Licenciement économique non justifié

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Licenciement économique non justifié

13 avril 2023
Cour d’appel de Caen
RG n°
21/02802

AFFAIRE : N° RG 21/02802 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3F7

Code Aff. :

ARRET N°

JB.

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes –

Formation paritaire de CAEN en date du 13 Septembre 2021 – RG n°F 19/00269

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 AVRIL 2023

APPELANTE :

S.A. SERVICES ENVIRONNEMENT ACTION (S.E.A.) Représentée par

Monsieur [H] [L], ès qualités de Président du Conseil d’administration

Inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 380 271 734

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [E] [K]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Sophie LECELLIER, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 13 février 2023, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,rédacteur,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier

M. [K] a été embauché à compter du 1er juin 1999 en qualité de conducteur d’engins sur le site d'[Localité 5] par la société Services environnement action (SEA).

Le 18 juin 2018, il s’est vu notifier son licenciement pour motif économique.

Le 21 juin 2018 il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Le 5 juin 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Caen aux fins d’obtenir paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement pour non-respect des critères d’ordre.

Par jugement du 13 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Caen a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

– condamné la société SEA à payer à M. [K] les sommes de :

– 30000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 4 473,65 euros à titre d’indemnité de préavis

– 447,36 euros à titre de congés payés afférents

– 1100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– dit que la moyenne des salaires des trois derniers mois s’établit à 1 936,31euros

– ordonné à la société SEA de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [K] dans la limite de 8 jours d’indemnités

– débouté la société SEA de sa demande reconventionnelle

– condamné la société SEA aux dépens.

La société SEA a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’ayant condamnée au paiement des sommes précitées.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 20 janvier 2023 pour l’appelante et du 11 avril 2022 pour l’intimé.

La société SEA demande à la cour de :

– infirmer le jugement en celles de ses dispositions ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’ayant condamnée au paiement des sommes précitées

– débouter M. [K] de toutes ses demandes

– condamner M. [K] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société SEA à lui payer les sommes de 4473,65 euros à titre d’indemnité de préavis, 447,36 euros à titre de congés payés afférents et 1100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société SEA de sa demande reconventionnelle

– l’infirmer pour le surplus et condamner la société SEA à lui payer les sommes de 35000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement pour non-respect des critères d’ordre et 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 février 2023.

SUR CE

1) Sur le motif du licenciement

M. [K] a été licencié pour le motif ainsi exposé dans la lettre de licenciement :

‘Arrêt de l’exploitation du centre de stockage de déchets non dangereux sur la commune d'[Localité 5], conformément aux dispositions de l’arrêté préfectoral complémentaire, délivré à la société SEA par Monsieur le Préfet du Calvados en date du 3 mai 2017″.

La lettre ajoutait qu’en dépit des recherches effectuées au sein du groupe il n’avait pas été trouvé de poste de reclassement.

Il est constant qu’aux termes de l’arrêté préfectoral visé l’autorisation d’exploitation du centre de stockage n’a été accordée que jusqu’au 31 décembre 2018 au plus tard, cette durée incluant la phase finale de remise en état du site d’une durée de 6 mois, de sorte que la cessation d’activité du site d'[Localité 5] n’est pas contestable dans ces termes.

Le salarié soutient exactement que seule une cessation d’activité complète peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, une cessation partielle ne pouvant en être une qu’en cas de difficultés économiques, mutation technologique ou réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.

Une discussion oppose les parties sur la réalité d’une cessation totale d’activité de la société SEA (à ce stade du raisonnement seule doit être envisagée la réalité de la cessation de l’entreprise et non celle des sociétés du groupe dont elle ferait partie), le salarié soutenant que la société SEA dispose de deux autres établissements, l’un à [Localité 8] et l’autre à [Localité 4], ce dont il veut pour preuve un extrait infogreffe faisant mention de trois établissements ayant tous pour activité indiquée ‘traitement et élimination des déchets non dangereux’ et une page internet de la société SEA qui mentionne ‘une installation de stockage de déchets non dangereux’ à proximité de [Localité 3] et évoque ‘le site’ tout en mentionnant deux adresses ‘SEA [Adresse 7] [Localité 4]’ et ‘SEA centre de traitement d'[Localité 5].

La société SEA expose que le site de [Localité 8] n’est que le siège social auquel n’est rattaché aucun salarié et que l’établissement de [Localité 4] n’est qu’un siège administratif sans exploitation auquel n’est demeuré attaché qu’un seul salarié (M. [I]) spécialisé dans la surveillance du site à raison de l’existence d’une garantie financière post-exploitation pendant une période de 30 ans.

L’existence de cette garantie est attestée par l’arrêté préfectoral.

Le salarié soutient en outre que l’incidence de la cessation d’exploitation sur son emploi n’est pas établie dès lors que seuls trois salariés ont été licenciés en juin 2018 et que trois autres étaient présents sur site et ont vu leur contrat de travail maintenu.

Sur ces trois autres salariés il est exposé par la société SEA que M. [I] responsable du site a été maintenu dans les conditions et aux fins susvisées et que les deux autres salariés ont été maintenus pour la période de remise en état du site de 6 mois car plus qualifiés à cette fin, l’exploitation ayant cependant cessé.

Le registre du personnel confirme que M. [Z] conducteur d’engin a été licencié le 12 décembre 2018, M. [X] conducteur d’engin a été licencié le 17 décembre 2018 et que M. [P] conducteur d’engin a été licencié le 20 mars 2019, tous trois pour motif économique.

Il s’avère ainsi qu’à la date du licenciement de M. [K] si l’exploitation du centre de stockage avait cessé, l’activité sur le site n’avait pas cessé puisqu’elle nécessitait selon l’employeur lui-même le maintien en poste de deux salariés en sus du responsable de site.

À la date à laquelle il a été prononcé, le licenciement ne pouvait donc être fondé sur le seul motif de l’arrêt de l’exploitation, sauf à expliquer et justifier en quoi il impliquait la suppression du poste de M. [K] plutôt que celui d’autres salariés également conducteurs d’engin, ce qui n’a pas été le cas dans la lettre de licenciement et ne l’est pas davantage dans le cadre de l’instance.

Par ailleurs, s’agissant de l’obligation de reclassement, il n’est pas contesté que la société SEA fait partie du groupe [L] qui suivant les extraits de site internet produits par le salarié est constitué de plus d’une vingtaine de sociétés et compte 690 salariés.

La société SEA expose avoir circonscrit ses recherches à quatre sociétés ‘les plus actives au sein du groupe et susceptibles d’accueillir les trois salariés licenciés eu égard à leur parcours professionnel et leurs lieux d’habitation’ (les sociétés Climafroid, Daligault, Viria et Sacab) puis indique que le site internet n’est pas à jour et que depuis 2016 le groupe a perdu une branche d’activité, ne compte plus que 166 salariés et 7 sociétés actives qui emploient du personnel ouvrier.

Elle produit une feuille volante faisant état de l’effectif au 1er décembre 2021 qui ne saurait renseigner en rien sur la situation au moment du licenciement et produit en outre un rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés au 31 mars 2018 du groupe [L].

En page 11 et 12 de ce rapport figurent deux organigrammes faisant mention pour la SA [L] de la détention d’une partie du capital de 7 sociétés parmi lesquelles une société Sacab et la société Ets Patin et de la détention par cette dernière d’une partie du capital de 4 sociétés parmi, lesquelles une société Viria elle-même détentrice de capital dans 5 sociétés parmi lesquelles la société Climafroid.

En ne produisant que ces éléments à l’exclusion d’autres éléments de nature à justifier de ses affirmations (au demeurant partielles) sur l’activité prétendument distincte des sociétés non consultées qui ne permettrait pas une permutation du personnel alors qu’elle reconnaît par ailleurs avoir fait une recherche au sein des ‘sociétés les plus actives et susceptibles d’accueillir les salariés’ ce qui n’est pas le critère qui devait la guider, la société SEA ne justifie pas avoir sérieusement satisfait à son obligation de reclassement.

Pour l’ensemble de ces motifs le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2) Sur le rappel d’indemnité de préavis

Compte tenu de ce qui précède, il sera fait droit à la demande de rappel d’indemnité de préavis, seules les sommes versées par l’employeur au salarié pouvant, en cas d’adhésion au CSP, être déduites de la créance au titre de l’indemnité de préavis et non celles versées par l’employeur à Pôle emploi.

3) Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La rupture sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à des dommages et intérêts en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail.

En effet, d’une part, eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée, les dispositions de l’article 24 de celle-ci ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

D’autre part, aux termes de l’article 10 de la Convention n°158 de l’organisation internationale du travail (OIT), les organismes mentionnés à l’article 8 de la convention doivent, s’ils arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée, que ces stipulations sont d’effet direct en droit interne, que selon la décision du Conseil d’administration de l’OIT le terme ‘adéquat’ visé à l’article 10 signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injusitifé, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Or, les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail, et notamment celles de l’article L.1235-3 qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 précité avec les stipulations duquel elles sont compatibles.

En conséquence, M. [K] est fondé à réclamer une indemnité comprise entre 3 et 15 mois de salaire, compte tenu de l’ancienneté.

Les pièces qu’il produit établissent qu’il est resté après le licenciement dans une situation précaire d’intérim.

En considération de ces éléments lui sera allouée une indemnité de 25000 euros sur la base d’un salaire mensuel moyen de 2236,82 euros et le jugement sera donc infirmé sur le quantum alloué.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en celles de ses dispositions ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société SEA au paiement d’une indemnité de préavis.

L’infirme pour le surplus et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la société SEA à payer à M. [K] les sommes de :

– 25000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonne le remboursement par SEA à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [K] dans la limite de 3 mois d’indemnités.

Condamne la société SEA aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD L. DELAHAYE

Questions / Réponses juridiques

Qu’est-ce qu’une clause de non-concurrence dans le secteur de l’expertise comptable ?

La clause de non-concurrence est un dispositif contractuel qui interdit à un salarié, après la cessation de son contrat de travail, d’exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur. Dans le secteur de l’expertise comptable, cette clause peut être particulièrement étendue, englobant diverses activités telles que l’expertise comptable, le conseil juridique, et le commissariat aux comptes.

Cette clause doit respecter certaines conditions pour être considérée comme licite. Elle doit être justifiée par des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps (généralement à trois ans), et dans l’espace (souvent un rayon de 50 kilomètres). De plus, elle doit comporter une contrepartie financière, souvent fixée à un pourcentage de la rémunération moyenne perçue par le salarié.

Quels sont les éléments constitutifs d’une clause de non-concurrence valide ?

Pour qu’une clause de non-concurrence soit valide, elle doit respecter plusieurs critères. Tout d’abord, elle doit être justifiée par des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qui signifie qu’elle doit protéger des informations sensibles ou la clientèle de l’employeur.

Ensuite, la clause doit être limitée dans le temps, généralement à une durée maximale de trois ans, et dans l’espace, souvent à un rayon de 50 kilomètres autour des lieux où le salarié a exercé ses fonctions.

La clause doit également comporter une contrepartie financière, qui ne peut être inférieure à 25 % de la rémunération mensuelle moyenne perçue par le salarié au cours des 24 derniers mois. Cette contrepartie est versée pendant toute la durée de l’interdiction.

Quel est un exemple de clause de non-concurrence valide ?

Un exemple de clause de non-concurrence valide pourrait être formulé comme suit :

« En cas de cessation d’effet du présent contrat, le collaborateur s’interdit de s’engager au service d’une entreprise exerçant des activités telles que l’expertise comptable, le conseil juridique, ou toute autre activité susceptible de concurrencer l’employeur. Cette interdiction est valable pour une durée de trois ans et dans un rayon de 50 kilomètres à partir des lieux d’exercice du collaborateur. »

Cette clause précise les activités interdites, la durée de l’interdiction, et le périmètre géographique, tout en stipulant que le collaborateur percevra une indemnité mensuelle de 25 % de sa rémunération moyenne en cas de licenciement.

Comment la clause de non-concurrence est-elle encadrée par la convention collective ?

La clause de non-concurrence est encadrée par la convention collective des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes. Selon l’article 8.5.1 de cette convention, le contrat de travail peut comporter une clause de non-concurrence, mais celle-ci doit être limitée à une durée maximale de trois ans et au champ d’intervention de l’employeur.

De plus, la clause doit être assortie d’une contrepartie pécuniaire, dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle moyenne perçue par le salarié. La convention précise également que l’employeur peut renoncer à cette clause ou en réduire la durée, sous certaines conditions.

Quels sont les enjeux juridiques liés à la violation d’une clause de non-concurrence ?

La violation d’une clause de non-concurrence peut entraîner des conséquences juridiques significatives pour le salarié. En cas de non-respect de cette clause, l’ancien employeur peut demander la cessation immédiate de l’activité concurrente du salarié, souvent sous astreinte financière.

De plus, le salarié peut être tenu de rembourser les indemnités perçues au titre de la clause de non-concurrence durant la période de violation. Cela signifie que si un salarié travaille pour un concurrent alors qu’il est sous le coup d’une clause de non-concurrence, il pourrait être contraint de restituer les sommes perçues pendant cette période.

Quel a été le cas d’une salariée condamnée pour violation de sa clause de non-concurrence ?

Dans une affaire récente, une salariée a été condamnée pour avoir violé sa clause de non-concurrence en travaillant pour une entreprise concurrente, la société Ctech, après avoir démissionné de son poste. La cour a constaté que la clause de non-concurrence était valide et que la salariée avait effectivement exercé une activité concurrente, ce qui constituait un trouble manifestement illicite.

La cour a ordonné à la salariée de cesser immédiatement son activité concurrente et a également statué qu’elle devait rembourser à son ancien employeur, la société Fiduciaire Nationale d’Expertise Comptable, une somme de 3 969,31 euros au titre de la contrepartie financière indûment perçue pendant la période de violation de la clause.


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