Cession de société : la mise en jeu de la garantie de passif 

Notez ce point juridique

La mise en oeuvre de la garantie de passif est étroitement liée aux méthodes comptables d’évaluation des éléments d’actif et de passif. Le cessionnaire doit valider les méthodes comptables d’évaluation adoptées dans le cadre de la cession d’une entreprise.

 

Objet de la garantie de passif

La garantie de passif engage les cédants à certifier d’une part l’exactitude des renseignements fournis sur le patrimoine de la société cédée, les principaux engagements contractés par celle-ci avec des tiers et sa situation au regard des diverses règlementations, d’autre part, l’exactitude du bilan et de la situation comptable ayant servi de base à la détermination du prix de cession. Il est d’usage que les cédants s’engagent également à prendre à leur charge toute dette qui ne figurait pas dans le bilan où cette situation et qui viendrait à être révélée ultérieurement à la date de cession.

Contestation d’un marché important

En l’espèce, pour se prévaloir de la garantie de passif, les cessionnaires ont fait valoir que,  dans les comptes de référence, comptabilisé régulièrement, un marché a été négocié à des conditions anormales, ajoutant que ce marché représentait un risque client trop important.

Méthode comptable validée

Or, d’une part, les méthodes comptables d’évaluation des éléments d’actif et de passif, les stocks et encours de production, ainsi que les comptes de référence étaient conformes aux règles comptables couramment appliquées par la société et d’autre part, le marché était inclus dans l’audit comptable réalisé avant la cession, à l’initiative des acquéreurs. Dans ces conditions, la garantie de passif ne pouvait pas être mise en jeu.

Question des fautes de gestion

Aux termes de l’article L225-251 du Code du commerce, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.   Les cessionnaires se sont également prévalus d’une faute de gestion du cédant, qui résulterait de la conclusion d’un contrat à des conditions financières contraires à l’intérêt de la société.

Le marché conclu aurait été mal négocié puisque son prix de revient aurait significativement été sous-évalué, qu’il s’agisse de vendre des heures de sous-traitance sans couvrir les frais généraux, de ne pas tenir compte du dimensionnement du chantier ou d’omettre certains coûts, ou de n’avoir pas respecté les règles de la comptabilisation à l’avancement. Pour autant, il aucun comportement des cédants, contraire à l’intérêt social de la société, n’était démontré.

 

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 24/10/2019

 

N° RG 17/03153 – N° Portalis DBVT-V-B7B-QWQD

 

Jugement (N° 2013013067) rendu le 29 mars 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

 

APPELANTES

 

SAS Hepariva agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège social […]

 

[…]

 

SASU Dévelop-Elec agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

 

ayant son siège social […]

 

[…]

 

représentées par Me J Deleforge, de la SCP J Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

 

assistées de Me Jérôme Wallaert, avocat au barreau de Lille

 

INTIMÉS

 

  1. D X

 

de nationalité française

 

demeurant […]

 

[…]

 

  1. I-J Y

 

de nationalité française

 

demeurant […]

 

[…]

 

SARL Delric

 

ayant son siège social […]

 

[…]

 

Société Technibat Nord

 

ayant son siège social 16 rue I Jaurès

 

[…]

 

représentés et assistés par Me G H, avocat au barreau de Lille

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

 

E F, présidente de chambre

 

Anne Molina, conseiller

 

Agnès Fallenot, conseiller

 

GREFFIER LORS DES DÉBATS : K L, assistée de Laura Charpentier, greffier stagiaire

 

DÉBATS à l’audience publique du 20 juin 2019 tenue en double rapporteur par E F et Anne Molina, après accord des parties. Mme E F, Présidente, entendue en son rapport oral. Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

 

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2019 après prorogation du délibéré initialement prévu le 10 octobre 2019 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par E F, présidente et K L, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 juin 2019

 

****

 

Vu le jugement contradictoire rendu le 29 mars 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole qui a :

 

— débouté les sociétés Hepariva et Develop-Elec de l’ensemble de leurs demandes,

 

— ordonné à la société Hepariva de communiquer à messieurs X et Y les documents comptables permettant de déterminer l’éventuel complément de prix correspondant à la trésorerie nette consolidée des sociétés Develop-Elec et Financière Lebou arrêtée au 31 septembre 2011, le tout sous astreinte arbitrée de 50 euros par jour de retard à compter de la date de la signification du jugement,

 

— s’est réservé de liquider l’astreinte,

 

— débouté messieurs X et Y de leur demande de faire payer à la société Hepariva un nouvel acompte de 150.000 euros au titre du complément de prix,

 

— débouté messieurs X et Y de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

 

— condamné la société Develop-Elec à payer à la SARL Delric la somme de 46.832,30 euros avec intérêts légaux à compter du 23 novembre 2012,

 

— condamné la société Develop-Elec à payer à la SARL Technibat Nord la somme de 32.920,73 euros avec intérêts légaux à compter du 23 novembre 2012,

 

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

 

— débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,

 

— condamné solidairement la société Hepariva et la société Develop-Elec à payer à messieurs X et Y et les sociétés Delric et Technibat Nord chacun la somme arbitrée de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

 

— condamné solidairement les sociétés Hepariva et Develop-Elec aux entiers frais et dépens,

 

Vu l’appel total interjeté le 17 mai 2017, par la SAS Hepariva et la SAS Develop-Elec,

 

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 mai 2019 par les sociétés Develop-Elec et Hepariva qui demandent à la cour de :

 

A titre principal, sur le fondement des articles 1116 et 1382 du Code civil, dans leur rédaction alors applicable :

 

— réformer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

 

— juger que la dissimulation de la faiblesse du taux de marge dégagé par l’entreprise Develop-Elec sur le marché Sopic et sa comptabilisation irrégulière constituent des manoeuvres dolosives commises par messieurs X et Y au préjudice de la société Hepariva,

 

— en conséquence, condamner solidairement messieurs X et Y à payer à la société Hepariva, la somme de 643.056 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de l’assignation.

 

A titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction alors applicable :

 

— juger que les faits reprochés à messieurs X et Y relèvent de la garantie d’actif et de passif à laquelle ils se sont engagés envers la société Hepariva,

 

— en conséquence, condamner solidairement messieurs X et Y à payer à la société Hepariva, la somme de 643.056 euros, outre les intérêts au taux de 4% l’an, à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2012.

 

A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de l’article L 225-251 du Code de commerce :

 

— juger que les conditions financières du contrat avec la société Sopic sont contraires à l’intérêt de la société Develop-Elec et qu’en conséquence messieurs X et Y ont commis au détriment de la société Develop-Elec une faute de gestion en concluant ce contrat,

 

— en conséquence, condamner solidairement messieurs X et Y à payer à la société Develop-Elec, la somme de 585.648,72 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,

 

En tout état de cause :

 

— constater que l’intégralité des documents comptables nécessaires pour déterminer le complément de prix a déjà été communiquée à messieurs X et Y,

 

— juger que la trésorerie des sociétés Hepariva et Dévelop-Elec au 30 septembre 2011 était inférieure à 300.000 euros,

 

— débouter en conséquence messieurs X et Y de l’ensemble de leurs demandes, y compris celle visant à faire désigner un expert pour déterminer les conditions d’évaluation du chantier Sopic,

 

— juger que messieurs X et Y ont manqué à leurs obligations contractuelles d’accompagnement,

 

— débouter en conséquence les sociétés Delric et Technibat Nord de l’ensemble de leurs demandes,

 

— condamner solidairement messieurs X et Y et les sociétés Delric et Technibat Nord à payer aux sociétés Hepariva et Develop-Elec la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

 

— à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans ‘le jugement à intervenir’, condamner solidairement messieurs X et Y et les sociétés Delric et Technibat Nord à payer aux sociétés Hepariva et Develop-Elec, le montant des sommes retenues par l’huissier chargé de l’exécution forcée au titre de l’article 10 du décret du 8/03/2001 n°2001/212 portant modification du décret du 12/12/1996 n°96/1080 (tarif des huissiers) en sus de l’application de l’article 700 du Code de procédure civile,

 

— les condamner solidairement aux entiers frais et dépens,

 

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le

 

7 mai 2019 par M. X, M. Y et les sociétés Technibat Nord et Delric qui demandent à la cour de:

 

— confirmer la décision entreprise,

 

— émender le jugement par l’augmentation de la somme de 3.139,50 euros à 36.060,23 euros au bénéfice de la société Technibat et condamner les sociétés Hepariva et Develop-Elec au paiement de celle-ci,

 

— débouter les sociétés Hepariva et Develop-Elec de toutes leurs demandes,

 

— condamner in solidum les sociétés Hepariva et Develop-Elec à payer à chacun des intimés la somme de 6. 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

 

— condamner in solidum les sociétés Hepariva et Develop-Elec aux intérêts sur les sommes dues à Technibat Nord et Delric à compter du 23 novembre 2012 outre la capitalisation des intérêts,

 

A titre subsidiaire,

 

— voir nommer tel expert qu’il plaira afin de donner son avis sur l’évaluation du chantier Sopic à Chambourcy, dire si l’évaluation faite de celui-ci était conforme ou non à la pratique de monsieur X et monsieur Y au sein de Develop-Elec, en précisant si les cessionnaires ont suivi ou non les préconisations des devis,

 

— condamner les sociétés Hepariva et Develop-Elec aux entiers frais et dépens tant de première instance que d’appel dont distraction au profit de maître G H, avocat, qui pourra les recouvrer par application de l’article 699 du Code de procédure civile.

 

Vu l’ordonnance de clôture du 12 juin 2019,

 

SUR CE,

 

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

 

Il sera simplement rappelé que MM. X et Y ont cédé la société Develop- Elec et sa holding, la société Financière Lebou, à MM. Z et A selon un protocole de cession signé le 21 juillet 2011. Ce protocole faisait suite à une lettre d’intention des acquéreurs en date du 17 juin 2011.

 

Le prix de cession a été fixé à 2.500.000 euros sur la base des comptes annuels au 30 septembre 2010 avec un complément de prix correspondant à la trésorerie nette consolidée des sociétés cédées, telle qu’elle ressortirait des comptes annuels au

 

30 septembre 2011, étant précisé que cette trésorerie nette devrait être uniquement à la hausse, au titre d’un chantier Sopic. Un acompte de 300.000 euros a été réglé au titre de ce complément de prix.

 

Le protocole de cession prévoyait que les cédants assureraient une période d’accompagnement des nouveaux associés, soit des sociétés Delric et Technibat Nord, et que les cessionnaires pourraient procéder au début du mois de septembre 2011 à un audit des sociétés acquises.

 

La cession effective et totale a eu lieu le 14 octobre 2011, la société Hepariva substituant

 

  1. Z et A et MM. X et Y signant le même jour une garantie d »actif et de passif plafonnée à 625.000 euros.

 

Les comptes de référence de la garantie d’actif et de passif étaient constitués par la situation comptable intermédiaire arrêtée au 31 mars 2011.

 

Le 15 janvier 2012, les parties n’étant toujours pas d’accord sur le montant de la trésorerie, les cessionnaires n’ont pas procédé au règlement du complément de prix et les cédants n’ont pas apporté de caution bancaire au titre de la garantie de paiement comme ils s’y étaient engagés respectivement dans l’acte de cession.

 

Le 25 juillet 2012, la société Hepariva actionnait la garantie d’actif et de passif, estimant que les mauvais résultats du marché en cours avec la société Sopic étaient liés à une sous- évaluation du prix de revient de ce marché avant la cession.

 

Après plusieurs échanges entre les parties, MM. X et Y ont, par courrier du 1er octobre 2012, refusé toute indemnisation à la société Hepariva.

 

Le 23 novembre 2012, MM. X et Y ont réclamé à la société Develop-Elec pour leurs sociétés Delric et Technibat Nord le paiement d’honoraires et le remboursement de frais que la société Develop-Elec, par courrier du 10 décembre 2012, a refusé de régler au regard des difficultés rencontrées sur le marché Sopic.

 

Le 21 décembre 2012, MM. X et Y ont mis en oeuvre le préalable de conciliation prévu au protocole de cession du 21 juillet 2011 quant aux honoraires d’accompagnement et au complément de prix.

 

Par courrier du 16 janvier 2013, les sociétés Hepariva et Develop-Elec leur proposaient d’étendre le processus de conciliation aux demandes d’indemnisation au titre du marché Sopic et de désigner un conciliateur, ce qui a été refusé par courrier du 5 février 2013.

 

C’est dans ces conditions que les sociétés Hepariva et Develop-Elec ont fait assigner MM. X et Y devant le tribunal de commerce de Lille Métropole en invoquant à la fois des manoeuvres dolosives concernant le marché Sopic, la garantie d’actif et de passif ainsi que des fautes de gestion en leur qualité de dirigeants de la société Develop- Elec.

 

Par acte d’huissier du 3 septembre 2013, les sociétés Delric et Technibat Nord ont fait assigner la société Develop-Elec devant le tribunal de commerce de Lille Métropole en paiement de leurs honoraires.

 

Les procédures initiées par les sociétés Hépariva et Dévelop Elec d’une part et celle initiée par les sociétés Delric et Technibat Nord ont été jointes à la mise en état du 5 novembre 2013.

 

Par jugement du 19 février 2014 le tribunal a déclaré l’action des sociétés Hépariva et Dévelop Elec recevable et a ordonné la disjonction des deux instances.

 

Par jugement du 7 janvier 2015, à la demande des parties, le tribunal a ordonné la jonction des deux instances et a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel de Douai.

 

Par arrêt du 28 mai 2015, la cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel interjeté par

 

  1. X et Y, les sociétés Delric et Technibat Nord du jugement du 19 février 2014.

 

Par jugement du tribunal de commerce du 4 novembre 2015, M. B a été nommé conciliateur dans le litige opposant les parties. Il a rendu un procès verbal de non-conciliation le 3 septembre 2016.

 

C’est en cet état que l’affaire a été portée devant le tribunal de commerce de Lille Métropole qui, dans son jugement du 29 mars 2015 a débouté les sociétés Hepariva et Develop-Elec de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnées à payer à la société Delric et à la société Develop-Elec les sommes respectives de 46.832,30 euros et de 32.920,73 euros avec intérêts légaux à compter du 23 novembre 2012.

 

Les appelants invoquent en premier lieu des manoeuvres dolosives commises par MM. X et Y au préjudice de la société Hepariva, à titre subsidiaire, la garantie d’actif et de passif à laquelle MM. X et Y se sont engagés envers la société Hepariva, et à titre infiniment subsidiaire, une faute de gestion commise au détriment de la société Develop-Elec.

 

Sur les manoeuvres dolosives

 

Se fondant sur les articles 1116 et 1382 du Code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les sociétés appelantes font valoir en premier lieu qu’en dissimulant à dessein les conditions financières et son déroulement inhabituels d’un marché représentant plus de la moitié du chiffre d’affaires annuel de la société Dévelop-Elec alors que le risque client était habituellement bien diversifié, MM. X et Y ont clairement transgressé cette obligation de renseignement et de loyauté vis-à-vis du cessionnaire, ce qui caractérise des manoeuvres dolosives.

 

Ils expliquent que ces conditions inhabituelles s’articulent autour du contrat conclu avec la société Sopic à Chambourcy qui présentait des caractéristiques spécifiques par rapport à l’activité de la société Dévelop Elec, lesquelles n’ont pas été documentées et révélées par les cédants, d’une manipulation comptable pour augmenter artificiellement le chiffre d’affaires de Dévelop Elec au 30 septembre 2011 et d’un recours massif à la sous-traitance et une sous-estimation de l’impact négatif de celle-ci sur les marges du chantier par rapport aux chantiers habituellement conduits par la société Dévelop Elec.

 

Il est constant que le dol est une cause de nullité du contrat lorsque les manoeuvres ont déterminé à la conclusion du contrat et qu’il doit se produire au moment où les parties s’engagent l’une envers l’autre.

 

En l’espèce, la cour relève en premier lieu que si les appelantes sollicitent une indemnisation à ce titre, elles ne sollicitent pas la nullité du contrat de cession.

 

Par ailleurs, la lettre d’intention du 17 juin 2011 prévoyait en son article 6 un audit d’acquisition financier, juridique, social, commercial, technique, informatique, d’assurances et des droits de propriété intellectuelle et industrielle sur la base des opérations constatées au 30 juin 2011, ainsi que sur toutes les informations à la disposition des deux sociétés au jour de la réalisation de l’audit. Le détail des opérations d’audit est précisé dans la lettre.

 

Cet audit des sociétés a été réalisé par M. C désigné par les acquéreurs eux-mêmes, et a eu lieu la première quinzaine du mois de septembre 2011, incluant notamment l’audit du chantier SOPIC, permettait ainsi aux cessionnaires de s’assurer de la réalité de l’activité de la société, de la vérité des chiffres et de la sincérité des comptes. Ces derniers ont d’ailleurs levé la conditions suspensive d’audit le 21 septembre 2011 au visa de l’attestation de trésorerie établie par la société d’expertise comptable SADEC.

 

Par ailleurs, le bilan a été arrêté par les cessionnaires et M. C a établi les actes de cession, le prix de base étant fixé à 2.500.000 euros, augmenté cependant d’un complément de prix, moyennant un acompte de 300.000 euros.

 

Dans ces conditions le marché SOPIC à Chambourcy ne peut apparaître comme déterminant dans l’évaluation de l’entreprise et il ne résulte d’aucune stipulation du contrat de cession que les cessionnaires ont fait de ce marché une condition déterminante de leur acquisition.

 

Les intimés justifient par ailleurs par les pièces qu’ils versent aux débats, que les éléments comptables constatant les opérations relatives à ce chantier dans la situation comptable intermédiaire du 31 mars 2011, étaient conformes aux règles comptables couramment appliquées par la société Dévelop- Elec.

 

Enfin les appelantes ne démontrent pas que l’impact négatif de la sous-traitance sur les marges du chantier par rapport aux chantiers habituellement conduits par la société Dévelop Elec qu’elles incriminent soit imputable à MM. X et Y dès lors que la sous-traitance devait au contraire valoriser le chantier et que la société Hépariva est elle-même à l’origine d’un surplus de prestations par rapport à celles estimées et d’un recours massif à la main d’oeuvre intérimaire.

 

C’est donc à juste titre que le tribunal a dit que les manoeuvres dolosives reprochées à MM. X et Y n’étaient pas établies et a débouté la société Hépariva de sa demande d’indemnisation formée à ce titre.

 

Sur la mise en jeu de la garantie de passif

 

Aux termes de la convention de garantie du 14 octobre 2011, la garantie de passif engage les cédants à certifier d’une part l’exactitude des renseignements fournis sur le patrimoine de la société cédée, les principaux engagements contractés par celle-ci avec des tiers et sa situation au regard des diverses règlementations, d’autre part, l’exactitude du bilan et de la situation comptable ayant servi de base à la détermination du prix de cession. Les cédants se sont en outre engagés à prendre à leur charge toute dette qui ne figurait pas dans le bilan où cette situation et qui viendrait à être révélée ultérieurement à la date de cession.

 

Pour se prévaloir de cette garantie, les appelantes invoquent les griefs déjà avancés au titre du dol et considèrent que MM. X et Y n’ont pas, dans les comptes de référence, comptabilisé régulièrement le marché SOPIC qu’ils ont en outre négocié à des conditions anormales, ajoutant que ce marché représentait un risque client trop important.

 

Or il a été dit, d’une part que les méthodes comptables d’évaluation des éléments d’actif et de passif, les stocks et encours de production, ainsi que les comptes de référence étaient conformes aux règles comptables couramment appliquées par la société Dévelop Elec, et d’autre part que le marché SOPIC était inclus dans l’audit réalisé en septembre 2011 à l’initiative des acquéreurs.

 

Dans ces conditions la garantie de passif ne peut pas être mise en jeu.

 

Sur les fautes de gestion

 

Aux termes de l’article L225-251 du Code du commerce ‘Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. (…)’

 

Se prévalant de ces dispositions, les appelantes invoquent encore à titre infiniment subsidiaire une faute de gestion de MM. X et Y qui résulterait de la conclusion d’un contrat avec la société Sopic aux conditions financières contraires à l’intérêt de la société Dévelop Elec. Ils précisent que la responsabilité de

 

  1. Y et X, respectivement président et directeur général de la société Dévelop-Elec préalablement à sa cession, peut être engagée sur ce fondement dans la mesure où il est manifeste que le marché SOPIC a été mal négocié par eux puisque son prix de revient a significativement été

 

sous-évalué, qu’il s’agisse de vendre des heures de sous-traitance sans couvrir les frais généraux, de ne pas tenir compte du dimensionnement du chantier ou d’omettre certains coûts, ou de n’avoir pas respecté les règles de la comptabilisation à l’avancement.

 

Pour autant, il résulte des motifs sus-énoncés, qu’aucun comportement de

 

  1. Y et X, contraire à l’intérêt social de la société Dévelop Elec n’a été démontré.

 

Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes indemnitaires des sociétés Hépariva et Dévelop Elec. La demande d’expertise devient sans objet.

 

Sur la demande en paiement des sociétés Delric et Technibat Nord

 

Aux termes de l’article ou 6 du protocole d’accord du 21 juillet 2011 :

 

‘ La période d’accompagnement sera assurée, pour toute sa durée, exclusivement par MM X et Y, et organisée comme suit :

 

— Une période initiale de 3 mois consacrée à la transmission des affaires des sociétés, sur la base de 4 jours pleins par semaine. Cette période sera rémunérée à raison d’une facturation de prestations d’honoraires de 10.000 euros HT par personne et par mois à partir d’une société de leur choix, soit un montant total facturé de 60.000 euros HT sur cette période.

 

— Une période complémentaire de 40 jours par personne à utiliser d’ici au 31 décembre 2012 au titre d’interventions ponctuelles d’assistance technique et commerciale.

 

Cette période sera rémunérée à raison d’une facturation de prestations d’honoraires à partir d’une ou deux entités de leur choix, sur la base d’un taux journalier de 750 euros HT, soit un montant par personne de 30.000 € HT sur cette période. Dans l’hypothèse où les 40 jours n’auraient pas été utilisés d’ici au 31 décembre 2012, le solde d’honoraires sera néanmoins acquis et facturé par MM X et Y.

 

— MM X et Y seront remboursés sur justificatifs des frais de déplacements engagés dans le cadre de leur mission. Ils continueront à bénéficier sur la période initiale de 3 mois des moyens mis actuellement à disposition par la société (véhicule de fonction, téléphone).’

 

La société Delric réclame au titre de l’accompagnement complémentaire effectué par Monsieur X la somme de 45.896, 37 euros ainsi que le remboursement de trois notes de frais pour 935,93 euros soit un total de 46.832,30 euros TTC.

 

La société Technibat Nord réclame au titre de l’accompagnement complémentaire effectué par Monsieur Y la somme de 35.880 euros ainsi que le remboursement de deux notes de frais pour 180,23 euros soit un total de 36.060,23 euros.

 

Les appelantes s’opposent au règlement de ces sommes au motif que M. X et

 

  1. Y n’auraient pas rempli leurs obligations contractuelles au regard des résultats constatés sur le chantier SOPIC.

 

Les intimées versent aux débats les factures de la société Delric et de société Technibat Nord adressées de février 2012 à juillet 2012 à la seule société Develop-Elec ainsi qu’une facture complémentaire du 31 décembre 2012, la mise en demeure du

 

23 novembre 2012 ainsi qu’un récapitulatif de présence de M. Y de janvier à juin 2012.

 

La réalité des prestations effectuées n’est pas contestée par les appelantes qui indiquent même dans leurs dernières écritures que l’implication des cédants dans l’activité de l’entreprise a été très dense, ces journées de prestations suivant l’accompagnement initial de trois mois passés à temps plein au service de l’activité de la société Dévelop-Elec. Dès lors qu’il a été dit qu’aucune faute n’était démontrée à l’encontre de MM. X et Y, elles ne peuvent soutenir que ‘de par leur implication dans la société Dévelop Elec, les cédants n’ont pas rempli leurs obligations contractuelles’.

 

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Develop-Elec, à l’exclusion de la société Hépariva, à payer à la société Delric la somme de 46.832,30 euros avec intérêts légaux à compter du 23 novembre 2012 et de le réformer en ce qu’il a condamné la société Develop-Elec à payer à la société Technibat Nord la somme de 32.920,73 euros avec intérêts légal à compter du 23 novembre 2012, la société Dévelop- Elec étant condamnée à payer la somme de 36.060,23 euros à la société Technibat Nord, avec intérêts légaux à compter du 23 novembre 2012.

 

Sur le complément de prix et la communication des documents comptables

 

Aucune demande n’étant formée à ce titre par MM. X et Y qui sollicitent la confirmation du jugement qui les a déboutés de leur demande au titre d’un complément de prix, il n’y pas lieu de statuer sur le montant de la trésorerie des sociétés Hépariva et Dévelop-Elec au 30 septembre 2011.

 

Sur les autres demandes

 

Les sociétés Hepariva et Develop-Elec qui succombent seront condamnées aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

 

Enfin les intimés ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge ; il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

 

PAR CES MOTIFS

 

Confirme le jugement rendu le 29 mars 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole sauf en ce qu’il a condamné la société Develop-Elec à payer à la SARL Technibat Nord la somme de 32.920,73 euros avec intérêts légaux à compter du

 

23 novembre 2012.

 

Statuant dans cette limite et y ajoutant,

 

Condamne la société Develop-Elec à payer à la SARL Technibat Nord la somme de

 

36.060,23 euros avec intérêts légaux à compter du 23 novembre 2012.

 

Dit que les intérêts sur les sommes dues se capitaliseront dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

 

Déclare sans objet ou mal fondé le surplus des demandes.

 

Condamner in solidum les sociétés Hepariva et Develop-Elec à payer à chacun des intimés la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

 

Condamne les sociétés Hepariva et Develop-Elec aux entiers dépens tant de première instance que d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

 

Le greffier La présidente

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