La responsabilité de l’Avocat rédacteur
La responsabilité de l’Avocat rédacteur d’une cession de fonds de commerce est engagée dès lors qu’il est établi que dans l’acte de cession d’entreprise sans bail, l’Avocat a omis de faire état de la nécessité de deux baux pour exploiter le restaurant alors qu’il avait connaissance de l’existence d’un autre bailleur pour la partie des locaux abritant la cuisine.
Le lien de causalité
Toutefois , le lien de causalité entre cette omission lors la cession d’entreprise et l’erreur commise lors de la cession de bail litigieuse du 30 mai 2016 n’est pas démontré puisqu’il n’est pas établi que cette omission a effectivement induit en erreur la Sté MJS . De plus, au regard de la configuration des locaux et de la description des lieux dans le bail du 24 octobre 2013 des vérifications élémentaires auraient permis d’éviter l’erreur commise dans l’acte de cession du 30 mai 2016.
En absence de faute préjudiciable démontrée de la part de Maître [I] [B], il convient de débouter les consorts [M] de leur demande en garantie formée à l’encontre de ce dernier.
La demande en garantie
La demande en garantie qui vise à indemniser les consorts [M] des conséquences dommageables pour elles des prétentions adverses, notamment de l’annulation de l’acte litigieux du 30 mai 2016 n’est pas une demande nouvelle puisque les consorts [M] demandaient en première instance l’annulation de l’acte du 24 octobre 2013 et des actes subséquents notamment celui du 30 mai 2016 et sollicitaient une somme de 20.000 € au titre du préjudice en résultant pour elles, la modification du montant sollicité ne caractérisant pas une demande nouvelle irrecevable en appel. En conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir et de déclarer cette demande recevable
Il incombe aux consorts [M] de démontrer que cet appel en garantie est justifié par une faute préjudiciable à leur égard. La seule condamnation à paiement prononcée à leur encontre porte sur la restitution des loyers perçus en conséquence de l’annulation du contrat de cession de bail. Cette restitution des loyers n’est due que par les bailleresses et non par des tiers au contrat. Pour être en être indemnisées les consorts [M] doivent démontrer que cette restitution de loyers constituerait un préjudice résultant des fautes commises par la SCP [V] [T] Perrault & associés .
En sa qualité d’avocat intervenu dans la rédaction de l’acte de cession de bail, la SCP [V] [T] Perrault & associés avait un devoir de conseil et se devait de s’assurer de la validité et de l’efficacité de l’acte à l’égard de toutes les parties.
La circonstance que la cession du 30 mai 2016 portait simplement sur un bail et une licence de restaurant mais non sur un fonds de commerce n’exonérait pas les rédacteurs de l’acte de vérifier que le consentement des parties était donné en connaissance de cause sur l’assiette du bail cédé et sur la possibilité d’exercer l’activité de restaurant dans les locaux objet de ce bail . L’affirmation selon laquelle les consorts [M] et leur mandataire la société CGA, non parties à l’acte de cession, auraient sciemment induit en erreur la société Reminisens n’est pas démontrée. Au demeurant, une telle circonstance n’aurait pas dispensé le rédacteur de l’acte de faire les vérifications nécessaires au regard du contexte sur la propriété des locaux où était exercé le commerce.
En effet, dès lors que la configuration du restaurant laissait voir qu’il dépendait de deux immeubles distincts, que Mme [R] s’en était inquiétée, les rédacteurs de l’acte auraient dû faire toutes les vérifications nécessaires le cas échéant auprès du service de la publicité foncière et en étudiant les contrats successifs dont les locaux ont été l’objet. En s’abstenant d’effectuer ces vérifications qui auraient permis d’éviter la nullité de l’acte rédigé par elle et en se contentant d’ajouter la clause selon laquelle malgré la description figurant dans le bail du 24 octobre 2013 ‘ le local, objet de la présente cession, comporte également une cuisine existante, dépendante d’un autre immeuble’, la SCP [V] [T] Perrault & associés a commis une faute ayant contribué à la conclusion le 30 mai 2016 d’un acte de cession de bail nul dont elle droit répondre.
Il est inopérant de la part de cette dernière de faire valoir que le contrat de cession litigieux aurait été soumis au cabinet HADENGUE, avocat, des bailleresses, cette circonstance n’étant pas de nature à l’exonérer de ses responsabilités de rédacteur d’acte auquel incombe l’obligation d’en garantir l’efficacité.
Les consorts [M] demandent à être garantis des condamnations prononcées à leur encontre mais ne font pas de demande indemnitaire au titre de leur manque à gagner durant la période où les loyers n’ont pas été payés. Cette garantie ne pourra se faire qu’à hauteur du préjudice résultant des fautes professionnelles relevées ci-dessus.
La locataire ayant été condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation seule la différence entre le montant du loyer à restituer et l’indemnité allouée pour la même période est susceptible de constituer un préjudice. Dès lors qu’il n’est pas certain qu’une cession régulière du droit au bail permettant aux bailleresses de percevoir l’intégralité du loyer fixé au bail du 24 octobre 2013 aurait été possible, le préjudice subi par les consorts [M] constitue une perte de chance .
Un préjudice limité
Au regard des éléments du dossier notamment du montant de l’indemnité d’occupation allouée, des caractéristiques des locaux ne disposant pas de cuisine avec extraction, de l’appréciation de leur valeur locative par l’expert judiciaire, du fait qu’à plusieurs reprises les précédents locataires ne sont pas parvenus à régler le loyer contractuel, la perte de chance de percevoir l’intégralité du loyer contractuel pour la période faisant l’objet de la condamnation à restitution, sera évaluée à 10.000 €. La SCP [V] [T] Perrault & associés sera donc condamnée à garantir les consorts [M] de la condamnation à restituer les loyers perçus dans la limite de 10.000 €.