L’Essentiel : L’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle impose à l’éditeur d’assurer une exploitation permanente et suivie des œuvres. En cas de manquement, comme le non-respect des obligations de reddition de compte, le contrat peut être résilié de plein droit après mise en demeure. Dans cette affaire, l’éditeur n’a pas réimprimé les ouvrages épuisés malgré une demande formelle, entraînant la résiliation des contrats. Le tribunal a ordonné à l’éditeur de cesser toute exploitation des œuvres de l’auteur et a condamné la société à verser des dommages et intérêts pour préjudice moral et manque à gagner.
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L’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que “L’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession.”
L’article L. 132-17-3 du même code prévoit que si l’éditeur ne satisfait pas à ses obligations de reddition de compte, le contrat est résilié de plein-droit trois mois après mise en demeure de l’auteur non suivie d’effet.L’article 5 du contrat du 22 mai 2003 et l’article 6 du contrat du 7 mai 2014 stipulent, dans les mêmes termes : “L’éditeur s’engage également à assurer à l’ouvrage une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conforme aux usages de la profession. En conséquence, dans le cas où les volumes tirés de l’ouvrage viendraient à être épuisés, le présent contrat serait résilié de plein droit si l’éditeur, sauf cas de force majeure, ne procédait pas une réimpression dans les 12 mois de la mise en demeure que lui ferait l’auteur par lettre recommandée.” Il s’évince de la lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2022, reçue le 28, que les redditions de comptes demandées par l’auteur à l’éditeur n’ont pas été communiquées avant le 27 juillet 2023 et que, une fois celle-ci communiquées, elles ont confirmé que l’ouvrage n’a plus été exploité puisque, pour les années 2019 à 2022, les ventes qui étaient de plusieurs centaines d’exemplaires par an auparavant ont été réduites pour les deux exercices 2021 et 2022 à 21 pour La sagesse du potier et 62 pour Une brève histoire de la céramique. Par ailleurs, M. [H] verse au dossier un courriel de la société Les éditions du 81 du 15 février 2021 indiquant que les deux ouvrages litigieux sont en cours de réimpressions. Or, selon constat d’huissier du 21 novembre 2022, l’ouvrage était toujours indisponible sur les sites internet Chasse-aux-livres, Placedeslibraires, Ombresblanches, Decitre, la Fnac, La procure, Mollat etc…, ce qui démontre que cette réimpression n’a pas eu lieu malgré la mise en demeure précitée. Les conditions contractuelles de la résiliation de plein-droit sont donc acquises et il y a lieu de le constater. Ordonnance de cessation et de paiement de dommages et intérêtsLe tribunal a ordonné à la société Les éditions du 81 de cesser toute référence à M. [U] [H] et à ses œuvres sur leur site internet, ainsi que toute exploitation de son nom, image et œuvres. De plus, la société a été condamnée à verser une provision de 1.801 euros à M. [H] pour manque à gagner et atteinte à son droit moral d’auteur, ainsi que 6.000 euros au titre des frais de justice. Absence de comparution de la société Les éditions du 81La société n’ayant ni comparu ni constitué avocat lors de l’audience, le tribunal a statué sur le fond de l’affaire en l’absence de la défense. Motivation de la décisionLe tribunal s’est appuyé sur les articles du code de procédure civile et de la propriété intellectuelle pour justifier sa décision. Il a notamment constaté le non-respect des obligations contractuelles de l’éditeur envers l’auteur, ainsi que l’atteinte aux droits d’auteur de M. [H] sur son site internet. Condamnation de la société Les éditions du 81La société a été condamnée à payer les dommages et intérêts demandés par M. [H], ainsi que les frais de justice. La décision du tribunal a été rendue en faveur de l’auteur, en raison du non-respect des obligations contractuelles et des droits d’auteur par l’éditeur. 1. Assurez-vous de respecter les obligations contractuelles en matière d’exploitation et de diffusion commerciale des œuvres, conformément aux usages de la profession, pour éviter toute résiliation de plein droit du contrat. 2. En cas de non-respect des obligations contractuelles par l’éditeur, n’hésitez pas à mettre en demeure la société concernée par lettre recommandée afin de préserver vos droits et de pouvoir éventuellement demander des dommages et intérêts. 3. En cas de litige concernant des droits d’auteur, n’hésitez pas à saisir la justice pour obtenir des mesures conservatoires ou de remise en état, notamment en cas de trouble manifestement illicite, et à demander des provisions sur dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi. Réglementation applicable– Article 472 du code de procédure civile Avocats et magistrats intervenants– Maître Marie FABREGAT Mots-clefs– Les éditions du 81 Définitions juridiquesLes éditions du 81: entreprise ou maison d’édition Montants / Préjudice– Provision à M. [U] [H] : 1.801 euros Parties impliquées– S.A.R.L. LES EDITIONS DU 81 * * * REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS TRIBUNAL ■ N° RG 24/50849 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3EGF N° : 2/MC Assignation du : [1] [1] 1 Copie exécutoire ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ par Irène BENAC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Marion COBOS, Greffier. Monsieur [U] [H] représenté par Maître Marie FABREGAT, avocat au barreau de PARIS – #C1001 DEFENDERESSE S.A.R.L. LES EDITIONS DU 81, prise en la personne de son Gérant en exercice Et pour signification entre les mains de son gérant Monsieur [W] [S] [I] en mon étude sis [Adresse 2] sur présentation de son passeport n°[Numéro identifiant 1] et du KBIS de la société non comparante, non constituée DÉBATS A l’audience du 28 Février 2024, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Présidente, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu le conseil de la partie comparante, Exposé du litige M. [U] [H] est l’auteur de deux ouvrages de référence sur la céramique : – La sagesse du potier dont il a cédé les droits d’auteur à M. [F] [G] (qui a fondé par la suite la société Les Editions [F] [G]) par contrat du 22 mai 2003, La société Editions [F] [G] a changé de dénomination, celle-ci devenant Les éditions du 81. Déplorant des manquements de cet éditeur à son obligation d’exploitation permanente et suivie (ouvrages indisponibles depuis 2021) et de reddition de compte (depuis 2019), M. [H] a adressé plusieurs demandes de réimpression et de reddition de comptes à la SARL Les éditions du 81 puis, par lettre recommandée du 22 février 2022 reçue le 28, a mis en jeu la clause résolutoire prévue aux articles 5 et 6 des contrats précités. Faute de réponse à ses demandes, il l’a ensuite le (28 février 2023) fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Paris pour exercer son droit d’information sur les conditions réelles de fabrication, de diffusion commerciale et de vente des ouvrages précités depuis 2019. Par ordonnance du 20 juin 2023, le juge des référés a ordonné à la société Les éditions du 81, sous astreinte, de communiquer à M. [H] un état certifié par un expert-comptable et accompagné de tous les justificatifs nécessaires (factures, bons de commande, bons de livraison, inventaires, etc.) mentionnant du nombre d’exemplaires fabriqués, vendus, en stock ou détruits pour les exercices 2019, 2020, 2021 et 2022 et le montant des redevances dues ou versées, ainsi que les actions de promotion des œuvres concrètement mises en œuvre auprès des professionnels. Cette injonction n’a pas été respectée mais, par courriel du 27 juillet 2023, la société Les éditions du 81 a adressé à M. [H] 4 fichiers de reddition de comptes sur les ouvrages en cause pour les exercices 2019 à 2022. – ordonner à la société Les éditions du 81, sous astreinte de 500 euos par jour de retard et passé le 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de cesser toute référence à M. [U] [H] et à ses œuvres sur leur site internet accessible à partir de l’adresse rubriques “nos auteurs” et “nos collections” La Sagesse d’un métier et Une brève histoire), et en particulier supprimer les pages suivantes : Quoique régulièrement assignée le 21 décembre 2023 à son siège pour l’audience du 24 février 2024, la société Les éditions du 81 n’a ni comparu, ni constitué avocat. L’article 472 du code de procédure civile prévoit que, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée. L’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que “L’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession.” L’article L. 132-17-3 du même code prévoit que si l’éditeur ne satisfait pas à ses obligations de reddition de compte, le contrat est résilié de plein-droit trois mois après mise en demeure de l’auteur non suivie d’effet.L’article 5 du contrat du 22 mai 2003 et l’article 6 du contrat du 7 mai 2014 stipulent, dans les mêmes termes : “L’éditeur s’engage également à assurer à l’ouvrage une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conforme aux usages de la profession. En conséquence, dans le cas où les volumes tirés de l’ouvrage viendraient à être épuisés, le présent contrat serait résilié de plein droit si l’éditeur, sauf cas de force majeure, ne procédait pas une réimpression dans les 12 mois de la mise en demeure que lui ferait l’auteur par lettre recommandée.” Par ces motifs Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort , Constatons la résiliation de plein droit des contrats de cession de droits d’auteur des 22 mai 2003 sur l’ouvrage La sagesse du potier et du 7 mai 2014 sur l’ouvrage Une brève histoire de la céramique; Ordonnons à la SARL Les éditions du 81 de cesser : – toute référence à M. [U] [H] et à ses œuvres sur leur site internet accessible à partir de l’adresse , et en particulier supprimer les pages suivantes : – toute exploitation de son nom, de son image et de ses œuvres sur tout support ou réseau social en relation avec sa qualité d’auteur dont les droits seraient exploités par la SARL Les éditions du 81 Nous réservons la liquidation des astreintes ; Condamnons la SARL Les éditions du 81 à lui payer à M. [U] [H] la somme de 1.801 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts réparant le manque à gagner dû à l’absence d’exploitation des œuvres et l’atteinte portée à son droit moral d’auteur ; Condamnons la SARL Les éditions du 81 aux dépens dont distraction au profit de Maître Marie Fabregat ; Condamnons la SARL Les éditions du 81 à payer à M. [U] [H] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 20 mars 2024 Le Greffier,Le Président, Marion COBOSIrène BENAC |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de l’éditeur selon le code de la propriété intellectuelle ?L’article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle stipule que l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie, ainsi qu’une diffusion commerciale conforme aux usages de la profession. Cette obligation implique que l’éditeur doit non seulement publier l’œuvre, mais aussi veiller à sa disponibilité sur le marché. Cela signifie qu’il doit prendre des mesures actives pour que l’œuvre soit accessible au public, ce qui inclut la gestion des stocks et la réimpression lorsque cela est nécessaire. En cas de manquement à ces obligations, l’auteur a le droit de résilier le contrat, comme le prévoit l’article L. 132-17-3, qui stipule que si l’éditeur ne satisfait pas à ses obligations de reddition de compte, le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure non suivie d’effet. Quelles conséquences en cas de non-respect des obligations contractuelles par l’éditeur ?Le non-respect des obligations contractuelles par l’éditeur peut entraîner des conséquences juridiques significatives. Dans le cas présent, M. [H] a constaté que les obligations d’exploitation et de reddition de compte n’étaient pas respectées. Après avoir mis en demeure l’éditeur par lettre recommandée, il a pu constater que les ouvrages n’étaient plus disponibles depuis 2021 et que les redditions de comptes n’avaient pas été fournies dans les délais impartis. Cela a conduit à la résiliation de plein droit des contrats de cession de droits d’auteur, permettant à M. [H] de demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi, ainsi que la cessation de toute exploitation de son nom et de ses œuvres par l’éditeur. Quelle a été la décision du tribunal concernant la société Les éditions du 81 ?Le tribunal a ordonné à la société Les éditions du 81 de cesser toute référence à M. [H] et à ses œuvres sur leur site internet, ainsi que toute exploitation de son nom, image et œuvres. De plus, la société a été condamnée à verser une provision de 1.801 euros à M. [H] pour le manque à gagner et l’atteinte à son droit moral d’auteur. En outre, la société a été condamnée à payer 6.000 euros au titre des frais de justice, ce qui souligne la gravité des manquements constatés et la protection des droits de l’auteur. Quelles mesures ont été prises en raison de l’absence de comparution de la société Les éditions du 81 ?La société Les éditions du 81 n’ayant ni comparu ni constitué avocat lors de l’audience, le tribunal a statué sur le fond de l’affaire en l’absence de la défense. Cette absence a permis au tribunal de rendre une décision en faveur de M. [H], car il a pu établir que les demandes étaient fondées et que les obligations contractuelles n’avaient pas été respectées. L’absence de la société a donc eu des conséquences directes sur l’issue du litige, facilitant la reconnaissance des droits de l’auteur et la condamnation de l’éditeur. Quelles sont les implications de la décision du tribunal pour les droits d’auteur ?La décision du tribunal a des implications significatives pour les droits d’auteur, en affirmant que les éditeurs doivent respecter leurs obligations contractuelles envers les auteurs. Elle souligne également l’importance de la reddition de comptes et de l’exploitation des œuvres, en précisant que le non-respect de ces obligations peut entraîner des conséquences juridiques, y compris la résiliation de contrats et des dommages et intérêts. Cette décision renforce la protection des droits moraux des auteurs, en leur permettant de revendiquer des réparations en cas de préjudice causé par des manquements de la part des éditeurs. Quels articles du code de procédure civile ont été cités dans la décision ?Le tribunal a cité plusieurs articles du code de procédure civile pour justifier sa décision. Parmi eux, l’article 472, qui prévoit que le juge peut statuer même en l’absence de comparution du défendeur, et l’article 835, qui permet de prescrire des mesures conservatoires en référé. Ces articles permettent au tribunal d’agir rapidement pour protéger les droits des parties, même lorsque l’une d’elles ne se présente pas. Cela montre l’importance de la procédure judiciaire pour garantir le respect des droits d’auteur et des obligations contractuelles, en offrant aux auteurs des recours efficaces en cas de litige. |
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