Suspension contestée d’une clause de déchéance : enjeux et interprétations en matière de crédit immobilier

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Suspension contestée d’une clause de déchéance : enjeux et interprétations en matière de crédit immobilier

L’Essentiel : La caisse de Crédit mutuel Strasbourg Cathédrale a accordé un prêt à la société civile immobilière Amar, incluant une clause de déchéance du terme. La banque a prononcé cette déchéance, accusant l’emprunteuse de fournir de faux documents, entraînant une enquête pénale. En réponse, l’emprunteuse a assigné la banque en référé pour suspendre la déchéance et obtenir une indemnisation. Elle a contesté la décision de la cour d’appel, arguant que la banque n’avait pas prouvé la fausseté des documents. La cour a rejeté ses demandes, soulignant l’absence de pouvoir du juge des référés pour suspendre la clause de déchéance.

Contexte de l’affaire

La caisse de Crédit mutuel Strasbourg Cathédrale a accordé un prêt à la société civile immobilière Amar pour l’acquisition d’un bien immobilier. Le contrat de prêt incluait une clause de déchéance du terme, permettant à la banque d’exiger le remboursement immédiat en cas de fourniture d’informations inexactes par l’emprunteuse.

Déclaration de déchéance

La banque a décidé de prononcer la déchéance du terme, arguant que l’emprunteuse avait fourni de faux documents pour obtenir le prêt, et qu’une enquête pénale était en cours à ce sujet.

Demande de référé

En réponse à cette décision, l’emprunteuse a assigné la banque en référé, demandant la suspension de la déchéance du terme et le versement d’une provision pour son indemnisation, invoquant un trouble manifestement illicite.

Arguments de l’emprunteuse

L’emprunteuse a contesté la décision de la cour d’appel, soutenant que le juge aurait dû ordonner des mesures conservatoires pour faire cesser le trouble, même en présence d’une contestation sérieuse, et que la banque n’avait pas prouvé la fausseté des documents fournis.

Réponse de la Cour

La cour a rejeté les demandes de l’emprunteuse, affirmant que le juge des référés n’avait pas le pouvoir de suspendre la mise en œuvre de la clause de déchéance, ni de se prononcer sur sa validité ou d’interpréter les documents justifiant cette mise en œuvre.

Violation de l’article 835

La cour d’appel a été critiquée pour ne pas avoir examiné si la clause de déchéance avait été méconnue par la banque, ce qui aurait nécessité une évaluation des preuves fournies par celle-ci pour justifier sa décision. Cette omission a été considérée comme une violation de l’article 835 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire ?

La caisse de Crédit mutuel Strasbourg Cathédrale a accordé un prêt à la société civile immobilière Amar pour l’acquisition d’un bien immobilier.

Le contrat de prêt incluait une clause de déchéance du terme, permettant à la banque d’exiger le remboursement immédiat en cas de fourniture d’informations inexactes par l’emprunteuse.

Quelle a été la décision de la banque concernant la déchéance ?

La banque a décidé de prononcer la déchéance du terme, arguant que l’emprunteuse avait fourni de faux documents pour obtenir le prêt, et qu’une enquête pénale était en cours à ce sujet.

Qu’a fait l’emprunteuse en réponse à la décision de la banque ?

En réponse à cette décision, l’emprunteuse a assigné la banque en référé, demandant la suspension de la déchéance du terme et le versement d’une provision pour son indemnisation, invoquant un trouble manifestement illicite.

Quels arguments a avancés l’emprunteuse ?

L’emprunteuse a contesté la décision de la cour d’appel, soutenant que le juge aurait dû ordonner des mesures conservatoires pour faire cesser le trouble, même en présence d’une contestation sérieuse.

Elle a également affirmé que la banque n’avait pas prouvé la fausseté des documents fournis.

Quelle a été la réponse de la Cour à la demande de l’emprunteuse ?

La cour a rejeté les demandes de l’emprunteuse, affirmant que le juge des référés n’avait pas le pouvoir de suspendre la mise en œuvre de la clause de déchéance, ni de se prononcer sur sa validité ou d’interpréter les documents justifiant cette mise en œuvre.

Quelles critiques ont été formulées à l’encontre de la cour d’appel ?

La cour d’appel a été critiquée pour ne pas avoir examiné si la clause de déchéance avait été méconnue par la banque, ce qui aurait nécessité une évaluation des preuves fournies par celle-ci pour justifier sa décision.

Cette omission a été considérée comme une violation de l’article 835 du code de procédure civile.

Quel est le moyen soulevé par l’emprunteuse ?

L’emprunteuse fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à référé au titre de la demande de suspension de la déchéance du terme du prêt et de rejeter sa demande de provision.

Elle soutient que le juge peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Quels éléments l’emprunteuse a-t-elle mis en avant concernant le trouble manifestement illicite ?

L’emprunteuse se prévalait de l’existence d’un trouble manifestement résultant du prononcé par la banque de la déchéance du terme du prêt, en raison de la prétendue communication de faux documents sans apporter le moindre élément justifiant la fausseté alléguée.

Comment la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision ?

En retenant, pour écarter l’existence d’un tel trouble manifestement illicite, que le juge n’avait pas à suspendre la mise en œuvre de la clause de déchéance du terme ni à en interpréter la portée,

la cour d’appel a méconnu son office, en violation de l’article 835 du code de procédure civile.

CIV. 1

SA9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 novembre 2024

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 667 F-D

Pourvoi n° V 23-23.570

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2024

La société Amar, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-23.570 contre l’arrêt rendu le 18 octobre 2023 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l’opposant à la caisse de Crédit mutuel Strasbourg Cathédrale, anciennement dénommée caisse de Crédit mutuel Strasbourg Gutenberg, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Amar, de la SCP Boucar – Maman, avocat de la caisse de Crédit mutuel Strasbourg Cathédrale, après débats en l’audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 18 octobre 2023), statuant en référé, et les productions, la caisse de Crédit mutuel Strasbourg Gutenberg, désormais dénommée caisse de Crédit mutuel Strasbourg Cathédrale (la banque), a consenti à la société civile immobilière Amar (l’emprunteuse) un prêt destiné à l’acquisition d’un bien immobilier. Le contrat comportait une clause de résiliation ainsi rédigée : « Le prêteur peut, sur simple notification à l’emprunteur et sans autre formalité préalable, se prévaloir de la déchéance du terme et exiger le remboursement immédiat de la totalité des sommes restant dues au titre du crédit dans l’un quelconque des cas ci-dessous : […]
Si l’emprunteur a déclaré ou fourni au prêteur des informations ou des documents qui ne sont pas exacts, sincères et véritables de nature à compromettre le remboursement du crédit. »

2. Soutenant que l’emprunteuse lui avait fourni de faux documents pour obtenir ce prêt et qu’une enquête pénale était en cours, la banque a prononcé la déchéance du terme.

3. L’emprunteuse a assigné la banque en référé afin d’obtenir la suspension de la déchéance du terme en raison d’un trouble manifestement illicite et le paiement d’une provision à valoir sur son indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L’emprunteuse fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à référé au titre de la demande de suspension de la déchéance du terme du prêt et de rejeter sa demande de provision, alors « que le juge peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que l’emprunteuse se prévalait de l’existence d’un trouble manifestement résultant du prononcé par la banque de la déchéance du terme du prêt qu’elle lui avait consenti en raison de la prétendue communication de faux documents sans apporter le moindre élément justifiant la fausseté alléguée ; qu’en retenant, pour écarter l’existence d’un tel trouble manifestement illicite, qu’il ne lui appartenait pas de suspendre la mise en œuvre de la clause de déchéance du terme ni d’en interpréter la portée, cependant qu’il lui incombait de déterminer si la clause en cause avait été méconnue, au besoin en se prononçant sur les conditions de sa mise en œuvre, la cour d’appel a méconnu son office, en violation de l’article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

6. Pour rejeter les demandes de l’emprunteuse, l’arrêt retient qu’il n’entre dans les pouvoirs du juge des référés ni de suspendre la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme du prêt, dès lors que cela aurait pour effet de limiter les effets du contrat liant les parties, ni de se prononcer sur la validité de cette clause ou d’en interpréter la portée, ni de se prononcer sur les informations ou documents de nature à en justifier la mise en oeuvre.

7. En statuant ainsi, alors qu’il incombait au juge des référés, afin de se prononcer sur l’existence du trouble manifestement illicite invoqué par la l’emprunteuse, de déterminer si la clause de déchéance du terme du prêt avait été à l’évidence méconnue par la banque, et, à ce titre, d’examiner les conditions de sa mise en œuvre en appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve que celle-ci produisait pour justifier sa décision, la cour d’appel a violé le texte susvisé.


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