Savoir-faire : les limites de l’accord de confidentialité

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L’efficacité d’un accord de confidentialité encadrant la transmission d’un savoir-faire n’est assurée que s’il y a un réel savoir-faire transmis. Il est constant que le détenteur d’un savoir-faire peut agir en responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil contre celui qui a surpris ses secrets d’affaires ou de fabrication, à condition de prouver les éléments de la responsabilité civile délictuelle, à savoir un dommage réparable directement causé par la faute du défendeur.

Savoir-faire non établi  

Dès lors qu’une société, qui a signé un accord de confidentialité, est en mesure d’assurer la production de ses modèles utilisant des techniques connues de plusieurs industriels opérant sur le même secteur concurrentiel, et que la preuve n’est pas rapportée du détournement ou utilisation non autorisée d’informations, secrets d’affaires ou secret de fabrique propres à la société concédante, au sens de l’article L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a rejeté l’action en concurrence déloyale en rejetant l’ensemble de ses demandes.

Affaire Lyspackaging

La société Lyspackaging a conclu avec la société Ekoverde, pour une durée de cinq ans, un contrat de confidentialité et de non divulgation, dans lequel il était rappelé que le donneur (à savoir la société Lyspackaging) possédait des connaissances concernant un procédé et/ou un produit intitulé:

— bouteilles et bouchons spécifiques,

— développement de nouveaux matériaux,

— design et procédé de fabrication,

Et que le bénéficiaire (la société Ekoverde) possédait des connaissances concernant la vente en vrac, les distributeurs automatiques de produits alimentaires et non alimentaires, les bornes de collecte du bio plastique.

Les mêmes parties ont convenu d’un contrat de partenariat au terme duquel la société Ekoverde s’engageait à acheter et à exploiter des bouteilles réalisées sur mesure pour son compte en France par la société Lyspackaging; ces bouteilles étant destinées à la vente et la distribution de produits en vrac tels que l’eau du robinet et des détergents commercialisés par la société Ekoverde.

Il était stipulé que la société Ekoverde restait la seule et unique bénéficiaire des moules conçus par la société Lyspackaging pour son compte dans le but de souffler les bouteilles en France, et que jusqu’à dénonciation du contrat par l’une des parties, elle resterait le bénéficiaire exclusif de cette production de bouteilles en France.

En contrepartie, la société Lyspackaging s’engageait à mettre à disposition de la société Ekoverde la documentation nécessaire qui a trait aux marchandises concernées ainsi que toutes informations utiles pouvant servir de support de communication. Les deux parties s’engageaient aux termes de son contrat à ne pas faire preuve de concurrence déloyale de la clientèle quel que soit le moyen employé.

Chacune des parties devait considérer comme confidentielles pendant toute la durée du contrat et après son expiration toutes informations obtenues dans le cadre de son exécution; les deux parties s’interdisaient plus particulièrement de communiquer à des tierces personnes autres que son personnel toute information relative au contrat.

Action en détournement de savoir-faire

Le gérant de la société bénéficiaire a fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés une nouvelle société dénommée Kerhea, ayant pour activité la fabrication la commercialisation, la collecte et recyclage de produits biosourcés, flacons, gourdes, consommables divers, et plus généralement tous produits issus du végétal.

Par courrier recommandé, la société Lyspackaging a mis en demeure la société Kerhea de cesser tout acte et toute communication caractérisant un manquement à l’engagement de non-concurrence et de confidentialité.

Le tribunal a considéré, en substance, que la société Lyspackaging ne disposait pas d’un savoir faire unique, dès lors que plusieurs sociétés concurrentes réalisaient également des bouteilles 100% végétales ; en outre, le gérant n’était pas partie à titre personnel aux contrats de partenariat.

Notion de savoir-faire 

Pour mémoire, au sens de l’article 1 g) du règlement (UE) n°330/2010 de la commission du 20 avril 2010, le savoir-faire est défini comme  ‘un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ; dans ce contexte, ‘secret’ signifie que le savoir-faire n’est pas généralement connu ou facilement accessible ; ‘substantiel’ se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels ; ‘identifié’ signifie que le savoir-faire est décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu’il remplit les conditions de secret et de substantialité’.

Il est constant que le détenteur d’un savoir-faire peut agir en responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil contre celui qui a surpris ses secrets d’affaires ou de fabrication, à condition de prouver les éléments de la responsabilité civile délictuelle, à savoir un dommage réparable directement causé par la faute du défendeur.

Or, il incombait donc à la société Lyspackaging, demandeur à l’action en responsabilité, d’établir le caractère fautif des moyens ayant permis au fondateur et à la société Kerhea d’avoir accès à son savoir-faire. La seule similitude des produits, non protégés par un droit privatif, ne suffit pas à caractériser l’appropriation déloyale du travail d’autrui ou l’utilisation fautive de techniques propres au concurrent.

A cet égard, la seule circonstance que la société Ekoverde a eu connaissance d’informations sur le savoir-faire de la société Lyspackaging, dans le cadre d’un contrat de partenariat est insuffisant pour démontrer un détournement de ce savoir-faire par la société Kerhea.

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