Tribunal Judiciaire de Paris, 2 avril 2015
Tribunal Judiciaire de Paris, 2 avril 2015

Type de juridiction : Tribunal Judiciaire

Juridiction : Tribunal Judiciaire de Paris

Thématique : Production concomitante d’œuvres audiovisuelles

Résumé

Le producteur d’une œuvre audiovisuelle a le droit de créer simultanément un web-documentaire sur le même sujet qu’un autre film, tant qu’aucune clause contractuelle ne l’en empêche. Dans le cas présent, les deux œuvres, sorties lors de la commémoration du 17 octobre 1961, ne se nuisent pas. De plus, aucune similitude n’a été prouvée entre elles. Le film documentaire, d’une durée de 90 minutes, suit une narration linéaire et utilise des témoignages directs, tandis que le web-documentaire, interactif, intègre des éléments de fiction et des documents d’archives, offrant une expérience très différente.

Libre choix du producteur

Le producteur d’une œuvre audiovisuelle même s’il est tenu « d’assurer à l’oeuvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la profession » reste en droit  de produire de manière concomitante une œuvre du genre web-documentaire réalisée par un autre réalisateur sur le même sujet et au titre quasi similaire à celui d’un autre auteur.

Rien n’interdit à un producteur de produire deux événements distincts sur un même sujet d’actualité alors qu’aucune clause spécifique contractuelle ne le lui interdit et il n’est pas démontré que la production du web-documentaire avait pour objet, ni d’ailleurs pour effet de nuire au film documentaire. L’article L132-27 ne peut avoir pour objet d’interdire au producteur de réaliser et commercialiser la production d’œuvres portant sur le même thème que l’œuvre en litige.

En l’espèce, la sortie des deux œuvres par le même producteur s’est faite à l’occasion de la célébration du cinquantième anniversaire de la manifestation du 17 octobre 1961 réprimée très violemment par les forces de l’ordre avec de nombreux morts et disparus algériens, notamment noyés dans la Seine.  De nombreux autres documentaires ou événements ont été réalisés et produits sur le sujet à cette occasion.  Le film de madame ADI n’a de fait subi aucun retard à la sortie qui s’est effectuée le mercredi 19 octobre 2011, soit à la première date de sortie possible après la commémoration.

Absence de similitude entre les deux œuvres

Par ailleurs aucune similitude entre les deux œuvres n’a été démontrée. Le film documentaire de l’auteur  d’une durée de 90 minutes, est d’une facture classique pour un documentaire qui alterne entretiens originaux, séquences d’archives et textes lus en voix off. Sa narration est strictement linéaire et repose sur une structure chronologique : le film fait le récit des événements du début à la fin, sans flash-back. Il n’est fait appel à aucun comédien professionnel et l’apport est le fait des témoignages directs de personnes et notamment de femmes témoins des faits et d’images d’archives.

Le web-documentaire est d’une structure narrative très différente : il s’agit d’une plateforme documentaire accessible sur internet, contenant des éléments filmés et des documents d’archives. Chaque thème abordé y fait intervenir un lieu et un personnage de fiction. Le personnage n’est pas montré mais enregistré par un comédien professionnel en voix off. Il est possible de se positionner sur l’un ou l’autre afin de voir défiler l’histoire du personnage de fiction. On peut également accéder à des thèmes historiques, des documents écrits, des entretiens avec des historiens par des liens présents sur les différentes pages du site. Le web-documentaire est caractérisé par une forte interactivité. Aucune similitude sérieuse n’existe et l’impression d’ensemble qui émane de ces œuvres est très différente.

 


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