Restitution des supports d’une œuvre audiovisuelle

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Restitution des supports d’une œuvre audiovisuelle

L’Essentiel : La communication des supports ayant servi à la réalisation d’une œuvre ne constitue pas une cession de ces supports. Dans l’affaire Moebus, la Cour de cassation a confirmé l’injonction de restitution des planches de dessins à la succession de Jean Giraud, conservées par la société Camera One. Bien que cette société ait acquis les droits d’adaptation du roman « Dune » en 1974, elle n’a pas pu réaliser le film. Les supports, considérés comme un contrat de dépôt, ne pouvaient être revendiqués par Camera One, qui n’était pas fondée à se prévaloir de la prescription acquisitive.

La communication par l’auteur, des supports ayant servi à la réalisation d’une œuvre, n’emporte pas cession desdits supports.

Affaire Moebus

L’injonction de restitution des supports (planches de dessins) à la succession Jean Giraud (Moebus) faite à la société Camera One, a été confirmée par la Cour de cassation.  Dans le cadre du projet de production du film Dune, lesdits supports avaient été conservés par la société pendant de nombreuses années (contrat de dépôt).

Affaire Dune

La société Camera One avait acquis en 1974 les droits du roman de science-fiction Dune  pour en entreprendre l’adaptation cinématographique avec le scénariste et réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky. La société avait confié au dessinateur et scénariste de bandes dessinées Moebus, la création de l’univers graphique des personnages et la scénarisation du film. N’ayant pu réaliser le film projeté, la société Camera One a cédé ses droits d’adaptation du roman mais a conservé plus de deux-cent-cinquante planches, comportant chacune plusieurs dessins.

Absence de prescription acquisitive

Ni la cession tacite des supports, ni la prescription acquisitive n’a été retenue. Le bénéfice des dispositions de l’article 2276 du code civil suppose l’existence d’une possession non équivoque, à titre de propriétaire. Or, la convention conclue par les parties a été qualifiée de contrat de louage d’ouvrage ou d’entreprise, exclusive en l’espèce de toute intention libérale, peu important que le prix n’ait pas été fixé lors de la formation du contrat. Eu égard aux techniques de reproduction de dessins qui prévalaient à l’époque, l’exécution d’un tel contrat comportait nécessairement une phase de remise du support matériel des oeuvres, caractérisant un contrat de dépôt, en sorte que société Camera One, dépositaire des oeuvres en cause, n’était pas fondée à se prévaloir de la prescription acquisitive.

Pour rappel, au sens de l’article 2276 du code civil, en fait de meubles, la possession vaut titre. Ce texte nécessite une possession non équivoque à titre de propriétaire et de bonne foi, celle-ci étant présumée sauf preuve contraire et s’entendant de la croyance pleine et entière où s’est trouvé le possesseur, au moment de son acquisition des droits de son auteur, à la propriété des biens qu’il lui a transmis, le doute sur ce point étant exclusif de la bonne foi.

Qualification du contrat de dépôt

Le contrat de louage d’ouvrage ou d’entreprise, tel que défini aux articles 1708 et 1787 et suivants du code civil est la convention par laquelle une personne en charge une autre d’exécuter, en toute indépendance, un ouvrage déterminé qui peut résulter en des travaux d’ordre intellectuel ; il s’agit d’un contrat consensuel qui n’est soumis à aucune forme déterminée, de telle sorte que l’établissement d’un écrit ou d’un devis descriptif n’est pas nécessaire à son existence, laquelle peut être établie par tous moyens de preuve.

L’article 1915 du code civil définit le contrat de dépôt comme « un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature », qu’il s’agit d’un contrat réel, au sens du nouvel article 1109, alinéa 3, dont l’existence, conformément aux dispositions de l’article 1919, n’est subordonnée qu’à la remise effective de la chose entre les mains du dépositaire.

Absence de don manuel

Le contrat d’entreprise est par nature un contrat à titre onéreux, même si le prix n’a pas été fixé lors de sa formation. Il n’était pas établi que Moebus,  professionnel reconnu de la bande dessinée, aurait accepté d’effectuer sa prestation intellectuelle à titre gratuit pour un projet purement commercial (au demeurant abandonné à cause de son coût), de telle sorte que le seul dépôt des supports matériels des dessins constituant sa prestation intellectuelle aux fins notamment de reproduction et d’exploitation dans le cadre de la réalisation du projet cinématographique « Dune » ne pouvait s’analyser en un don manuel de ces supports.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la décision de la Cour de cassation concernant l’affaire Moebus ?

La Cour de cassation a confirmé l’injonction de restitution des supports, en l’occurrence les planches de dessins, à la succession de Jean Giraud, connu sous le nom de Moebus.

Cette décision a été prise dans le cadre d’un litige impliquant la société Camera One, qui avait conservé ces supports pendant de nombreuses années dans le cadre d’un contrat de dépôt.

La restitution des supports a été jugée nécessaire, soulignant que la communication des œuvres par l’auteur ne signifie pas la cession des supports matériels.

Quels étaient les enjeux de l’affaire Dune ?

L’affaire Dune concerne l’adaptation cinématographique du roman de science-fiction éponyme, pour laquelle la société Camera One avait acquis les droits en 1974.

Elle avait engagé le dessinateur Moebus pour créer l’univers graphique et scénariser le film. Cependant, le projet n’a jamais été réalisé, et la société a finalement cédé ses droits d’adaptation tout en conservant plus de deux-cent-cinquante planches de dessins.

Ces planches, qui contenaient plusieurs dessins, sont devenues un point central du litige, car leur statut juridique devait être clarifié.

Pourquoi la prescription acquisitive n’a-t-elle pas été retenue ?

La prescription acquisitive n’a pas été retenue dans cette affaire car il n’y avait pas de possession non équivoque à titre de propriétaire.

Selon l’article 2276 du code civil, pour bénéficier de la prescription, il faut prouver une possession claire et de bonne foi.

Dans ce cas, le contrat entre les parties a été qualifié de contrat de louage d’ouvrage, ce qui exclut toute intention libérale.

La société Camera One, en tant que dépositaire, ne pouvait donc pas revendiquer la propriété des œuvres.

Comment le contrat de dépôt est-il défini dans le code civil ?

Le contrat de dépôt est défini par l’article 1915 du code civil comme un acte par lequel une personne reçoit la chose d’autrui, avec l’obligation de la garder et de la restituer en nature.

C’est un contrat réel, ce qui signifie que son existence dépend de la remise effective de la chose au dépositaire.

En revanche, le contrat de louage d’ouvrage, selon les articles 1708 et suivants, est une convention où une personne charge une autre d’exécuter un ouvrage déterminé, sans nécessité d’un écrit formel.

Pourquoi le contrat d’entreprise n’a-t-il pas été considéré comme un don manuel ?

Le contrat d’entreprise est intrinsèquement un contrat à titre onéreux, même si le prix n’est pas fixé au moment de sa formation.

Dans le cas de Moebus, il n’a pas été prouvé qu’il aurait accepté de réaliser sa prestation intellectuelle à titre gratuit pour un projet commercial.

Le dépôt des supports matériels des dessins, destiné à la reproduction et à l’exploitation dans le cadre du projet Dune, ne pouvait donc pas être interprété comme un don manuel.

Cela souligne l’importance de la nature onéreuse des contrats dans le domaine de la création artistique.


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