Affaire Paris Première

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Rupture abusive de relations commerciales

La société Belleville Production a poursuivi sans succès la société Paris première pour rupture abusive de relations commerciales. En application des dispositions de l’article L.442-6 ,1 du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (…) de rompre brutalement , même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.

Clause de saisonnalité

En l’occurrence, l’ensemble des contrats signés par les sociétés Paris Première et Belleville Production prévoient une durée déterminée correspondant à une saison audiovisuelle de 10 mois et stipulent une clause selon laquelle «les parties en leur qualité de professionnels avertis de l’audiovisuel reconnaissent le principe de saisonnalité des grilles de programmes d’un service de télévision, l’acquisition des droits de l’exploitation des programmes étant strictement liée à l’évolution de la grille de programmes. Les Parties reconnaissent ce principe de saisonnalité et les usages professionnels en vigueur dans le secteur de l’audiovisuel. Par conséquent, le contrat est conclu en considération de la grille des programmes de Paris Première. Il ne saurait en aucun cas être renouvelé par tacite reconduction. Les Parties reconnaissent que la non reconduction du contrat à l’occasion d’une nouvelle saison audio-visuelle ne peut en aucun cas donner lieu à compensation quelconque, quelle que soit l’ancienneté des relations ayant existé entre elles».

Il ressort de l’analyse de cette clause que les parties ont entendu signer un contrat d’une durée déterminée de 10 mois, non renouvelable, que chacun des contrats successivement conclus excluait donc expressément toute reconduction tacite. Cette disposition met également en exergue la précarité de la collaboration inhérente à toute production audiovisuelle. En effet, dès lors que l’économie d’une chaîne de télévision dépend essentiellement des recettes générées par l’audience de sa programmation, il est nécessaire que l’éditeur de la chaîne puisse bénéficier de la liberté d’apporter des changements aux émissions composant sa grille ou même de les supprimer en cas de chute de leur audience, de sorte que les relations entre producteur et diffuseur ne peuvent s’inscrire que dans le cadre de contrats portant sur une saison audiovisuelle.

En sa qualité de producteur, la société Belleville Production était censée connaître les usages de la profession et ne pouvait raisonnablement s’attendre au maintien d’une relation pérenne, chaque année remise en cause à l’occasion d’une réunion prévue contractuellement.

Prémices d’une rupture

A ce titre, au cours de la réunion annuelle de débriefing entre les sociétés, de nombreux points à améliorer ont été évoqués tant dans la forme que dans le fond, ‘un logique sentiment d’usure’ a été mis en évidence ; les participants ont clairement fait mention d’un ‘format à rebooster’ ‘d’une émission corsetée’, ‘du fait qu’il faut retrouver de la conviction, du plaisir, de l’enthousiasme’, donner ‘du rythme au format, créer la surprise’.  Par courrier, la société Paris Première, constatant le vieillissement de ce programme, qui ne réalisait pas les audiences espérées et ne satisfaisait plus l’ensemble des attentes du public, a invité la société Belleville Production à participer à son appel d’offres destiné à pouvoir faire évoluer le programme en vue de lui conserver une place dans la grille des programmes, manifestant ainsi clairement son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures.

En outre, ayant la propriété du format et du titre, la société Paris Première était libre de choisir un autre producteur pour la diffusion de l’émission sans que la société Belleville, copropriétaire avec la société Paris Première, uniquement des émissions produites, n’ait un droit légitime sur l’émission en elle-même et les diffusions à venir.

De surcroît, la rupture des relations commerciales entre les parties n’a pas été brutale. En effet, depuis la notification de l’appel d’offres, la société Belleville Production a bénéficié d’un préavis de 4 mois et demi, jusqu’à la reprise de la saison audiovisuelle, ce qui constitue un préavis raisonnable eu égard à la nature de la prestation fournie, au fait que pour ce type de relations, le préavis peut être d’une durée équivalent à la période séparant la fin d’une saison audiovisuelle et la reprise de la saison suivante.

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