Droit de réponse audiovisuelle : affaire France 5

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Le droit de réponse, en matière audiovisuelle, s’apprécie plus strictement que pour les autres supports, il suppose l’imputation de faits précis portant atteinte à la réputation et pas seulement une simple mise en cause. Un médecin accusé de faire campagne contre les vaccins et mis en cause par un présentateur de l’émission « Le magazine de la santé » a été débouté de sa demande de diffusion d‘un droit de réponse.

La durée du droit de réponse audiovisuelle

Il a été soutenu en vain par France 2 que la durée de la réponse en ce compris le titre et la date de l’émission ainsi que l’annonce prévue à l’article 6 du décret du 6 avril 1987 excédait la durée de deux minutes imposée par ce texte. L’enregistrement du message produit par le médecin mis en cause, démontrait que celui-ci pouvait être lu de manière compréhensible dans le délai réglementaire.

En revanche, les propos du présentateur de l’émission mais également médecin, s’inscrivaient dans le cadre d’un débat récurrent sur la dangerosité potentielle des vaccins soutenue par certains et la crainte exprimée par d’autres. Ce débat a d’ailleurs été alimenté à la suite de la déclaration de l’Académie nationale de médecine.  Les propos du présentateur devaient donc être analysés à l’aune du contexte dans lequel ils ont été tenus.

Ainsi, indiquer que le médecin mis en cause « pourra continuer son oeuvre destructrice » (mise en garde contre les vaccins) correspond à l’expression d’une opinion subjective ne comportant pas par sa généralité l’évocation de faits précis. Il s’agit donc de la simple manifestation de l’opinion d’un médecin engagé pour une politique vaccinale renforcée comme tel est le cas de nombreux praticiens.

Mentionner encore que le médecin pourra « continuer (sa) campagne contre les vaccins (…) et à instiller le poison du doute dans l’esprit des parents (…) » ne peut que relever du procès d’intention. Ce passage ne repose sur aucun fait suffisamment précis et, en tout état de cause, à supposer l’existence de celui-ci qui consisterait dans le fait d’émettre des critiques contre les vaccins afin de s’opposer à la vaccination, il n’apparaît pas en soi de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la réputation de celui qui les émet.

Le dernier propos tenu par le présentateur, relatif à l’éventualité de la mort d’un enfant qui n’aurait pu bénéficier d’une vaccination en raison de la position ‘anti vaccins’ du médecin, vise une situation hypothétique et en tant que telle insusceptible de caractériser une imputation. Enfin, la référence à la responsabilité du médecin n’est que le rappel général d’une qualité de ce professionnel, sans qu’il puisse être déduit l’allégation d’un fait précis permettant de porter une appréciation sur sa nature attentatoire ou non à l’honneur ou à la réputation de l’appelant.

Ainsi, il ressort des éléments précités que les propos incriminés qui peuvent apparaître déplaisants, ne caractérisent toutefois pas une imputation mais constituent, par leur généralité, la manifestation d’une opinion relevant du seul débat d’idées et participent donc de la liberté laissée à toute personne, dans une société démocratique, d’exprimer une opinion, si virulente soit-elle, sur un sujet qui la concerne.

Réponse non corrélée  

Au surplus, la réponse qu’entendait apporter le médecin mis en cause, qui devait être en parfaite corrélation avec les propos litigieux, ne remplissait pas cette condition.

Modalités d’exercice du droit de réponse audiovisuelle

Pour rappel, selon l’article 6-I de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans le cas où les imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle.

Le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose d’y faire.

La réponse doit être diffusée dans des conditions techniques équivalentes à celles dans lesquelles a été diffusé le message contenant l’imputation invoquée.

En cas de refus ou de silence gardé sur la demande d’exercice du droit de réponse par son destinataire dans les huit jours suivant celui de sa réception, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, par la mise en cause de la personne visée à l’alinéa 9 de cet article. Ce dernier peut ordonner sous astreinte la diffusion de la réponse.

Le décret n°87-246 du 6 avril 1987 relatif à l’exercice du droit de réponse dans les services de communication audiovisuelle précise notamment, en son article 2, que la demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, en son article 3, que la demande indique les références du message ainsi que les circonstances dans lesquelles le message a été mis à la disposition du public et contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse souhaitée et, enfin, en son article 6, que la réponse est annoncée comme s’inscrivant dans le cadre de l’exercice du droit de réponse, fait référence au titre de l’émission ou du message en cause et rappelle la date ou la période de la diffusion ou de la mise à la disposition du public ; le texte de la réponse ne peut être supérieur à trente lignes dactylographiées ; la durée totale du message ne peut excéder deux minutes.

Le droit de réponse en matière audiovisuelle est ainsi strictement encadré par ces textes afin d’éviter toute immixtion indue dans l’exercice de la liberté d’expression. Télécharger la décision

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