Plateformes de livraison : de nouveaux droits pour les livreurs

·

·

Plateformes de livraison : de nouveaux droits pour les livreurs

En application de l’article L. 7343-49 du code du travail, l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) envisage de prendre une décision d’homologation tendant à rendre obligatoires, pour toutes les plateformes et les travailleurs indépendants qui leur sont liés, compris dans son champ d’application, plusieurs accords importants.

Ces accords encadrent la rémunération minimale des livreurs mais aussi les modalités de rupture de la relation commerciale nouée avec les travailleurs indépendants.

Désactivation du compte du livreur

Le 1er accord vise d’abord à instaurer des mesures qui pourraient permettre d’éviter la désactivation du compte du livreur, notamment en renforçant la possibilité pour ce livreur de signaler des incidents lui-même à la plateforme; en prévoyant la nécessité pour les plateformes de l’alerter sur un risque de désactivation, en amont de celle-ci; et enfin, en prévoyant la possibilité pour le livreur indépendant de contester les motifs de la rupture avant la rupture définitive ou, grâce à un recours auprès de la plateforme, dans un bref délai après cette désactivation.

Transparence et lisibilité

Il a également pour objectif de renforcer la transparence et la lisibilité pour le livreur indépendant, sur les cas dans lesquels la désactivation de son compte est possible en application des pratiques existantes au sein des plateformes; et apporter au livreur une meilleure connaissance du motif de la désactivation.

Rupture de contrat encadrée

La rupture de la relation contractuelle entre la plateforme et le travailleur indépendant (parfois appelée « désactivation du compte d’un livreur”) est soumise au respect des dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce relatif à la rupture des relations commerciales outre le respect des clauses contractuelles.

Par ailleurs, en application de l’article L. 1326-4 du code des transports, la suspension ou la désactivation du compte d’un livreur indépendant ne peut pas résulter de l’exercice par le livreur d’un des droits suivants :

– possibilité de choisir les plages horaires d’activité et des périodes d’inactivité (y compris la possibilité de se déconnecter pendant les plages horaires d’activité) ;

– liberté de choix du matériel ou de l’équipement de travail (sous réserve des obligations légales et réglementaires en matière notamment de santé, de sécurité et de préservation de l’environnement) ;

– possibilité de recourir, simultanément, à plusieurs plateformes ou d’exercer par ailleurs cette activité sans intermédiaire ;

– liberté du choix de l’itinéraire, au regard notamment des conditions de circulation, de l’itinéraire proposé par la plateforme et le cas échéant du choix du client.

Enfin, en application de l’article L. 1326-2 du code des transports, le compte d’un livreur indépendant ne peut pas être désactivé ou suspendu au seul motif qu’il aurait refusé une ou plusieurs propositions de prestation.

Rémunération minimale

Pour chaque mois civil, chaque plateforme de mise en relation garantit au livreur indépendant qui y a recours, un revenu d’activité moyen qui ne peut être inférieur à 11,75€ par heure d’activité sur la plateforme.

Le temps d’activité pris en compte pour le calcul du revenu d’activité moyen correspond au cumul, pour chaque prestation effectuée au cours du dernier mois civil, de la durée, telle que préalablement estimée par la plateforme, comprise entre l’acceptation d’une proposition de livraison par le travailleur et la remise au destinataire final.

Lorsque le revenu d’activité effectivement versé au cours du mois considéré ne permet pas d’atteindre la garantie minimale de revenus définie au premier alinéa, un complément différentiel de revenu est versé au livreur indépendant dans le mois qui suit le mois échu.

.

Questions / Réponses juridiques

Quel est le contexte de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Poitiers ?

L’arrêt rendu le 1er juin 2023 par la Cour d’Appel de Poitiers concerne un litige entre la S.A.S. [6] et l’URSSAF Poitou-Charentes. Ce litige a été précédé d’un contrôle d’assiette comptable de la société [9], qui a conduit à un procès-verbal de travail dissimulé. Ce procès-verbal a révélé des manquements dans les déclarations préalables à l’embauche, l’absence de bulletins de paie, ainsi que des minorations dans les déclarations de cotisations de sécurité sociale. En conséquence, l’URSSAF a notifié à la S.A.S. [6] un redressement financier, invoquant la solidarité financière prévue par le Code du travail. L’affaire a été portée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Charente-Maritime, qui a confirmé la décision de l’URSSAF, entraînant l’appel de la S.A.S. [6] devant la Cour d’Appel.

Quelles étaient les principales demandes de la S.A.S. [6] lors de l’appel ?

La S.A.S. [6] a formulé plusieurs demandes lors de son appel, cherchant à contester le jugement du tribunal de La Rochelle. Elle a demandé à la Cour d’infirmer le jugement et de statuer à nouveau sur plusieurs points. Premièrement, elle a demandé la constatation de l’annulation de la contrainte délivrée à la S.A.S. [9] par un jugement antérieur, arguant que cela annulait la dette principale. Elle a également demandé la constatation du classement sans suite des poursuites pénales contre le président de la S.A.S. [9]. En outre, la S.A.S. [6] a soutenu avoir respecté ses obligations de vigilance et a demandé à la Cour de débouter l’URSSAF de toutes ses demandes, tout en réclamant une indemnité de 4 000 € pour couvrir ses frais.

Quels arguments a avancés l’URSSAF pour justifier le redressement financier ?

L’URSSAF Poitou-Charentes a soutenu que la S.A.S. [6] n’avait pas respecté son obligation de vigilance, comme l’exige le Code du travail. Elle a affirmé que la S.A.S. [6] n’avait pas fourni tous les documents nécessaires pour prouver la régularité de la situation de son sous-traitant, la S.A.S. [9]. L’URSSAF a également souligné que l’existence d’un procès-verbal de travail dissimulé à l’encontre de la S.A.S. [9] était suffisante pour engager la solidarité financière, indépendamment d’une condamnation pénale. Elle a précisé que le classement sans suite des poursuites pénales n’affectait pas la réalité des faits constatés par les inspecteurs du recouvrement. L’URSSAF a donc demandé à la Cour de confirmer le jugement du tribunal de La Rochelle et de condamner la S.A.S. [6] à payer les sommes dues.

Quels ont été les motifs de la décision de la Cour d’Appel ?

La Cour d’Appel a confirmé le jugement du tribunal de La Rochelle, considérant que la S.A.S. [6] n’avait pas respecté son obligation de vigilance. Elle a noté que la S.A.S. [6] n’avait pas produit les documents requis pour prouver que son sous-traitant, la S.A.S. [9], s’acquittait de ses obligations sociales. La Cour a également souligné que l’annulation de la contrainte à l’encontre de la S.A.S. [9] n’entraînait pas l’extinction de la créance de l’URSSAF, mais seulement l’anéantissement du titre exécutoire. En outre, la Cour a estimé que le procès-verbal de travail dissimulé était suffisant pour justifier la mise en œuvre de la solidarité financière, indépendamment de la nécessité d’une condamnation pénale. Ainsi, la S.A.S. [6] a été déboutée de ses demandes, et la décision de l’URSSAF a été confirmée.

Quelles conséquences cette décision a-t-elle pour la S.A.S. [6] ?

La décision de la Cour d’Appel a des conséquences financières significatives pour la S.A.S. [6]. Elle est condamnée à payer à l’URSSAF Poitou-Charentes la somme de 31 548 €, qui comprend 27 279 € en cotisations et 4 269 € en majorations de retard. De plus, la S.A.S. [6] est également condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra couvrir les frais de justice liés à cette affaire. Cette décision souligne l’importance pour les entreprises de respecter leurs obligations de vigilance lorsqu’elles sous-traitent des activités, afin d’éviter des redressements financiers et des litiges similaires à l’avenir.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon