Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Usufruit sur les œuvres d’art
→ RésuméL’affaire Ping-Ming Hsiung a clarifié un point juridique crucial : l’usufruitier des œuvres d’art peut aliéner des tirages en bronze sans l’accord des nus propriétaires. Les juges ont maintenu l’usufruit de l’épouse de l’artiste décédé, malgré les accusations d’abus de la part des descendants. En vertu de l’article 123-6 du code de la propriété intellectuelle, l’épouse bénéficie d’un usufruit spécial, lui permettant d’exploiter les droits d’exploitation de l’œuvre. Ce droit, qui perdure pendant soixante-dix ans après le décès de l’auteur, ne nécessite pas l’autorisation des nus-propriétaires pour la vente des bronzes réalisés.
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Affaire Ping-Ming Hsiung
Point juridique jusqu’alors non tranché par les tribunaux : l’usufruitier des œuvres d’art d’un artiste est bien en droit d’aliéner des tirages en bronze de l’œuvre, sans l’accord des nus propriétaires du droit d’exploitation. Dans cette affaire, les juges ont refusé de révoquer l’usufruit de l’épouse de l’artiste décédé Ping-Ming Hsiung. Les descendants de l’artiste ont fait valoir sans effet que l’épouse avait commis un abus dans l’usage des droits d’exploitation de l’artiste et avait porté atteinte à la substance de l’usufruit.
Transmission de l’usufruit au conjoint survivant
Ping-Ming Hsiung est un artiste sculpteur français d’origine chinoise décédé en France en 2002, sans avoir fait de testament. Il a laissé pour héritiers, son épouse (sans contrat de mariage) et ses trois fils, nés de son premier mariage. Son épouse est titulaire de l’usufruit spécial attribué au conjoint survivant d’un artiste prévu par l’article 123-6 du code de la propriété intellectuelle et en conséquence, de l’usufruit des droits d’exploitation de son œuvre. Pour rappel, au décès de l’auteur, le droit exclusif d’exploiter l’oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire, persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent. Pendant cette période, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aurait pas disposé par testament. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 du code civil. Ce droit s’éteint au cas où le conjoint contracte un nouveau mariage.
Périmètre de l’usufruit
L’usufruit du droit d’exploitation sur une œuvre confère donc au conjoint survivant, le droit de vendre les tirages en bronze qu’il ou elle a fait effectuer. En ce sens, l’usufruit déroge aux règles de droit commun, de sorte que les pouvoirs de l’usufruitier ne sont pas limités. Pour le reste, l’usufruitier a l’obligation de conserver la substance dans une perspective de restitution de la chose ou du droit. L’aliénation des bronzes posthumes réalisés par le conjoint survivant, sans autorisation préalable des nus-propriétaires ne revient pas à les priver de leur droit.
Le conjoint d’un auteur bénéficie de l’usufruit sur le droit d’exploitation qui est un bien incorporel, et non pas seulement d’un usufruit sur les choses issues de l’exercice de ce droit d’exploitation. A l’issue de l’usufruit du conjoint survivant, les nus-propriétaires retrouveront la pleine propriété de ce droit d’exploitation mais pendant la durée de l’usufruit, l’usufruitier est en droit d’exploiter l’oeuvre, sauf à retirer toute utilité au droit reconnu au conjoint. Reconnaître au conjoint le droit de vendre à la condition que les nus-propriétaires en donnent l’autorisation est dépourvu de tout fondement juridique.
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