L’Essentiel : Le 27 décembre 2024, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la Sas NORMANDIE GRANIT, désignant un liquidateur judiciaire. En réponse, la société a formé appel le 31 décembre, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire. Lors de l’audience du 8 janvier 2025, la Sas a contesté son état de cessation des paiements, soutenant que son activité se développait. Le premier président a reconnu des moyens sérieux pour suspendre l’exécution provisoire, rendant la décision dans l’intérêt de la société, tout en imposant les frais de procédure à la Sas NORMANDIE GRANIT.
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Jugement de liquidation judiciaireLe 27 décembre 2024, le tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] a prononcé la liquidation judiciaire de la Sas NORMANDIE GRANIT, désignant la Selarl [X] [F] représentée par maître [X] [F] comme liquidateur judiciaire. Ce jugement a été rendu avec exécution provisoire de droit. Appel de la décisionLa Sas NORMANDIE GRANIT a formé appel de cette décision par déclaration au greffe reçue le 31 décembre 2024. Elle a ensuite assigné en référé le procureur de la République et le liquidateur judiciaire devant le premier président de la cour d’appel de Rouen pour demander l’arrêt de l’exécution provisoire. Audience et arguments des partiesLors de l’audience du 8 janvier 2025, la Sas NORMANDIE GRANIT, représentée par son conseil, a soutenu sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire. La procureure générale a requis la mainlevée de cette exécution, tandis que le liquidateur judiciaire a choisi de s’en remettre à la décision de la cour. Cadre juridique de l’exécution provisoireL’article R 661-1 du code de commerce stipule que les jugements en matière de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, sauf dans certains cas. Pour arrêter l’exécution provisoire, il appartient à la partie qui en fait la demande de prouver l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation. Motifs de la liquidation judiciaireLe jugement du 27 décembre 2024 a été motivé par l’impossibilité de la Sas NORMANDIE GRANIT de faire face à son passif exigible, sans perspective de redressement. Le tribunal a noté que la société n’avait pas été présente à l’audience du 20 décembre 2024, n’ayant pas reçu la convocation. Arguments de la Sas NORMANDIE GRANITLa Sas NORMANDIE GRANIT a contesté l’état de cessation des paiements, affirmant que son activité de reconditionnement de pierres tombales se développait et qu’elle n’avait aucune dette. Elle a produit des documents comptables pour soutenir ses affirmations, indiquant que certaines écritures étaient mal interprétées. Décision sur l’exécution provisoireAu regard des éléments présentés, le premier président a estimé qu’il existait des moyens sérieux pour arrêter l’exécution provisoire. La décision a été prise dans l’intérêt de la société en attendant la décision de la cour sur le fond. Frais de procédureConformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens ont été mis à la charge de la Sas NORMANDIE GRANIT, étant donné que la décision d’arrêt de l’exécution provisoire a été rendue dans son intérêt. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’arrêt de l’exécution provisoire en matière de liquidation judiciaire ?L’article R 661-1 du code de commerce précise que les jugements rendus en matière de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. Cependant, l’exécution provisoire peut être arrêtée par le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux. Il est important de noter que la partie qui demande l’arrêt de l’exécution provisoire doit prouver l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation. Cela implique de démontrer une erreur sérieuse de droit ou de fait commise par le premier juge, sans que le premier président n’ait à examiner en profondeur tous les arguments des parties. Dans le cas présent, la Sas NORMANDIE GRANIT a soutenu qu’elle n’était pas en état de cessation des paiements et a fourni des éléments de preuve, tels que sa comptabilité et des contrats en cours, pour étayer ses affirmations. Ces éléments peuvent constituer des moyens sérieux pour justifier l’arrêt de l’exécution provisoire. Quels sont les effets de l’appel sur l’exécution provisoire d’un jugement de liquidation judiciaire ?L’article R 661-1 du code de commerce stipule que l’exécution provisoire d’un jugement de liquidation judiciaire est arrêtée de plein droit à compter du jour de l’appel du ministère public. Cela signifie que dès qu’un appel est formé, l’exécution de la décision initiale est suspendue automatiquement. Dans cette affaire, la Sas NORMANDIE GRANIT a formé appel de la décision de liquidation judiciaire, ce qui entraîne l’arrêt de l’exécution provisoire. Cela permet à la société de contester la décision sans subir les conséquences immédiates de la liquidation, tant que l’appel est en cours. Il est également précisé que le premier président de la cour d’appel peut prendre des mesures conservatoires sur requête du procureur général pour la durée de l’instance d’appel, afin de protéger les intérêts des parties en attendant la décision finale. Quels sont les critères pour établir des moyens sérieux d’annulation ou de réformation ?La notion de moyens sérieux d’annulation ou de réformation, selon la jurisprudence, nécessite la démonstration d’une erreur sérieuse de droit ou de fait. Cela implique que la partie qui demande l’arrêt de l’exécution provisoire doit fournir des éléments concrets qui remettent en question la décision du premier juge. Dans le cas de la Sas NORMANDIE GRANIT, elle a fait valoir qu’elle n’était pas en état de cessation des paiements et a présenté des documents comptables et des contrats en cours pour prouver la viabilité de son activité. Ces éléments peuvent être considérés comme des moyens sérieux, car ils montrent une situation financière qui pourrait contredire les conclusions du tribunal de commerce. Il est essentiel que ces moyens soient suffisamment solides pour justifier l’arrêt de l’exécution provisoire, sans que le premier président n’ait à se prononcer sur le fond de l’affaire, qui sera examiné ultérieurement par la cour d’appel. Quelles sont les conséquences de l’absence de passif caractérisé dans une procédure de liquidation judiciaire ?L’absence de passif caractérisé peut avoir des conséquences significatives dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire. En effet, si une société démontre qu’elle n’a pas de dettes ou de créanciers identifiés, cela peut remettre en question la décision de liquidation. Dans le cas de la Sas NORMANDIE GRANIT, la société a produit des éléments prouvant qu’elle n’avait aucune dette, ce qui n’était pas mentionné dans le jugement initial. Le liquidateur judiciaire n’ayant reçu aucune déclaration de créances, cela renforce l’argument selon lequel la société pourrait ne pas être en état de cessation des paiements. Cette absence de passif pourrait donc constituer un moyen sérieux pour justifier l’arrêt de l’exécution provisoire, car elle remet en question la nécessité d’une liquidation judiciaire si la société est en mesure de faire face à ses obligations financières. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 13 JANVIER 2025
DÉCISION CONCERNÉE :
Décision rendue par le tribunal de commerce de terre et de mer du Havre en date du 27 décembre 2024
DEMANDERESSE :
SAS NORMANDIE GRANIT
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre RAMAGE, avocat au barreau du Havre
DÉFENDEURS :
SELARL [X] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparante, non représentée
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
133 boulevard de Strasbourg
[Localité 3]
pris en la personne de l’avocat général à qui le dossier a été communiqué pour ses réquisitions.
DÉBATS :
En salle des référés, à l’audience publique du 8 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 janvier 2025, devant M. Erick TAMION, président de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,
DÉCISION :
réputée contradictoire
Prononcée publiquement le 13 janvier 2025, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signée par M. TAMION, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement réputé contradictoire du 27 décembre 2024 le tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] a, notamment et principalement avec exécution provisoire de droit, prononcé la liquidation judiciaire de la Sas NORMANDIE GRANIT, en désignant la Selarl [X] [F], prise en la personne de maître [X] [F] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par déclaration au greffe reçue le 31 décembre 2024, la Sas NORMANDIE GRANIT a formé appel de cette décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par assignation délivrée le 2 janvier 2025, la Sas NORMANDIE GRANIT a fait assigner en référé le procureur de la République près le tribunal judiciaire du [Localité 3] et la Selarl [X] [F] en qualité de liquidateur judiciaire devant le premier président de la cour d’appel de Rouen, afin d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie le jugement rendu par le tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] le 27 décembre 2024.
A l’audience du 8 janvier 2025, la Sas NORMANDIE GRANIT, représentée par son conseil, a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] du 27 décembre 2024, au soutien de son acte introductif d’instance, auquel il convient de se reporter pour un exposé complet des moyens.
De son côté, la procureure générale près la cour d’appel de Rouen a, par conclusions du 7 janvier 2025, requis la mainlevée de l’exécution provisoire de la décision rendue par le tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] le 27 décembre 2024.
Quant à la Selarl [X] [F] en qualité de liquidateur judiciaire, elle n’était pas représentée. Par courrier transmis le 7 janvier 2025 maître [X] [F] a indiqué qu’elle s’en rapporte à justice sur la levée de l’exécution provisoire.
Sur l’arrêt de l’exécution provisoire
En droit, l’article R 661-1 du code de commerce dispose :
« Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.
Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L. 622-8, L. 626-22, du premier alinéa de l’article L. 642-20-1, de l’article L. 651-2, des articles L. 663-1 à L. 663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l’article L. 663-1-1 et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8.
Les dispositions des articles 514-1 et 514-2 du code de procédure civile ne sont pas applicables.
Par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux. L’exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l’article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l’exécution provisoire, le greffier de la cour d’appel en informe le greffier du tribunal.
En cas d’appel du ministère public d’un jugement mentionné aux articles L. 645-11, L. 661-1, à l’exception du jugement statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, L. 661-6 et L. 661-11, l’exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel. Le premier président de la cour d’appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l’instance d’appel. »
La décision dont il est demandé l’arrêt de l’exécution provisoire a fait l’objet d’un appel comme il a été mentionné dans l’exposé de la procédure.
C’est à la partie qui sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire de rapporter la preuve qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation.
La notion de moyens sérieux d’annulation ou de réformation suppose la démonstration d’une erreur sérieuse de droit ou de fait commise par le premier juge au regard des éléments qui lui ont été soumis, sans qu’il appartienne à la juridiction du premier président de se livrer à un examen approfondi de l’ensemble des moyens et arguments des parties que la cour examinera au fond.
Par jugement du 27 décembre 2024 le tribunal de commerce du [Localité 3], saisi par requête du 12 novembre 2024 du procureur de la République du [Localité 3] aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, a ordonné la liquidation judiciaire de la Sas NORMANDIE GRANIT. Selon le jugement, le ministère public avait été destinataire d’une note du 8 novembre 2024 émanant de la présidente du tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] au sujet de la société ayant « à son encontre des injonctions de payer et ne s’est pas présentée à un entretien de prévention. »
Le jugement retient dans sa motivation que la Sas NORMANDIE GRANIT se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et est par conséquent en état de cession des paiements. Par ailleurs, le premier juge indique qu’il n’y a pas de perspective de redressement ou de cession, ce qui conduit la Sas NORMANDIE GRANIT à être justiciable d’une procédure de liquidation judiciaire.
La Sas NORMANDIE GRANIT fait valoir qu’elle n’a pas été en mesure de se présenter devant le tribunal de commerce lors de l’audience du 20 décembre 2024, n’ayant pas été effectivement destinataire de la lettre de convocation envoyée en recommandé avec accusé de réception et sans qu’il y ait eu de délivrer une citation par acte de commissaire de justice.
Sur les moyens sérieux, la Sas NORMANDIE GRANIT souligne qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements, que son activité commencée en 2021, consistant à reconditionner des pierres tombales funéraires et à les revendre, se développe à partir d’un contrat passé avec la commune du [Localité 3]. A cet égard elle fournit une liste précise de ventes réalisées du 1er avril 2024 au 31 janvier 2025.
La Sas NORMANDIE GRANIT produit sa comptabilité 2023 et 2024, venant d’être déposée au greffe du tribunal de commerce. Elle souligne qu’elle n’a aucune dette, ce qui n’apparaît pas contradictoire avec le jugement entrepris qui ne fait pas état de dettes précises, ni d’un montant de dettes ou encore d’un ou de plusieurs créanciers nommés. A cet égard, il sera relevé que le liquidateur judiciaire désigné n’a reçu aucune déclaration de créances selon l’information donnée dans son courrier daté du 6 janvier 2025, transmis le 7 janvier. De plus la Sas NORMANDIE GRANIT s’est justifiée à l’audience de certaines écritures passées dans sa comptabilité, à l’appui d’une note de son expert-comptable, pour indiquer que le compte clients créditeurs de 83 129 euros est en réalité liés à des encaissements effectués dans l’attente de l’émission des factures et que concernant le compte courant d’associé de 30 427 euros, il est lié à l’un des deux actionnaires, M. [Y] [M], agent général d’assurances, qui n’entend pas dans l’immédiat en demander le remboursement.
Compte tenu de ces éléments traduisant une activité de la société et une absence de passif caractérisé, il existe des moyens de fait sérieux pour arrêter l’exécution provisoire.
Sur les frais de procédure
En application de l’article 696 du code de procédure civile, l’équité commande de mettre les dépens à la charge de la demanderesse dans la mesure où la décision est prise dans son intérêt en attendant la décision de la cour.
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et mise à disposition au greffe,
Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 3] le 27 décembre 2024 (2024-F1003) ayant prononcé la liquidation judiciaire de la Sas NORMANDIE GRANIT ;
Condamne la Sas NORMANDIE GRANIT aux dépens.
Le greffier, Le président de chambre,
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