Le Conseil National des Barreaux (CNB), qui représente l’ensemble des avocats Français a obtenu des juges que la société La Conciergerie Juridique, cesse toute activité de conseil juridique. La dirigeante de la société proposait sur son site Internet, sous couvert de missions « d’information juridique et d’aide administrative préalables à l’éventuelle intervention d’avocats », en réalité une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé que la loi réserve pourtant aux professionnels du droit ainsi qu’à certains organismes dûment habilités.
Le site en cause proposait tant aux particuliers qu’aux entreprises des consultations juridiques personnalisées qui se distinguaient de la simple information à caractère documentaire, ou de la prise en charge administrative. Etait par ailleurs proposé sur le site litigieux, une activité de rédaction d’actes sous seing privé notamment en droit des sociétés (formalités de création, statuts, contrats commerciaux, secrétariat juridique, procédure de liquidation ou de redressement judiciaire … ).
Le site était également coupable d’avoir procédé à une activité de démarchage en matière juridique, interdite par l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971, par l’intermédiaire de son site Internet, sur Facebook ou par l’intervention de sa directrice dans une émission de radio. Les juges ont considéré qu’en dépit des dénégations de la directrice de la société, qui, à plusieurs reprises, sur son site internet ou lors d’interviews, précisait qu’elle ne se substituait pas aux avocats, le service offert par la société La Conciergerie Juridique ne se bornait pas à la diffusion d’une simple information de type documentaire. La société proposait en fait à ses clients une palette de services juridiques personnalisés: bien qu’annoncée comme intervenant “en amont” du service d’un avocat, la prestation offerte ne tendait pas moins à résoudre des difficultés juridiques et à concourir à la prise de décision du bénéficiaire, constituant en pratique une consultation juridique, proposées tant aux particuliers qu’aux entreprises (ceux-ci sont en effet “accompagnés” dans leurs problèmes lesquels seront éventuellement “solutionnés”). La société La Conciergerie Juridique exerçait illégalement une activité de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé, et violait l’interdiction d’effectuer tout démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique.
Information juridique ou consultation juridique ?
La consultation juridique, dont l’exercice est réservé aux différentes professions juridiques et judiciaires (notamment avocats, avoués, avocats au conseil, huissiers et notaires) et à d’autres professions précises, est définie dans une réponse du Gardes Sceaux en date du 7 septembre 2006 comme “ toute prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis sur une situation soulevant des difficultés juridiques ainsi que sur la (ou les) voies possible(s) pour les résoudre, concourant, par les éléments qu’il apporte, à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation; elle doit être distinguée de l’information à caractère documentaire qui consiste seulement à renseigner un interlocuteur sur l’état du droit et de la jurisprudence relativement à un problème donné.”
Elle doit être distinguée de l’information à caractère documentaire qui consiste à renseigner un interlocuteur sur l’état du droit ou de la jurisprudence relativement à un problème donné. Le titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, réglemente la consultation juridique et la rédaction d’actes sous seing privé réalisées pour le compte d’autrui, à titre habituel et rémunérées. Si l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que « nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S’il n’est titulaire d’une licence en droit ou s’il ne justifie, à défaut, d’une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d’actes en matière juridique qu’il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66 », cette activité est cependant réservée par principe aux membres des professions judiciaires et juridiques que sont les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, les avocats inscrits au tableau d’un barreau français, les avoués près les cours d’appel, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires et les mandataires-liquidateurs comme le rappellent les dispositions de l’article 56 de la loi du 31 décembre 1971 susmentionnée. Les personnes exerçant des activités professionnelles réglementées autres que judiciaires ou juridiques, les personnes exerçant une profession non réglementée ainsi que certains organismes peuvent toutefois être autorisés à donner des consultations en matière juridique et à rédiger des actes sous seing privé, dans des conditions très précises définies dans l’intérêt même des usagers du droit. Par conséquent, le titulaire d’un doctorat en droit, ne peut pas, en se prévalant de cette seule qualité, délivrer des consultations juridiques à titre onéreux.
L’assurance professionnelle
Toute personne autorisée à donner des consultations juridiques ou à rédiger des actes sous seing privé, pour autrui, de manière habituelle et rémunérée, doit être couverte par une assurance souscrite personnellement ou collectivement et garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu’elle peut encourir au titre de ces activités. Elle doit également justifier d’une garantie financière, qui ne peut résulter que d’un engagement de caution pris par une entreprise d’assurance régie par le code des assurances ou par un établissement de crédit habilités à cet effet, spécialement affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus à ces occasions.
En outre, la personne doit respecter le secret professionnel conformément aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et s’interdire d’intervenir si elle a un intérêt direct ou indirect à l’objet de la prestation fournie. Ces obligations sont également applicables à toute personne qui, à titre habituel mais gratuit, donne des consultations juridiques ou rédige des actes sous seing privé.
Le cas des juristes en entreprises
Les juristes d’entreprise exerçant leurs fonctions en exécution d’un contrat de travail au sein d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises peuvent, dans l’exercice de ces fonctions et au profit exclusif de l’entreprise qui les emploie ou de toute entreprise du groupe auquel elle appartient, donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé relevant de l’activité desdites entreprises.
Le conseil juridique à titre d’accessoire
Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d’une qualification reconnue par l’Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l’accessoire nécessaire de cette activité. Les organismes chargés d’une mission de service public peuvent aussi, dans l’exercice de cette mission, donner des consultations juridiques.
Le cas des syndicats
Les syndicats et associations professionnels régis par le code du travail peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts, sur des questions se rapportant directement à leur objet.
Les organismes professionnels
Les organismes constitués, sous quelque forme juridique que ce soit, entre ou par des organisations professionnelles ou interprofessionnelles ainsi que les fédérations et confédérations de sociétés coopératives peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé au profit de ces organisations ou de leurs membres, sur des questions se rapportant directement à l’activité professionnelle considérée.
Quid des organes de presse ?
Les organes de presse ou de communication au public par voie électronique ne peuvent offrir à leurs lecteurs ou auditeurs de consultations juridiques qu’autant qu’elles ont pour auteur un membre d’une profession juridique réglementée.
Les sanctions du conseil juridique illégal
En application de l’article 66-2 de la loi du 31 décembre 1971, le conseil juridique illégal est sanctionné par une amende de 4 500 euros et en cas de récidive de 9 000 euros et d’un emprisonnement de 6 mois ou l’une de ces deux peines seulement. Est puni des mêmes peines le fait de se livrer à un démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique.
Mots clés : Conseil juridique en ligne
Thème : Conseil juridique en ligne
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Nanterre | Date : 5 juillet 2012 | Pays : France