Tribunal judiciaire de Paris, 4 mars 2015, N° 02/2015
Tribunal judiciaire de Paris, 4 mars 2015, N° 02/2015

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Résumé

La liberté d’expression, bien qu’utilele dans une société démocratique, n’est pas absolue. Selon l’article 10 de la Convention européenne, elle peut être soumise à des restrictions pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public ou les droits d’autrui. Des cas, comme l’interdiction du DVD de Dieudonné, illustrent ces limites. Les juges ont jugé que son contenu, incitant à la haine et à la violence, dépassait les bornes de la liberté d’expression. Ainsi, le retrait de ce DVD était nécessaire pour préserver la dignité humaine et l’ordre public, soulignant l’importance d’un équilibre entre liberté et responsabilité.

Limites de la liberté  d’expression

Selon l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.

L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

Abus de la liberté d’expression

Les juges ont considéré que le retrait et l’interdiction de commercialisation d’un DVD de Dieudonné étaient strictement nécessaires dans une société démocratique, correspondent à un besoin social impérieux et sont proportionnées au but légitime poursuivi. Pour faire droit à la demande d’interdiction les juges ont pris en considération les éléments suivants :

– le DVD poursuivi comporte de nombreux passages, relevés ci-avant, constitutifs d’infractions à la loi sur la liberté de presse, qui émaillent et ponctuent le spectacle, et ne sont donc nullement limités à un sketch en particulier ;

– les éléments de contexte rappelés montrent aussi, au-delà des passages poursuivis, des attaques nombreuses et variées à l’encontre de l’ensemble des personnes de confession juive, qui dépassent de loin les limites admissibles de la liberté d’expression dans une société démocratique ;

– les infractions en cause, en ce qu’elles comportent des faits de provocation à la haine et à la violence envers les personnes de confession juive, de contestation de crimes contre l’humanité et d’apologie de crimes commis durant la seconde guerre mondiale, sont gravement attentatoires à la dignité humaine et troublent durablement l’ordre public ;

– le spectacle « Le Mur » a donné lieu à une décision du Conseil d’Etat, statuant en référé, qui a considéré comme justifiée son interdiction préalable par le préfet de Loire-Atlantique par arrêté du 07 janvier 2014, se fondant notamment sur un risque sérieux d’atteintes graves au respect des valeurs et principes, notamment de la dignité humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; or, a fortiori, l’effectivité de telles atteintes est à l’évidence consacrée et renforcée par leur fixation sur un DVD ; la couverture du DVD fait en outre référence au fait qu’il s’agit d’un spectacle « interdit en France », précision de nature à confirmer pleinement la volonté d’assumer le caractère illégal du spectacle ainsi diffusé, en en faisant même un argument publicitaire.

Le retrait et l’interdiction de commercialisation du seul DVD du spectacle « Le Mur » correspondent bien à la nécessité de prohiber la commission des graves et multiples infractions en cause et apparaissent proportionnés, étant observé qu’il n’apparaît pas possible, compte tenu de leur multiplicité, d’ordonner le seul retrait des passages constitutifs d’infractions.

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les limites de la liberté d’expression selon la Convention européenne ?

La liberté d’expression est un droit fondamental protégé par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ce droit inclut la liberté d’opinion ainsi que le droit de recevoir ou de communiquer des informations sans ingérence des autorités publiques.

Cependant, cet exercice n’est pas absolu et peut être soumis à des restrictions. Ces restrictions doivent être justifiées par des raisons telles que la sécurité nationale, l’intégrité territoriale, la sûreté publique, ou la protection des droits d’autrui.

Les mesures prises doivent être nécessaires dans une société démocratique et respecter les principes de proportionnalité et de nécessité.

Quels sont les abus de la liberté d’expression illustrés par l’affaire Dieudonné ?

L’affaire Dieudonné illustre comment la liberté d’expression peut être abusée. Les juges ont statué que le retrait et l’interdiction de commercialisation d’un DVD de Dieudonné étaient nécessaires pour protéger l’ordre public.

Le DVD contenait des passages qui constituaient des infractions à la loi sur la liberté de presse, dépassant les limites acceptables de la liberté d’expression.

Les juges ont noté que le contenu du DVD comportait des attaques répétées contre les personnes de confession juive, ce qui était inacceptable dans une société démocratique.

De plus, les infractions incluaient des provocations à la haine et à la violence, ainsi que des contestations de crimes contre l’humanité, ce qui porte atteinte à la dignité humaine.

Comment le Conseil d’État a-t-il justifié l’interdiction du spectacle « Le Mur » ?

Le Conseil d’État a justifié l’interdiction du spectacle « Le Mur » en se basant sur un risque sérieux d’atteintes aux valeurs fondamentales, notamment la dignité humaine.

Cette décision a été prise en référé, soulignant l’importance de protéger les principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

L’interdiction a été considérée comme proportionnée et nécessaire pour prévenir des atteintes graves à l’ordre public.

Le fait que le DVD mentionne qu’il s’agit d’un spectacle « interdit en France » a également été interprété comme une volonté d’assumer le caractère illégal du contenu, renforçant ainsi la justification de l’interdiction.

Pourquoi le retrait du DVD a-t-il été jugé proportionné ?

Le retrait et l’interdiction de commercialisation du DVD ont été jugés proportionnés en raison de la gravité des infractions qu’il contenait.

Les juges ont constaté que les passages incriminés étaient nombreux et variés, rendant impossible un simple retrait des segments problématiques.

La décision visait à prohiber la commission de multiples infractions, ce qui était essentiel pour maintenir l’ordre public et protéger la dignité humaine.

Ainsi, l’interdiction ne visait pas seulement un sketch isolé, mais l’ensemble du contenu qui portait atteinte aux valeurs démocratiques.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon