Abus des réseaux sociaux par les agents communaux  

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Abus des réseaux sociaux par les agents communaux  
L’Essentiel : La révocation d’une fonctionnaire communale a été confirmée en raison de l’exercice d’une activité lucrative pendant un congé de maladie, ainsi que de propos injurieux sur sa page Facebook à l’encontre des élus. Selon l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983, toute faute commise expose un fonctionnaire à des sanctions disciplinaires. La cour a jugé que les faits reprochés justifiaient la sanction, tenant compte de la gravité des fautes et des antécédents disciplinaires de l’intéressée. L’interdiction d’exercer une activité lucrative reste applicable même en congé maladie, renforçant la légitimité de la révocation.

 

La révocation d’une fonctionnaire communale a été confirmée: cette dernière avait exercé une activité lucrative sur un temps de congé de maladie et en considération de la tenue sur sa page Facebook, de propos injurieux et menaçants à l’encontre des élus de sa commune.

Faute commise par un fonctionnaire

D’une part, aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». Aux termes de l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée applicable à l’espèce :  » Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (…) Quatrième groupe : / la mise à la retraite d’office ; / la révocation « .

Contrôle du juge de l’excès de pouvoir

Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l’intéressé et de ses antécédents disciplinaires.

Activités accessoires des fonctionnaires

D’autre part, aux termes de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article (…) / IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice. ».

L’interdiction faite à un fonctionnaire d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative demeure applicable alors même que ledit fonctionnaire est placé en position de congé maladie.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
CAA de TOULOUSE
2ème chambre, 13 septembre 2022
21TL02578, Inédit au recueil Lebon
 
Vu la procédure suivante :
 
Procédure contentieuse antérieure :
 
M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté n° 2019-191 du 9 mai 2019 par lequel le maire d’Aniane a prononcé sa révocation à titre disciplinaire à compter du 1er juin 2019, ensemble le rejet de son recours gracieux du 11 juillet 2019, à titre principal, d’ordonner sa réintégration dans les effectifs de la commune d’…, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la commune … une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Par un jugement n°1903854 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
 
Procédure devant la cour :
 
Par une requête enregistrée le 4 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 18 octobre 2021, sous le n°21MA02578 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 21TL02578, Mme B…, représentée par le cabinet Athon-Perez, demande à la cour :
 
1°) d’annuler ou de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 mai 2021 ;
 
2°) de faire droit à ses conclusions formulées en première instance ;
 
3°) de mettre à la charge de la commune … une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Elle soutient que :
 
 – les faits d’exercice d’une activité de vente à domicile n’ont pas été retenus par le juge, la sanction infligée, prise en raison de faits non avérés, est, en conséquence, entachée d’une erreur d’appréciation ;
 
 –  la sanction est disproportionnée dès lors qu’elle présente d’excellents états de service, que cette mesure a des conséquences particulièrement préjudiciables sur sa situation administrative et financière, le jugement ne fait pas mention des circonstances atténuantes de son comportement, à savoir son état de santé psychique et la nécessité de subvenir aux besoins de sa famille, le jugement entrepris ignore que le sursis prononcé lors de la première sanction était révoqué du fait de l’édiction d’une seconde sanction ;
 
 –  le jugement attaqué est, en conséquence, entaché d’erreur d’appréciation ;
 
 – la commune n’a pas formé d’appel incident à l’encontre du jugement en ce qu’il a écarté les griefs tenant à l’exercice d’une activité de vente à domicile ;
 
 – l’exercice de nouvelles activités lucratives n’est pas établi, en admettant même qu’elles auraient été exercées, il est impossible de conclure qu’elles l’étaient en violation de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983.
 
Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2021, la commune …, représentée par la SCP Bensoussan Cohen et Guy, agissant par Me Guy, conclut au rejet de la requête, et à ce qu’une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme B… en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
 
Elle fait valoir qu’une sanction était nécessaire au regard des fautes commises réitérées et que la sanction de révocation est proportionnée aux frais reprochés.
 
Par une ordonnance du 22 juin 2022, la clôture d’instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des article R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
 
Vu les autres pièces du dossier.
 
Vu :
 
 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
 
 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
 
 – le code de justice administrative.
 
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
 
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
 
 – le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
 
 – les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
 
 – et les observations de Me Achard, représentant Mme B….
 
Considérant ce qui suit :
 
1. Mme B…, … (Hérault) a été placée en congé maladie ordinaire du 4 septembre 2017 au 3 septembre 2018 et a fait l’objet, durant ce congé, d’une première sanction d’exclusion temporaire de fonctions de deux années, dont une avec sursis, par un arrêté du maire … en date du 27 juin 2018. Par une décision du 9 mai 2019, prise après avoir recueilli l’avis du conseil de discipline le 1er avril 2019, lequel proposait une exclusion temporaire de fonctions d’une durée de six mois entraînant en outre la révocation du précédent sursis d’un an, le maire … a prononcé la révocation de Mme B… pour avoir exercé une activité lucrative alors qu’elle était placée en congé de maladie ordinaire et pour méconnaissance des obligations de réserve, de discrétion professionnelle, de loyauté et de dignité attachées à ses fonctions. Mme B… relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant notamment à l’annulation de l’arrêté du 9 mai 2019 du maire …, de la décision de rejet de son recours gracieux et à ce qu’il soit enjoint sous astreinte à la commune de la réintégrer dans ses effectifs ou de réexaminer sa situation.
 
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
 
2. D’une part, aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée applicable à l’espèce : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». Aux termes de l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée applicable à l’espèce :  » Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (…) Quatrième groupe : / la mise à la retraite d’office ; / la révocation « .
 
3. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l’intéressé et de ses antécédents disciplinaires.
 
4. D’autre part, aux termes de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article (…) / IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice. ».
 
5. L’interdiction faite à un fonctionnaire d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative demeure applicable alors même que ledit fonctionnaire est placé en position de congé maladie.
 
6. Il est constant que Mme B… a fait l’objet d’une première sanction d’exclusion temporaire de fonctions de deux années dont une avec sursis par un arrêté du maire … en date du 27 juin 2018 au motif qu’elle avait exercé une activité lucrative sur un temps de congé de maladie et en considération de la tenue sur sa page Facebook, de propos injurieux et menaçants à l’encontre des élus de sa commune. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, et n’est pas contesté dans la présente instance que, postérieurement à cette première sanction, Mme B… a exercé, sans autorisation, une activité salariée en qualité de vendeuse dans une boulangerie de Montarnaud, du 24 juillet 2018 au 31 août 2018, alors qu’elle se trouvait toujours en congé maladie ordinaire et pour laquelle elle a perçu une rémunération brute de 246,14 euros au titre du mois de juillet 2018 et de 861,50 euros au titre du mois d’août 2018. Il ressort également des pièces du dossier qu’à la suite d’un contrôle effectué par le maire dans la boulangerie dans laquelle travaillait la requérante le 31 août 2018, Mme B… a tenu sur les réseaux sociaux, à plusieurs reprises, des propos injurieux à l’encontre des élus de sa commune en appelant notamment à un changement de municipalité lors des élections à venir. Mme B… a ainsi commis deux nouveaux agissements fautifs de nature à justifier une sanction.
 
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’état de santé de Mme B…, qui a souffert d’asthénie ainsi que de troubles anxieux et de l’adaptation, aurait été de nature à altérer son discernement. Si elle se prévaut également d’un état de nécessité, elle a débuté une activité salariée alors qu’elle se trouvait encore en congé de maladie et elle est, elle-même, par son comportement fautif ayant entraîné une première sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions, à l’origine des difficultés matérielles dont elle se plaint. Eu égard à la nature, à la gravité des fautes commises par Mme B…, et à leur caractère récurrent depuis l’année 2017, le maire …, en faisant le choix de la révocation, n’a pas prononcé à l’encontre de Mme B… une sanction hors de proportion avec les fautes commises, nonobstant ses états de services et ses notations antérieures.
 
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
 
Sur les frais liés au litige :
 
9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune …, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B… de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la commune … sur le fondement de ces mêmes dispositions.
 
 
D E C I D E :
 
 
Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.
 
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune … sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
 
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B… et à la commune ….
 
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Délibéré après l’audience du 30 août 2022 à laquelle siégeaient :
 
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
 
 
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022.
 
Le rapporteur,
 
T. Teulière
 
La présidente,
 
A. Geslan-Demaret
 
La greffière,
 
M-M. Maillat
 
La République mande et ordonne au préfet de l’Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
 
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N° 21TL02578
 
Q/R juridiques soulevées :

Quelle faute a été commise par la fonctionnaire communale ?

La fonctionnaire communale a commis plusieurs fautes graves qui ont conduit à sa révocation. Tout d’abord, elle a exercé une activité lucrative pendant son congé de maladie, ce qui est strictement interdit par la loi. En effet, l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 stipule que le fonctionnaire doit consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. De plus, elle a tenu des propos injurieux et menaçants à l’encontre des élus de sa commune sur sa page Facebook, ce qui constitue une violation des obligations de réserve et de dignité attachées à ses fonctions. Ces comportements ont été jugés suffisamment graves pour justifier une sanction disciplinaire, notamment la révocation.

Quelles sont les sanctions possibles pour un fonctionnaire en cas de faute ?

Les sanctions disciplinaires pour un fonctionnaire en cas de faute sont définies par la loi. Selon l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984, les sanctions sont réparties en quatre groupes. Le quatrième groupe inclut des sanctions sévères telles que la mise à la retraite d’office et la révocation. La révocation est une mesure extrême qui entraîne la perte définitive de la fonction publique. Elle est généralement appliquée dans des cas de fautes graves, comme l’exercice d’une activité lucrative non autorisée ou des comportements inappropriés envers des collègues ou des élus.

Quel est le rôle du juge de l’excès de pouvoir dans ce contexte ?

Le juge de l’excès de pouvoir a un rôle déterminant dans l’examen des sanctions disciplinaires infligées aux fonctionnaires. Il doit vérifier si les faits reprochés constituent effectivement des fautes justifiant une sanction. Il évalue également si la sanction imposée est proportionnée à la gravité des fautes commises. Pour ce faire, le juge prend en compte la manière de servir de l’agent, ses antécédents disciplinaires, ainsi que les circonstances entourant les faits. Cette évaluation permet de garantir que les droits des fonctionnaires sont respectés et que les sanctions ne sont pas abusives.

Quelles sont les obligations des fonctionnaires en matière d’activités accessoires ?

Les fonctionnaires ont des obligations strictes concernant l’exercice d’activités accessoires. Selon l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, ils doivent consacrer l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent pas exercer d’activités privées lucratives sans autorisation préalable de leur autorité hiérarchique. Cette interdiction s’applique même lorsque le fonctionnaire est en congé maladie. Ainsi, tout manquement à cette règle peut entraîner des sanctions disciplinaires, comme cela a été le cas pour la fonctionnaire en question, qui a exercé une activité lucrative pendant son congé de maladie.

Quels éléments ont été pris en compte pour justifier la révocation de la fonctionnaire ?

Pour justifier la révocation de la fonctionnaire, plusieurs éléments ont été pris en compte. Tout d’abord, il a été établi qu’elle avait exercé une activité lucrative sans autorisation pendant son congé de maladie. De plus, elle avait déjà fait l’objet d’une première sanction d’exclusion temporaire pour des faits similaires. Les propos injurieux tenus sur les réseaux sociaux à l’encontre des élus de sa commune ont également été un facteur déterminant. Le juge a considéré que la gravité et la récurrence des fautes commises justifiaient la sanction de révocation, qui n’était pas disproportionnée par rapport aux comportements fautifs de la fonctionnaire.

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