Contexte de la venteLe 4 novembre 2022, un compromis de vente a été signé entre les consorts [B] et les consorts [P] pour l’acquisition d’un bien immobilier à Feuchy, au prix de 325.000 euros. Ce compromis incluait une condition suspensive d’obtention d’un prêt de 325.000 euros, ainsi qu’une clause pénale de 32.500 euros en cas de refus de réitération de l’acte authentique. Évolution de la situationLa Caisse d’Epargne a émis un avis favorable pour le financement le 15 décembre 2022, sous certaines conditions. Les parties ont convenu de proroger la date de réalisation de la vente à plusieurs reprises, jusqu’au 31 mai 2023. Cependant, le 27 mai 2023, un refus de prêt a été communiqué par la Banque populaire du Nord. Actions des vendeursAprès des mises en demeure restées sans réponse, les consorts [P] ont assigné les consorts [B] devant le tribunal judiciaire de Béthune le 5 février 2024, demandant la résolution du compromis de vente et le paiement de la clause pénale. Les défendeurs n’ont pas comparu à l’audience. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que l’action des consorts [P] était régulière et recevable. Il a considéré que la condition suspensive était réputée accomplie, car les consorts [B] n’avaient pas démontré avoir effectué les démarches nécessaires pour obtenir le prêt. De plus, le tribunal a noté que la condition suspensive était levée après le délai de 45 jours. Inexécution et clause pénaleLe tribunal a constaté un manquement grave des consorts [B] à leurs obligations contractuelles, justifiant la résolution du contrat. La clause pénale de 32.500 euros a été jugée applicable, car les consorts [P] avaient envoyé des mises en demeure sans réponse. Frais de justiceLes consorts [B] ont été condamnés aux dépens et à payer 1.500 euros aux consorts [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de leur défaillance dans cette affaire. Conclusion du jugementLe tribunal a prononcé la résolution du compromis de vente aux torts des consorts [B], les condamnant à payer la clause pénale, les dépens, et une somme pour les frais de justice. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Béthune
RG n°
24/00480
[O] [P]
, [A] [P]
c/
[J] [B]
, [L] [B]
copies et grosses délivrées
le
à Me TALLEUX (LILLE)
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BÉTHUNE
N° RG 24/00480 – N° Portalis DBZ2-W-B7I-H7RE
Minute: /2024
JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024
DEMANDEURS
Madame [O] [P], demeurant 35 rue Traversière – 62000 ARRAS
représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
Monsieur [A] [P], demeurant 16 rue Calmette – 62000 DAINVILLE
représenté par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEURS
Monsieur [J] [B] né le 18 Décembre 1967 à LIBERCOURT (PAS-DE-CALAIS), demeurant 1 rue de Loison – 62300 LENS
défaillant
Madame [L] [B] née le 19 Juillet 1975 à LA ROCHE SUR YON (VENDEE), demeurant 1 rue de Loison – 62300 LENS
défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Présidente : LAMBERT Sabine, Vice-présidente, siégeant en Juge Unique
Assistée lors des débats de SOUPART Luc, greffier principal.
DÉBATS:
Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Juin 2024 fixant l’affaire à plaider au 03 Septembre 2024 à l’audience de juge unique.
A la clôture des débats en audience publique, l’affaire a été mise en délibéré et les parties ont été avisées que le jugement serait mis à la disposition au Greffe au 05 Novembre 2024.
Le tribunal après avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort.
Suivant compromis de vente du 4 novembre 2022 établi par la société AGIMMO, M. [J] [B] et Mme [L] [G] épouse [B] (ci-après les consorts [B]) se sont portés acquéreurs d’un bien immobilier à usage d’habitation situé 13 route de Fampoux à Feuchy (Pas-de-Calais), appartenant à M. [A] [P] et Mme [O] [P] épouse [I] (ci-après les consorts [P]) pour le prix de 325.000 euros.
Cet acte prévoyait une condition suspensive d’obtention d’un prêt de 325.000 euros au taux nominal ne pouvant excéder 3,03 % d’une durée ne pouvant être inférieure à 5 ans, ainsi qu’une clause pénale d’un montant de 32.500 euros pour le cas où une partie refuserait de réitérer l’acte authentique. Le délai pour la réalisation de cette condition suspensive a été fixé à 45 jours, soit jusqu’au 18 décembre 2022. La réitération de la vente était prévue au 31 janvier 2023.
Selon attestation en date du 15 décembre 2022, la Caisse d’Epargne a émis un avis favorable au financement de cette acquisition, sous réserve d’un accord de garantie CEGC et des assurances.
Par actes sous seing privé en date des 28 janvier et 24 mars 2023, les parties ont convenu de la prorogation de la date de réalisation au 31 mars 2023, puis au 31 mai 2023.
Par courriel en date du 27 mai 2023, Maître [Z] [M] – notaire des consorts [B] a transmis au notaire des vendeurs une attestation de refus de prêt de la Banque populaire du Nord datée du 26 mai 2023.
Suite à mises en demeure des 4 juillet et 25 juillet 2023 restées sans réponse, les vendeurs ont assigné les acquéreurs par acte de commissaire de justice en date du 5 février 2024,devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins de voir celui-ci, au visa des articles 1103, 1224 et 1227 du code civil :
prononcer la résolution judiciaire du compromis de vente du 4 novembre 2022 aux torts exclusifs des consorts [B] ;
condamner les consorts [B] à payer aux consorts [P] la somme de 32.500 euros au titre de la clause pénale assortie au compromis de vente du 4 novembre 2022 ;
condamner les consorts [B] à payer aux consorts [P] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Bien que régulièrement et respectivement assignés par acte remis à personne physique pour M. [J] [B] et par acte remis à un tiers – M. [J] [B] ayant accepté de recevoir l’acte – pour Mme [K] [B], les défendeurs n’ont pas comparu.
Au cours de l’audience d’orientation, le Président a ordonné la clôture de l’instruction de la procédure le 5 juin 2024 et il a fixé l’affaire pour plaidoiries à l’audience des débats du 3 septembre 2024, devant le juge unique. A l’issue des débats, le prononcé de la décision a été reporté pour plus ample délibéré au 5 novembre 2024.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des demandeurs à leur acte introductif d’instance en l’absence de conclusions signifiées postérieurement.
Pour la bonne compréhension du litige, il est précisé que les vendeurs considèrent que la condition suspensive d’obtention du prêt est réalisée par l’attestation de la caisse d’Epargne du 15 décembre 2022.
Sur la non-comparution des défendeurs
Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce, l’action est régulière et recevable quant aux demandes dont le tribunal est saisi.
En application de l’article 474 du code de procédure civile, le présent jugement sera réputé contradictoire.
Sur la réalisation de la condition suspensive liée à l’obtention du prêt
En application des articles 1101 et 1103 du code civil, les contrats se forment par la volonté des parties et on force obligatoire.
L’article 1304-3 alinéa 1 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui avait intérêt en a empêché l’accomplissement.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, les parties qui se sont accordées sur la chose et le prix au moment de la signature de la promesse synallagmatique de vente, ont réservé le transfert de propriété au jour de la signature de l’acte authentique et ont prévu la réalisation « à la première convocation de maître [R] [N], notaire à Arras représentant le vendeur, et de maître [Z] [M] notaire à Lens, représentant l’acquéreur que les parties choisissent d’un commun accord à cet effet, s’engageant à leur fournir toutes les pièces et renseignements utiles pour une régularisation au plus tard, le 31 janvier 2023 ou si besoin était, dans le délai de 15 jours faisant suite à la délivrance de la dernière pièce nécessaire à la rédaction de l’acte notarié », les autres clauses du compromis de vente demeurant inchangées.
Dans le cadre de leur engagement réciproque, les consorts [P] se sont obligés à vendre l’immeuble et les consorts [B] à l’acquérir, sous l’effet d’une condition suspensive liée à l’obtention d’un crédit, rédigée comme suit :
« Le présent engagement est fait sous la condition suspensive stipulée au profit de l’acquéreur seul, qui pourra toujours y renoncer avant l’expiration du délai ci-après fixé : de l’obtention par l’acquéreur d’un ou plusieurs prêts d’un montant total de 325.000 euros productifs d’intérêts à un taux nominal ne pouvant excéder 3,03 % d’une durée ne pouvant être inférieure à cinq ans. L’acquéreur s’engage à faire dans les plus brefs délais toutes les démarches nécessaires pour l’obtention de ce ou de ces prêts, auprès d’un organisme bancaire de son choix et d’en justifier à première demande. Ce prêt ou chacun de ces prêts s’il y en a plusieurs sera réputé obtenu au sens de l’article 17 de la loi du 13 juillet 2079, dès réception de son offre par l’acquéreur, ce qui devra intervenir dans le délai de 45 jours à dater de ce jour. Pendant ledit délai, en cas de défaut de l’obtention du ou de ces prêts, les présentes seront caduques, sans qu’il soit besoin d’aucune mise en demeure, ni de formalités judiciaires, dès justification de la ou des demandes de prêts ou du refus de la ou des banques de lui accorder ces mêmes prêts. Passé ce délai, la présente condition suspensive sera considérée comme levée et les prêts accordés. »
Il pèse ainsi sur l’acquéreur obligé dans le cadre de la vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt, l’obligation de prouver qu’il a accompli les diligences nécessaires à la réalisation de la condition suspensive et qu’il n’a pas commis de faute dans sa mise en œuvre.
Il est ainsi jugé de manière constante que la condition est réputée accomplie lorsque le bénéficiaire de la promesse n’a pas sollicité l’octroi d’un prêt conforme aux stipulations de celle-ci.
Il est constant que dans le délai de 45 jours à compter du 4 novembre 2022, il est justifié d’une attestation de la Caisse d’Epargne datée du 15 décembre 2022 faisant état d’un avis favorable pour le financement de l’acquisition «située à Feuchy, sous réserve d’un accord de garantie CEGC + accord des assurances ».
Cette pièce ne vaut pas en elle-même offre de prêt. Pour autant, la condition est réputée accomplie lorsque le bénéficiaire de la promesse n’a pas sollicité l’octroi d’un prêt conforme aux stipulations de celle-ci et les consorts [B] ne démontrent pas l’impossibilité de financement de leur projet d’acquisition.
En tout état de cause, les parties ont convenu que passé le délai de 45 jours à compter de la promesse synallagmatique de vente, la condition suspensive serait considérée comme levée et les prêts accordés, étant relevé que si le délai de réitération a été prorogé jusqu’au 31 mai 2023 par avenants des 28 janvier 2023 et 24 mars 2024, il est indiqué que les autres clauses du compromis demeuraient inchangées.
La condition est donc réputée accomplie suite aux manquements des acquéreurs à leurs obligations contractuelles, de sorte que l’attestation de la Banque populaire du Nord datée du 26 mai 2023 refusant le prêt est inopérante.
Sur l’exception d’inexécution
Selon l’article 1224,1227 et 1231-5 du code civil, la résolution résulte, soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l’espèce, les acquéreurs ne démontrent pas avoir accompli les diligences nécessaires à la réalisation de la condition suspensive et ne rapportent pas qu’ils n’ont pas commis de faute dans sa mise en œuvre. Les délais prévus au compromis n’ont pas été respectés et ils ont justifié d’un accord de principe pour ensuite produire un document refusant le financement alors que la condition suspensive était levée. Il s’agit d’un manquement suffisamment grave à l’exécution du contrat justifiant justifie sa résolution à leurs torts.
Sur la clause pénale
La clause pénale insérée au contrat est la suivante : « Dans le cas où l’une des parties viendrait à refuser de régulariser la présente vente dans les délais et conditions convenues, sauf application des conditions suspensives, elle devra payer à l’autre partie dès constatation de son refus, la somme de 32.500 euros à titre d’indemnité forfaitaire et de clause pénale. »
Invoquant l’inexécution totale de leur engagement, les consorts [P] justifient de l’envoi de deux mises en demeure aux acquéreurs par lettres recommandées avec avis de réception transmises le 7 juillet 2023 et le 25 juillet 2023, revenue pour cette dernière avec la mention « pli avisé non réclamé », d’avoir à se prononcer sur leur volonté de réitérer ou de se désengager et les informant de leur intention de réclamer le paiement de l’indemnité prévue au titre de la clause pénale. Ces mises en demeure sont restées infructueuses.
En raison de la défaillance fautive des consorts [B], la condition suspensive étant levée, la clause pénale doit produire effet.
La somme de 32.500 euros prévue au compromis de vente au titre de la clause pénale n’apparaît pas excessive, dans la mesure où le montant de cette clause est habituellement fixé à 10% du prix de vente, lequel devait s’élever en l’espèce à 320.000 euros.
Enfin, en application de l’article 1231-7 du code civil, l’indemnité supportée solidairement par les consorts [B] au titre de la clause pénale produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les frais du procès
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une partie. Elle peut également être condamnée à payer à l’autre une somme que le juge détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. A cet égard, le juge tient compte, dans tous les cas, de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Parties ayant succombé au sens de ces dispositions, M. [J] [B] et Mme [L] [G] épouse [B] seront condamnés in solidum aux dépens. Ils seront également condamnés in solidum à payer à M. [A] [P] et Mme [O] [P] épouse [I], la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Tribunal, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort ;
PRONONCE la résolution de la promesse synallagmatique de vente en date du 4 novembre 2022 aux torts de M. [J] [B] et de Mme [L] [G] épouse [B] ;
CONDAMNE solidairement M. [J] [B] et Mme [L] [G] épouse [B] à payer à M. [A] [P] et Mme [O] [P] épouse [I] le somme de 32.500 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
CONDAMNE in solidum M. [J] [B] et Mme [L] [G] épouse [B] aux dépens ;
CONDAMNE in solidum M. [J] [B] et Mme [L] [G] épouse [B] à payer à M. [A] [P] et Mme [O] [P] épouse [I] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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