Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Intégrité des œuvres d’art : l’obligation de l’acheteur
→ RésuméL’affaire Pierre Tual illustre l’importance de l’intégrité des œuvres d’art et les obligations des acheteurs. L’artiste a obtenu gain de cause contre la communauté d’agglomération d’Evry pour la « amputation » partielle de son œuvre monumentale, dégradée par le vol de plusieurs éléments. Selon l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle, toute modification d’une œuvre porte atteinte au droit moral de l’auteur. Bien que la communauté ait contesté sa responsabilité, elle avait l’obligation de protéger l’œuvre contre les dégradations, ce qui a conduit à sa condamnation à verser 10.000 euros de dommages-intérêts à Tual.
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Affaire Pierre Tual
L’artiste-sculpteur Pierre Tual a obtenu la condamnation de la communauté d’agglomération d’Evry pour « amputation » partielle de l’une de ses œuvres. Il s’agissait d’une œuvre monumentale composée de plusieurs éléments en acier, béton et résine époxy exécutée en 1987 et installée sur la place des Terrasses de l’Agora à Evry. Trois des éléments composant l’œuvre avaient été subtilisés par un tiers (non identifié).
Compétence des juridictions civiles et administratives
Sur le volet de la compétence des juges judiciaires, en application des dispositions de l’article L331-1 du code de la propriété intellectuelle, « Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire », parmi lesquels le tribunal de grande instance de Paris (article D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire).
Le tribunal de grande instance connaît ainsi des litiges précités dont notamment ceux pour déterminer si l’auteur a pu supporter un préjudice résultant de la dénaturation qu’aurait subie son oeuvre, en dérogeant, le cas échéant, aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques. La juridiction judiciaire est exclusivement compétente pour se prononcer sur l’existence d’une atteinte au droit moral de l’auteur.
En revanche, le tribunal de grande instance n’est pas compétent pour ordonner des mesures de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité d’un ouvrage public et il ne peut ordonner la réalisation de travaux sur l’ouvrage public et faire des injonctions à l’administration, qui peuvent être prononcées que par la seule juridiction administrative.
Atteinte au droit moral de l’artiste
Au sens de l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur bénéficie au titre du droit moral, du droit au respect de l’intégrité de l’oeuvre. Toute modification quelle qu’en soit l’importance apportée à une oeuvre porte atteinte au droit moral de l’auteur au respect de celle-ci. Le support matériel sur lequel repose l’oeuvre appartenait à la communauté d’agglomération qui disposait donc des prérogatives de propriétaire, qu’elle est libre d’exercer, y compris même le cas échéant, pour procéder à la destruction de celui-ci. Toutefois, les droits du propriétaire sont à concilier avec le droit moral de l’auteur, lequel ne peut revendiquer une intangibilité de l’oeuvre et il appartient à la juridiction, de concilier les droits en présence.
Il est ainsi admis que des modifications puissent être apportées à une oeuvre, par leur propriétaire, sous réserve de la nécessité d’adapter celle-ci et sous réserve que les modifications n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionnées au regard du but poursuivi.
La communauté d’agglomération n’a pas nié les dégradations supportées par l’oeuvre architecturale de Pierre Tual, mais a contesté une quelconque responsabilité dans la survenance de celles-ci dès lors qu’elles ne lui sont pas directement imputables et qu’elles ont été commises par des tiers inconnus dont elle n’était pas responsable.
Toutefois, nonobstant l’intervention de tiers, il appartenait bien à la communauté d’agglomération de prendre toute disposition (dont elle ne justifiait pas), pour éviter les dégradations de l’œuvre afin de ne pas permettre une atteinte au droit moral de l’auteur. La communauté d’agglomération a été condamnée à verser 10.000 euros de dommages-intérêts à Pierre Tual.
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