L’Essentiel : Le 5 avril 2024, le tribunal judiciaire de Lille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Me [D] [I], avocat au barreau d’Arras. Suite à une demande de la caisse nationale des barreaux français, une période d’observation de six mois a été instaurée. Le 5 juillet, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire simplifiée. Me [D] [I] a interjeté appel le 30 septembre, contestant la régularité de la procédure et le montant du passif déclaré. Le procureur général a soutenu l’arrêt de l’exécution provisoire, et la cour d’appel a finalement infirmé le jugement de liquidation.
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Ouverture de la procédure de redressement judiciaireLe 5 avril 2024, le tribunal judiciaire de Lille a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Me [D] [I], avocat au barreau d’Arras, suite à une demande de la caisse nationale des barreaux français. Une période d’observation de six mois a été instaurée, et la SELARL [L] [Z] & associés a été désignée comme mandataire judiciaire. Conversion en liquidation judiciaireLe 5 juillet 2024, le tribunal a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire simplifiée. La même SELARL a été désignée comme liquidateur judiciaire. Le bâtonnier de l’ordre des avocats a été chargé d’exercer les actes de la profession d’avocat en lieu et place de Me [D] [I]. La clôture de la procédure a été fixée à six mois, avec une audience prévue pour le 10 janvier 2025. Appel de Me [D] [I]Le 30 septembre 2024, Me [D] [I] a interjeté appel du jugement du 5 juillet 2024. Il a assigné l’ordre des avocats du barreau d’Arras et la SELARL [L] [Z] & associés devant la cour d’appel de Douai, demandant la suspension de l’exécution provisoire du jugement et contestant la régularité de la procédure. Arguments de Me [D] [I]Me [D] [I] a fait valoir que son absence lors de la procédure était involontaire et due à des raisons médicales. Il a contesté la validité de la signature sur les accusés de réception et a soutenu que le montant du passif déclaré était erroné. Il a également présenté des éléments montrant que son activité pouvait être redressée. Réponse de la SELARL et de l’ordre des avocatsLa SELARL [L] [Z] & associés a soutenu que Me [D] [I] avait été régulièrement assigné et qu’il n’avait pas comparu. L’ordre des avocats a également affirmé que la procédure était valide et que Me [D] [I] devait collaborer avec le mandataire judiciaire. Position du procureur généralLe 11 octobre 2024, le procureur général a exprimé un avis favorable à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, soulignant que Me [D] [I] n’avait pas pu faire valoir sa position en raison de la régularité contestée de la procédure. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a constaté que les moyens soulevés par Me [D] [I] étaient suffisamment sérieux pour justifier l’infirmation du jugement de liquidation judiciaire. En conséquence, elle a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 5 juillet 2024. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la procédure de redressement judiciaire et ses implications ?La procédure de redressement judiciaire est régie par les articles L. 631-1 et suivants du Code de commerce. Elle a pour but de permettre à une entreprise en difficulté de poursuivre son activité, de maintenir les emplois et d’apurer son passif. Selon l’article L. 631-1 : « Le redressement judiciaire est ouvert à toute personne physique ou morale qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’elle ne peut surmonter. » Cette procédure implique l’ouverture d’une période d’observation, durant laquelle un mandataire judiciaire est désigné pour assister l’entreprise dans la gestion de ses affaires. La durée de cette période est généralement de six mois, renouvelable une fois, comme le stipule l’article L. 631-8 : « La période d’observation est d’une durée de six mois, renouvelable une fois, sauf décision du tribunal. » En cas d’échec de la procédure de redressement, le tribunal peut prononcer la conversion en liquidation judiciaire, ce qui entraîne la cessation de l’activité de l’entreprise et la liquidation de ses actifs pour rembourser les créanciers. Quelles sont les conditions pour suspendre l’exécution provisoire d’un jugement en matière de liquidation judiciaire ?L’exécution provisoire d’un jugement en matière de liquidation judiciaire est régie par l’article R. 661-1 du Code de commerce. Cet article précise que les jugements rendus en matière de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. L’alinéa 3 de cet article stipule : « Par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux. » Ainsi, pour qu’une demande de suspension de l’exécution provisoire soit acceptée, il faut que les moyens avancés par l’appelant soient jugés sérieux. Dans le cas présent, Me [D] [I] a contesté la régularité de la procédure et a mis en avant des éléments qui pourraient justifier une réévaluation de sa situation financière. Quels sont les droits de l’avocat en cas de procédure collective ?Les droits de l’avocat en cas de procédure collective sont encadrés par le Code de commerce, notamment par les articles L. 721-1 et suivants. L’article L. 721-1 précise que : « Les avocats exercent leur activité dans le respect des règles de la profession et des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables. » En cas de liquidation judiciaire, le bâtonnier de l’ordre des avocats peut être désigné pour exercer les actes de la profession d’avocat en lieu et place de l’avocat concerné, comme cela a été fait dans le jugement du 5 juillet 2024. L’article L. 721-3 précise également que : « L’avocat en liquidation judiciaire doit collaborer avec le mandataire judiciaire et le bâtonnier. » Cela signifie que même en cas de difficultés financières, l’avocat doit continuer à respecter ses obligations professionnelles et collaborer avec les autorités judiciaires. Comment se déroule l’appel d’un jugement en matière de liquidation judiciaire ?L’appel d’un jugement en matière de liquidation judiciaire est régi par les articles 500 et suivants du Code de procédure civile. L’article 500 stipule que : « L’appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement. » Dans le cas présent, Me [D] [I] a interjeté appel le 30 septembre 2024, respectant ainsi le délai légal. L’article 514-3 du même code précise que : « L’exécution provisoire d’un jugement peut être suspendue par le premier président de la cour d’appel, si les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux. » Cela signifie que la cour d’appel doit examiner la régularité de la procédure et les arguments avancés par l’appelant pour décider de la suspension de l’exécution provisoire. Dans cette affaire, les éléments soulevés par Me [D] [I] concernant la régularité des convocations et le montant du passif contesté ont été jugés suffisamment sérieux pour justifier l’arrêt de l’exécution provisoire. |
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024
N° de Minute : 167/24
N° RG 24/00158 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VZKY
DEMANDEUR :
Maître [D] [I]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de Douai
DÉFENDEURS :
S.E.L.A.R.L. [L] [Z] & ASSOCIES prise en la personne de Me [X] [Z] es qualité de liquidateur de Maître [D] [I]
dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Bernard FRANCHI, avocat au barreau de Douai
ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU D’ARRAS
dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de Douai
M. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE DOUAI
représente par M. Christophe DELATTRE, substitu général
PRÉSIDENTE : Michèle Lefeuvre, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 19 juillet 2024 pour remplacer le premier président empêché
GREFFIER : Christian Berquet
DÉBATS : à l’audience publique du 14 octobre 2024
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt cinq novembre deux mille vingt quatre, date indiquée à l’issue des débats, par Michèle Lefeuvre, présidente, ayant signé la minute avec Christian Berquet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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Par jugement réputé contradictoire du 5 avril 2024, le tribunal judiciaire de Lille, saisi par la caisse nationale des barreaux français, a en substance, ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire avec une période d’observation pour une durée de 6 mois à l’encontre de Me [D] [I], avocat inscrit au barreau d’Arras, et désigné la SELARL [L] [Z] & associés, prise en la personne de Me [X] [Z], en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement réputé contradictoire du’5 juillet 2024, le tribunal judiciaire de’Lille a’:
– prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de Me [D] [I] en liquidation judiciaire simplifiée à compter de la décision’;
– désigné la SELARL [L] [Z] & associés, prise en la personne de Me [X] [Z], en qualité de liquidateur judiciaire’;
– désigné le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau d’Arras en vue d’exercer les actes de la profession d’avocat en lieu et place de Me [D] [I] avec faculté de délégation à l’un des membres de la profession, en activité ou retraité’;
– maintenu Mme Aurélie Veron en qualité de juge-commissaire titulaire et M. Damien Cuvillier en qualité de juge-commissaire suppléant’;
– fixé à 6 mois le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée’;
– renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 10 janvier 2025′;
– ordonné la publication et l’exécution provisoire du jugement’;
– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Me [D] [I] a interjeté appel de ce jugement le 30 septembre 2024.
Par actes en date du’26 septembre 2024, Me [D] [I] a fait assigner l’ordre des avocats du barreau d’Arras et la SELARL [L] [Z] & associés devant le premier président de la cour d’appel de Douai aux fins de’voir, suivant ses conclusions soutenues oralement à l’audience’:
– le dire recevable et bien-fondé en ses demandes’;
– y faisant droit, ordonner la suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 5 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Lille’;
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Il avance que’:
– la motivation du premier juge repose en totalité sur son absence lors de la procédure, absence involontaire qui s’explique par des raisons médicales alors qu’il n’avait pas connaissance de la procédure collective ouverte à son encontre. Il ajoute que la signature apposée sur les accusés de réception des lettres recommandées n’était pas la sienne,
– sur les moyens sérieux’:
– l’entière procédure est nulle puisque son courrier a été distrait par une personne qui a signé à sa place, ce qui l’a empêché de se faire représenter, de sorte que le premier juge n’était pas valablement saisi,
– le montant du passif déclaré, à savoir 191’269,35 euros, est vivement contesté puisque’:
– la créance de la Caisse nationale des barreaux français à hauteur initialement de 75’913 euros’a été revue à la somme de 23’523,27 euros et être en attente d’information sur le montant du après retranchement des pénalités, la Caisse nationale des barreau français lui ayant adressé des documents sur une adresse mail non utilisée’;
– faute de faire l’objet d’ordonnances de taxes irrévocables, les créances concernant des demandes de taxe ne pouvaient être déclarées et encore moins admises au passif de la procédure collective’;
– il rapporte la preuve que le développement de son activité, notamment par la cession partielle du cabinet d’avocat de Me [C] concernant les dossiers Levothyrox, et les nombreuses conventions d’honoraires permettent une perspective de redressement et amènera la cour à infirmer le jugement.’
Par conclusions en réponse, la SELARL [L] [Z] & associés a sollicité qu’il lui soit donné acte qu’elle s’en rapporte à la sagesse du premier président sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement rendu le 5 juillet 2024.
Elle fait valoir que’:
– Me [I] n’a pas comparu alors qu’il avait été assigné le 11 mars 2024 par dépôt de l’acte à l’étude du commissaire de justice, qu’il n’a répondu à aucune de ses lettres recommandées avec accusé de réception et ne s’est pas présenté à l’audience du 5 juillet 2024.
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– l’acte introductif d’instance du jugement ouvrant la procédure collective est régulier et que la signature apposée sur l’accusé de réception de la convocation à l’audience du 5 juillet 2024 est similaire à la sienne, de sorte qu’il ne pouvait ignorer l’existence de cette audience,
– il n’apparaît pas qu’il a été informé de la demande de conversion de la procédure en liquidation judiciaire,
– s’il est fait droit à la demande, il est rappelé que la procédure de redressement judiciaire subsiste et que Me [I] se doit de collaborer avec le mandataire judiciaire,
Par conclusions également soutenues à l’audience, l’ordre des avocats du barreau d’Arras demande au premier président de lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte à justice sur l’existence d’un moyen sérieux d’annulation du jugement entrepris et sur sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 5 juillet 2024.
L’ordre rappelle que les règles sur la domiciliation d’un avocat sont strictement encadrées, que Me [I] a bien été assigné à son adresse professionnelle, qu’aucune nullité de la procédure n’est encourue et indique s’en rapporter sur les perspectives de redressement.
Par avis du 11 octobre 2024, le procureur général s’est montré favorable à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 5 juillet 2024, en relevant que Me [I] n’a pu faire valoir sa position en raison de la régularité contestée de la procédure et de ses convocations.
Aux termes de l’article R 661-1 du code de commerce, les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.
L’alinéa 3 de cette disposition prévoit toutefois que par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux.
Il ressort du jugement déféré que la conversion de la procédure de redressement en liquidation litigieuse a été ordonnée au regard de la requête formée par le mandataire judiciaire indiquant que l’ampleur du passif, s’élevant à 186.269,35 euros, ne permettait pas de sauvegarder l’activité de Me [I] qui n’a pas collaboré à la mesure et dont la situation s’avérait irrémédiablement compromise.
Il y a lieu cependant de constater d’une part que suivant le mandataire judiciaire, cette requête n’est pas contradictoire puisque non portée à la connaissance de Me [I] et d’autre part que celui-ci justifie que son passif est moins élevé que retenu par le mandataire liquidateur, le CNBF ayant réduit fortement sa créance.
Me [I] produit également des conventions d’honoraires récentes quoique non signées ainsi qu’une convention de cession d’actif du cabinet du conseil daté du 27 mai 2024 concernant les victimes du levothyrox, laissant supposer qu’une poursuite d’activité avec un plan d’apurement du passif pourrait être envisagée.
Alors qu’il appartiendra en sus à la cour d’examiner la régularité des convocations adressées à Me [I] dans le cadre de la procédure, les moyens relevés ci-dessus apparaissent suffisamment sérieux pour entrainer une infirmation du jugement déféré.
Il s’ensuit qu’il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 5 juillet 2024.
Par ordonnance contradictoire rendue après débats en audience publique,
Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 5 juillet 2024,
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Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Ainsi jugé et prononcé le 25 novembre 2924 par mise à disposition au greffe
Le greffier La présidente
C. BERQUET M. LEFEUVRE
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