Tribunal judiciaire de Paris, 16 septembre 2015
Tribunal judiciaire de Paris, 16 septembre 2015

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Diffamation : affaire Robuchon

Résumé

L’affaire de diffamation impliquant le chef Joël Robuchon a été déclenchée par un article accusant ce dernier de tyrannie dans ses cuisines. Le texte, titré « C’est la tyrannie », prétendait que Robuchon maintenait une ambiance de travail infernale, marquée par des insultes et des comportements humiliants envers ses employés. La cour a jugé que ces allégations, sans fondement précis, portaient atteinte à l’honneur du chef, le qualifiant de tyrannique et sadique. La bonne foi du journaliste n’a pas été retenue, l’article étant considéré comme manquant de prudence et d’objectivité dans ses affirmations.

Diffamation contre le chef Robuchon

Un site internet de presse a été condamné pour diffamation pour avoir publié des propos diffamatoires à l’égard du chef Robuchon (article titré « C’est la tyrannie » dans les cuisines de Joël Robuchon »). Dans l’article en cause il était reproché à Joël ROBUCHON de faire régner ou a minima de laisser pratiquer des comportements tyranniques dans les cuisines de son restaurant.

Si la phrase en cause relevait davantage de l’injure, à défaut de précision du fait imputé, elle doit être considérée comme diffamatoire à raison de la suite indivisible de l’article qui relate de quelle manière la tyrannie régnerait dans les cuisines de ce nouvel établissement gastronomique bordelais, ouvert par Joël ROBUCHON, et ceci dès le sous-titre de l’article, qui comporte notamment les propos suivants : « ses employés évoquent une ambiance infernale, basée sur les insultes », par la suite développés.

Il est ainsi imputé, sans ambiguïté possible au vu de la phrase introductive de l’article («Joël ROBUCHON est-il un chef tyrannique ? ») et de ce dernier passage, à Joël ROBUCHON d’avoir un comportement humiliant (en insultant ses employés qu’il traiterait «de chiens, d’abrutis, de moins-que-rien » et en leur disant qu’ils ne seraient « bon qu’ à faire de la merde ») et sadique (exemple d’un chef cuisinier qui aurait « été forcé à boire l’eau de cuisson qu’il avait trop salée »).

Il s’agissait non pas d’une simple mise en cause de produits ou services mais bien de faits précis dont la preuve de la vérité est susceptible d’être contradictoirement rapportée, attentatoires à l’honneur et à la considération du chef cuisinier, lui prêtant un comportement susceptible d’être sanctionné pénalement  

Périmètre de la diffamation

L’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » ; il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure, et d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée.

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.

La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir, tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Question de la bonne foi

La bonne foi n’a pas bénéficié à l’auteur journaliste. Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.  En l’espèce, l’article était manifestement dénué de prudence.

 


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