Validité de la signification et prescription des créances : enjeux et conséquences.

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Validité de la signification et prescription des créances : enjeux et conséquences.

L’Essentiel : La SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE a réalisé des travaux d’étanchéité pour Madame et Monsieur [X], qui n’ont pas réglé les dernières factures. Une ordonnance d’injonction de payer a été émise le 4 avril 2023, mais Monsieur [V] [X] a formé opposition. Le 8 novembre 2023, les époux ont demandé la nullité de l’ordonnance, arguant d’une signification incorrecte. La SARL a contesté cette opposition, mais le juge a jugé la signification régulière. Finalement, l’action en paiement a été déclarée irrecevable en raison de la prescription de deux ans, condamnant la SARL aux dépens.

Exposé du litige

La SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE a effectué des travaux d’étanchéité pour Madame et Monsieur [X] dans leur maison. Cependant, ces derniers n’ont pas réglé les deux dernières factures.

Ordonnance d’injonction de payer

Le 4 avril 2023, une ordonnance a été émise, ordonnant à Monsieur [V] [X] et Madame [J] [X] [H] de payer 12.361,54 euros, plus des intérêts, ainsi qu’une somme de 173,74 euros pour la sommation de payer. Cette ordonnance a été signifiée le 19 mai 2023.

Opposition à l’ordonnance

Monsieur [V] [X] a formé opposition à l’ordonnance le 10 juin 2023, enregistrée le 14 juin 2023. L’opposition a été notifiée à la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE le 21 juin 2023.

Conclusions des parties

Le 8 novembre 2023, Monsieur [V] [X] et Madame [J] [H] ont déposé des conclusions demandant la nullité de l’ordonnance d’injonction de payer, ainsi que la recevabilité de leur opposition. Ils soutiennent que l’ordonnance n’a pas été signifiée correctement à Madame [J] [H], ce qui aurait empêché le délai d’opposition de commencer à courir.

Arguments de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE

Dans ses conclusions, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE a demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’opposition de Madame [J] [H] et a contesté la prescription de son action en paiement, affirmant que le délai de prescription avait été interrompu par la signification de l’ordonnance.

Régularité de la signification

La signification de l’ordonnance a été jugée régulière, car elle a été effectuée dans les délais et selon les procédures appropriées. Madame [J] [H] ne peut pas revendiquer une erreur d’identité, car elle a été connue sous le nom de [X] dans les documents contractuels.

Recevabilité des actions

L’opposition de Monsieur [V] [X] a été jugée recevable, tandis que celle de Madame [J] [H] a également été considérée comme recevable, car le délai d’opposition n’avait pas commencé à courir.

Irrecevabilité de l’action en paiement

L’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE a été déclarée irrecevable en raison de la prescription de deux ans, les factures ayant été émises plus de deux ans avant la signification de l’ordonnance.

Décision finale

Le juge a déclaré l’ordonnance d’injonction de payer régulière, a constaté la recevabilité des oppositions, et a déclaré l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE irrecevable, condamnant cette dernière aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la régularité de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer

L’article 1411 du code de procédure civile stipule que l’ordonnance en injonction de payer doit faire l’objet d’une signification aux débiteurs par exploit de commissaire de justice, à l’initiative du créancier, dans les six mois de sa date.

À défaut, l’ordonnance portant injonction de payer est non-avenue.

Dans cette affaire, l’ordonnance en injonction de payer en date du 04 avril 2023 a été signifiée, par actes séparés, le 19 mai 2023, à Monsieur [V] [X] et à Madame [J] [X].

Il a été constaté que l’exploit a été remis à étude, après vérification que le nom de Madame [J] [X] figurait sur la boîte aux lettres à l’adresse indiquée, et qu’un voisin a confirmé son identité.

Les documents versés au dossier, tels que les devis signés et le procès-verbal de réception des travaux, montrent que Madame [J] [H] a toujours été connue sous le nom de [X].

Elle ne peut donc pas se prévaloir d’une inexactitude de sa situation matrimoniale pour contester la signification.

Ainsi, la signification de l’ordonnance d’injonction de payer à Madame [J] [X] est régulière, ayant été effectuée dans le délai imparti.

Sur la recevabilité des actions de Madame [J] [H] et de Monsieur [V] [X]

Les articles 1416, 1418 et 1422 du code de procédure civile précisent que l’opposition doit être formée dans un délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance.

Cependant, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne.

Monsieur [V] [X] a formé opposition le 10 juin 2023, soit dans le délai d’un mois, ce qui rend son opposition recevable.

Concernant Madame [J] [H], bien qu’elle n’ait pas formé opposition dans le délai d’un mois, il est établi que l’ordonnance a été signifiée à étude et qu’aucun acte n’a été signifié à sa personne.

Ainsi, le délai pour faire opposition n’a pas commencé à courir pour elle.

Elle est donc toujours recevable dans son action visant à contester l’ordonnance d’injonction de payer.

Sur la recevabilité de l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE

L’article L. 218-2 du code de la consommation stipule que l’action des professionnels pour les biens et services fournis aux consommateurs se prescrit par deux ans.

L’article 2224 du code civil précise que le point de départ du délai de prescription se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action.

Dans le cas présent, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE réclame le paiement de factures datées des 23 décembre 2020 et 22 février 2021.

Ces factures ont été émises plus de deux ans avant la signification de l’ordonnance d’injonction de payer, le 19 mai 2023.

Ainsi, l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE est déclarée irrecevable, le délai de prescription biennale étant acquis.

L’ordonnance d’injonction de payer ne peut donc pas être utilisée pour interrompre ce délai, car elle n’est pas considérée comme une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil.

Sur les autres demandes

La SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE, ayant succombé au principal, conservera ses dépens.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cependant, dans cette affaire, il a été décidé qu’il n’y a pas lieu à application de ces dispositions, en raison des circonstances de l’affaire.

Ainsi, le tribunal a statué en faveur de la régularité de l’ordonnance d’injonction de payer, tout en déclarant l’opposition de Monsieur [V] [X] recevable et celle de Madame [J] [H] également recevable.

L’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE a été déclarée irrecevable, et les dépens ont été mis à sa charge.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS

MISE EN ÉTAT

PREMIERE CHAMBRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE RENDUE LE 21 NOVEMBRE 2024

Numéro de rôle : N° RG 23/02509 – N° Portalis DBYF-W-B7H-I2K2

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Georges PIRES de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocats au barreau de TOURS,

ET :

DÉFENDEURS :

Monsieur [V] [X], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Vincent DAVID de la SARL ARCOLE, avocats au barreau de TOURS,

Madame [J] [H] épouse [X], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Vincent DAVID de la SARL ARCOLE, avocats au barreau de TOURS,

ORDONNANCE RENDUE PAR :

JUGE DE LA MISE EN ÉTAT : V. ROUSSEAU

GREFFIER : C. FLAMAND

DÉBATS :

A l’audience du 10 Octobre 2024, le Juge de la mise en état a fait savoir aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

FAITS ET PROCEDURE :

La SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE a réalisé des travaux d’étanchéité dans une maison d’habitation, située [Adresse 1] pour le compte de Madame et Monsieur [X].
Ces derniers ne se sont pas acquittés des deux dernières factures.

Par ordonnance du 04 avril 2023, sur requête de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE, il a été enjoint à Monsieur [V] [X] et Madame [J] [X] [H] de payer la somme de 12.361,54 euros au principal, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 décembre 2022 et la somme de 173,74 euros au titre de la sommation de payer.
L’ordonnance a été signifiée à étude, le 19 mai 2023, à Monsieur [V] [X] et à Madame [J] [X].

Le 10 juin 2023, Monsieur [V] [X] a formé opposition par déclaration au greffe, enregistrée le 14 juin 2023.

Le 21 juin 2023, l’opposition à l’ordonnance portant injonction de payer a été notifiée à la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE.

Le 08 novembre 2023, Monsieur [V] [X] et Madame [J] [H] ont déposé, par l’intermédiaire de leur conseil, des conclusions d’incident.
L’affaire a été appelée en audience d’incident de mise en état le 21 mars 2024, renvoyée à plusieurs reprises à la demande des parties pour être plaidée le 10 octobre 2024.
La décision a été mise en délibéré au 21 novembre 2024.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 09 octobre 2024, Monsieur [V] [X] et Madame [J] [H] demandent au tribunal, de :

A titre principal,
– Déclarer nulle et non-avenue l’ordonnance d’injonction de payer ;
A titre subsidiaire,
– Déclarer leur opposition à l’ordonnance d’injonction de payer recevable ;
– Déclarer l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE irrecevable ;
– Condamner la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE aux dépens ;
– Condamner la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE à leur payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Pour conclure au caractère nul et non avenue de l’ordonnance portant injonction de payer, Monsieur [V] [X] et Madame [J] [H], se fondant sur l’article 1411 du code de procédure civile, exposent que celle-ci n’a pas été signifiée régulièrement à Madame [J] [H], l’acte de signification ne visant que Madame [X] et ayant été déposée à étude, ne lui permettant pas de le refuser. Dans ces conditions, ils font valoir que le délai pour former opposition n’a jamais commencé à courir la concernant et dès lors, Madame [J] [H] ne saurait être privée de la faculté de contester l’ordonnance litigieuse.

Pour conclure à l’irrecevabilité des prétentions adverses, Monsieur [V] [X] et Madame [J] [H], se fondant sur les dispositions de l’article L. 218-2 du code de la consommation, font valoir une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE. Ils soutiennent en effet que les créances dont cette dernière réclame le paiement, sont prescrites dès lors que les factures litigieuses les établissant ont été établies, les 23 décembre 2020 et 22 février 2021, soit plus de deux ans avant la signification de l’ordonnance portant injonction de payer.

*

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 09 octobre 2024, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE demande au tribunal, de :
– Déclarer l’opposition formée par Madame [J] [X] irrecevable ;
– Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les demandeurs à l’égard de Monsieur [V] [X] ;
– Déclarer son action en paiement à l’encontre de Monsieur [V] [X] recevable ;
– Condamner Madame [J] [H] et Monsieur [V] [X] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Répondant au moyen des parties adverses, tiré de la nullité de l’ordonnance portant injonction de payer en raison de l’absence de signification régulière à l’égard de Madame [J] [H], la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE fait valoir la mauvaise foi des demandeurs dès lors que plusieurs actes juridiques dans le cadre de cette procédure ont été établis au nom de Madame [J] [H] épouse [X], dont l’un par son propre conseil. En tout état de cause, elle ajoute que celle-ci ne démontre pas, par des éléments matériels objectifs, qu’elle n’a pas porté le nom [X]. En outre, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE entend faire valoir la théorie de l’apparence pour justifier que celle-ci a été valablement touchée par l’exploit d’huissier lui signifiant l’ordonnance portant injonction de payer.

Pour conclure à l’irrecevabilité de l’opposition formée par Madame [J] [X], se fondant sur les articles 1418, 1422 et 324 du code de procédure civile, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE soulève une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée. Elle entend en effet préciser que l’ordonnance d’injonction de payer lui a été signifiée par exploit d’huissier, par acte séparé, et que seul Monsieur [V] [X] a formé opposition à son encontre. Dès lors l’ordonnance portant injonction de payer produit à son égard les effets d’un jugement contradictoire, doté de l’autorité de la chose jugée. Par ailleurs, elle précise que la partie demanderesse ne peut pas davantage se prévaloir de l’opposition formée par Monsieur [V] [X].
Répondant à la fin de non-recevoir soulevée par les demandeurs, tirée de la prescription de son action en paiement, se fondant sur les articles 2224 du code civil et L. 218-2 du code de la consommation, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE expose que le point de départ du délai de prescription biennale a commencé à courir à la date de l’achèvement des travaux, correspondant à la date de signature du procès-verbal de réception des travaux, le 19 décembre 2021. Elle précise qu’avant la signature de ce procès-verbal, sa créance n’était ni certaine, ni exigible, en raison des désordres dont se plaignaient Madame et Monsieur [X]. En tout état de cause, elle entend souligner, en se fondant sur l’article 2241 du code civil, que le dépôt de sa requête en injonction de payer a interrompu le délai de prescription biennale.

MOTIVATION

I- SUR LA REGULARITE DE LA SIGNIFICATION DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER

Aux termes de l’article 1411 du code de procédure civile, l’ordonnance en injonction de payer doit faire l’objet d’une signification aux débiteurs par exploit de commissaire de justice, à l’initiative du créancier, dans les six mois de sa date. A défaut, l’ordonnance portant injonction de payer est non-avenue.

L’ordonnance en injonction de payer en date du 04 avril 2023, aux noms de Monsieur [V] [X] et de Madame [J] [X] [H], a été signifiée, par actes séparés d’exploits de commissaire de justice, le 19 mai 2023, à Monsieur [V] [X] et à Madame [J] [X].

A la lecture des modalités de la remise de l’acte concernant Madame [J] [X], il a été acté par le commissaire de justice, que l’exploit a été remis à étude, après avoir constaté que le nom de celle-ci figurait sur la boîte aux lettres à l’adresse renseignée, sis [Adresse 1], et la confirmation par un voisin de son nom. L’acte concernant Monsieur [V] [X] a également été remis à étude dans les mêmes circonstances.

Il ressort des pièces versées au dossier et notamment des devis signés entre la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE et les demandeurs à la présente procédure, ou encore du procès-verbal de réception des travaux du 9 décembre 2021, mais encore de la mise en demeure datée du 23 mars 2022, que ces documents, produisant des effets de droit, l’ont été aux noms de Madame et Monsieur [X], sans que Madame [J] [H] ne relève jamais d’erreur quant à son identité.

Madame [J] [H] ne saurait se prévaloir de l’inexactitude de sa situation matrimoniale et de son identité, alors que cette situation a pour origine sa propre négligence. Elle a en effet consenti à être connue par son cocontractant, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE, sous le patronyme de [X]. Malgré la portée juridique de son engagement contractuel, elle n’a pas jugé utile de faire état de ce qu’elle n’était pas mariée avec Monsieur [X], mais simplement liée à ce dernier par un pacte civil de solidarité. Elle ne saurait ainsi se prévaloir de sa propre turpitude pour soutenir ne pas avoir été touchée par la signification de l’ordonnance portant injonction de payer, en soutenant que Madame [X] n’existe pas.

De même, il y a lieu de relever qu’il est acquis, à la lumière de l’ensemble des documents versés au dossier, qu’elle vit à la même adresse que Monsieur [X], [Adresse 1] et que les travaux ont été réalisés à cette adresse.

Dans ces conditions, la signification de l’ordonnance portant injonction de payer à Madame [J] [X], en date du 19 mai 2023, soit moins de six mois après sa date, le 04 avril 2023, est régulière.

II-SUR LA RECEVABILITE DES ACTIONS DE MADAME [J] [H] ET DE MONSIEUR [V] [X]

Aux termes des articles 1416, 1418 et 1422 du code de procédure civile, l’opposition doit être formée dans un délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur. Passé ce délai, l’ordonnance constitue un titre exécutoire produisant les effets d’un jugement contradictoire.

De même, il ressort des dispositions de l’article 324 et de l’alinéa 2 de l’article 1418 du code de procédure civile que toutes les parties sont convoquées devant le tribunal judiciaire en cas d’opposition à une ordonnance portant injonction de payer, mêmes celles qui n’ont pas formé opposition, étant entendu que l’acte d’opposition ne leur profitent pas, ni n’est susceptible de leur nuire.

L’ordonnance en injonction de payer a été signifiée par actes séparés à Monsieur [X] et à Madame [H] le 19 mai 2023, lesquels ont été remis à étude, conformément aux dispositions de l’article 656 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l’opposition de Monsieur [V] [X]

Monsieur [X] a formé opposition par courrier en date du 10 juin 2023, enregistrée au greffe du tribunal judiciaire de Tours le 14 juin 2023, soit dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance portant injonction de payer.
En conséquence, l’opposition formée par Monsieur [X] est recevable, ce qui n’est par ailleurs pas contesté par les parties.

Sur la recevabilité de l’action de Madame [J] [H]

Il ressort de l’ensemble des pièces versées au dossier que, à la date à laquelle l’affaire a été appelée à l’audience de mise en état le 15 janvier 2024, Madame [J] [H] n’avait pas formé opposition de l’ordonnance portant injonction de payer, laquelle lui a été régulièrement signifiée le 19 mai 2023.

L’ordonnance a été signifiée à étude, par la suite, aucun acte n’a été signifié à la personne de Mme [H]. De même, aucune mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens de Madame [J] [H] n’est intervenue à ce stade de l’instance.

En conséquence, le délai d’un mois pour faire opposition n’a en l’espèce pas commencé à courir. L’ordonnance portant injonction de payer n’a donc pas acquis à son encontre les effets d’un jugement contradictoire passé en force de chose jugée.

Dans ces conditions, Madame [J] [H] est toujours recevable dans son action visant à faire opposition à l’ordonnance portant injonction de payer et ce, tant que la présente décision ne lui sera pas signifiée à personne.

Il doit par ailleurs être relevé que son conseil conclut, qu’ » en toute hypothèse « , la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE devra être déclarée irrecevable en ses demandes, en raison du moyen tiré de la prescription des créances dont elle sollicite le paiement.
Aussi, s’il ne résulte pas de manière claire et explicite des écritures de son conseil qu’elle entend former opposition dans le cadre de cette instance, dans l’hypothèse où il était jugé que l’ordonnance portant injonction de payer était régulière, il y a lieu, aux fins d’une bonne administration de la justice, d’admettre que Madame [J] [H] a formé opposition à cette occasion, dans le cadre des conclusions d’incident de son conseil.
En conséquence, il sera constaté que Madame [J] [H] a formé opposition dans le cadre de cette instance et que son action est recevable.
Les moyens développés par la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE à cet égard seront écartés.

III- SUR LA RECEVABILITE DE L’ACTION EN PAIEMENT DE LA SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE

Aux termes de l’article L.218-2 du code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article 2224 du code civil que le point de départ du délai de prescription se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettent d’exercer l’action.

En matière de recouvrement de factures liées à l’exécution de travaux, il est acquis que le droit positif, afin d’harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, prend en compte la date de la connaissance par le professionnel des faits lui permettant d’exercer son action, soit la date d’achèvement des travaux ou de l’exécution des prestations. Il peut néanmoins en être autrement si la loi ou le contrat liant les parties le prévoit.

De même, il doit être précisé que conformément à l’article 2241 du code civil et 1411 du code de procédure civile, si la signification de l’ordonnance portant injonction de payer constitue une citation en justice ayant pour effet d’interrompre le délai de prescription, la simple requête en injonction de payer n’est pas considérée comme une demande en justice au sens de l’article 2241 précité.

En l’espèce, la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE verse aux débats les factures litigeuses dont elle réclame le paiement, datées des 23 décembre 2020 et 22 février 2021, respectivement d’un montant de 6.264.86 euros et 6.096, 68 euros, outre un procès-verbal de réception des travaux daté du 09 décembre 2021, reprenant deux périodes d’interventions, du 08 avril 2019 au 16 février 2021, puis du 08 au 09 décembre 2021  » pour changement de 2 coiffes et de dalles suite pré-réception « .

Le procès-verbal de réception des travaux dans le cadre d’un contrat portant sur la réalisation d’un ouvrage est un préalable obligatoire visant à assurer la mise en œuvre des garanties spécifiques du constructeur. L’exigibilité de la créance n’est en aucun cas conditionnée à l’existence d’une réception des travaux, dès lors qu’en cas de contentieux entre le constructeur et le maitre de l’ouvrage, notamment lorsque celui-ci entend soulever l’existence de désordres, le constructeur peut agir dans le cadre d’une action en paiement de sa créance, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Il doit par ailleurs être souligné que l’intervention de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE les 08 et 09 décembre 2021, n’avait pour autre but que de réparer les désordres constatés par Monsieur [X] et Madame [H], après l’achèvement des travaux le 16 février 2021.

En tout état de cause, la facturation doit être établie dès l’achèvement des travaux, avec obligation réciproque faite à l’acheteur de la solliciter lui-même. Or, la dernière facture litigieuse établie par la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE date du 22 février 2021, et non du 19 décembre 2021.

Plus encore, les factures litigieuses mentionnent toutes deux de manière explicite  » Règlement : à réception de facture « . Autrement dit, le professionnel, SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE avait connaissance de ce qu’il pouvait exercer son action en paiement durant deux années, à compter de la date à laquelle la créance était exigible, soit à réception de la facture par le consommateur. Or, les factures litigeuses ont été émises les 23 décembre 2020 et du 22 février 2021, soit plus de deux ans avant la signification de l’ordonnance portant injonction de payer le 19 mai 2023.

En conséquence, l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE sera déclarée irrecevable, le délai de prescription biennale étant acquis.

IV- SUR LES AUTRES DEMANDES

La société Touraine étanchéité qui succombe au principal conservera ses dépens.
L’équité commande de dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE LA MISE EN ETAT, PAR ORDONNANCE CONTRADICTOIRE, EN PREMIER RESSORT,

DECLARE l’ordonnance portant injonction de payer du 04 avril 2023 régulière ;

DECLARE l’opposition formée par Monsieur [V] [X] recevable ;

CONSTATE l’opposition de Madame [J] [H] à l’ordonnance portant injonction de payer du 4 avril 2023 ;

DECLARE Madame [J] [H] recevable en son action ;

DECLARE l’action en paiement de la SARL SOCIETE TOURAINE ETANCHEITE irrecevable ;
– Condamne la société Touraine étanchéité aux entiers dépens ;
– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi fait et ordonné au Palais de Justice de Tours les jour, mois et an que dessus.

Le Greffier
C. FLAMAND
Le Juge de la mise en état
V. ROUSSEAU


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