Depuis le 31 décembre 2020, il a été mis fin à la tolérance administrative : la mise en exergue de la mention « fabriqué en Normandie », n’est plus possible sur un fromage ne répondant pas au cahier des charges de l’AOP.
La dénomination » camembert de Normandie » constitue une appellation d’origine protégée au sens du titre II du règlement (UE) n° 1151/2012. Elle bénéficie, par suite, de la protection mise en place. Si tout fromage répondant aux prescriptions du décret du 27 avril 2007 peut utiliser la dénomination » camembert « , dont il est constant qu’elle présente un caractère générique, il résulte de ces dispositions qu’il ne peut le faire que dans des conditions qui ne sont pas de nature à porter atteinte à la protection attachée à la dénomination » camembert de Normandie « .
Est susceptible de porter atteinte à celle-ci, la » mise en exergue » de la mention » fabriqué en Normandie » dans des conditions, tenant notamment à la composition de l’étiquette, à la typographie utilisée, au graphisme, de nature à induire un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs.
Avis confirmé de la DGCCRF
Par un avis aux opérateurs économiques sur la protection de la dénomination enregistrée en appellation d’origine protégée (AOP) » Camembert de Normandie « , publié le 9 juillet 2020 sur le site internet de la DGCCRF, l’administration a fait savoir que la mise en exergue de la mention « fabriqué en Normandie », n’est pas possible sur un fromage ne répondant pas au cahier des charges de l’AOP car elle est de nature à constituer une violation de l’article 13 du règlement 1151/2012 et (de) l’article L. 722 du code de la propriété intellectuelle.
Cette règle est valable aussi bien pour les produits mis sur le marché dans l’UE que pour les produits exportés dans des pays disposant d’accord de réciprocité avec l’UE.
Cet avis accordait aux opérateurs concernés un délai expirant le 31 décembre 2020 pour mettre en conformité leur étiquetage, les invitant à » prendre l’attache de la Direction départementale (de la cohésion sociale) et de la protection des populations (DD(CS)PP) dont (ils) dépendent et apporter l’état des stocks d’étiquettes restantes ainsi que les factures d’achat des emballages « . Depuis, la DGCCRF et l’INAO actionnent toutes les voies de droit nécessaires à la pleine protection de la dénomination protégée « camembert de Normandie » « .
Fin d’une tolérance administrative
Le Syndicat normand des fabricants de camembert, qui regroupe les producteurs de camembert fabriqué en Normandie mais ne bénéficiant pas de l’AOP a contesté sans succès la nouvelle doctrine de la DGCCRF.
Depuis la protection de la dénomination » Camembert de Normandie » en 1983, les dispositions réglementaires de droit interne, puis la pratique administrative, ont laissé coexister sur le marché les fromages répondant au cahier des charges de l’AOP, seuls autorisés à porter la mention » camembert de Normandie « , et des fromages portant la dénomination » camembert » et conformes à la définition de ce produit résultant du décret du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères visé ci-dessus, ainsi que la mention » fabriqué en Normandie « , mais à base de lait pasteurisé ou thermisé, et ne pouvant, de ce seul fait, bénéficier de l’AOP, qui est réservée aux fromages élaborés à partir de lait cru.
Tant le décret n° 83-778 du 31 août 1983 relatif à l’appellation d’origine » Camembert de Normandie » que le décret n° 86-1361 du 29 décembre 1986 relatif à l’appellation d’origine » Camembert de Normandie » qui l’a abrogé et remplacé disposaient : » Sous réserve des dispositions qui précèdent, l’emploi de la mention « Fabriqué en Normandie » est autorisé pour l’indication du lieu de fabrication prévu par la réglementation relative aux fromages, sur l’étiquetage des camemberts ne bénéficiant pas de l’appellation d’origine. » Toutefois, l’article 7 du décret du 29 décembre 1986 a été abrogé par l’article 3 du décret n° 2008-984 du 18 septembre 2008 relatif à l’appellation d’origine contrôlée » Camembert de Normandie ».
Le règlement d’exécution (UE) n° 1209/2013 de la Commission européenne du 25 novembre 2013, qui a approuvé en dernier lieu le cahier des charges de l’appellation d’origine protégée » camembert de Normandie « , ne contient aucune prescription relative à l’emploi de la mention » fabriqué en Normandie « , pas davantage qu’aucune disposition législative ou réglementaire du droit de l’Union comme du droit interne.
Si, durant plusieurs années, postérieurement à l’intervention du décret du 18 septembre 2008, l’administration n’a pris aucune mesure à l’égard des camemberts étiquetés » fabriqué en Normandie « , afin de laisser à l’ensemble des producteurs concernés la possibilité de s’entendre sur un aménagement du cahier des charges de l’AOP, cette circonstance ne saurait avoir créé, au profit des producteurs de camembert hors AOP, de droit à porter atteinte à la protection attachée à l’AOP. Par suite, et en tout état de cause, le Syndicat normand des fabricants de camembert ne peut utilement soutenir que l’avis qu’il conteste porterait atteinte aux droits des fabricants de camembert hors AOP, alors, au demeurant, que nul n’a de droit au maintien d’un règlement.
Protection stricte des AOP
Aux termes de l’article 13 du règlement européen relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires : » 1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre : / a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ; / b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que » genre « , » type « , » méthode « , » façon « , » imitation « , ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ; / c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit ; / d) toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit. / Lorsqu’une appellation d’origine protégée ou une indication géographique protégée contient en elle-même le nom d’un produit considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b).
Les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées ne peuvent pas devenir génériques. Les États membres prennent les mesures administratives ou judiciaires appropriées pour prévenir ou arrêter l’utilisation illégale visée au paragraphe 1 d’appellations d’origine protégées ou d’indications géographiques protégées qui sont produites ou commercialisées sur leur territoire. (…) » ;
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle : » Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. Pour l’application du présent chapitre, on entend par « indication géographique » : a) Les appellations d’origine définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ; b) Les indications géographiques définies à l’article L. 721-2 ; c) Les appellations d’origine et les indications géographiques protégées en vertu du droit de l’Union européenne ; Sont interdits la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique. «
L’utilisation d’indication d’origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d’affaiblir la notoriété d’une dénomination reconnue comme appellation d’origine ou enregistrée comme indication géographique ou comme spécialité traditionnelle garantie, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l’utilisation abusive d’une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d’origine, aux indications géographiques et aux spécialités traditionnelles garanties (L. 643-2 du code rural).