L’Essentiel : Le gérant d’une société de production peut faire face à une interdiction de gérer s’il tarde à déclarer une cessation de paiement ou s’il ne s’acquitte pas des créances exigibles. Selon l’ARCEPicle L 653-8 du code de commerce, le tribunal peut prononcer cette interdiction si le dirigeant omet sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement dans les 45 jours suivant la cessation des paiements. Dans un cas récent, les gérants ont été condamnés pour avoir ignoré leur situation financière, entraînant une insuffisance d’actif et des conséquences juridiques significatives.

Le gérant d’une société de production (et le cogérant) s’exposent à une condamnation pour interdiction de gérer en tardant à déclarer une cessation de paiement et/ou en payant pas les créances anciennes exigibles des organismes sociaux et fiscaux.

L’interdiction de gérer une entreprise

L’article L 653-8, alinéa 3, du code de commerce permet au tribunal de prononcer une interdiction de gérer une entreprise à l’encontre d’un dirigeant qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation. Dans cette affaire, compte tenu de l’ancienneté des dettes fiscales et sociales aucun des deux gérants ne pouvait ignorer l’état de cessation des paiements, alors qu’ils n’ont pas sollicité l’ouverture d’une conciliation.  Les juges ont confirmé l’interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de 3 ans,

Action en insuffisance d’actif

Les gérants de la société de production concernée ont également dû supporter personnellement une partie de l’insuffisance d’actif de la SARL (40 000 € et 10 000 €) avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et capitalisation en application des dispositions de l’article 1343-2 nouveau du code civil.

Évaluation des actifs par le liquidateur

A noter que le liquidateur judiciaire dispose d’une certaine marge de manœuvres concernant l’évaluation des actifs de la société. En l’occurrence, d’une part l’actif évalué par les dirigeants était fantaisiste dans la mesure où il portait essentiellement sur des productions documentaires anciennes, déjà diffusées et que cette évaluation ne pouvait pas correspondre à une valeur marchande, d’autre part, les immobilisations incorporelles déclarées par le dirigeant n’étaient pas reprises à l’actif du dernier bilan arrêté.  Dans ces conditions, les dirigeants ne pouvaient pas reprocher au liquidateur judiciaire de n’avoir pas accompli toutes les diligences nécessaires pour négocier les actifs de la société liquidée, dont son catalogue audiovisuel, et l’insuffisance d’actif retenue.

Déclaration tardive de cessation de paiements

Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s’apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report. En l’espèce, un retard de près de dix-sept mois apporté à la déclaration de cessation des paiements était  établi. Entre ces deux dates, les déclarations de créance ont montré que le passif avait substantiellement augmenté. Ainsi :  i) le CGEA IDF a déclaré deux créances de 15 152,10 et de 463,28 € au titre du super privilège et du privilège des salaires ; ii) l’URSSAF a déclaré une créance de 116 512,04 € euros au titre des cotisations dues ; iii) la direction générale des finances publiques a déclaré une somme de 62 342,25 € au titre de la TVA ; iv) le groupe Audiens a déclaré une somme de 44 504 € ; v) la caisse Les congés spectacles a déclaré une créance de 59 806 €.  Dans le même temps, l’actif n’a pas été renforcé.

Le retard apporté à la déclaration de l’état de cessation des paiements, lequel ne pouvait au regard de l’ancienneté des créances déclarées être ignoré des dirigeants de la société,  Tant la faute de gestion que ses conséquences sur l’insuffisance d’actif étaient démontrées.  Le non-paiement des cotisations fiscales et sociales est une faute de gestion qui a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif alors au demeurant que l’actif n’a pas été renforcé dans le même temps.

Paiement préférentiel aux associés

Le bilan de la société montrait aussi que l’un des gérants associés disposait d’une créance en compte courant de près de 100 000 € dont il a obtenu un remboursement partiel. Or, le remboursement d’un associé par préférence aux autres créanciers de la société, notamment fiscaux et sociaux, quelques jours avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, constitue une faute de gestion qui a contribué à l’aggravation de l’insuffisance d’actif à hauteur de son montant.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences d’une déclaration tardive de cessation de paiements ?

La déclaration tardive de cessation de paiements peut entraîner des conséquences juridiques significatives pour les gérants d’une société. Selon l’article L 653-8 du code de commerce, un dirigeant qui omet sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai légal de quarante-cinq jours s’expose à une interdiction de gérer.

Cette interdiction peut durer jusqu’à trois ans et s’applique à toute entreprise commerciale, artisanale ou exploitation agricole. Dans le cas étudié, un retard de près de dix-sept mois a été constaté, ce qui a conduit à une aggravation de l’insuffisance d’actif, car le passif de la société a considérablement augmenté durant cette période.

Les créances déclarées par divers organismes, tels que l’URSSAF et la direction générale des finances publiques, témoignent de l’ampleur de la situation financière de la société. Le non-paiement des cotisations fiscales et sociales est considéré comme une faute de gestion, contribuant ainsi à l’insuffisance d’actif.

Comment le liquidateur évalue-t-il les actifs d’une société en liquidation ?

Le liquidateur judiciaire a une certaine latitude dans l’évaluation des actifs d’une société en liquidation. Dans le cas présent, l’évaluation fournie par les dirigeants était jugée fantaisiste, car elle se basait principalement sur des productions documentaires anciennes qui avaient déjà été diffusées.

Cette évaluation ne reflétait pas la valeur marchande réelle des actifs. De plus, certaines immobilisations incorporelles déclarées par le dirigeant n’étaient pas reprises dans le dernier bilan arrêté, ce qui a conduit à des difficultés pour le liquidateur dans la négociation des actifs de la société.

Les dirigeants ne pouvaient pas reprocher au liquidateur de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour négocier les actifs, notamment le catalogue audiovisuel de la société. L’insuffisance d’actif retenue était donc justifiée par la mauvaise évaluation initiale des actifs.

Quelles sont les implications d’un paiement préférentiel aux associés ?

Le paiement préférentiel aux associés, en particulier lorsque cela se produit avant la déclaration de cessation des paiements, est considéré comme une faute de gestion. Dans le cas examiné, l’un des gérants associés avait une créance en compte courant d’environ 100 000 €, dont il a obtenu un remboursement partiel.

Ce remboursement, effectué quelques jours avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, a été jugé problématique. En effet, il a été considéré comme une préférence accordée à un associé au détriment des autres créanciers, notamment ceux d’ordre fiscal et social.

Cette action a contribué à l’aggravation de l’insuffisance d’actif, car elle a réduit les ressources disponibles pour satisfaire les créances des autres créanciers. Les gérants peuvent donc être tenus responsables de cette faute de gestion, qui a des répercussions sur la situation financière de la société.

Quelles sont les responsabilités des gérants en cas d’insuffisance d’actif ?

Les gérants d’une société peuvent être tenus personnellement responsables en cas d’insuffisance d’actif. Dans le cas de la société de production mentionnée, les gérants ont dû supporter une partie de l’insuffisance d’actif, s’élevant à 40 000 € et 10 000 €, avec des intérêts au taux légal.

Cette responsabilité personnelle est souvent liée à des fautes de gestion, telles que le non-paiement des créances exigibles ou la déclaration tardive de cessation de paiements. Les gérants doivent agir dans l’intérêt de la société et de ses créanciers, et leur inaction ou leurs décisions inappropriées peuvent entraîner des conséquences financières graves.

En cas d’insuffisance d’actif, les créanciers peuvent demander des comptes aux gérants, et ceux-ci peuvent être contraints de rembourser les montants dus, ce qui souligne l’importance d’une gestion rigoureuse et conforme aux obligations légales.