La diffamation publique a été retenue contre la société Mondex Corporation (spécialisée dans la restitution des biens juifs confisqués pendant la guerre), à laquelle étaient imputées des pratiques contraires à la morale, se traduisant par des « formes de harcèlement des ayants droit ».
Affaire Le journal des arts
Le journal des arts avait présenté l’activité de la société et la recherche d’oeuvres spoliées et leur restitution aux ayants droit légitimes, comme une activité de plus en plus commerciale avec « des pratiques pas toujours morales.
Les passages en cause imputaient à la société, qui se présenterait comme un « chevalier blanc », des pratiques contraires à la morale, se traduisant par des « formes de harcèlement des ayants droit », telles que des ‘pressions incessantes’, comportement consistant en des conduites abusives portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de la personne, dans le but de la déséquilibrer psychologiquement ; ces propos, qui portent nécessairement atteinte à l’honneur et à la considération de la société Mondex sont donc diffamatoires.
Bonne foi inopérante
L’éditeur du titre de presse a soulevé en vain sa bonne foi : si le sujet d’intérêt général n’était pas contestable, s’agissant de la recherche et de la restitution d’oeuvres spoliées à leurs légitimes propriétaires, et qu’il n’est pas justifié d’une quelconque animosité personnelle, les conditions relatives à la base factuelle et à la prudence ou mesure dans l’expression n’étaient pas remplies.
Base factuelle insuffisante
En effet, alors qu’il était imputé à la société Mondex d’avoir recours à des « pratiques pas toujours morales » et à des « formes de harcèlement », les auteurs, pour justifier leur propos s’appuient sur l’exemple du propriétaire d’un tableau de Modigilani dont la femme aurait dénoncé « les pressions incessantes dont sa famille faisait l’objet ».
Or, dans une attestation, le propriétaire de l’œuvre déclarait « ne jamais avoir été harcelé afin de signer un contrat avec la société Mondex et avoir, au contraire, été agréablement surpris d’apprendre que les frais de sa défense seraient intégralement pris en charge par la société. Il ajoutait ne jamais avoir eu à connaître d’un quelconque chantage et s’être demandé, à la lecture de l’article du Journal des Arts, si le journaliste et lui-même parlaient de la même personne ».
Il apparaissait donc que les auteurs de l’article ont manqué de mesure en imputant les propos litigieux et qu’ils ne justifiaient pas d’une base factuelle suffisante pour affirmer l’existence de pratiques contraires à la morale, se traduisant par des « formes de harcèlement des ayants droit ». Il s’ensuit que le bénéfice de la bonne foi ne pouvait pas être accordé.
Périmètre de la diffamation
L’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme ‘toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé’.
Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure -caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait’- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;
L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises.
La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.