Loyers commerciaux : le Covid n’est pas un cas de force majeure

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Affaire Résilience Productions

Par courrier du 06/07/2020 le bailleur a adressé à la SARL Résilience Productions les factures de loyers, en précisant qu’elles restaient dues malgré la période d’urgence sanitaire. La SARL Résilience Productions a demandé un accord amiable en invoquant l’impossibilité d’exercer une activité pendant ladite période.

Par courrier du 5 octobre 2020, le conseil de la SAS Proderim a mis en demeure la SARL Résilience Productions de payer la somme de 40590 euros pour les 7 mois de loyers et le dépôt de garantie non payés, en rappelant que les ordonnances d’urgence sanitaire ne dispensaient pas de paiement des loyers.

Commandement de payer visant la clause résolutoire

Un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail a été délivré le 21/10/2020 pour avoir paiement d’un arriéré de 35700 euros. Il a été dénoncé à la caution le 09/11/2020.

La notion de force majeure

Selon l’article 1218 du code civil, ‘il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1″.

La force majeure se définit comme un événement imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution.

Covid 19 : la force majeure écartée

En l’espèce, Mme [I] et la SARL Résilience Productions font valoir que la jurisprudence admet le caractère imprévisible de l’épidémie de Covid 19, et que le premier juge a considéré à tort que le caractère irrésistible de la force majeure n’était pas établi, alors même qu’elles soutiennent que la SARL Résilience Productions a été dans l’obligation de suspendre son activité puisqu’aucune vente à domicile n’était possible pendant le confinement, ajoutant qu’au sortir de cette période, l’entreprise a été contrainte de négocier avec l’administration fiscale afin de ne pas être placée en liquidation judiciaire.

C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par les appelantes, lesquelles ne produisent en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a rappelé que des ordonnances ont été prises dès le 25 mars 2020 afin de prendre des dispositions dérogatoires exceptionnelles pendant la période d’état d’urgence sanitaire. Ainsi, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’état d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période dispose que ‘les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er’.

Le premier juge énumère à juste titre les mesures prises par le gouvernement pour soutenir les entreprises durant cette période, telles que l’effacement des cotisations sociales patronales, ou le fonds de solidarité réservé à certains secteurs d’activité auxquels n’appartenait pas la SARL Résilience Productions. Il relève avec pertinence qu’aucun moratoire sur les dettes n’a été édicté durant cette période ; la cour ajoute qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’est intervenue dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire pour autoriser la suspension ou a fortiori la suppression de l’exigibilité des loyers. Au demeurant, le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com. 16 septembre 2014 n°13-20.306) ; un locataire, débiteur de loyers, n’est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure édictée par l’article 1218 du code civil durant la période de crise sanitaire (Civ. 3ème, 30 juin 2022, n°21-20.190).

Au surplus, la SAS Proderim fait valoir exactement que la SARL Résilience Productions, dont l’activité était, selon l’extrait Kbis, celle de ‘prestations de conseil et de communication d’animation, la participation, la création, l’édition et la production de toute oeuvre musicale, littéraire, artistique, graphique, visuelle et audiovisuelle, publicitaire et toute oeuvre dérivée’, n’exerçait pas d’activité de vente, au demeurant interdite dans les locaux selon le bail, lequel n’est pas un bail commercial mais un bail soumis aux dispositions du code civil.

Elle souligne encore à juste titre que les dettes fiscales dont se prévaut la SARL Résilience Productions pour justifier de ses difficultés économiques sont bien antérieures à la crise sanitaire, puisqu’elles s’échelonnent sur la période de 2015 à 2018 ; il en résulte que les appelantes échouent à rapporter la preuve que les difficultés financières de la SARL Résilience Productions seraient dues à la crise sanitaire.

La juridiction a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la force majeure ayant empêché l’exécution du contrat.


11 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/11319

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 11 JANVIER 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11319 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4GO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Juge des contentieux de la protection de Paris

APPELANTES

Madame [U] [I]

[Adresse 4]

[Localité 7]

S.A.R.L. RESILIENCE PRODUCTIONS

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentés par Me Antoine VEY de la SELAS VEY & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : C0238

INTIMEE

S.A.S. PRODERIM

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Annie BROSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1072

INTERVENANT FORÇÉ

SELARL KEATING

représentée par Maître Christian de KEATING, mandataire liquidateur,

es-qualité de mandataire liquidateur de la SARL RESILIENCE PRODUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assignation en intervention forçée en date du 29 décembre 2021 remise à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Anne-Laure MEANO, présidente

Aurore DOCQUINCOURT, conseillère

Marie MONGIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre, et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 3/03/2020 à effet au 2/03/2020, la SAS Proderim a donné à bail meublé pour un an à la SARL Résilience Productions un appartement à usage d’habitation. situé au [Adresse 2] avec cave n° 8 pour un loyer de 4890 euros et 210 euros de provisions sur charges mensuelles. Il s’agit d’un bail meublé ne constituant pas la résidence principale du locataire, soumis au code civil et exclu du champ d’application de la loi du 06/07/89. Il y est stipulé que le propriétaire autorise la société locataire à utiliser la maison à titre professionnel et à y installer ses bureaux ; l’accueil de la clientèle n’est pas autorisé, l’accueil de petits groupes de formation est accepté.

Par acte séparé en date du 02/03/2020, Mme [U] [I], gérante de la SARL Résilience Productions, s’est portée caution solidaire jusqu’au 01/03/2022 pour le paiement des loyers éventuellement révisés, charges, indemnités d’occupations, réparations locatives, frais de procédure, pour un montant maximum de 122.400 euros.

Par courrier du 06/07/2020 le bailleur a adressé à la SARL Résilience Productions les factures de loyers, en précisant qu’elles restaient dues malgré la période d’urgence sanitaire. La SARL Résilience Productions a demandé un accord amiable en invoquant l’impossibilité d’exercer une activité pendant ladite période.

Par courrier du 5 octobre 2020, le conseil de la SAS Proderim a mis en demeure la SARL Résilience Productions de payer la somme de 40590 euros pour les 7 mois de loyers et le dépôt de garantie non payés, en rappelant que les ordonnances d’urgence sanitaire ne dispensaient pas de paiement des loyers.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail a été délivré le 21/10/2020 pour avoir paiement d’un arriéré de 35700 euros. Il a été dénoncé à la caution le 09/11/2020.

Un procès-verbal d’état des lieux de sortie a été établi le 30/11/2020 par huissier en présence de la SAS Proderim et de Mme [U] [I] pour la SARL Résilience Productions.

Par actes d’huissier en date des 28 et 29/12/2020, la SAS Proderim a fait assigner la SARL Résilience Productions et Mme [U] [I] aux fins de :

– Voir constater la résiliation amiable anticipée du bail conclu le 02/03/2020 entre la SAS Proderim et la SARL Résilience Productions au 30/11/2020 inclus,

Subsidiairement :

– Voir constater la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire pour impayés faute pour la SARL Résilience Productions de s’être acquittée des causes du commandement du 23/10/2020,

– Voir condamner solidairement la SARL Résilience Productions et Mme [U] [I] au paiement :

-d’une somme de 40 800 euros, au titre de l’arriéré dû au mois de novembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 23/10/2020 sur la somme de 35700 euros et de l’assignation pour le surplus,

-d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens incluant le coût du commandement de payer et la dénonciation à la caution,

– Voir dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

Par jugement contradictoire entrepris du 5 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :

Constate la résiliation anticipée du bail le 30/11/2020 portant sur les lieux situés au [Adresse 2] avec cave n° 8, par accord des parties,

Dit que la force majeure n’est pas caractérisée depuis le 14/03/2020,

Déboute Mme [U] [I] de sa demande de caducité du contrat de cautionnement du 02/03/2020,

Déboute la SARL Résilience Productions de sa demande visant à enjoindre la SAS Proderim de négocier les modalités de paiement des loyers impayés,

Condamne solidairement la SARL Résilience Productions et Mme [U] [I] à payer à la SAS Proderim la somme de 40.800 euros au titre des loyers et charges dus au 30/11/2020, novembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

Déboute la SARL Résilience Productions de sa demande de délais de paiement,

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne solidairement la SARL Résilience Productions et Mme [U] [I] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer en date du 23/10/2020,

Déboute la SAS Proderim de sa demande en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement rendu le 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SARL Résilience Productions, ce dont la société Proderim a été avisée par lettre de la SELARL De Keating, mandataire liquidateur, du 28 octobre 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 18 juin 2021 par Mme [U] [I] et la SARL Résilience Productions,

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 17 septembre 2021 par lesquelles Mme [U] [I] et la SARL Résilience Productions demandent à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1218, 1186 et 1343-5 du code civil,

A titre principal :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré que la pandémie du Covid-19 n’était pas cas de force majeure qui libère la société Résilience Productions de son obligation de procéder au paiement des loyers ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement Résilience Production à payer à Proderim la somme de 40.800 euros au titre des loyers et charges dus au 30 novembre 2020, novembre inclus, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré que l’engagement comme caution solidaire de Mme [U] [I] n’était pas caduc ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas constaté la mauvaise foi de la société Proderim dans l’exécution du contrat de bail ;

En conséquence,

Ordonner l’arrêt de l’exécution du contrat de bail signé entre Résilience Productions et Proderim à compter de la date d’entrée dans l’état d’urgence sanitaire, soit le 14 mars 2020,

Constater la caducité de l’acte de cautionnement solidaire de Mme [U] [I],

Condamner Proderim au paiement de dommages intérêts de 40.800 euros en indemnisation du préjudice économique de Résilience Productions,

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Résilience Productions de sa demande de délais de paiement,

En conséquence,

Ordonner un échéancier de paiement étalé sur 24 mois au bénéfice de Résilience Productions.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 17 octobre 2023 au terme desquelles la SAS Proderim demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 5 mai 2021 en toutes ses dispositions,

Débouter Mme [U] [I] et la société Résilience Productions de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Concernant la société Résilience Productions,

Fixer la créance de la société Proderim au passif de la liquidation judiciaire de la société Résilience Productions à la somme de 41.297,46 euros (40.800 euros au titre du solde de loyers et charges + 497,46 euros au titre des dépens de première instance),

Déclarer l’arrêt à intervenir opposable à la Selarl De Keating, prise en la personne de Maître Christian De Keating,

Accueillir la SAS Proderim en ses demandes reconventionnelles,

En y faisant droit,

Condamner Mme [U] [I] au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamner Mme [U] [I] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Mme [U] [I] aux entiers dépens d’appel.

Par acte du 29 décembre 2021 délivré à personne morale, la société Proderim a assigné en intervention forcée la SELARL De Keating ès qualité de mandataire liquidateur. La SELARL De Keating n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.

Mme [U] [I] et la SARL Résilience Productions n’ont pas déposé de dossier de plaidoiries, malgré la relance adressée par le greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la force majeure

Selon l’article 1218 du code civil, ‘il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1″.

La force majeure se définit comme un événement imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution.

En l’espèce, Mme [I] et la SARL Résilience Productions font valoir que la jurisprudence admet le caractère imprévisible de l’épidémie de Covid 19, et que le premier juge a considéré à tort que le caractère irrésistible de la force majeure n’était pas établi, alors même qu’elles soutiennent que la SARL Résilience Productions a été dans l’obligation de suspendre son activité puisqu’aucune vente à domicile n’était possible pendant le confinement, ajoutant qu’au sortir de cette période, l’entreprise a été contrainte de négocier avec l’administration fiscale afin de ne pas être placée en liquidation judiciaire.

C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par les appelantes, lesquelles ne produisent en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a rappelé que des ordonnances ont été prises dès le 25 mars 2020 afin de prendre des dispositions dérogatoires exceptionnelles pendant la période d’état d’urgence sanitaire. Ainsi, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’état d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période dispose que ‘les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er’.

Le premier juge énumère à juste titre les mesures prises par le gouvernement pour soutenir les entreprises durant cette période, telles que l’effacement des cotisations sociales patronales, ou le fonds de solidarité réservé à certains secteurs d’activité auxquels n’appartenait pas la SARL Résilience Productions. Il relève avec pertinence qu’aucun moratoire sur les dettes n’a été édicté durant cette période ; la cour ajoute qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’est intervenue dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire pour autoriser la suspension ou a fortiori la suppression de l’exigibilité des loyers. Au demeurant, le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com. 16 septembre 2014 n°13-20.306) ; un locataire, débiteur de loyers, n’est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure édictée par l’article 1218 du code civil durant la période de crise sanitaire (Civ. 3ème, 30 juin 2022, n°21-20.190).

Au surplus, la SAS Proderim fait valoir exactement que la SARL Résilience Productions, dont l’activité était, selon l’extrait Kbis, celle de ‘prestations de conseil et de communication d’animation, la participation, la création, l’édition et la production de toute oeuvre musicale, littéraire, artistique, graphique, visuelle et audiovisuelle, publicitaire et toute oeuvre dérivée’, n’exerçait pas d’activité de vente, au demeurant interdite dans les locaux selon le bail, lequel n’est pas un bail commercial mais un bail soumis aux dispositions du code civil.

Elle souligne encore à juste titre que les dettes fiscales dont se prévaut la SARL Résilience Productions pour justifier de ses difficultés économiques sont bien antérieures à la crise sanitaire, puisqu’elles s’échelonnent sur la période de 2015 à 2018 ; il en résulte que les appelantes échouent à rapporter la preuve que les difficultés financières de la SARL Résilience Productions seraient dues à la crise sanitaire.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de la force majeure ayant empêché l’exécution du contrat.

Sur la caducité du contrat de cautionnement

Selon l’article 1186 du code civil, ‘un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement’.

Les appelantes font valoir que la force majeure s’applique au contrat de bail entre la SAS Proderim et la SARL Résilience Productions, et soutiennent que, le paiement des loyers n’étant pas exigible, l’acte de caution solidaire établi par Mme [U] [I] est devenu caduc.

Or, ainsi qu’il a été jugé plus haut, la force majeure ne peut être invoquée en l’espèce, de sorte que le contrat de bail demeure valide et que l’engagement de caution solidaire de Mme [I] n’est pas caduc.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [U] [I] de sa demande de caducité du contrat de cautionnement du 2 mars 2020.

Sur l’exécution de bonne foi de la convention

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait, et doivent être exécutés de bonne foi.

Au soutien de sa demande tendant à voir condamner la SAS Proderim au paiement de dommages intérêts de 40.800 euros en indemnisation du préjudice économique de la SARL Résilience Productions, les appelantes soutiennent que la SAS Proderim, en refusant de négocier le montant de la dette locative en période de Covid 19, aurait fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat. Elles citent deux jurisprudences de la chambre commerciale de la cour de cassation, alors que le bail litigieux est soumis au code civil, selon lesquelles l’exécution de bonne foi des conventions fait naître un devoir de coopération entre les parties (Com. 29 juin 2010, n°09-11841), ainsi qu’une obligation de renégociation du contrat devenu déséquilibré (Com. 3 novembre 1992, n° 90-18.547).

C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par les appelantes, lesquelles ne produisent en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a rappelé que des rapprochements amiables avaient débuté avant le courrier de la SAS Proderim du 6 juillet 2020 réclamant paiement des loyers, et s’étaient poursuivis ensuite :

– par courrier du 18 septembre 2020, la SARL Résilience Productions a sollicité un échéancier sur une période de 12 mois et une remise sur le montant global dû de 50% ;

– par courriel du 19 octobre 2020, Mme [I] ès qualité de gérante de la SARL Résilience Productions a sollicité de pouvoir renégocier le passif à un montant de 30.000 euros réglable en 12 mois ou le règlement de la somme exigible de 40.590 euros sur 24 mois ;

– par courriel du 21 octobre 2020, le conseil de la SAS Proderim a fait une contre proposition de règlement immédiat de la somme forfaitaire et transactionnelle de 25.000 euros avec abandon des poursuites contre Mme [U] [I] ;

– cette dernière proposition n’a pas été acceptée par Mme [I] au motif que la situation de la société ne le permettait pas ; elle a maintenu sa précédente proposition, qui n’a pas été acceptée ; les parties se sont mises d’accord pour une résiliation anticipée au 30 novembre 2020, mais aucun accord n’est intervenu sur l’apurement de la dette.

C’est par une parfaite appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré que l’abandon de créance pour ne demander qu’un réglement transactionnel de 25 000 euros avec résiliation anticipée, alors que l’arriéré s’élevait à plus de 40 000 euros, constituait une concession importante de la part du bailleur, lequel avait été privé de revenus pendant toute la période considérée malgré mise à disposition des locaux.

Il en a exactement déduit que la mauvaise foi de la SAS Proderim dans l’exécution du contrat n’était pas avérée.

En conséquence, il convient de débouter les appelantes de leur demande de condamnation de la SAS Proderim au paiement de dommages intérêts de 40.800 euros en indemnisation du préjudice économique de la SARL Résilience Productions.

Sur la demande principale en paiement

Compte tenu des pièces produites, le montant de la créance n’étant pas contesté en son quantum, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement la SARL Résilience Productions et Mme [U] [I] au paiement de la somme de 40.800 euros au titre des loyers échus et impayés, terme de novembre 2020 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, sous réserve de ce qui sera statué ci-après compte tenu de la liquidation judiciaire de la SARL Résilience Productions.

Sur les demandes de la SAS Proderim au titre de la liquidation judiciaire de la SARL Résilience Productions

Compte tenu de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SARL Résiliences Productions par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 30 septembre 2021, la SELARL De Keating étant désignée mandataire liquidateur, il convient de faire droit aux demandes, et de :

– fixer la créance de la SAS Proderim au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Résilience Productions à la somme de 40.800 euros au titre du solde de loyers et de charges,

– déclarer le présent arrêt opposable à la SELARL De Keating, ès qualité de mandataire liquidateur.

En revanche, il ne sera pas fait droit à la fixation de créance à hauteur de la somme de 497,46 euros au titre des ‘dépens de première instance’ dont il n’est pas justifié du détail par les pièces produites.

Sur la demande de délais de paiement formée par la SARL Résilience Productions

Selon l’article 1343-5 du code civil, ‘le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues’.

En l’espèce, compte tenu de la liquidation judiciaire de la SARL Résilience Productions, il n’est plus possible de lui octroyer de délais de paiement.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SARL Résilience Productions de sa demande de délais de paiement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif formée par la SAS Proderim à l’encontre de Mme [U] [I]

L’abus du droit d’exercer une voie de recours n’est pas caractérisé en l’espèce, le simple fait de réitérer en appel ses moyens et prétentions de première instance n’étant pas constitutif d’un abus, pas plus que l’erreur sur l’étendue de ses droits.

Il convient dès lors de débouter la SAS Proderim de sa demande.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [U] [I], partie perdante à titre principal, sera condamnée aux dépens d’appel.

Elle sera en outre condamnée au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris,

Et y ajoutant,

Déboute Mme [U] [I] et la SARL Résilience Productions de leur demande de condamnation de la SAS Proderim au paiement de dommages intérêts de 40.800 euros en indemnisation du préjudice économique de la SARL Résilience Productions,

Fixe la créance de la SAS Proderim au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Résilience Productions à la somme de 40.800 euros au titre du solde de loyers et charges, terme de novembre 2020 inclus,

Déclare le présent arrêt opposable à la SELARL De Keating ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL Résilience Productions,

Condamne Mme [U] [I] à payer à la SAS Proderim la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] [I] aux dépens d’appel,

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière La Présidente

 

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