 2021, M. [R] [L] a demandé au Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Lagny-sur-Marne de :
à titre principal,
– déclarer valide le congé délivré le 14 février 2020 concernant les deux parcelles précitées ;
à titre subsidiaire,
– prononcer la résiliation judiciaire du bail rural consenti à M. [V] [T] pour sous-location prohibée, subsidiairement pour cession prohibée
en tout état de cause,
– ordonner l’expulsion du preneur sous astreinte de 100 euros par jour, au besoin avec le concours de la Force Publique, condamner le preneur à lui payer la somme de 5.000 euros pour occupation irrégulière, outre la somme de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
A l’audience du 10 mai 2022, M. [R] [L] a comparu, assisté de son conseil, et maintenu l’intégralité des demandes figurant dans son acte introductif d’instance, sollicitant en outre le débouté des demandes reconventionnelles.
M. [V] [T], également assisté de son conseil, demandait au tribunal :
– d’écarter les pièces 2, 5 et 17 produites par le demandeur ;
– de prononcer la nullité du congé délivré le 14 février 2020 ;
– de débouter le demandeur de l’ensemble de ses demandes ;
– de le condamner à lui verser la somme de 5.000 euros pour procédure abusive, outre la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 et les dépens.
Par jugement contradictoire entrepris du 1er juillet 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lagny-sur-Marne a ainsi statué :
Déboute M. [R] [L] de sa demande de validation du congé par lui délivré à M. [V] [T] le 14 février 2020 ;
Déboute M. [R] [L] de sa demande en résiliation du bail rural conclu entre les parties ;
Déboute M. [R] [L] de sa demande en expulsion de M. [V] [T] et de ses demandes d’astreinte et de paiement d’une indemnité pour occupation irrégulière qui lui sont accessoires ;
Déboute M. [V] [T] de sa demande en indemnisation pour procédure abusive ;
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne M. [R] [L] à paver à M. [V] [T] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute M. [R] [L] aux dépens de l’instance ;
Rappelle que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu la déclaration d’appel formé par M. [R] [L] reçue au greffe le 20 juillet 2022
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 3 mai 2023 par lesquelles M. [R] [L] demande à la cour de :
Vu l’article L. 411-3 du Code rural et de la pêche maritime,
Vu les articles 1774 et suivants du Code civil,
Vu les articles L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime.
DÉCLARER M. [L] recevable et bien fondé en son appel,
DÉCLARER recevable l’intervention volontaire de Mme [W],
INFIRMER le jugement du 1er juillet 2022 rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Lagny sur Marne en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau de :
A titre principal,
VALIDER le congé délivré le 14 février 2020 par M. [R] [L] à M. [V] [T] sur les parcelles :
Sur la commune de [Localité 8] : 91 a 60 ca
– cadastrée section A n° [Cadastre 5], lieudit [Localité 10] d’une contenance de 45 a 80 ca
– cadastrée section A n° [Cadastre 6], lieudit [Localité 10] d’une contenance de 45 a 80 ca
A titre subsidiaire,
DÉCLARER recevable les demandes de Mme [W] à hauteur d’appel,
PRONONCER la résiliation du bail rural consenti à M. [V] [T] pour sous-location prohibée et à tout le moins pour cession prohibée sur les parcelles
Sur la commune de [Localité 8] :
– cadastrée section A n° [Cadastre 4], lieudit [Localité 10] d’une contenance de 45 a 80 ca
– cadastrée section A n° [Cadastre 6], lieudit [Localité 10] d’une contenance de 45 a 80 ca
– cadastrée section A n° « [Cadastre 6] », lieudit [Localité 10] d’une contenance de 45 a 80 ca
En tout état de cause,
DÉBOUTER M. [V] [T] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
ORDONNER l’expulsion de M. [V] [T] et de tous occupants de son chef, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, au besoin avec le concours de la force publique, des parcelles litigieuses
CONDAMNER M. [V] [T] au paiement de la somme de 5.000 euros à M. [R] [L] au titre du préjudice subi à raison de l’occupation irrégulière,
CONDAMNER M. [V] [T] au paiement de la somme de 5.000 euros à M. [R] [L] et de 5.000 euros à Mme [W] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER M. [V] [T] au paiement des entiers dépens,
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 6 février 2023 au terme desquelles M. [V] [T] demande à la cour de :
Juger que M. [R] [L] irrecevable et en tout état de cause non fondé en son action ;
Juger qu’il est tout aussi irrecevable en cause d’appel et le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions visant à la réformation de la décision attaquée et à la condamnation et à l’expulsion de M. [T] ;
Juger irrecevable l’intervention volontaire de Mme [W] ;
Subsidiairement :
Vu les articles L 411-1, L 411-3, L 411-31, L 411-47 et L 411-54 du Code rural et de la Pêche maritime et vu l’article 595 du Code civil ;
Confirmer le jugement attaqué notamment en ce qu’il a débouté M. [R] [L] de sa demande de validation du congé par lui délivré à M. [V] [T] le 14 février 2020 pour les parcelles sises commune de [Localité 8] :
Cadastrée : section A N°[Cadastre 5], lieudit [Localité 10], d’une contenance de 45 ares 80 ca
Cadastrée : section A N°[Cadastre 6], lieudit [Localité 10], d’une contenance de 45 ares 80 ca
Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. [R] [L] de sa demande de résiliation du bail conclu entre les parties ;
Débouter M. [R] [L] de la demande qu’il forme devant la Cour de céans et qui vise à l’expulsion de M. [T] des parcelles issues de la division de la parcelle A [Cadastre 2] et notamment des parcelles A [Cadastre 4] et A [Cadastre 6] ;
Débouter M. [R] [L] de ses demandes d’astreinte et de paiement d’une indemnité pour occupation irrégulière qui lui sont accessoires ;
Débouter M. [L] et Mme [W] de la demande d’expulsion visant la parcelle A [Cadastre 4] ;
Condamner solidairement M. [R] [L] et Mme [X] [W] à verser à M. [T] une somme de 5000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile et aux entiers dépens ;
Condamner solidairement M. [R] [L] et Mme [X] [W] aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les dernières conclusions communiquées par les parties
L’audience initialement fixée le 9 février 2023 à 14h ayant été reportée au 8 juin 2023 à 14h, M. [R] [L] a de nouveau conclu le 3 mai 2023, puis M. [V] [T] le 7 juin 2023 et, à nouveau M. [R] [L] le 8 juin 2023, jour de l’audience.
Selon l’article 15 du code de procédure civile : Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
L’article 16 du même code complète ainsi : Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
A l’audience, les parties ayant réciproquement indiqué ne pas avoir pu répliquer à ces deux derniers jeux de conclusions et n’ayant pas souhaité un nouveau report d’audience, l’observation du principe de la contradiction impose donc à la cour d’écarter des débats ces deux derniers jeux de conclusions du 7 juin 2023 et du 8 juin 2023.
Sur la recevabilité de l’action de M. [R] [L]
M. [V] [T] oppose à M. [R] [L] une fin de non-recevoir à son action, tirée du défaut de qualité à agir.
Il fait en effet valoir qu’il bénéficiait d’un bail rural verbal qui portait à l’origine, soit en 1981, sur la parcelle cadastrée A [Cadastre 2] d’une superficie de 1ha 32a 49ca, sise sur la commune de [Localité 8] ;
Qu’en raison du principe de l’indivisibilité du bail rural, c’est à l’époque de sa formation qu’il faut se placer afin de juger de sa soumission ou non au statut du fermage, or la surface donnée à bail étant supérieure à 1 ha, elle ne relève pas, contrairement à ce qui est prétendu, du statut dérogatoire des baux de petites parcelles (article L.411-3 du Code rural) ;
Que le bail rural s’est renouvelé par période de neuf années en 1990, 1999, 2008 et 2017, la prochaine échéance du bail étant en décembre 2026 ;
Que M. [R] [L] a indiqué par une lettre du 14 février 2020 qu’il avait hérité récemment de deux parcelles issues de la division de la parcelle A [Cadastre 2] à la fin de 2018 ;
Mais que ces parcelles ne constituent pas la surface initialement donnée à bail à l’intimé de sorte que M. [R] [L] était sans qualité pour donner congé pour une partie seulement de la parcelle A [Cadastre 2] ;
Qu’il est irrecevable, faute d’avoir, à lui seul, la qualité de bailleur, pour demander de valider un congé qu’il a délivré à son seul nom pour une partie seulement de la surface donnée à bail ;
Que c’est pourquoi, apparaît en cause d’appel sa soeur, Mme [W] épouse [F], propriétaire de la parcelle A n°[Cadastre 4], qui intervient volontairement devant la cour ; mais que celle-ci ne saurait demander la validation d’un congé qui, d’une part, ne vise pas sa parcelle et qui, d’autre part, n’a pas été délivré en son nom ;
Que l’intervention volontaire de Mme [W] épouse [F] est, en tout état de cause, impuissante à rendre recevable l’action engagée par M. [R] [L] au titre du congé qu’il a délivré, le dit congé ne visant pas la surface donnée à bail mais seulement deux portions dont il est actuellement devenu propriétaire.
Relevant que cette fin de non-recevoir n’a pas été soutenue en première instance, M. [V] [T] l’estime irrecevable devant la cour.
Il convient à cet égard de rappeler que selon l’article 125 du code de procédure civile :
Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
La fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [T] est donc recevable, M. [R] [L] ne démontrant, ni même n’alléguant une intention dilatoire de l’intimé.
M. [V] [T] n’est pas contredit par M. [R] [L] lorsqu’il affirme que le bail s’est renouvelé par période de neuf années en 1990, 1999, 2008 et 2017, la prochaine échéance du bail étant en décembre 2026.
S’agissant du périmètre du bail, il ressort des pièces versées aux débats, qui ne sont pas contestées par M. [R] [L], que le bail à l’origine consenti à M. [V] [T],
soit en 1981, portait sur la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 2] d’une superficie de 1ha 32a 49ca, sise sur la commune de [Localité 8], tel que cela ressort de sa situation cadastrale, communiquée par la Mutualité sociale agricole au 12 décembre 1991 ;
Qu’à la suite de la réunion à la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 2] de la parcelle cadastrée A n° [Cadastre 1], l’ensemble a été cadastré A n°[Cadastre 3], puis divisé par acte de donation à titre de partage anticipé du 28 août 2003 en trois parcelles, cadastrées A n°[Cadastre 4], n°[Cadastre 5] et n°[Cadastre 6] ;
Que M. [R] [L] justifie par acte notarial du 21 juin 2019, être pleinement propriétaire depuis le 21 novembre 2018 des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 5] et A n°[Cadastre 6], qui recouvrent une superficie totale de 91 ares et 60 centiares, qui est donc inférieure à la superficie du bail de 1ha 32a 49ca.
Or, l’indivisibilité du bail persistant jusqu’à son expiration, nonobstant la division entre plusieurs propriétaires du bien en faisant l’objet, M. [R] [L] ne pouvait donner congé à M. [V] [T] pour ses seules parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 5] et A n°[Cadastre 6] par courrier du 14 février 2020, alors que le renouvellement du bail, dont l’assiette foncière est aussi constituée de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 4], était en cours jusqu’en décembre 2026.
Néanmoins, M. [R] [L], pleinement propriétaire des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 5] et A n°[Cadastre 6]depuis novembre 2018 pouvait délivrer congé à M. [V] [T] et agir en justice pour demander la validation de ce congé, la recevabilité d’une action n’étant en rien liée au sort que le juge lui réservera.
La fin de non-recevoir soulevée par M. [V] [T] sera ainsi rejetée par la cour et l’action de M. [R] [L] jugée recevable.
Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de Mme [W] épouse [F]
Mme [W] épouse [F], soeur de M. [R] [L] et propriétaire de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 4], intervient en cause d’appel pour formuler en sa qualité de co-bailleresse une demande à titre subsidiaire de prononcer de la résiliation du bail consenti à M. [V] [T], pour sous-location prohibée et, à tout le moins, pour cession prohibée.
Selon l’article 554 du code de procédure civile : Peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
Mme [W] épouse [F], de part sa qualité de co-bailleresse a parfaitement intérêt à agir en prononcé de la résiliation du bail.
Son intervention volontaire sera donc accueillie par la cour.
Sur la validation du congé délivré par M. [R] [L] le 14 février 2020
Poursuivant l’infirmation du jugement entrepris qui a dit nul et de nul effet le congé délivré à M. [V] [T] le 14 février 2020, notamment pour non respect du formalisme édicté par l’article L.411-47 du code rural et de la pêche maritime, M. [R] [L] maintient devant la cour que le congé qu’il a délivré, relatif à une « petite parcelle », inférieure à un hectare, n’y est pas soumis puisqu’il serait régi par l’article 1774 du code civil selon lequel : Le bail, sans écrit, d’un fonds rural, est censé fait pour le temps qui est nécessaire afin que le preneur recueille tous les fruits de l’héritage affermé.
Ainsi le bail à ferme d’un pré, d’une vigne, et de tout autre fonds dont les fruits se recueillent en entier dans le cours de l’année, est censé fait pour un an.
Le bail des terres labourables, lorsqu’elles se divisent par soles ou saisons, est censé fait pour autant d’années qu’il y a de soles.
Mais M. [V] [T] lui rétorque à bon droit, comme le premier juge l’a retenu, que la superficie donnée à bail à l’origine, invariée depuis lors, est de 1ha 32a 49ca et que le statut d’ordre public du fermage lui est donc applicable.
Surtout, la cour rappelle que l’indivisibilité du bail persistant jusqu’à son expiration, nonobstant la division entre plusieurs propriétaires du bien en faisant l’objet, M. [R] [L] ne pouvait donner congé à M. [V] [T] pour ses seules parcelles par courrier du 14 février 2020, alors que le renouvellement du bail était en cours jusqu’en décembre 2026.
La cour confirmera en conséquence, par motifs ajoutés, le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] [L] de sa demande de validation du congé donné à M. [V] [T] le 14 février 2020.
Sur la résiliation du bail
Le premier juge a écarté la sous-location ou la cession prohibées du bail, alléguées par M. [R] [L] pour défaut de rapport de la preuve.
M. [R] [L] entend à nouveau démontrer ces manquements au bail, sa soeur, Mme [W] épouse [F] s’associant à sa prétention de voir le bail résilié.
Selon l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime : Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l’article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.
De même, le preneur peut avec l’agrément du bailleur ou, à défaut, l’autorisation du tribunal paritaire, associer à son bail en qualité de copreneur son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l’exploitation ou un descendant ayant atteint l’âge de la majorité.
Toute sous-location est interdite. Toutefois, le bailleur peut autoriser le preneur à consentir des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs. Chacune de ces sous-locations ne peut excéder une durée de trois mois consécutifs. Dans ce cas, le bénéficiaire de la sous-location n’a aucun droit à son renouvellement, ni au maintien dans les lieux à son expiration. (…).
L’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime dispose quant à lui que : (…) II.-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s’il justifie d’un des motifs suivants :
1° Toute contravention aux dispositions de l’article L.411-35 ; (…).
M. [R] [L] et Mme [W] épouse [F] entendent caractériser la cession du bail par le fait que M. [V] [T] n’exploiterait plus les parcelles depuis longtemps, en ayant transféré la jouissance aux époux [Y] qui y ont mis leurs chevaux en pâture.
Au soutien de leurs allégations, ils produisent :
– un procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 21 janvier 2020 qui constate sur les parcelles A n°[Cadastre 5] et A n°[Cadastre 6] la présence d’un cheval et d’un poney et celle d’un abri fait de planches et de palettes de bois
– un procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 29 janvier 2021 qui décrit les parcelles A n°[Cadastre 5] et n°[Cadastre 6] sans plantation ni activité
– un courrier de M. [N] [Y] daté du 17 juillet 2020, adressé à M. [R] [L] en réponse à sa lettre recommandée avec avis de réception du 25 septembre 2019 indiquant louer les parcelles A n°[Cadastre 5] et A n°[Cadastre 6] à M. [V] [T] depuis les années 1997-1998 selon bail oral avec des paiements en espèces, puis trimestriels par chèque
– un courrier de M. [N] [Y] daté du 4 avril 2022, adressé à M. [R] [L], toujours en réponse à sa lettre recommandée avec avis de réception du 25 septembre 2019 précisant que le loyer mensuel était de 500 francs, soit 1.500 francs trimestriels, convertis en 229 euros lors du changement de monnaie
– des photographies de Mme [Y] sur les parcelles litigieuses avec les équidés et une datation manuscrite de juillet 2002, outre deux autres issues d’un « Iphone » de février 2018
– des extraits d’un compte joint des époux [Y], ouvert dans les livres de la Société Générale, mentionnant des débits de chèques de 229 euros entre novembre 2012 et juillet 2020
– l’attestation d’un voisin, M. [R] [I], établie le 20 novembre 2022, relatant le contact qu’il a eu à l’été 2010 avec M. [N] [Y], l’autorisant à nourrir ses chevaux avec du pain sec.
Toutefois, comme l’a relevé le premier juge, les liens unissant M. [R] [L], Mme [W] épouse [F] et les époux [Y] pour la location d’autres parcelles ne sont pas documentés, ni contestés, étant observé que ces derniers répondent par courriers aux demandes de M. [R] [L], pièces déjà soumises en première instance, et ce alors qu’il est fait état dans le jugement entrepris d’un lien contractuel existant entre ces prétendus sous-locataires et M. [R] [L]. Il s’ensuit que le crédit à apporter aux écrits des époux [Y] a une valeur probante limitée.
L’attestation d’un voisin, quant à la présence des animaux des époux [Y] sur les parcelles litigieuses, n’est pas une preuve de sous-location ou de cession de bail, pas plus que ne le sont les extraits du compte bancaire des époux [Y], sur lesquels figurent le débit de chèques, quand bien même ce débit serait-il récurrent et de montants égaux, dès lors que leurs bénéficiaires ne sont pas justifiés.
C’est donc au défaut de la preuve de toute sous-location ou cession prohibées du bail, que la cour confirmera le jugement qui a débouté M. [R] [L] de sa demande de résiliation du bail sur ces fondements allégués et des demandes subséquentes d’expulsion et d’indemnisation d’une occupation irrégulière.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il est équitable d’allouer à M. [V] [T] une indemnité de procédure de 3.000 euros au paiement de laquelle M. [R] [L] et Mme [W] épouse [F] seront condamnés in solidum.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Ecarte des débats les conclusions de M. [V] [T], communiquées le 7 juin 2023 et celles de M. [R] [L], communiquées le 8 juin 2023,
Déclare recevable l’action de M. [R] [L],
Accueille Mme [W] épouse [F] en son intervention volontaire,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris,
Et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [R] [L] et Mme [W] épouse [F] à payer à M. [V] [T] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [R] [L] et Mme [W] épouse [F] aux dépens d’appel,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière, Le président,
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