Déréférencement électronique d’un ouvrage

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Déréférencement électronique d’un ouvrage

L’Essentiel : Le déréférencement électronique d’un ouvrage est déterminant pour les éditeurs. En effet, ne pas retirer un livre des plateformes de vente après la résiliation d’un contrat d’édition expose l’éditeur à des poursuites pour contrefaçon. Dans une affaire jugée, l’éditeur a été condamné à verser 10 000 euros à l’auteur pour exploitation non autorisée de ses œuvres. Malgré ses tentatives de notifier les plateformes, l’éditeur n’a pas réussi à prouver qu’il avait respecté ses obligations, ce qui a conduit à la reconnaissance de la contrefaçon et à des dommages-intérêts conséquents pour l’auteur.

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Le fait, pour un éditeur d’ebook de ne pas procéder au retrait d’un ouvrage des plateformes de commerce électronique (Fnac, Amazon …), postérieurement à la résiliation du contrat d’édition, l’expose à une condamnation pour contrefaçon.

C’est vainement que l’éditeur, à l’appui d’un mail adressé, prétend avoir effectué les démarches nécessaires auprès des plateformes pour leur notifier qu’elle n’était plus en charge de la distribution des ouvrages de l’auteur et leur demander de les déréférencer.

La contrefaçon, définie par l’exploitation de l’oeuvre sans l’autorisation de l’auteur, était ainsi caractérisée (10 000 euros d’indemnisation pour l’auteur).

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 18 FEVRIER 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/12504 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CCJXK

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 février 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – - 3ème chambre 3ème section – RG n°17/04783

APPELANTE

S.A.S. X EDITIONS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[…]

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 509 025 516

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque L 0034

Assistée de Me Michel BOURGEOIS, avocat au barreau de GRASSE, case 439

INTIMEE

Mme B.

Née le […] à Pau

De nationalité française

Exerçant la profession d’auteure

Demeurant […]

Représentée par Me Vanessa GRYNER, avocate au barreau de PARIS, toque B 792

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme A B, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport Mme A B a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme A B, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme A B, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :

– dit que les contrats établis les 20 février 2013 et 20 avril 2014 sont des contrats d’édition,

– débouté Mme B. de sa demande en résolution du contrat du 20 avril 2014,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 7.704,70 euros au titre de la rémunération qu’elle a indûment perçue,

– dit que la société X Editions a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle,

– débouté Mme B. de ses prétentions au titre du préjudice matériel,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,

– dit que la société X Editions, en poursuivant l’exploitation de l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté après le 20 août 2014 et celle de l’ouvrage La bombe humaine c’est moi après le 7 octobre 2015, a commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur de Mme B.,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 6.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté et la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’ouvrage La bombe humaine c’est moi ,

– fait interdiction à la société X Editions de mentionner le nom de Mme B. ou de son nom d’emprunt Noah du B’, et de ses ouvrages Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté ainsi que La bombe humaine c’est moi dans l’ensemble de ses communications, sur son site internet et sur tout autre support de quelque nature que ce soit,

– fait interdiction à la société X Editions d’exploiter les ouvrages Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté ainsi que La bombe humaine c’est moi sous quelques formes que ce soit,

– ordonné à la société X Editions de remettre à Mme B. l’inventaire des ouvrages invendus et de lui restituer l’intégralité des livres invendus, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de trente jours suivant la signification du jugement,

– dit se réserver la liquidation de l’astreinte,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société X Editions aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire.

Vu l’appel de ce jugement interjeté par la société X Editions (SAS) le 27 août 2020.

Vu les dernières conclusions de l’appelante, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 novembre 2021, demandant à la cour de :

– la juger recevable et bien fondée en son appel,

– réformer le jugement en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de l’appelante,

– débouter l’intimée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner l’intimée à payer à la société X Editions la somme de 290,79 euros au titre du solde de la facture n° 5198 du 10 septembre 2015,

– condamner l’intimée au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 novembre 2021 par Mme B., intimée, qui demande à la cour de :

– rejeter les demandes de la société X Editions,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit que les contrats établis les 20 février 2013 et 20 avril 2014 sont des contrats d’édition,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 7.704,70 euros au titre de la rémunération qu’elle a indûment perçue,

– dit que la société X Editions a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,

– dit que la société X Editions, en poursuivant l’exploitation de l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté après le 20 août 2014 et celle de l’ouvrage La bombe humaine c’est moi après le 7 octobre 2015, a commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur de Mme B.

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 6.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté et la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’ouvrage La bombe humaine c’est moi,

– fait interdiction à la société X Editions de mentionner le nom de Mme B., ou de son nom d’emprunt Noah du B’, et de ses ouvrages Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté ainsi que La bombe humaine c’est moi dans l’ensemble de ses communications, sur son site internet et sur tout autre support de quelque nature que ce soit,

– fait interdiction à la société X Editions d’exploiter les ouvrages Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté ainsi que La bombe humaine c’est moi sous quelques formes que ce soit,

– ordonné à la société X Editions de remettre à Mme B. l’inventaire des ouvrages invendus et de lui restituer l’intégralité des livres invendus, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de trente jours suivant la signification du présent jugement,

– dit se réserver la liquidation de l’astreinte,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société X Editions aux dépens,

Au surplus :

– condamner la société X Editions à verser à Mme B. la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral,

– condamner la société X Editions à verser à Mme B. 10.000 euros au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’ouvrage « Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté » et de 10.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur sur l’ouvrage « La bombe humaine c’est moi »,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme B. de sa demande de réparation de son préjudice matériel,

En conséquence,

– condamner la société X Editions au règlement des droits d’auteur que l’intimée aurait dû percevoir, soit la somme de 10.000 euros sauf à parfaire pour les années 2014 – 2015 (pièce adverse n°9) et une somme de 10.000 euros au titre du retard dans la parution du tome 1 et la sortie bâclée du tome 2,

– ordonner la publication judiciaire du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse www.7ecrit.com aux frais exclusifs de la société X Editions, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir,

– condamner la société X Editions à verser à Mme B. la somme de 5.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société X Editions aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 2 décembre 2021.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que Mme X, auteur de romans, a écrit en 2010, sous le nom d’emprunt de Noah Du B’, son premier ouvrage intitulé, Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté. A la recherche d’un éditeur pour le publier, elle s’est rapprochée de la société 7 Ecrit, devenue la société X Editions (ci-après dénommée la société X), qui propose sur son site internet d’aider les jeunes auteurs à diffuser leurs oeuvres.

Un contrat a été signé entre les parties le 20 février 2013 pour une durée de 18 mois, ayant pour objet l’impression, la reproduction, la publication, la promotion et la vente de l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté. Cet ouvrage ayant connu un certain succès, 2.782 exemplaires de livres brochés et 430 exemplaires numériques ayant été vendus, Mme X a entrepris d’en écrire la suite. Le 24 avril 2014, la société X a adressé à Mme X un contrat aux fins de publication d’un second ouvrage intitulé La bombe humaine, c’est moi . Le contrat n’ a pas été signé quoique l’ouvrage a été publié. Par lettre recommandée du 7 octobre 2015, la société X informait Mme X de sa décision de résilier les contrats. Le 15 octobre 2015 Mme X par courrier de son avocat contestait cette résiliation et reprochait à l’éditeur de ne lui avoir pas versé ses droits d’auteur, tant sur le premier ouvrage de septembre 2014 à octobre 2015, que sur le second ouvrage de juillet à octobre 2015, outre d’avoir préjudicié à sa carrière du fait de ses manquements contractuels.

Dans ces circonstances Mme X, suivant acte d’huissier de justice du 20 mars 2017, a assigné la société X devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur.

Le tribunal, par le jugement déféré, a retenu à la charge de la société X des fautes contractuelles engageant sa responsabilité ainsi que des actes de contrefaçon. Le débat devant la cour se présente dans les mêmes termes que devant le tribunal, l’appelante contestant les griefs formulés à son encontre tandis que l’intimée poursuit la confirmation du jugement sauf à se voir octroyer une réparation au titre du préjudice matériel subi des suites des manquements contractuels de la société X et à obtenir, pour ce qui concerne les dommages-intérêts qui lui ont été alloués par le tribunal, des montants plus élevés.

Sur les manquements contractuels,

Il convient d’observer que les parties ne discutent pas s’être liées par deux contrats, même si le second n’a pas été signé, en date du 20 février 2013 pour le premier contrat et du 20 avril 2014 pour le second contrat.

Si la société X soutient qu’il convient de qualifier ces contrats de contrats à compte d’auteur tandis que l’intimée conclut au caractère hybride de ces contrats sui generis qui empruntent au contrat à compte d’auteur et au contrat d’édition, il importe, en toute hypothèse, d’analyser les termes contractuels et de rechercher si les engagements respectifs des parties ont été respectés.

Il est à cet égard relevé que la société X maintient avoir droit au paiement des rémunérations stipulées aux contrats et fait grief au tribunal de l’avoir condamnée à restituer à Mme X la somme de 7.704,70 euros au titre des rémunérations que cette dernière lui aurait indûment versées. Mme X reproche quant à elle à la société X d’avoir manqué à ses obligations d’éditeur telles que prévues aux contrats et demande la confirmation du jugement qui a reconnu les manquements invoqués. Il est cependant observé que ni l’une ni l’autre des parties ne conclut à une résiliation ou à une résolution contractuelle. Le jugement est en conséquence irrévocable en sa disposition, non critiquée, déboutant Mme X de sa demande en résolution du contrat du 20 avril 2014.

Ceci posé, la cour constate que le contrat du 20 février 2013 intitulé ‘Contrat de publication d’une oeuvre littéraire’ prévoit que ‘ l’auteur’ ( Mme X) autorise ‘l’éditeur et ses ayants-droit à imprimer, reproduire, publier et vendre dans une édition courante l’ouvrage de sa composition qui a pour titre : Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté, tandis que ‘l’éditeur s’engage à assurer la publication en librairie de cet ouvrage, et à lui procurer pour une diffusion dans le public et auprès des tiers susceptibles d’être intéressés, les conditions favorables à son exploitation sous toutes les formes contractuellement prévues ci-dessous’ . Il est ajouté que ‘l’auteur prend à sa charge une somme forfaitaire et définitive. L’auteur assure à l’éditeur la concession des droits suivants: droit de reproduction sur tout support graphique actuel ou futur, droit de représentation par tout mode d’enregistrement sonore, droit de traduction en toute langue de tout ou partie de l’oeuvre et ses adaptations, et droit de reproduire ses traductions sur tout support graphique actuel ou futur.’ Il est précisé sous l’intitulé ‘Engagement de l’éditeur pour l’exploitation de l’ouvrage’, que ‘l’éditeur s’engage à assurer à l’oeuvre une exploitation commerciale, permanente et suivie’.

Mme X expose que, confrontée aux défaillances de la société X, elle a dû effectuer la majeure partie du travail de correction du texte, ce qui a retardé la sortie de l’ouvrage, outre qu’elle a dû également prendre à sa charge la promotion de l’ouvrage auprès de la presse et des média et organiser, au moyen de ses propres démarchages, des séances de dédicaces auprès des grandes enseignes. Elle ajoute avoir reçu très vite des réclamations de lecteurs lui signalant que son ouvrage n’était pas disponible.

Il est énoncé au contrat que ‘L’auteur s’engage à remettre à l’éditeur un exemplaire définitif et complet de ses textes. Cet exemplaire sera corrigé (orthographe, grammaire, syntaxe, etc..) par l’éditeur’. En outre, ‘l’éditeur s’engage à n’apporter à l’oeuvre aucune modification majeure qui en dénaturerait le sens, sans l’autorisation de l’auteur’.

Ainsi qu’il a été observé par le tribunal, les messages électroniques échangés entre les parties, produits par l’intimée (pièces 7 et 8) pour justifier des manquements de la société X, montrent certes que l’auteur a demandé des corrections mais ne portant que sur quelques coquilles et auxquelles il a été promptement remédié. Il n’apparaît pas que la société X ait eu à envoyer à l’auteur une deuxième série d’épreuves ou encore une troisième série d’épreuves dont l’auteur ait eu à supporter les frais. Le contrat stipulait en effet que ‘L’éditeur enverra, si nécessaire, une deuxième série d’épreuves en tenant compte des remarques de l’auteur. L’auteur devra les vérifier dans un délai de 2 semaines et les retournera à l’éditeur, revêtues de son bon à tirer. Tout envoi d’une troisième épreuve sera facturé à l’auteur conformément aux usages’. Aucun retard dans la publication de l’ouvrage n’est ainsi justifié par Mme X à raison de corrections qu’elle aurait eu à apporter. Le contrat prévoyait à cet égard que la mise en vente de l’ouvrage ‘aura lieu dans un délai de cinq mois à dater de la remise par l’auteur des éléments complets permettant de débuter le processus de fabrication’. Or, la démonstration n’est pas faite d’un manquement par la société X à cette clause du contrat au regard d’éléments de la procédure établissant que l’ouvrage est paru le 12 juin 2013, soit moins de quatre mois à compter de la signature du contrat intervenue le 20 février 2013.

Il est montré, en revanche, que Mme X a démarché les grandes enseignes FNAC, Leclerc,

Cultura, Auchan, pour y effectuer des séances de dédicaces, a assuré elle-même la promotion de l’ouvrage auprès de la presse et des médias, d’une part en prenant en charge la création d’un dossier de presse d’autre part en demandant à se faire inviter pour participer à des émissions ou des interviews, en particulier auprès de: Chérie FM, E F, Cap féminin, RTL, […], […], […], La Dépêche du Midi . Il apparaît également que Mme X a, de sa propre initiative, contacté les organisateurs de la ‘Tiffany’s Fashion Week’ et y a été invitée pour présenter son ouvrage. La société X ne produit pas, pour sa part, d’éléments justifiant de ses diligences pour assurer une publicité à l’ouvrage ni même ne prétend, dans ses conclusions, avoir accompli de telles diligences. Or, selon le contrat, ‘l’éditeur s’engage à assurer à l’oeuvre une exploitation commerciale, permanente et suivie’ et, en particulier, ‘fera diffuser à sa charge par son attaché de presse une annonce publicitaire du livre sur nos partenaires médias (…) son département communication effectuera la promotion du livre auprès des journalistes susceptibles d’être intéressés et leur fera parvenir un service de presse. Il pourra demander à l’auteur de contacter les journalistes intéressés. L’auteur autorise l’éditeur à présenter l’ouvrage lors des salons et manifestations littéraires auxquels il participe. L’éditeur informera l’auteur de ces manifestations et pourra l’inviter, si l’auteur l’accepte, à venir présenter et/ou dédicacer son ouvrage’. Force étant de constater que la société X n’a pas satisfait aux engagements contractuels précités, le jugement est confirmé en ce qu’il a retenu à son encontre un manquement caractérisé à son obligation d’exploitation commerciale permanente et suivie.

Mme X justifie avoir été informée en octobre 2013 par un libraire de BlagnaXe ce que son éditeur ‘ne pouvait pas (lui) servir les livres pour la signature’, en janvier 2014, par des lecteurs, de ce que l’ouvrage n’était pas disponible à la FNAC ni en format papier ni en format numérique sur le site de l’enseigne et qu’il n’était ‘pas trouvable’ sur le site ‘kobobooks.fr’. La société X ne répond pas sur ce point dans ses conclusions et n’apporte le moindre élément de preuve de nature à montrer qu’elle aurait assuré dans des conditions satisfaisantes la diffusion de l’ouvrage. Or, elle s’est engagée, aux termes du contrat, à ‘mettre l’ouvrage à la disposition du public’, précisant travailler ‘essentiellement avec librairies francophones’, et à rendre ‘l’ouvrage disponible sur diverses librairies virtuelles présentes sur Internet (Fnac et Amazon)’. Il découle des observations qui précèdent qu’un manquement aux engagements contractuels précités, que Mme X ne semble pas avoir invoqué en première instance, doit être retenu à la charge de la société X.

Concernant le second contrat, daté du 24 avril 2014 et portant sur l’ouvrage ‘La bombe humaine, c’est moi’, il est rédigé dans les mêmes termes que le premier contrat et qualifié, également, de ‘Contrat de publication d’une oeuvre littéraire’.

Mme X soutient que la société X n’a pas davantage, pour cet ouvrage, exécuté son obligation d’exploitation commerciale permanente et suivie. Elle produit des pièces justifiant de ses démarches pour assurer la publicité et la promotion de l’ouvrage, tandis que la société X n’apporte le moindre élément de nature à montrer qu’elle aurait quelque peu satisfait à son obligation. Le tribunal est en conséquence approuvé en ce qu’il a retenu un manquement contractuel de ce chef.

L’intimée reproche en outre à la société X d’avoir abusivement rompu ce second contrat par une lettre de résiliation du 7 octobre 2015 alors que le terme du contrat était fixé au 24 octobre 2015. Il a été exactement relevé par le tribunal que selon le contrat, un seul cas de résiliation est prévu au bénéfice de l’éditeur, à savoir ‘ le cas où l’auteur ne réglerait pas la totalité des sommes convenues, dans les délais prévus’. Dans ce cas, l’article 8 du contrat stipule que ‘après une mise en demeure de l’éditeur, adressée à l’auteur par lettre recommandée avec accusé de réception, restée infructueuse pendant un mois, le présent contrat sera résilié de plein droit, passé ce délai, aux torts de l’auteur’. En l’espèce, la société X a notifié à l’auteur la résiliation du contrat sans lui avoir adressé aucune mise en demeure préalable ni même invoquer, pour justifier cette résiliation, un défaut de paiement par l’auteur des sommes mises à sa charge par le contrat. Il s’ensuit que c’est à juste titre que le tribunal a considéré comme fautive la résiliation du contrat du 24 avril 2014, intervenue dans des conditions ne respectant pas les stipulations contractuelles.

L’intimée invoque, pour les deux contrats, l’inexécution par la société X de son obligation de reddition des comptes.

Il résulte des pièces de la procédure que la société X n’a rendu les comptes, pour les deux contrats, que le 7 octobre 2015, en même temps qu’elle résiliait le second contrat.

Les contrats prévoient, dans les mêmes termes, qu’une reddition des comptes doit être faite à l’auteur mais sans en préciser la fréquence ni les modalités. Il s’en déduit cependant qu’une reddition de compte doit nécessairement intervenir dans le cours de l’exécution du contrat et au plus tard au terme de la durée du contrat fixée à 18 mois à compter de sa signature. Or, il est constant que la reddition des comptes pour l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté est intervenue le 7 octobre 2015 alors que le contrat du 20 février 2013, relatif à cet ouvrage, était expiré depuis le 20 août 2014.

Une faute est ainsi caractérisée à la charge de la société X qui a rendu les comptes, afférents au premier contrat, près de quatorze mois après l’expiration de ce contrat.

En revanche, s’agissant du second contrat, également d’une durée de 18 mois à compter de sa conclusion le 24 avril 2014, et devant arriver à échéance le 24 octobre 2015, la reddition des comptes intervenue le 7 octobre 2015, contrairement à ce qu’il a été retenu par le tribunal, ne peut être qualifiée de fautive au regard des termes du contrat qui ne fixaient pas la fréquence de cette reddition.

Sur la contrefaçon,

Ainsi qu’il a été dit, il est prévu, dans les mêmes termes, dans les deux contrats, que ‘le contrat est conclu pour la durée de 18 mois à compter de sa signature. Cette durée pourra être réduite ou prorogée sur accord des parties’. Le premier contrat, signé le 20 février 2013, est donc parvenu à son terme le 20 août 2014 et il ne résulte d’aucun élément de la procédure qu’il ait été prorogé par tacite reconduction. Le second contrat, conclu le 20 avril 2014, arrivait quant à lui à expiration le 20 octobre 2015. En toute hypothèse, la société X a pris l’initiative de notifier à Mme X, ainsi qu’il a été précédemment évoqué, la résiliation des deux contrats, par une lettre recommandée du 7 octobre 2015. Il s’ensuit qu’ à compter de cette date, la société X ne bénéficiait plus d’aucune autorisation de l’auteur pour exploiter ses ouvrages.

Or, les pièces produites établissent que l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté était disponible en format papier et en format numérique le 9 novembre 2015 puis le 25 février 2016 sur le site ‘amazon.fr’ et en juillet 2016 sur le site ‘fnac.com’. L’ouvrage La bombe humaine c’est moi était également disponible en novembre 2015 et février 2016 sur le site ‘amazon.fr’ et en novembre 2015 et avril 2016 sur le site ‘fnac.com’. La commercialisation des ouvrages ainsi constatée est manifestement imputable à la société 7 Ecrit (devenue X) dont le nom est mentionné sur les sites précités en qualité d’éditeur. C’est vainement que la société X, à l’appui d’un mail adressé le 12 août 2020 à la société Dilicom, prétend avoir effectué les démarches nécessaires auprès des plateformes pour leur notifier qu’elle n’était plus en charge de la distribution des ouvrages de Mme X et leur demander de les déréférencer.

La contrefaçon, définie par l’exploitation de l’oeuvre sans l’autorisation de l’auteur, est ainsi caractérisée pour les deux ouvrages de Mme X est l’auteur et a été à juste titre retenue par le tribunal.

Sur les mesures réparatrices,

Concernant le préjudice de contrefaçon, Mme X conclut à une majoration des dommages-intérêts qui lui ont été alloués mais sans présenter dans ses conclusions le moindre motif au soutien d’une telle demande. La cour confirme en conséquence les montants de 6000 euros pour le premier ouvrage et de 5.000 euros pour le second ouvrage retenus par le tribunal au terme d’une juste application des dispositions de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et d’une complète appréciation de l’ensemble des justifications produites. Les mesures accessoires, notamment d’interdiction, retenues par le tribunal, ne sont pas discutées et seront confirmées.

La mesure de publication judiciaire demandée par Mme X a été à juste titre écartée par le tribunal comme n’apparaissant pas opportune et sera rejetée par la cour comme injustifiée compte tenu de l’ancienneté des faits. Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Concernant le préjudice résultant des inexécutions contractuelles de la société X, Mme X demande la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral. Le tribunal, ayant pris en considération les nombreuses démarches que l’auteur a dû accomplir pour assurer la promotion de ses ouvrages a retenu de ce chef la somme de 2.000 euros. Cette somme est cependant insuffisante au regard de la gravité et de l’ampleur de la défaillance de la société X dans l’exécution d’une obligation contractuelle essentielle. En outre, Mme X fait valoir à juste raison que la réparation du préjudice moral doit tenir compte du fait que la reddition des comptes n’a été faite que très tardivement, près de 14 mois après l’expiration du contrat, pour l’ouvrage Je suis tombée amoureuse de lui le jour où je l’ai quitté . Il doit être observé enfin que la société X, ainsi qu’il a été précédemment relevé, n’a pas correctement exécuté son engagement de mettre cet ouvrage à la disposition du public. Au regard de l’ensemble des manquements contractuels dont a souffert Mme X, la somme de 10.000 euros demandée en réparation de son préjudice moral est justifiée et il y sera fait droit.

Quant au préjudice matériel résultant des manquements contractuels de la société X, il a été précédemment observé que la parution du premier ouvrage n’apparaît pas avoir accusé le moindre retard. Mme X prétend que la sortie du second ouvrage aurait été ‘bâclée’ mais n’invoque, au soutien d’une telle allégation, aucun fait précis. Mme X se prévaut en outre, au titre du préjudice matériel, de droits d’auteur qu’elle n’aurait pas intégralement perçus. Elle se contente cependant d’allégations et ne développe aucunement une telle demande ni ne dément la société X qui indique dans ses conclusions lui avoir réglé l’intégralité de ses droits d’auteur tels que résultant des redditions de comptes, qui ne sont pas contestées, du 7 octobre 2015. Mme X, pour l’essentiel, déplore de n’avoir ‘perçu aucun droit d’auteur relatif à l’exploitation des livres au-delà de leur terme fixé contractuellement’. Or, ce dernier fait relève de la contrefaçon retenue à l’encontre de la société X et au titre de laquelle des dommages-intérêts compensatoires ont été alloués à Mme X.

Le tribunal doit être en conséquence approuvé en ce qu’il a rejeté les demandes formées par Mme X au titre du préjudice matériel résultant des manquements contractuels de la société X.

Sur la rémunération de la société X,

La société X poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à restituer à Mme X la somme de 7.704,70 euros ‘au titre de la rémunération qu’elle a indûment perçue’.

Force est de relever que les termes du contrat, qui ont force de loi entre les parties, prévoient à la charge de l’auteur, à titre de participation au coût total de l’édition, une rémunération pour la société X (article 6). Cette rémunération est fixée, dans le premier contrat, à la somme de 4.000 euros que l’auteur s’engage à verser par prélèvement sur les droits d’auteur à venir. Elle est également fixée, dans le second contrat, à 4.000 euros que l’auteur s’engage à verser à hauteur de 2.000 euros au moment de la signature du contrat et, pour les 2.000 euros restants, par prélèvement sur les ventes de livres brochés et ebooks.

Selon ses propres écritures, la société X admet avoir reçu sa rémunération complète au titre du premier contrat, objet d’une facture émise le 21 février 2013, par le versement de la somme de 2.000 euros effectué par Mme X par virement du 27 février 2013 et par le prélèvement, le 15 septembre 2014, de la somme de 2.000 euros sur les droits d’auteur de Mme X. Quant à sa rémunération au titre du second contrat, objet d’une facture établie le 24 avril 2014, il est constant qu’elle a été réglée à hauteur de la somme de 3.704,70 euros par prélèvement sur les droits d’auteur afférents au premier ouvrage. La société X se trouve dès lors fondée à réclamer à Mme X le solde de sa rémunération au titre du second ouvrage, objet d’une facture du 10 septembre 2015, d’un montant de 290,79 euros. Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné la société X à restituer la somme de 7.704,70 euros à Mme X. Cette dernière est déboutée de sa demande tendant à se voir restituer cette somme et condamnée à payer à la société X la somme de 290,79 euros lui restant due au titre de sa rémunération prévue au second contrat.

Sur les autres demandes,

Le sens de l’arrêt qui est, pour l’essentiel, confirmatif, conduit à confirmer les dispositions du jugement statuant sur les frais irrépétibles et les dépens.

L’équité commande de condamner la société X à payer à Mme X une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel .

La société X, partie perdante, suppportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de la saisine,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 7.704,70 euros au titre de la rémunération qu’elle a indûment perçue,

– condamné la société X Editions à payer à Mme B. la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral,

Infirmant de ces chefs et statuant à nouveau,

Déboute Mme X de sa demande en restitution de la somme de 7.704,70 euros perçue par la société X Editions au titre de sa rémunération stipulée aux contrats,

Condamne Mme X à payer à la société X Editions la somme de 290,79 euros lui restant due au titre de sa rémunération prévue au second contrat,

Condamne la société X Editions à payer à Mme X la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral causé par ses manquements contractuels,

Ajoutant,

Condamne la société X Editions à payer à Mme X une indemnité de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le principal motif de condamnation de l’éditeur d’ebook ?

L’éditeur d’ebook a été condamné principalement pour contrefaçon, en raison de son incapacité à retirer un ouvrage des plateformes de commerce électronique après la résiliation du contrat d’édition.

Cette situation expose l’éditeur à des poursuites judiciaires, car l’exploitation d’une œuvre sans l’autorisation de l’auteur constitue une violation des droits d’auteur. Dans ce cas précis, l’auteur a été indemnisé à hauteur de 10 000 euros pour le préjudice subi.

Quelles étaient les obligations contractuelles de l’éditeur envers l’auteur ?

L’éditeur avait plusieurs obligations contractuelles envers l’auteur, notamment celle d’assurer la publication, la promotion et la vente de l’ouvrage.

Le contrat stipulait que l’éditeur devait garantir une exploitation commerciale permanente et suivie de l’œuvre. Cela incluait la mise à disposition de l’ouvrage dans les librairies et sur les plateformes en ligne, ainsi que la promotion de l’œuvre auprès des médias.

L’éditeur devait également rendre des comptes à l’auteur concernant les ventes et les droits d’auteur perçus.

Comment l’auteur a-t-il réagi à la résiliation du contrat par l’éditeur ?

L’auteur a contesté la résiliation du contrat par l’éditeur, arguant que celle-ci était abusive.

Elle a fait valoir que l’éditeur n’avait pas respecté ses obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne le versement des droits d’auteur. En réponse à cette résiliation, l’auteur a assigné l’éditeur en justice pour contrefaçon de droits d’auteur, ce qui a conduit à la décision du tribunal.

Quels ont été les résultats du jugement rendu par le tribunal ?

Le tribunal a rendu un jugement en faveur de l’auteur, condamnant l’éditeur à verser plusieurs indemnités pour les préjudices subis.

L’éditeur a été condamné à payer 7 704,70 euros pour les rémunérations indûment perçues, ainsi que 2 000 euros pour le préjudice moral. De plus, le tribunal a reconnu que l’éditeur avait commis des actes de contrefaçon en continuant à exploiter les ouvrages après la résiliation du contrat.

Quelles mesures ont été ordonnées par le tribunal pour réparer le préjudice de l’auteur ?

Le tribunal a ordonné plusieurs mesures réparatrices pour compenser le préjudice de l’auteur.

Cela incluait le paiement de dommages-intérêts pour la contrefaçon, s’élevant à 6 000 euros pour le premier ouvrage et 5 000 euros pour le second. L’éditeur a également été interdit de mentionner le nom de l’auteur ou de ses ouvrages dans ses communications.

Enfin, l’éditeur a été contraint de restituer à l’auteur l’inventaire des ouvrages invendus et de lui restituer l’intégralité des livres invendus.

Quelles étaient les conséquences de la résiliation des contrats pour l’éditeur ?

La résiliation des contrats a eu des conséquences significatives pour l’éditeur, notamment la perte de droits d’exploitation sur les ouvrages concernés.

Après la résiliation, l’éditeur n’avait plus l’autorisation de l’auteur pour exploiter ses œuvres, ce qui a conduit à des poursuites pour contrefaçon. En conséquence, l’éditeur a été condamné à verser des indemnités pour les préjudices causés à l’auteur, ainsi qu’à respecter des mesures d’interdiction concernant l’exploitation des ouvrages.


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