Les articles de lingerie et les maillots de bain sont des produits de nature et de destination différentes, les premiers étant des sous-vêtements destinés à être portés quotidiennement alors que les seconds sont des articles balnéaires portés soit dans le cadre d’activités sportives, soit de loisirs et sont distribués dans des circuits commerciaux distincts.
Aucun risque de confusion n’est ainsi caractérisé par le fabricant. De même, si le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis, le fabricant s’abstient de démontrer par une quelconque pièce la notoriété et les nombreux investissements qu’il invoque à l’appui de ses demandes.
_____________________________________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 28 MAI 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/11687 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CADC6
Jonction avec le dossier 19/11737
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 mars 2019 -Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 4e section – RG n°17/17644
APPELANTE
Société MC COMPANY S.A.M., agissant en la personne de son président en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Monaco sous le numéro 90 S 02654
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque E 1210
Assistée de Me Joséphine WEIL plaidant pour la SELASU CORINNE CHAMPAGNER-KATZ, avocate au barreau de PARIS, toque C 1864
INTIMEE
S.A.S. BYLI/VY, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
92100 BOULOGNE-BILLANCOURT
Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 822 683 595
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
Assistée de Me Vanessa BOUCHARA, avocate au barreau de PARIS, toque C 594, Me Muriel ANTOINE-LALANCE, avocate au barreau de PARIS, toque C 1831
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte CHOKRON, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 28 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;
Vu l’appel interjeté le 06 juin 2019 par la société Mc Company S.A.M. (ci-après, la société Mc Company) ;
Vu les dernières conclusions (conclusions n°4) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 26 novembre 2020 par la société Mc Company, appelante ;
Vu les dernières conclusions (conclusions n°4) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 10 décembre 2020 par la société byLI/VY, intimée ;
Vu l’ordonnance de clôture du 21 janvier 2021 ;
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Mc Company expose avoir pour activité la création, la fabrication, la commercialisation et la distribution de produits de prêt-à-porter et prêt-à-porter balnéaire, maillots de bain, lingerie et accessoires de mode, qu’elle commercialise notamment en France sous une marque ‘LIVIA’, au moyen d’un réseau de boutiques en nom propre et multimarques, ainsi que via le site intemet www.livia.com.
Elle est titulaire des deux marques suivantes :
— la marque verbale française « LIVIA », enregistrée à l’INPI le 11 mai 1987 sous le n°1408034, en classes 3, 25 et 28 pour désigner notamment des maillots de bain, articles tricotés, vêtements confectionnés ; l’enregistrement de cette marque a fait l’objet de renouvellements ;
— la marque verbale internationale « LIVIA » enregistrée à l’OMPl le 9 octobre 1998 sous le n°700394, notamment en classe 25 pour désigner des articles d’habillement pour hommes, femmes, enfants, prêt-à-porter, confection, chaussures, maillots de bain, ayant fait l’objet d’une désignation postérieure de la France en date du 24 juin 2013.
Fondée en 2016, la société byLI/VY se présente comme ayant pour activité la création et la vente d’articles de lingerie.
La société byLI/VY expose avoir été contactée, suite au dépôt de demandes d’enregistrement de quatre marques ‘LIVY’, par la société Mc Company soucieuse de préserver ses marques « LIVIA », et avoir conclu avec cette dernière un accord de coexistence par échange de courriers officiels entre les conseils respectifs des sociétés les 10 et 13 février 2017.
Les marques verbales suivantes ont alors été enregistrées par la société byLI/VY :
— la marque française « LIVY » déposée le 24 novembre 2016 sous le n°4316983 pour désigner divers produits et services relevant des classes 3, 4, 18, 25 et 35 et enregistrée le 5 mai 2017 ;
— la marque de l’Union européenne « LIVY » n°16498198 déposée le 20 avril 2017 pour désigner divers produits relevant des classes 18, 25 et 35 et enregistrée le 28 juillet 2017 ;
— la marque française « LIVY STUDIO » déposée le 15 juin 2017 sous le n°43 69026 pour désigner divers produits et services relevant des classes 3, 4, 18, 25 et 35 et enregistrée le 6 octobre 2017 ;
— la marque de l’Union européenne « LI/VY » déposée le 9 novembre 2016 sous le n°15856321 pour désigner divers produits en classes 18, 25 et 35 et enregistrée le 16 février 2017.
Estimant la commercialisation de maillots de bain sous la marque ‘LIVY’ contrefaisante de ses marques ‘LIVIA’, la société Mc Company a, après avoir fait établir des procès-verbaux de constat d’achat en boutique, obtenu du président du tribunal de grande instance de Paris une ordonnance sur requête du 27 octobre 2017 1’autorisant à faire procéder à une opération de saisie-contrefaçon diligentée au siège social de la société byLI/VY le 14 novembre 2017. Cette ordonnance sur requête a toutefois été rétractée par ordonnance de référé-rétractation en date du 15 décembre 2017, la société byLI/VY se prévalant des échanges de courriels entre conseils des parties ci-avant évoqués.
Par acte du 14 décembre 2017, la société Mc Company a fait assigner la société byLI/VY devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque à titre principal et en concurrence déloyale et parasitaire à titre subsidiaire.
Le jugement déféré a :
— déclaré la société Mc Company irrecevable en ses demandes en contrefaçon ;
— débouté la société Mc Company de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire ;
— condamné la société Mc Company à payer à la société byLI/VY la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
— condamné la société Mc Company à verser à la société byLI/VY la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné la société Mc Company aux entiers dépens ;
— ordonné l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.
La société Mc Company a relevé appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions, elle sollicite de la cour de :
— infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire rendu le 28 mars 2019 en ce qu’il l’a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
— déclarée irrecevable en ses demandes en contrefaçon ;
— déboutée de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire ;
— condamnée à payer à la société byLI/VY la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
— condamnée à payer à la société byLI/VY la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamnée aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau,
— débouter la société byLI/VY de toutes ses demandes, fins et conclusions.
— la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes.
En tout état de cause,
Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles
— rejeter la demande d’irrecevabilité de la société byLI/VY relative aux demandes prétendument nouvelles,
Sur la contrefaçon :
— dire et juger qu’en l’absence d’accord de coexistence valide et, à titre subsidiaire en raison du non-respect de cet accord par la société byLI/VY dont il sera prononcé la résolution judiciaire, le dépôt en classe 25 des marques « LIVY » n° 4316983 et n°16498198, «LIVY STUDIO» n°4369026 et « LI/VY » n°15856321 et leur exploitation par la société byLI/VY constituent des actes de contrefaçon des marques antérieures LIVIA n°1408034 et n°700394, dont elle est titulaire,
Sur la nullité des enregistrements :
— prononcer la nullité des enregistrements des marques françaises LIVY n°4316983 et LIVY STUDIO n°4369026 pour désigner des produits en classe 25,
— dire et juger que l’arrêt à intervenir sera transmis par le greffe au registre national des marques auprès de l’INPI, et l’autoriser à accomplir cette démarche, aux frais de la société byLI/VY, en tant que de besoin,
Sur le préjudice résultant des actes de contrefaçon :
— condamner la société byLI/VY à lui verser la somme de 250.000 euros en réparation de l’atteinte à ses investissements du fait des actes de contrefaçon,
— condamner la société byLI/VY à lui verser la somme de 300.000 euros en réparation de la banalisation et de l’avilissement de sa marque du fait des actes de contrefaçon,
— condamner la société byLI/VY à lui verser la somme de 200.000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle a subi du fait des actes de contrefaçon,
— condamner la société byLI/VY à lui verser la somme provisionnelle, sauf à parfaire, de 500.000 euros au titre des bénéfices indûment réalisés avec les marques contestées,
— débouter la société byLI/VY de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Sur la concurrence déloyale :
— dire et juger que l’utilisation par la société byLI/VY du signe LIVY pour l’exploitation de produits de lingerie constitue des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice,
— condamner la société byLI/VY lui verser la somme provisionnelle, sauf à parfaire, de 350.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
Sur l’appel incident de la société byLI/VY :
— dire et juger que ni la procédure de première instance, ni la procédure d’appel ne constituent des procédures abusives, en conséquence, débouter la société byLI/VY de sa demande de condamnation à la somme de 30 000 euros,
— dire et juger que la société byLI/VY ne justifie d’aucun préjudice moral, en conséquence, débouter la société byLI/VY de sa demande de condamnation à la somme de 30 000 euros,
En tout état de cause,
— faire interdiction totale et immédiate à la société byLI/VY de poursuivre l’utilisation physique et dématérialisée du signe litigieux LIVY, sous quelque forme que ce soit, à titre de marque, de dénomination sociale, de nom de domaine, d’enseigne de boutiques, de corners, et dans tous supports de communication et de presse traditionnelle pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés par les marques antérieures LIVIA n°1408034 et n°700394 dont elle est titulaire, à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, la cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
— ordonner le retrait du marché, le rappel des circuits commerciaux et la destruction devant huissier, aux frais de la société byLI/VY, et sous son contrôle, de tous produits contrefaisants et/ou constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte,
— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, en intégralité ou par extraits, selon son choix, dans cinq journaux ou publications (y compris électroniques), de son choix, et aux frais avancés de la société byLI/VY, sur simple présentation des devis, dans la limite de 8.000 euros HT par insertion,
— condamner la société byLI/VY à lui verser la somme de 25.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société byLI/VY au remboursement des frais de constat et de saisie-contrefaçon par elle exposés pour un montant de 850 euros TTC,
— condamner la société byLI/VY aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, la société byLI/VY sollicite de la cour de :
— déclarer la société Mc Company irrecevable en ses demandes nouvelles tendant à la nullité et subsidiairement à la résolution du contrat ;
— déclarer la société Mc Company mal fondée en son appel à toutes fins qu’il comporte ;
— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2019 ;
— Y ajoutant,
— condamner la société Mc Company à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;
— condamner la société Mc Company à lui payer la somme de 30 000 euros pour saisie-contrefaçon, procédure et appel abusifs ;
— condamner la société Mc Company à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
— en toute hypothèse, débouter la société Mc Company de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions de quelques natures qu’elles soient ;
— condamner la société Mc Company aux entiers dépens de la procédure.
— Sur la recevabilité de la demande de la société Mc Company en nullité et résolution judiciaire de l’accord
L’article 564 du code de procédure civile dispose que ‘à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.
La société Mc Company sollicite devant la cour la nullité ou à tout le moins la résolution judiciaire de l’accord transactionnel qui est invoqué par la société byLI/VY pour voir déclarer irrecevables ses demandes au titre de la contrefaçon des marques ‘LIVIA’, étant relevé que le défaut de validité de cet accord était déjà opposé à la société byLI/VY par la demanderesse à l’action en contrefaçon devant les premiers juges.
Ces demandes tendant à l’annulation ou à la résolution du contrat dont la société byLI/VY sollicite l’exécution sont en conséquence recevables en cause d’appel.
La fin de non-recevoir de la société byLI/VY est rejetée.
— Sur l’accord transactionnel entre les parties
Selon les dispositions de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties par des concessions réciproques terminent une contestation née ou à naître.
Selon les éléments fournis aux débats et les explications des parties, en suite du dépôt de la demande d’enregistrement de marque LIVY le 24 novembre 2016 sous le n° 4316983 pour des produits relevant de la classe 25 par la société byLI/VY, Mme Patricia X, avocat au barreau de Nice, se présentant comme représentant les intérêts de la société Mc Company et invoquant les droits de sa cliente sur la marque antérieure LIVIA, sollicitait par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 janvier 2017 le retrait partiel des produits et services suivants : ‘maillots de bain, short de bain, pareos, foulards, sacs de plage, services de vente au détail ou sur internet de sacs de plage, maillots de bain, short de bain, pareos, foulards, peignoirs’ désignés par la demande d’enregistrement LIVY, l’engagement de la société byLI/VY de ‘ne pas utiliser la marque LIVY pour tous les accessoires et vêtements ‘beachwear’ à savoir robes de plage, tee-shirts, tuniques, chaussures de plage, etc…’ et précisait qu’à défaut elle avait ‘reçu instructions de déposer une opposition devant l’INPI afin de préserver les droits de ma cliente’.
La société byLI/VY répondait par lettre de son conseil le 10 février 2017, après avoir relevé que son interlocuteur représentait les intérêts de la société Mc Company et précisé que ‘le balnéaire serait exploité de manière accessoire’ par sa cliente, que celle-ci ‘accepte que dans ses futurs points de vente LIVY, la gamme maillots de bain et articles de beachwear présente un nom qui, tout en comportant le mot ‘LIVY’ afin de conserver une cohérence générale à sa collection, sera accompagné d’un préfixe ou d’un suffixe différenciant de ‘LIVIA’, et ce, afin de rassurer votre cliente sur les intentions de la société BYLI/VY’. Il est ajouté qu »en contrepartie votre cliente devra confirmer qu’elle ne fera pas opposition à l’encontre des marques LIVY déposées par BYLI/VY’ et que ‘cet accord est valable dans le monde entier tant que les marques LIVIA seront en vigueur’.
Par lettre qualifiée de ‘courrier officiel’ en date du 13 février 2017, Mme X, tout en confirmant représenter les intérêts de la société Mc Company, indiquait que sa cliente prenait note que l’exploitation de la marque LIVY pour le balnéaire est accessoire et qu’ ‘en vue de finaliser les termes d’un accord amiable entre nos clientes concernant la gamme de maillots de bain ainsi que les articles de beachwear, ma cliente prend acte de l’engagement de votre cliente de toujours utiliser sa marque LIVY accompagnée d’un préfixe ou suffixe distinctif la différenciant ainsi de la marque LIVIA. En contrepartie de cet engagement, la société MC COMPANY accepte de ne pas former opposition à l’encontre des marques LIVY déposées par la société BYLI/VY. Nous vous confirmons que cet accord est valable pour le monde entier’. Les termes de cette correspondance sont clairs et précis et Mme X ne renvoient pas contrairement à ce que soutient l’appelante, à la formalisation d’un acte ultérieur.
Il ressort de cet échange de lettres entre les conseils des parties un accord définitif qui comporte des concessions réciproques quelle que soit leur importance relative consistant à l’engagement pour la société byLI/VY d’accoler un préfixe ou un suffixe distinctif au terme ‘LIVY’ pour désigner des ‘articles de mode balnéaires’ et les maillots de bain, la société Mc Company acceptant quant à elle de ne pas former opposition à l’enregistrement des marques LIVY, ce pour mettre fin à un différend s’étant élevé entre les parties et concernant la coexistence des marques LIVIA et LIVY pour de tels produits, et constitue donc une transaction au sens des dispositions de l’article 2044 du code civil précité.
La société appelante ne peut à cet égard utilement soutenir qu’il n’existe pas dans cet accord de concessions réciproques en raison de l’absence d’engagement de la société byLI/VY à procéder au retrait des produits initialement critiqués de la demande d’enregistrement de marque LIVY et de la vente de maillots de bain dans des boutiques à l’enseigne LIVY. En effet, si le retrait partiel de certains produits et services était sollicité dans le premier courrier du conseil de l’appelante du 18 janvier 2017, cette demande n’était plus évoquée dans celui du 13 février 2017, seul l’engagement de la société byLI/VY de toujours utiliser sa marque LIVY accompagnée d’un préfixe ou suffixe distinctif en relation avec les articles de mode balnéaires et les maillots de bain la différenciant ainsi de la marque LIVIA étant relevé. Or, cet engagement de modifier la marque en lui accolant un suffixe ou un préfixe distinctif, en l’espèce le suffixe ‘STONE’ pour former la dénomination ‘Y’ lors de son utilisation pour une certaine catégorie de produits, et de commercialiser les dits maillots de bain et ‘articles de mode balnéaire’ de manière accessoire par rapport aux produits
de lingerie constitue bien une concession effective, qualifiée de manière injustifiée de ‘dérisoire et indigente’ par l’appelante, ce quand bien même la société byLI/VY commercialise ses maillots de bain dans des points de vente à l’enseigne LIVY ce qui était connu de l’appelante comme mentionné dans la proposition d’accord de coexistence de l’intimée en date du 10 février 2017 acceptée par le conseil représentant la société Mc Company.
Il convient à cet égard de relever avec la société byLI/VY qu’en suite de la lettre adressée le 13 février 2017 par Mme X et ainsi qu’il est mentionné dans ce courrier, aucune procédure d’opposition n’a été introduite devant l’INPI par la société Mc Company, et la marque LIVY n° 4316983 enregistrée pour les produits critiqués notamment les maillots de bain.
La société Mc Company invoque ensuite pour contester la validité de cet accord, le défaut de pouvoir de transiger pour son compte de Mme X et reproche à la société byLI/VY de ne s’être pas assurée de l’existence d’un tel pouvoir de nature à conférer à Mme X la capacité de contracter et partant d’assurer la validité de l’accord.
Néanmoins, une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs. Cette fiction joue donc pour les cas de dépassement de pouvoir mais aussi dans les hypothèses où il n’existe pas du tout de mandat et s’applique également aux actes de disposition, et non pas seulement d’administration, à la différence du mandat tacite.
Or, la société Mc Company ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que la société byLI/VI ne peut invoquer la théorie du mandat apparent, son conseil connaissant parfaitement le mandat conféré à Mme X qui se limitait à former opposition devant l’INPI ainsi qu’il ressort de la lettre du 18 janvier 2017, alors que cette lettre fait état d’une ‘démarche amiable’ et que dans la correspondance en date du 13 février 2017 répondant favorablement aux propositions de la société byLI/VI, Mme X se présente toujours comme représentant les intérêts de sa cliente. Le conseil de la société byLI/VI a donc pu légitimement croire, sans le vérifier, à l’étendue du pouvoir de Mme X qui est en outre le conseil habituel de la société Mc Company en matière de marques depuis 1985 ainsi qu’il ressort des éléments fournis au débat sans qu’il puisse lui être utilement opposé que cette dernière était mandatée pour les procédures administratives devant les offices alors qu’un autre conseil l’est pour les procédure contentieuses, la procédure d’opposition étant une procédure contentieuse.
La société Mc Company invoque également le caractère potestatif de l’engagement au visa de l’article 1304-2 du code civil selon lequel ‘est nulle l’obligation contractée sons une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause’. Elle considère que le fait que la société ByLI/VY ne détermine pas le suffixe ou le préfixe accolé au signe LIVY et encore moins les conditions de son utilisation constitue une preuve de la non validité de cet accord.
Néanmoins, la réalisation de cet engagement dépend non de la seule volonté exclusive et arbitraire de la société byLI/VY mais de circonstances objectives susceptibles d’un contrôle judiciaire, celle-ci s’engageant s’agissant des maillots de bain et article de mode balnéaire, à accoler un préfixe ou suffixe au terme LIVY pour le distinguer de la marque antérieure LIVIA ce quand bien même l’accord ne précise pas ce préfixe ou ce suffixe. L’obligation contractée par l’intimée ne peut donc être considérée comme purement potestative.
Il ressort de ce qui précède que l’échange de lettres des 10 et 13 février 2017 constitue un accord de coexistence valable.
La société Mc Company sollicite alors la résolution judiciaire de ce contrat pour inexécution de
l’accord de coexistence en raison de l’usage à titre de marque du signe ‘LIVY’ pour désigner des maillots de bain sans adjonction d’un préfixe ou un suffixe afin de le différencier de la marque ‘LIVIA’ et du non respect de l’obligation de commercialisation des maillots de bain par la société ByLI/VY à titre accessoire.
Il ne ressort pas des pièces fournies au débat le non respect par la société byLI/VY de la commercialisation à titre accessoire des maillots de bain par rapport aux articles de lingerie, la circonstance que deux maillots de bain soient présents dans une vitrine d’un magasin à l’enseigne LIVY (procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 14 mai 2018) est insuffisante à caractériser la commercialisation à titre non accessoire des maillots de bain alors que la vitrine du magasin présente également des articles de lingerie dans la même proportion. Les copies de pages internet du site li-vy.com (pièce 25 de l’appelante) dont les circonstances de fixation sont inconnues de la cour et dont la valeur probante est utilement contestée par la société intimée ne seront pas prises en considération. En outre, il ressort que le site internet en cause est présenté sur les moteurs de recherche comme une boutique en ligne de lingerie haut de gamme (pièce 32 intimée) et non de maillots de bain. Enfin, la société byLI/VY fournit une attestation de son commissaire aux comptes en date du 3 août 2020 montrant que les ventes de maillots de bain au cours des exercices 2018 et 2019 représentent une moyenne de 6,57% du nombre d’articles vendus par cette société au cours de ces exercices, montrant que l’activité de vente de maillots de bain est résiduelle par rapport à l’activité de vente de lingerie, étant remarqué que la presse spécialisée évoque la société Livy comme un créateur de lingerie et non de maillots de bain.
En outre, il ressort de l’examen attentif des pièces fournies au débat que la société byLI/VY distingue bien les maillots de bain qu’elle commercialise par le signe Y apposé sur les étiquettes des produits, les pochettes dans lesquelles sont vendus ces articles, la carte accompagnant le maillot de bain vendu, et le présentoir des articles balnéaires et maillots de bains placé dans les magasins.
L’adjonction du suffixe STONE au terme LIVY pour former l’expression Y de trois syllabes et évoquant un célèbre explorateur, se différencie suffisamment de la marque LIVIA tant d’un point de vue visuel que phonétique et sémantique, et cette dénomination est bien utilisée à titre de marque ainsi qu’il vient d’être relevé, et non à titre de simple référence comme le soutient à tort l’appelante.
Il ne peut être reproché à la société byLI/VY l’environnement commercial dans lequel sont vendus les maillots de bain et notamment l’enseigne des boutiques LIVY qui est d’ailleurs mentionnée dans l’accord, la présence de ce signe sur les indicateurs de tarifs placés au pied des mannequins dans les vitrines, pas plus que son utilisation sur les sacs ou coffrets siglés LIVY fournis aux clients pour transporter les articles achetés ou en en-tête des tickets de caisse ou des factures, cette dénomination étant alors utilisée comme distinguant la personne morale (non commercial) ou l’établissement (enseigne) et non les maillots de bains qui sont identifiés notamment sur les tickets de caisse sous le nom de Y. Il en va de même de la présentation du site li-vy.com (pièce 33 appelante) qui corrobore le fait que les maillots de bain sont présentés distinctement sous le nom de Y, un onglet bain Y leur étant dédié, le signe LIVY étant quant à lui utilisé à titre de non commercial pour distinguer la société présentant et commercialisant ces produits sur le site. Enfin, la société Mc Company ne peut utilement arguer de l’usage fait par des tiers tels les sites internet veepee.com, grazia.fr du signe LIVY en relation avec des maillots de bain.
Aussi, la société Mc Company échoue à démontrer un manquement grave de la société byLI/VY des obligations mises à sa charge par l’accord de coexistence conclu entre elles et sa demande de résolution judiciaire de ce contrat doit être rejetée.
Il résulte de ce qui précède que l’accord de coexistence de marques conclu entre les parties les 10 et 13 février 2017 est valable et que la société byLI/VY n’a pas méconnu les obligations auxquelles elle était tenue par cet accord. L’exception de transaction faisant obstacle à l’action en contrefaçon, et
partant en nullité de marques, ayant le même objet formée par la société Mc Company en application des dispositions de l’article 2052 du code civil, c’est à raison que le tribunal a considéré comme irrecevables les demandes de la société Mc Company à ce titre. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
— Sur les actes de concurrence déloyale
La société Mc Company soutient qu’en commercialisant ses collections de lingerie et de maillots de bain sous la marque LIVY qui présentent des ressemblances incontestables avec le signe LIVIA, la société byLI/VY a délibérément cherché à créer un risque de confusion dans l’esprit du public avec la marque réputée LIVIA. Elle ajoute que ces agissements constituent également des actes de parasitisme en cherchant à s’approprier les investissements et la notoriété de la marque LIVIA.
Néanmoins, ainsi que le relève l’intimée, celle-ci commercialise sous la marque LIVY des articles de lingerie qualifiés de tendance par la presse alors que l’appelante vend sous la dénomination LIVIA des maillots de bain. Or, les articles de lingerie et les maillots de bain sont des produits de nature et de destination différentes, les premiers étant des sous-vêtements destinés à être portés quotidiennement alors que les seconds sont des articles balnéaires portés soit dans le cadre d’activités sportives, soit de loisirs et sont distribués dans des circuits commerciaux distincts. En outre, si l’intimée commercialise également des maillots de bain de manière accessoire, son activité étant principalement consacrée à la lingerie, il apparaît que la société byLI/VY utilise la dénomination Y pour commercialiser ces produits qui est, ainsi qu’il a été précédemment relevé, différente de la marque LIVIA dont la réputation alléguée par l’appelante n’est nullement démontrée.
Aucun risque de confusion n’est ainsi caractérisé par la société Mc Company.
De même, si le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis, il sera relevé avec la société byLI/VY que la société MC Company s’abstient de démontrer par une quelconque pièce la notoriété et les nombreux investissements qu’elle invoque à l’appui de ses demandes.
Aucun comportement fautif de l’intimée n’étant caractérisé par l’appelante, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société Mc Company de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.
— Sur la demande de la société la société byLI/VY au titre de la procédure abusive
L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.
Or, la société Mc Company a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits et notamment sur l’existence et la validité de l’accord conclu entre les parties au mois de février 2017 qu’elle était en droit de contester. La société byLI/VY ne rapporte pas la preuve d’une telle faute ce quand bien même l’appelante n’a pas mentionné cet accord dans le cadre de sa requête en saisie-contrefaçon qui a ensuite fait l’objet d’une rétractation par le juge des référés, et aucun propos injurieux à l’endroit des conseils des parties ayant conclu ledit accord n’est caractérisé, la société byLI/VY ne justifiant en outre pas d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense, le préjudice moral qu’elle invoque n’étant nullement justifié.
La société byLI/VY sera en conséquence déboutée de ses demandes en dommages et intérêts et le jugement entrepris infirmé de ce chef.
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la société Mc Company est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société byLI/VY en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 15.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la société Mc Company à payer à la société ByLI/VY la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir de la société ByLI/VY au titre des demandes nouvelles en cause d’appel de la société Mc Company en nullité et résolution judiciaire du contrat,
Rejette les demandes de la société Mc Company en nullité et résolution judiciaire de l’accord de coexistence,
Rejette les demandes de la société ByLI/VY au titre de la procédure abusive et du préjudice moral,
Rejette toute autre demande,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Mc Company à payer à la société ByLI/VY la somme complémentaire de 15.000 euros,
Condamne la société Mc Company aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente