L’Essentiel : L’indemnisation provisionnelle de la contrefaçon de modèle repose sur plusieurs principes. Selon l’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction évalue distinctement les conséquences économiques négatives, le préjudice moral et les bénéfices du contrefacteur. En cas de contrefaçon, la juridiction peut allouer une somme forfaitaire, supérieure aux redevances dues, pour réparer le préjudice. Dans le cas présent, la société L’Armoire à Tissus a été condamnée à verser 300 euros à Mme [Y] pour la contrefaçon de son modèle, bien que le préjudice moral n’ait pas été suffisamment établi.
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L’indemnisation provisionnelle de la contrefaçon de modèleLes principes de l’indemnisationL’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. L’allocation d’une somme forfaitaireToutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. Destruction ou confiscation des produits contrefaisantsL’article L. 521-8 du même code dispose qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La publication de la décision de condamnation pour contrefaçonLa juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. En l’espèce, il est interdit à la société L’Armoire à Tissus d’utiliser la représentation du modèle enregistré par Mme [Y] sous le n°20203935 dans les conditions prévues au dispositif de la décision. La société victime de la contrefaçon se prévaut à raison d’un bénéfice indu réalisé par la société L’Armoire à Tissus, qui a utilisé une représentation du modèle dont elle est titulaire pour commercialiser sa boîte à couture “sac Georges” ou “sac de voyage”. Il est acquis que la boîte à sac Georges commercialisée à l’occasion de la fête des mères, pour laquelle a été utilisée la photographie du sac, est vendue 55 euros (le prix étant remisé à 39 euros). La défenderesse reconnaît avoir vendu trois boîtes à 39 euros et produit des factures, sans verser d’élément comptable probant permettant d’établir qu’elle n’a réalisé que ces trois ventes. Elle déclare dans ses écritures une marge de 10 euros par boîte environ, sans davantage l’étayer. La fête des mères est en revanche bien mentionnée sur l’offre. S’agissant des investissements intellectuels, matériels et promotionnels que Mme [Y] dit avoir mis en oeuvre, aucune pièce n’est versée aux débats pour apprécier les frais exposés. Elle justifie encore d’un préjudice moral caractérisé par l’atteinte portée à la valeur de ses actifs; la vente des produits au rabais comme l’atteinte à sa notoriété ne sont en revanche pas établies. Au regard de l’ensemble de ces considérations, le préjudice résultant de la contrefaçon de son modèle sera indemnisé à hauteur de la somme provisionnelle de 300 euros que la société L’Armoire à Tissus sera condamnée à payer à Mme [Y]. * * * REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS 28 mars 2024 TRIBUNAL [1] ■ 3ème chambre N° RG 22/08127 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT DEMANDERESSES Madame [I] [Y] Société [I] représentées par Me Marine LAPÔTRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #DV DÉFENDERESSE S.A.S. L’ARMOIRE À TISSUS représentée par Me Murielle-Isabelle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1194 Décision du 28 mars 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l’audience du 15 janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Claire LE BRAS et Madame Elodie GUENNEC, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE Mme [I] [Y] est une créatrice de patrons de couture permettant la réalisation d’accessoires, commercialisés sur internet sous le pseudonyme [I], notamment le sac “Georges” exploité via un blog internet https://[06].com/ et sur divers réseaux sociaux. Le sac “Georges” a été enregistré par Mme [Y] à titre de dessin et modèle, auprès de l’INPI, sous le numéro 20203935 le 3 septembre 2020 : La société [I], exploitée par Mme [Y], a pour activité la vente à distance sur catalogue spécialisé, via le site internet https://www.[05].com/. Elle dispose également de pages sur les réseaux sociaux Instagram,Youtube, Pinterest et Facebook. Interdire à la société défenderesse d’utiliser sous quelque forme que ce soit le dessin et modèle de “sac Georges” enregistré sous le numéro 20203935, sous astreinte; La condamner à leur verser: – la somme provisionnelle de 20 800 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à leur encontre; L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023. MOTIFS Sur la demande de rejet des pièces 4, 5 et 6 versées par la société L’Armoire à Tissus Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] soutiennent que les pièces 4, 5 et 6 produites par la défenderesse sont des copies d’écran insuffisamment datées ou ne comportant pas mention du site internet d’où elles sont extraites avec suffisamment de précision. Elles considèrent en outre que les données présentées dans le tableau de la pièce 6 ne sont pas attestées par un expert comptable ou un commissaire aux comptes. Elles demandent à ce qu’elles soient écartées des débats. Il est constant que la capture d’écran d’un site internet n’est pas, par principe, dépourvue de force probante. Il appartient au tribunal de l’apprécier, dans le cadre de l’examen des moyens soulevés par les parties et il n’est pas justifier de les écarter d’emblée des débats. Cette demande sera donc rejetée. Sur la caractérisation de la contrefaçon Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] rappellent que Mme [Y] est titulaire d’un dessin et modèle et énonce la combinaison de ses caractéristiques. Elles ajoutent que la société L’Armoire à Tissus commercialise des “boîtes surprises” qui contiennent des éléments nécessaires à la fabrication d’une création surprise chaque mois, dont l’une concernerait le “Sac Georges”, ainsi qu’en témoignent les informations mises en ligne et l’image du contenu des boîtes. Elles soutiennent que ces boîtes contiennent le patron de couture et que la société L’Armoire à Tissus a utilisé la photographie d’un sac Georges pour en faire la promotion. Elles soulignent que la mention “patron non inclus” a été rajoutée seulement après la première mise en demeure, ce qui témoigne de la mauvaise foi de la défenderesse. Elles reprochent enfin à la société L’Armoire à Tissus la commercialisation d’un patron de sac de voyage sous le nom “Mademoiselle G” ainsi que des boîtes contenant les fournitures permettant sa confection, qui reprennent les caractéristiques du modèle de sac Georges. Elle considère que la partie supérieure légèrement arrondie du sac est une différence mineure, les ressemblances étant suffisantes pour caractériser un risque de confusion dans l’esprit du public. Elle note que la photographie du sac versée comme antériorité par la défenderesse est celui d’une créatrice qui dispose d’une licence. La société L’Armoire à Tissus conclut à l’absence de contrefaçon du modèle français. Elle ajoute que pour l’illustration des boîtes surprises, il n’y a ni mention du sac Georges, ni utilisation du modèle. Elle conteste avoir jamais vendu le patron litigieux dans ce cadre. Elle précise avoir, au stade pré-contentieux, accepté la requête de Mme [Y] qui était uniquement de rediriger les clients vers son site pour commercialiser le patron de couture. Elle conteste le fait que le sac “Mademoiselle G” soit une contrefaçon du modèle. Elle se défend de toute référence à Georges et estime que la demanderesse n’expose pas quelles sont les similitudes entre les deux sacs qui permettraient au tribunal d’apprécier l’existence de ressemblances. Elle ajoute que les caractéristiques revendiquées sont communes à une majorité de sacs (une fermeture à glissière, des anses…) et met en exergue les nombreuses différences parmi lesquelles l’absence de poche à glissière sur le devant du sac et la forme différente, arrondie de son sommet. Elle conclut qu’il ne s’agit nullement d’une déclinaison du sac Georges. Appréciation du tribunal L’article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle. Cette disposition, issue de la loi n°2014-315 du 11 mars 2014, transpose en droit français l’article 12 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles qui dispose en son 1. que l’enregistrement d’un dessin ou modèle confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son consentement de l’utiliser. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit aux fins précitées. En l’espèce, Mme [I] [Y] est titulaire du modèle français enregistré auprès de l’INPI sous le numéro 20203935, déposé le 3 septembre 2020 et publié le 16 octobre de la même année. La société [I] n’est pas titulaire de ce modèle et ne justifie pas être licenciée exclusive. Ainsi que l’indique Mme [Y], il s’agit d’un sac présentant un empiècement en son fond, comportant deux types de anses, deux anses suffisamment longues permettant de le porter à l’épaule et une anse d’une plus grande taille, s’attachant sur ses tranches, afin notamment de permettre un porté en bandoulière. Il a, sur l’un des côtés entre les deux parties de l’anse, une poche extérieure avec une fermeture à glissière. Le sac est fermé par une fermeture à glissière et comporte plusieurs poches et compartiments à l’intérieur. La société L’Armoire à Tissus ne conteste pas la validité de ce modèle; si elle produit la photographie d’un autre sac disponible sur internet, cette citation n’est pas pertinente s’agissant de la création d’une société se déclarant sous licence de la demanderesse. Elle n’en tire en tout état de cause aucune conséquence juridique. Or, il ressort de captures d’écran datées des 2 et 4 mai 2022 effectuées sur la page internet www.larmoireatissus.net ainsi que du procès-verbal de constat dressé le 4 mai 2022 par Me [K], commissaire de justice au Vésinet, qu’est commercialisée par la société L’Armoire à Tissus une boîte intitulée “boîte à sac Georges” puis “boîte à sac de voyage”, comportant, selon les termes de l’annonce, le matériel nécessaire à la confection d’un “sac Georges” puis d’un “sac de voyage”. Il importe, à titre liminaire, de rappeler que le titulaire d’un modèle, dont l’image a été reproduite dans une affiche publicitaire (même si elle n’a pas pour objet de commercialiser le produit incorporant le modèle mais un produit différent) peut agir sur le fondement de l’ article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle pour faire cesser cette utilisation, si les conditions sont remplies. En effet, la liste des actes pouvant constituer une contrefaçon énoncée à l’article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle n’est pas limitative au regard de l’article 12 de la drective 98/71/CE qu’elle transpose. En l’espèce, la société L’Armoire à Tissus ne conteste pas qu’il s’agit d’une photographie d’un sac qu’elle a cousu sur le modèle du “sac Georges” pour représenter le rendu fini de la boîte vendue. Le sac illustré reproduit en effet les caractéristiques précitées du modèle: il est doté d’un empiècement en son fond, présente deux anses suffisamment longues pour permettre le porté à l’épaule, a, sur l’un des côtés, entre les deux parties de l’anse, une poche extérieure fermée par une fermeture à glissière et le sac est fermé par une fermeture à glissière. Il produit donc sur l’observateur averti, amateur de loisirs créatifs et de couture et suffisamment vigilant, une impression visuelle d’ensemble identique. Cette photographie utilisée à fins promotionnelles pour vendre certaines “boîtes à sac Georges” puis “boîtes à sac de voyage” commercialisées par la société L’Armoire à Tissus, sur son site internet et sur facebook, constitue une contrefaçon du modèle de Mme [Y]. En revanche, la demanderesse ne démontre pas suffisamment, au moyen des pièces versées aux débats, le contenu de ces boîtes et ne prouve pas, en particulier, que la société L’Armoire à Tissus vend, à cette occasion, le patron reproduisant le modèle, permettant de confectionner le sac. Or, le demandeur à la contrefaçon supporte la charge de la preuve. Si la mention “patron non inclus” a été rajoutée après les premiers échanges pré-contentieux entre les parties, force est de constater que les publications produites, même antérieures, sous forme de captures d’écran ou dans le cadre d’un procès-verbal de constat de commissaire de justice, permettent seulement d’établir que ces boîtes contiennent la matière première nécessaire à la confection du sac désigné. L’énumération du contenu des boîtes “sac Georges” ou “sac de voyage” figurant sur les annonces, ne comporte pas le patron de couture, la seule mention “tout pour la création d’un sac Georges” n’étant pas suffisante pour établir la présence du patron et encore moins son contenu. Il ressort au contraire des quelques éléments produits à ce sujet, en particulier d’échanges avec des clients potentiels sur la page facebook de l’Armoire à Tissus trois et cinq jours avant l’établissement du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 5 avril 2022, soit avant la mise en demeure, qu’il est répondu que le patron de couture n’est pas dans la boîte et qu’il est renvoyé à la boutique de la société [I] pour se le procurer. Le fait de commercialiser des coupons de tissus (une découpe de tissu jacquard, de la doublure en popeline de coton, du simili cuir) et des articles de mercerie ne saurait constituer une contrefaçon de modèle, en l’absence de preuve de la vente du patron de couture, pas davantage que l’usage du nom “sac Georges” qui n’est pas protégé par le titre de propriété industrielle. S’agissant des “boîtes à surprise” commercialisées, aucune photographie du modèle de Mme [Y] n’y figure, ni d’ailleurs la référence expresse au “Sac Georges”. Si une publication mentionne que les boîtes à surprise comprennent un patron, sans que ce dernier ne soit produit, et qu’un rapprochement entre deux photographies permet de supposer qu’un des boîtes à surprise commercialisée pourrait être composée du nécessaire pour confectionner ledit “sac Georges”, la démonstration est insuffisante pour que soit caractérisée une contrefaçon de modèle. La demande ne peut donc prospérer sur ce point. Il importe de rappeler que plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’observateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Or, en l’espèce, si le sac comporte un empiècement en son fond et deux types d’anses, le haut du sac est très arrondi, les anses ne sont pas cousues jusqu’en bas du sac et il est dépourvu de poche sur le côté si bien que l’utilisateur averti a une impression visuelle d’ensemble différente. La contrefaçon du modèle n’est pas établie. Par conséquent, seule l’utilisation du modèle à titre de photographie sur l’annonce de vente du kit du “sac Georges”, puis “Sac de Voyage” précitée, est constitutif de contrefaçon du modèle de Mme [Y]. Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] estiment subir un préjudice commercial résultant des conséquences économiques négatives de la contrefaçon puisqu’outre la commercialisation du patron, la société l’Armoire à Tissus a utilisé des photographies représentant le sac Georges pour promouvoir des produits qu’elle commercialise. Elles en retirent un manque à gagner, n’ayant pu réaliser les ventes. Faute pour la société défenderesse de produire des documents certifiés par expert comptable, elles demandent la somme de 800 euros. Elles invoquent un préjudice moral compte-tenu de l’atteinte portée à la valeur des actifs et à la notoriété alors que les kits sont vendus au rabais dans d’importantes quantités. Elles dénoncent des actes graves réalisés en connaissance de cause et demandent la somme de 5000 euros. La société L’Armoire à Tissus conteste tout manque à gagner dans la mesure où Mme [Y] bénéficie, selon elle, des retombées positives de ses boîtes à sac. Elle qualifie la demande d’indemnités de Mme [Y] de déraisonnable et conteste tout préjudice d’image alors que sa réputation est irréprochable. Dans la mesure où elle renvoie les clients à son patron de couture, elle a nécessairement fait des bénéfices. L’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; L’article L. 521-8 du même code dispose qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. En l’espèce, à titre liminaire, il sera interdit à la société L’Armoire à Tissus d’utiliser la représentation du modèle enregistré par Mme [Y] sous le n°20203935 dans les conditions prévues au dispositif de la décision. En outre, à défaut de démontrer que la société L’Armoire à Tissus commercialise le patron de couture du “sac Georges”, Mme [Y] ne justifie pas de l’existence d’un manque à gagner, dans la mesure où elle ne commercialise pas elle-même ou via sa société, le matériel de couture nécessaire pour confectionner le sac. En revanche, elle se prévaut à raison d’un bénéfice indu réalisé par la société L’Armoire à Tissus, qui a utilisé une représentation du modèle dont elle est titulaire pour commercialiser sa boîte à couture “sac Georges” ou “sac de voyage”. Il est acquis que la boîte à sac Georges commercialisée à l’occasion de la fête des mères, pour laquelle a été utilisée la photographie du sac, est vendue 55 euros (le prix étant remisé à 39 euros). La défenderesse reconnaît avoir vendu trois boîtes à 39 euros et produit des factures, sans verser d’élément comptable probant permettant d’établir qu’elle n’a réalisé que ces trois ventes. Elle déclare dans ses écritures une marge de 10 euros par boîte environ, sans davantage l’étayer. La fête des mères est en revanche bien mentionnée sur l’offre. S’agissant des investissements intellectuels, matériels et promotionnels que Mme [Y] dit avoir mis en oeuvre, aucune pièce n’est versée aux débats pour apprécier les frais exposés. Elle justifie encore d’un préjudice moral caractérisé par l’atteinte portée à la valeur de ses actifs; la vente des produits au rabais comme l’atteinte à sa notoriété ne sont en revanche pas établies. Sur la caractérisation des actes anti-concurrentiels Moyens de parties Rappelant l’existence d’un partenariat noué avec la société Joelle tissus pour la commercialisation de kits de fournitures pour la réalisation des “sacs Georges”, Mme [Y] et la société [I] considèrent qu’en utilisant leur savoir-faire, leur notoriété et leurs créations pour commercialiser les boîtes précitées, la société L’Armoire à Tissus s’est rendue responsable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire. Elles concluent que la société défenderesse a usé de stratagèmes pour tirer profit des efforts, investissements, savoir-faire et notoriété du sac Georges. Elles ajoutent que la démarche consistant à utiliser le terme « Mademoiselle G » est aussi parasitaire, s’agissant de la première lettre de Georges. Elles considèrent qu’il y a un risque de confusion avec le sac Georges dont il constitue une déclinaison, à bas coût. Elles ajoutent que les mentions du site internet ne respectent pas les obligations légales. La société L’Armoire à Tissus indique avoir mentionné Mme [Y] non pour faire de la publicité mais pour la citer comme créatrice du patron. Elle indique avoir pensé être en bons termes avec elle, puisqu’elle avait plusieurs fois cité son nom dans ses publications. Elle soutient au contraire que les mots-clés utilisés sur les réseaux sociaux ont donné de la visibilité supplémentaire aux demanderesses. Elle relève qu’elles n’ont pas fait le choix de les protéger à titre de marque et précise que la page Facebook incriminée a été ouverte par un tiers. Elle se défend d’être à l’origine de sa création. Elle conteste tout risque de confusion entre les produits vendus par les parties, le concept de boîte voyage n’étant pas comparable avec les produits des demanderesses. Elle se prévaut de ses propres investissements, soulignant qu’elle a imaginé les boîtes à sac, qu’elle les a mises en conditionnement, a créé un marketing autour de son savoir-faire. Rappelant n’avoir jamais commercialisé le patron, elle estime n’avoir commis aucune faute ni agissement parasitaire. Elle soutient que le prix de vente n’est pas un argument entendable, qu’elle n’a enregistré aucun bénéfice ou surplus de commandes pendant la période incriminée et qu’il est erroné de dire qu’elle bénéficierait d’une augmentation de la fréquence de consultation de son site internet. Elle se veut transparente et communique le nombre de boîtes portant la mention “sac georges” vendues ainsi que ses bénéfices. Elle conteste avoir cherché la notoriété de la société [I], se prévaut de ses propres investissements créatifs, de promotion et de publicité et revendique une réputation irréprochable. Elle soutient ne jamais avoir laissé croire à la clientèle qu’elle était liée à Mme [Y]. Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. En l’espèce, il doit être d’emblée rappelé que les demanderesses ne peuvent se prévaloir, à titre d’actes qu’elles qualifient d’anticoncurrentiels, de faits qui ne sont pas distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon, s’agissant en particulier du sac “Mademoiselle G”, pour les motifs rappelés au §51. Moyens des parties Mme [Y] et la société [I] demandent réparation pour le risque de confusion créé en reproduisant les éléments susvisés et pour le profit tiré de ses investissements. Elles notent encore que le trafic sur le site de la défenderesse a augmenté en conséquence pendant la période en litige et qu’elle a échappé au risque financier inhérent au lancement et à la pérennisation d’une activité commerciale. Ses agissements ont fait croire que le site internet L’Armoire à tissus était lié à elles ce qui leur occasionne un préjudice car elles soutiennent que les retours des consommateurs la concernant ne sont pas toujours positifs, ce qui nuit à leur image. Elles contestent tout partenariat noué avec la défenderesse et demandent une réparation forfaitaire. En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, la chambre commerciale retient qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale (Cass., Com., 22 octobre 1985, pourvoi n° 83-15.096, Bull. 1985, IV, n° 245 ; Cass., Com., 27 mai 2008, pourvoi n° 07-14.442, Bull. IV, n° 105 ; Cass., 1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.582 ; Cass., Com., 28 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.272 ; Cass., Com., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.669). La société L’Armoire à Tissus sollicite la condamnation des demanderesses à lui payer la somme de 25.000 euros en réparation d’un préjudice qu’elle aurait subi sans davantage de développement. Les demanderesses prospèrent en une partie de leur demande; aucun abus dans l’exercice de leurs droits occasionnant un préjudice à la société L’Armoire à Tissus n’est caractérisé. Succombant à titre principal, la société L’Armoire à Tissus sera condamnée aux dépens de l’instance qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DÉBOUTE M. [Y] et la société [I] de leur demande tendant à ce que les pièces 4, 5 et 6 produites par la société L’Armoire à Tissus soient écartées des débats; FAIT INTERDICTION à la société L’Armoire à Tissus d’utiliser la représentation du modèle enregistré sous le n°20203935 dont est titulaire Mme [Y], pour commercialiser ses produits, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée dans un délai de quinze jours après la signification de la présente décision courant pendant un délai d’un an; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus à payer à Mme [Y] la somme provisionnelle de 300 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de son modèle; DÉBOUTE la société [I] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus à payer à Mme [Y] et à la société [I] la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale par parasitisme; REJETTE les demandes de publication du jugement; DÉBOUTE la société L’Armoire à Tissus de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande de publication de la décision; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus aux dépens qui seront recouvrés directement par Me [C] sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE la société L’Armoire à Tissus à payer à Mme [Y] et à la société [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision et dit n’y avoir lieu à l’écarter. Fait et jugé à Paris le 28 mars 2024 LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les principes de l’indemnisation en cas de contrefaçon de modèle ?L’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle établit les principes fondamentaux pour déterminer les dommages et intérêts en cas de contrefaçon de modèle. La juridiction doit prendre en compte plusieurs éléments distincts : 1. Conséquences économiques négatives : Cela inclut le manque à gagner et les pertes subies par la partie lésée. Il s’agit d’évaluer l’impact financier direct de la contrefaçon sur l’activité de la victime. 2. Préjudice moral : Ce point concerne l’atteinte à la réputation et à la valeur des actifs de la partie lésée. Le préjudice moral peut être plus difficile à quantifier, mais il est essentiel pour évaluer l’impact global de la contrefaçon. 3. Bénéfices du contrefacteur : La juridiction doit également considérer les gains réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels. Cela permet de mesurer le profit indu que le contrefacteur a tiré de l’utilisation non autorisée du modèle. Ces principes visent à garantir une réparation juste et équitable pour la partie lésée, en tenant compte de l’ensemble des impacts de la contrefaçon. Quelles sont les alternatives à l’indemnisation classique en cas de contrefaçon ?En cas de contrefaçon, la juridiction a la possibilité d’allouer une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts, comme alternative à l’indemnisation classique. Cette option est prévue pour répondre à la demande de la partie lésée. La somme forfaitaire doit être supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit en question. Cela signifie que la juridiction peut estimer un montant qui reflète la valeur de l’utilisation non autorisée du modèle, même si la partie lésée n’a pas pu prouver des pertes spécifiques. Il est important de noter que cette somme forfaitaire n’exclut pas l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. Ainsi, la victime peut recevoir une compensation pour le préjudice moral en plus de la somme forfaitaire, ce qui permet de couvrir à la fois les pertes économiques et les atteintes à la réputation. Quelles mesures peuvent être ordonnées en cas de condamnation pour contrefaçon ?L’article L. 521-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit plusieurs mesures que la juridiction peut ordonner en cas de condamnation civile pour contrefaçon. Ces mesures visent à protéger les droits de la partie lésée et à prévenir la poursuite des actes de contrefaçon. 1. Destruction ou confiscation des produits contrefaisants : La juridiction peut ordonner que les produits reconnus comme contrefaisants, ainsi que les matériaux et instruments ayant servi à leur création, soient retirés des circuits commerciaux. Cela inclut la destruction ou la confiscation des produits au profit de la partie lésée. 2. Publicité de la décision de condamnation : La juridiction peut également ordonner des mesures de publicité du jugement, telles que l’affichage ou la publication intégrale ou par extraits dans des journaux ou sur des plateformes en ligne. Ces mesures sont généralement à la charge du contrefacteur et visent à informer le public de la décision de justice. Ces mesures sont essentielles pour garantir que la partie lésée obtienne justice et que le contrefacteur soit dissuadé de poursuivre ses activités illégales. Comment la juridiction évalue le préjudice en cas de contrefaçon ?La juridiction évalue le préjudice en cas de contrefaçon en tenant compte de plusieurs éléments, conformément à l’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle. Cette évaluation se fait de manière distincte pour chaque type de préjudice : 1. Conséquences économiques négatives : La juridiction examine le manque à gagner et les pertes subies par la partie lésée. Cela peut inclure des éléments tels que la diminution des ventes, la perte de clients ou l’impact sur la réputation de l’entreprise. 2. Préjudice moral : Le tribunal évalue l’impact émotionnel et psychologique de la contrefaçon sur la partie lésée. Cela peut inclure des atteintes à la réputation, à la notoriété et à la valeur des actifs de la victime. 3. Bénéfices réalisés par le contrefacteur : La juridiction prend également en compte les bénéfices que le contrefacteur a réalisés grâce à la contrefaçon. Cela inclut les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels, permettant de mesurer le profit indu tiré de l’utilisation non autorisée du modèle. En somme, la juridiction doit établir un lien entre la contrefaçon et les préjudices subis, en tenant compte de l’ensemble des éléments pour déterminer une indemnisation juste et équitable. Quelles sont les implications de la décision de justice pour la société L’Armoire à Tissus ?La décision de justice rendue le 28 mars 2024 a plusieurs implications pour la société L’Armoire à Tissus, qui a été reconnue coupable de contrefaçon. Voici les principales conséquences : 1. Interdiction d’utilisation du modèle : La société L’Armoire à Tissus est interdite d’utiliser la représentation du modèle enregistré par Mme [Y] sous le n°20203935. Cette interdiction est assortie d’une astreinte de 300 euros par infraction constatée, ce qui signifie que toute violation de cette décision entraînera des pénalités financières. 2. Dommages et intérêts : La société a été condamnée à verser une somme provisionnelle de 300 euros à Mme [Y] en réparation du préjudice subi en raison de la contrefaçon. Cela représente une compensation pour les pertes économiques et le préjudice moral causé par ses actes. 3. Concurrence déloyale : En plus de la contrefaçon, la société a également été reconnue coupable de concurrence déloyale, ce qui a conduit à une condamnation à verser 1.500 euros en réparation du préjudice causé par ses actes de parasitisme. 4. Frais de justice : La société L’Armoire à Tissus est également condamnée à payer les dépens de l’instance, ainsi qu’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui couvre les frais d’avocat de la partie demanderesse. Ces implications soulignent la gravité des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, ainsi que les conséquences financières et juridiques qui en découlent pour les entreprises impliquées. |
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