La perte d’accès à un logiciel (résiliation de licence) relève de la compétence des tribunaux de commerce et non des juridictions spécialisées, y compris en appel. Ce moyen est relevé d’office, lesdites règles de compétence étant d’ordre public.
La nouvelle carte judiciaire
Il résulte des articles L. 442-6, III, D. 442-3 du code de commerce et R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, que seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par le deuxième texte sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l’application du premier, que les recours formés contre les décisions rendues par ces juridictions spécialisées sont portés devant la cour d’appel de Paris et que ceux formés contre les décisions rendues par des juridictions non spécialement désignées, quand bien même elles auraient statué sur de tels litiges, sont portés devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle elles sont situées.
Règles d’ordre public
L’inobservation de ces règles d’ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office (Com., 29 mars 2017, pourvoi n°15-17.659, Bull. 2017, IV, n° 49; Com., 10 juillet 2018, pourvoi n° 17-16.365, Bull. 2018, IV, n° 85 ).
L’irrecevabilité de l’appel
Aussi, la Cour relève d’office l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société JMK Invest à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Nice, qui bien qu’ayant statué sur des demandes fondées sur l’article L.442-6 du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, n’est pas une juridiction spécialisée visée par les articles précitées.
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Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 4, 29 mars 2023, 21/15416 REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 29 MARS 2023
(n° 64 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/15416 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIPJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de Nice RG n° 2018F00688
APPELANTE
S.A.R.L. JMK INVEST venant aux droits de la SAS KPFI agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 538 421 983
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque L0056, avocat postulant
Assistée de Me Emmanuel RIGLAIRE, avoact au barreau de LILLE, substitué par Me Nicolas DEBAVELAERE, avocat au barreau de LILLE, avocats plaidants
INTIMES
Monsieur [D] [O] és qualité de liquidateur amiable de la société VIVELENET
[Adresse 4]
[Localité 2]
S.A.R.L. VIVELENET agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 523 259 117
[Adresse 5]
[Localité 1]
E.U.R.L. FINANCE IMMO agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 443 740 121
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentés par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Sophie DEPELLEY dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 10 août 2010, M. [Y] [V], la Sarl Mk Investissements et la société Finance Immo ont créé la société KPFI, représentée par son gérant M. [L] [V], pour une activité d’information et de conseil en gestion de patrimoine.
Pour le développement de son activité, la société KPFI a signé le 11 août 2010 un accord commercial avec les sociétés Finance Immo et Finance Immo Patrimoine lui permettant de faire usage des signes distinctifs, du logiciel et de la base de données du groupe Finance Immo.
Par un protocole d’accord du 28 septembre 2012, la société Finance Immo a cédé la totalité de ses actions détenues dans la société KPFI, à la société Mk Investissements, résiliant ainsi à compter du 1er octobre 2012 le pacte d’associés qui les liaient mais s’engageait à proposer à la société KPFI de continuer à utiliser, contre redevance, son logiciel et la base de données pour l’année 2013. Dans ce cadre, un contrat de licence a été conclu le 1er janvier 2013 entre la société KPFI et la société Vivelenet, conceptrice du logiciel utilisé par Finance Immo, et ayant pour gérants M. [O] et M. [K].
Constatant le 8 décembre 2014 qu’elle ne pouvait plus avoir accès au logiciel professionnel, à sa base de données et ses courriels, la société JMK venant aux droits de la société KPFI, a assigné la société Finance Immo, la société Vivelenet et M. [O] en sa qualité de liquidateur amiable de la société Vivelenet devant le tribunal de commerce de Nice afin d’obtenir leur condamnation à lui verser des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices découlant d’une rupture brutale et abusive du contrat par la société Vivelenet.
Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de commerce de Nice a :
-condamné la société JMK, à payer à la société Vivelenet la somme de 3.607 (trois mille six cent sept euros), au titre des arriérés de factures produites pour la période de septembre 2013 à novembre 2014,
-fait interdiction à la société JMK, d’utiliser la marque «Finance Immo » et ce sous astreinte de 1000 € (mille euros) par infraction constatée, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement,
-condamné la société JMK, à payer à société Finance Immo la somme de 3000 € (trois mille euros), au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-condamné la société JMK, à payer à société Vivelenet la somme de 3000 € (trois mille euros), au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-condamné la société JMK, à payer à Monsieur [O] la somme de 3000 € (trois mille euros), au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-dit que ces condamnations seront assorties de l’exécution provisoire,
-rejeté pour le surplus, toutes autres demandes, fins et conclusions contraires au dispositif du présent jugement,
-condamné la société JMK, aux entiers dépens de la présente instance,
-liquidé les dépens à la somme de 105,60 € (cent cinq euros et soixante centimes).
Par déclaration reçue au greffe de la Cour d’appel de Paris le 9 août 2021, la société JMK a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 4 novembre 2021, la société JMK Invest demande à la Cour de :
Vu l’article 122 du Code de procédure civile,
Vu l’article 564 du Code de procédure civile,
Vu l’ancien article L 442-6 I 5° du Code de commerce,
Vu l’article L 237-12 du Code de commerce,
Vu les articles 1103, 1104 et 1240 du Code civil,
Vu les articles L 342-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,
Vu le contrat conclu le 11 août 2010,
Vu le protocole d’accord transactionnel conclu le 28 septembre 2012,
Vu le contrat conclu le 1er janvier 2013,
Vu la jurisprudence,
-Infirmer le jugement rendu le 20 novembre 2019 par le Tribunal de Commerce de Nice,
Et statuant à nouveau,
-Déclarer irrecevables les demandes formées par les Sociétés intimées sur le fondement de l’article 122 du Code de procédure civile,
-Condamner Monsieur [D] [O], es qualité de liquidateur de la société Vivelenet à verser à la Société JMK les sommes de :
*108 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel
*20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral
-Enjoindre à Monsieur [D] [O], es qualité de liquidateur de la société Vivelenet de rétablir, sans délai, l’accès au logiciel par la société JMK afin que celle-ci puisse récupérer l’ensemble des dossiers, fichiers, e-mails ainsi que tout autre document lui appartenant et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,
-Condamner solidairement Monsieur [D] [O], es qualité de liquidateur de la société Vivelenet et la Société Finance Immo à verser à la société JMK la somme de 145 000 € à titre de dommages et intérêts,
-Condamner solidairement Monsieur [D] [O], es qualité de liquidateur de la société Vivelenet, la Société Vivelenet et la société Finance Immo aux entiers dépens de l’instance et à la somme de 12 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant au profit de Maître Patricia HARDOUIN ‘ SELARL 2H AVOCATS et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées 4 février 2022, la société Vivelenet, Finance Immo et Mr [O] demandent à la Cour de :
Vu les articles 1231-1, 2224 du Code civil,
Vu les articles L.442-3 et D.442-3 du Code de commerce
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu les procès-verbaux de constat,
Vu les pièces jointes aux débats,
-Relever d’office l’absence de pouvoir juridictionnel de la Cour d’appel de Paris pour statuer sur l’appel du jugement du tribunal de commerce de Nice,
A titre subsidiaire,
-Débouter la société JMK Invest de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Finance Immo, à l’encontre de la société JMK Invest et la condamner au paiement des sommes de 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation d’un droit de propriété intellectuelle et celle de 5.124,95 € concernant les factures EDF payées pour compte
Statuant à nouveau,
-Dire l’action contre la société Finance Immo prescrite,
-A tous le moins confirmer le jugement de ce chef,
Pour le surplus
-Débouter la société JMK Invest de se ses demandes au titre d’une rupture abusive ou d’utilisation ou transmission de sa base de données, de concurrence déloyale ou de responsabilité contractuelle
-Confirmer le jugement déféré,
Y ajoutant,
-Condamner la société JMK Invest à payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux entiers dépens de l’instance,
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Il résulte des articles L. 442-6, III, D. 442-3 du code de commerce et R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, que seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par le deuxième texte sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l’application du premier, que les recours formés contre les décisions rendues par ces juridictions spécialisées sont portés devant la cour d’appel de Paris et que ceux formés contre les décisions rendues par des juridictions non spécialement désignées, quand bien même elles auraient statué sur de tels litiges, sont portés devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle elles sont situées. L’inobservation de ces règles d’ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office (Com., 29 mars 2017, pourvoi n°15-17.659, Bull. 2017, IV, n° 49; Com., 10 juillet 2018, pourvoi n° 17-16.365, Bull. 2018, IV, n° 85 ).
Aussi, la Cour relève d’office l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société JMK Invest à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Nice, qui bien qu’ayant statué sur des demandes fondées sur l’article L.442-6 du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, n’est pas une juridiction spécialisée visée par les articles précitées.
La société JMK Invest sera condamnée aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société JMK Invest sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à M. [O] en sa qualité de liquidateur amiable de la société Vivelenet et à la société Finance Immo la somme globale de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l’appel interjeté par la société JMK Invest à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Nice du 20 novembre 2019 ;
Condamne la société JMK Invest aux dépens ;
Condamne la société JMK Invest à payer à M. [O] en sa qualité de liquidateur amiable de la société Vivelenet et à la société Finance Immo la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE