Une association en charge du catalogue raisonné d’un artiste, consultée sur l’authenticité d’une oeuvre attribuée à l’artiste, peut changer d’avis sans avoir à indemniser les acheteurs. Les acheteurs lésés, qui ont revendu l’oeuvre en la pensant non authentique, ne peuvent engager la responsabilité de l’association. En matière d’achat / revente d’oeuvres d’art, pour s’assurer de l’authenticité d’une œuvre il est donc préférable de recourir à un expert indépendant.
Affaire Wildenstein Institute
Un collectionneur a acquis un tableau de Kees Van Dongen accompagné d’un certificat d’authentification. Lors de son divorce, ce tableau a été donné à son ex-épouse en complément de partage. Cette dernière a souhaité le vendre et s’est adressée préalablement à l’association Wildenstein Institute, centre de recherche en histoire de l’art dont l’activité est la mise à jour constante de sa bibliothèque et la publication de catalogues raisonnés. Par un avis, le comité lui a indiqué, qu’en l’état actuel des connaissances, celui-ci n’avait pas l’intention, à ce jour, d’inclure l’œuvre dans le catalogue raisonné de l’artiste en cours de préparation.
Le vendeur a accepté de reprendre le tableau. L’ex-épouse a, par la suite, appris que le tableau avait été vendu par Christie’s à New York à un prix de 800 000 euros, le catalogue de vente mentionnant un avis du comité Wildenstein Institute aux termes duquel il incluait l’oeuvre dans le catalogue raisonné de l’artiste (cette mention conférant aux oeuvres l’authenticité dont veulent s’assurer vendeurs et acheteurs).
Responsabilité du comité Wildenstein
Le vendeur lésé a poursuivi l’association sur le fondement du droit commun de la responsabilité en faisant valoir que, ce n’était pas seulement le fait de donner un avis contestable qui est fautif mais aussi celui de changer d’avis sans explication ni fondement, avec les incidences financières qui en découlent. De plus, compte tenu de la notoriété, du professionnalisme de l’auteur de l’avis et de son impact sur le marché de l’art, il avait une obligation de conseil et d’information, limite légitime à son droit d’expression et, qu’à défaut, il engage sa responsabilité compte tenu du préjudice qui en découle.
Comme indiqué par les premiers juges, un catalogue raisonné est un recensement qui se veut exhaustif de l’oeuvre d’un artiste et qui situe chacune des oeuvres dans le processus créatif de celui-ci. L’élaboration du catalogue nécessite un travail de documentation et d’analyse approfondie de chacune des oeuvres de l’artiste mais également une analyse critique de celles-ci et de l’oeuvre globale de l’artiste, qui implique nécessairement une liberté d’appréciation de l’auteur du catalogue. Si celui-ci doit s’entourer de précautions suffisantes dans son travail de documentation, le choix d’inclure ou d’exclure une oeuvre du catalogue, choix qui n’a pas valeur d’expertise, ne peut en lui-même être constitutif d’une faute.
De surcroît, les deux avis émis sur l’oeuvre, purement consultatifs, étaient séparés par neuf années, étant rappelé que les connaissances sont évolutives, notamment dans le domaine de l’art. Le second avis ne mentionnait toujours pas d’ailleurs que le tableau sera inclus dans le catalogue raisonné mais qu’il y sera cité.
Un avis n’est pas une expertise
S’il n’est pas contesté que les avis donnés, concernant notamment cet artiste, et l’association Wildenstein Institute ont des conséquences importantes dans le milieu de l’art et notamment sur l’estimation de la valeur de l’oeuvre, il n’en demeure pas moins qu’ils ne se prononcent pas sur l’authenticité de l’oeuvre et n’ont pas valeur d’expertise. Il ne pouvait non plus être soutenu l’existence d’une obligation de conseil et d’information de la part de l’association Wildenstein Institute à l’égard des vendeurs ou acheteurs. L’ex-épouse lésée ne justifiait pas d’une faute ou d’une légèreté blâmable de la part de l’association Wildenstein Institute ni de l’auteur de l’avis. Télécharger la décision