Conditions du contrat de travail
Aux termes de l’article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient et juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
Le contrat de travail se définit par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.
Application au contrat du réalisateur
Au cas soumis, un réalisateur et un producteur s’opposaient principalement sur la nature des prestations effectuées, la société de production les qualifiant de repérages préalables à la phase de réalisation de l’oeuvre et les auteurs soutenant qu’il s’agissait de prestations techniques de réalisation correspondant à la première partie du tournage de l’oeuvre.
Les juges ont retenu que les prestations effectuées ne pouvaient en aucun cas être rattachées à la phase de développement préalable à la réalisation de l’oeuvre audiovisuelle. Il apparaît en effet que le réalisateur s’est rendu sur les lieux accompagné d’un ingénieur du son et d’une interprète traductrice et qu’il a réalisé de nombreux interviews de journalistes et de personnalités de la chaîne Al Jazeera, en tournant des prises de vues. En conséquence, les prestations techniques effectuées étaient bien constitutives d’un début de tournage du documentaire.
Présomption de contrat de travail ?
Pour soutenir que ces prestations de réalisation ont été effectuées sous un statut salarial, le réalisateur évoquait les dispositions des articles L 7121-1 et suivants du code du travail instituant une présomption de salariat en faveur des artistes du spectacles dans les termes suivants : «Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.»
L’article L 7121-2 du contrat de travail dresse une liste non limitative des artistes devant être considérés comme artistes du spectacle dans laquelle figure «’le metteur en scène, pour l’exécution matérielle de sa conception artistique’», auquel doit être assimilé le réalisateur.
Toutefois, si le réalisateur, qui est présumé coauteur de l’oeuvre audiovisuelle en vertu des dispositions de l’article L 113-7 du code de la propriété intellectuelle, est donc en principe un artiste auteur, encore faut-il qu’il concourt à la création d’un spectacle audiovisuel pour bénéficier de la présomption de salariat précitée. Or, au cas présent, l’oeuvre en cause est un documentaire de création, qui ne saurait être assimilé à un spectacle audiovisuel.
La présomption de salariat édictée par les dispositions de l’article L 7121-3 du code du travail était donc inapplicable en l’espèce.
Critères du contrat de travail
Il appartenait donc au réalisateur de rapporter la preuve qu’il a exécuté les prestations techniques de réalisation sous un lien de subordination avec la société de production. En l’espèce, tous les critères du contrat de travail étaient réunis : les prestations techniques de réalisation correspondant au début du tournage relevaient d’un contrat de travail tacitement conclu entre les parties, le fait qu’ensuite elles n’aient pu s’accorder sur les modalités de sa concrétisation écrite étant inopérant.