Rupture abusive du contrat d’artiste-interprète   

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Condamnation pour rupture abusive

Le contrat d’exclusivité conclu avec un artiste-interprète (CDD d’usage) ne peut être rompu avant son terme que dans certaines hypothèses limitées : i) l’accord des parties, ii) la faute grave, iii) l’existence d’un cas de force majeure ou iv) l’inaptitude (article L 1243-1 du code du travail). Hors de ces hypothèses, l’employeur qui rompt le contrat d’artiste interprète le fait à ses risques et périls et s’expose à une condamnation pour rupture abusive.

Responsabilité du producteur

Dans cette affaire, un producteur musical a été condamné pour avoir rompu de façon anticipée  le contrat d’usage conclu avec un groupe d’artistes interprètes. Le contrat avait pour objet la réalisation et la commercialisation exclusive par le producteur, des enregistrements interprétés par le groupe ; l’exclusivité devait cesser au plus tard 14 mois suivant la date de sortie commerciale du dernier album. Le producteur avait notifié aux artistes, à tort, la résiliation anticipée de leur contrat suivant accord commun (en raison de divergences sur l‘orientation artistique des albums). Or, lorsque les parties s’accordent pour mettre fin avant son échéance au contrat à durée déterminée, leur volonté doit être claire et non équivoque. Les artistes ont plaidé que la rupture procédait en réalité d’une décision unilatérale du producteur.

Conséquences financières de la rupture

Aux termes de l’article L 1243-4 du code du travail la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L 1243-8 du même code. Il en résulte que le salarié victime d’une rupture anticipée doit obtenir réparation de son entier préjudice et que le montant des dommages-intérêts susceptibles de lui être alloués à ce titre ne doit pas être inférieur au montant des rémunérations qu’il aurait perçues si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme.

Concernant en particulier les artistes, selon l’article L 7121-8 du code du travail, la rémunération due à l’artiste à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement ; cette rémunération n’est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de cet enregistrement. Constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

C’est donc à juste titre que l’artiste interprète a fait valoir que la rupture unilatérale du contrat d’exclusivité l’a privé non seulement du montant des salaires et avances mais également de la chance de percevoir diverses sommes liées à la vente et à l’exploitation des albums non produits. En effet, l’article L 1243-4 du code du travail prévoit seulement le seuil minimal de l’indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié dont le contrat à durée déterminée a été rompu de manière abusive, ce qui ne signifie pas que le préjudice indemnisable soit limité à la perte des salaires et avances et que l’artiste ne puisse obtenir réparation de son entier préjudice.

La réparation de la perte de chance ne peut consister en l’attribution des sommes qui auraient été versées si le contrat avait été mené à son terme mais doit prendre en compte la probabilité que le résultat escompté se réalise. L’évaluation du préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Compte tenu de ces éléments et d’une collaboration ancienne (16 années), de la soudaineté de la rupture du contrat, du préjudice d’image en résultant, l’artiste a obtenu la somme de 210 000 euros (avances sur redevances déduites).

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