Suspension de l’exécution provisoire en raison de la situation financière précaire de la caution

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Suspension de l’exécution provisoire en raison de la situation financière précaire de la caution

L’Essentiel : Le 25 octobre 2018, la société Allo Transport a contracté un prêt de 8 300 euros auprès de la Banque CIC Sud Ouest, garanti par sa gérante, Mme [E]. En liquidation judiciaire depuis le 2 février 2023, la banque a assigné Mme [E] pour non-respect de ses engagements. Le tribunal a condamné Mme [E] à rembourser les prêts, mais elle a interjeté appel. Le 21 août 2024, elle a demandé la suspension de l’exécution provisoire, invoquant sa situation financière précaire. Le tribunal a finalement arrêté l’exécution du jugement, condamnant la banque aux dépens et à verser 800 euros à Mme [E].

Contexte de l’affaire

Le 25 octobre 2018, la société Allo Transport, spécialisée dans le transport de personnes, a contracté un prêt professionnel de 8 300 euros auprès de la Banque CIC Sud Ouest, avec un cautionnement solidaire de sa gérante, Mme [J] [E]. Un second prêt de 24 029,18 euros a été souscrit le 15 septembre 2019, également garanti par Mme [E], pour un montant total de 28 835,02 euros.

Liquidation judiciaire et mise en demeure

Le 2 février 2023, la société Allo Transport a été placée en liquidation judiciaire. Le 23 juin 2023, la Banque CIC Sud Ouest a tenté de mettre en demeure Mme [E] de respecter ses engagements, mais cette démarche est restée sans réponse. En conséquence, la banque a assigné Mme [E] devant le tribunal de commerce de Toulouse le 28 septembre 2023.

Jugement du tribunal de commerce

Le 20 décembre 2023, le tribunal a condamné Mme [E] à rembourser des sommes liées aux deux prêts, ainsi qu’à payer des frais d’avocat. Le jugement a également ordonné l’exécution provisoire de la décision et a condamné Mme [E] aux dépens.

Appel et nouvelles procédures

Mme [E] a interjeté appel de cette décision le 15 février 2024. En l’absence d’exécution du jugement, la banque a saisi le conseiller de la mise en état pour radier l’affaire. Le 21 août 2024, Mme [E] a assigné la banque en référé pour suspendre l’exécution provisoire et obtenir des indemnités.

Arguments de Mme [E]

Dans ses conclusions, Mme [E] a fait valoir sa situation financière précaire, justifiant qu’elle ne pouvait pas faire face au paiement des sommes dues. Elle a présenté des documents attestant de ses revenus modestes et de ses charges, notamment un loyer élevé et l’absence de pension alimentaire pour ses enfants.

Considérations du tribunal

Le tribunal a examiné les conséquences manifestement excessives de l’exécution du jugement sur la situation financière de Mme [E]. Il a également relevé un moyen sérieux d’annulation du jugement, en raison de la procédure de signification de l’assignation qui n’avait pas été correctement effectuée par le commissaire de justice.

Décision finale

En conséquence, le tribunal a décidé d’arrêter l’exécution provisoire du jugement du 20 décembre 2023. La Banque CIC Sud Ouest a été condamnée aux dépens et à verser 800 euros à Mme [E] pour les frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement en appel ?

L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsque deux conditions sont réunies :

1. Il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation du jugement.

2. L’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conséquences doivent être appréciées en fonction de la situation du débiteur, notamment ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou celles du créancier en cas de réformation du jugement.

La charge de la preuve incombe à celui qui invoque ces éléments.

En l’espèce, Mme [E] a démontré que sa situation financière précaire ne lui permettait pas de faire face au paiement des sommes dues, ce qui constitue une conséquence manifestement excessive.

Quels sont les éléments à considérer pour établir une situation financière précaire ?

Pour établir une situation financière précaire, plusieurs éléments peuvent être pris en compte, comme le montant des revenus, les charges fixes, et les aides perçues.

Dans le cas présent, Mme [E] a fourni son avis d’imposition, indiquant des revenus totaux de 11 656 euros pour l’année 2023, soit environ 970 euros par mois.

Elle a également présenté une attestation de la CAF, montrant qu’elle perçoit des allocations et prestations sociales totalisant 1 165 euros, ainsi qu’un loyer de 864,17 euros.

Ces éléments cumulés démontrent une situation financière particulièrement difficile, justifiant ainsi la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Quelles sont les obligations du commissaire de justice lors de la signification d’un acte ?

L’article 659 du code de procédure civile impose au commissaire de justice de dresser un procès-verbal détaillant les diligences effectuées pour rechercher le destinataire de l’acte, lorsque celui-ci n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus.

Dans le cas présent, le commissaire de justice a effectué des recherches sur un annuaire en ligne et a trouvé une adresse correspondant à Mme [E]. Cependant, il n’a pas effectué de visite sur place, invoquant un risque d’homonymie.

Cette justification n’est pas suffisante, car le commissaire de justice doit procéder à toutes les investigations nécessaires pour établir le domicile de la personne concernée.

Ainsi, l’absence de diligences appropriées peut constituer un moyen sérieux d’annulation du jugement.

Quels sont les effets d’une décision d’arrêt de l’exécution provisoire ?

L’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement signifie que les effets de ce jugement ne peuvent pas être appliqués tant que l’appel n’est pas tranché. Cela protège le débiteur d’une exécution qui pourrait s’avérer injustifiée si le jugement est réformé.

Dans cette affaire, la cour a décidé d’arrêter l’exécution provisoire du jugement du 20 décembre 2023, ce qui signifie que Mme [E] n’est pas tenue de payer les sommes dues tant que l’appel est en cours.

De plus, la banque CIC Sud Ouest a été condamnée aux dépens et à verser à Mme [E] une somme pour couvrir ses frais irrépétibles, ce qui souligne la protection accordée aux débiteurs dans des situations financières précaires.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E

DU 10 Janvier 2025

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

3/25

N° RG 24/00130 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QOA4

Décision déférée du 20 Décembre 2023

– Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2023J752

DEMANDERESSE

Madame [J] [E]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Ludovic MARIGNOL, substituant Me Laurent SABOUNJI de la SARL LAFAYETTE AVOCATS TOULOUSE, avocat au barreau de Toulouse

DEFENDERESSE

Société SA BANQUE CIC SUD OUEST

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Fatima LAGNAOUI, substituant Me Aurélie LESTRADE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

DÉBATS : A l’audience publique du 06 Décembre 2024 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD

Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 12 décembre 2024, en présence de notre greffière et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :

– avons mis l’affaire en délibéré au 10 Janvier 2025

– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, l’ordonnance contradictoire suivante :

FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS :

Le 25 octobre 2018, la société Allo Transport exerçant une activité de taxi, a souscrit auprès de la Banque CIC Sud Ouest un prêt professionnel de 8 300 euros garanti par le cautionnement solidaire et indivisible de sa gérante, Mme [J] [E].

Le 15 septembre 2019, elle a souscrit auprès de cette même banque un second prêt professionnel de 24 029,18 euros également garanti par le cautionnement de Mme [E] dans la limite de la somme de 28 835,02 euros couvrant le paiement du principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, pour une durée de 62 mois.

Par jugement du 2 février 2023, la société Allo Transport a été placée en liquidation judiciaire.

Par lettre commandée avec accusé de réception du 23 juin 2023, la banque CIC Sud Ouest a vainement mis la caution en demeure d’honorer ses engagements.

Par acte du 28 septembre 2023, elle l’a assignée devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement.

Par jugement réputé contradictoire du 20 décembre 2023, le tribunal a :

– condamné Mme [E] à payer à la banque CIC Sud Ouest les sommes de :

392,50 euros au titre du premier prêt professionnel majorée des intérêts au taux conventionnel de 1,8% à compter du 11 août 2023 jusqu’à parfait paiement,

9 913,79 euros au titre du second prêt professionnel, majorée des intérêts au taux conventionnel de 1,9% à compter du 11 août 2023 jusqu’à parfait paiement,

800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit l’exécution provisoire de plein droit,

– condamné la caution aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Aurélie Lestrade, avocat, sur son affirmation du droit.

Mme [E] a interjeté appel de cette décision le 15 février 2024.

En l’absence d’exécution du jugement, la banque CIC Sud Ouest a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de radiation du rôle de l’affaire sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile.

Par acte du 21 août 2024, Mme [E] a fait assigner sa créancière en référé devant la première présidente de la cour d’appel de Toulouse, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, pour voir :

– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement entrepris,

– condamner la banque CIC Sud Ouest à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 19 novembre 2024 soutenues oralement à l’audience du 6 décembre 2024, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, elle a maintenu ses prétentions initiales.

Suivant conclusions reçues au greffe le 15 octobre 2024, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la banque CIC Sud Ouest demande à la première présidente de :

– débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– la condamner à régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Aurélie Lestrade, avocat sur son affirmation de droit.

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MOTIVATION :

Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces dernières doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La preuve en incombe à celui qui les invoque.

Les conséquences manifestement excessives sont retenues dès lors que l’exécution du jugement litigieux risque de laisser, en cas d’infirmation, des traces d’une gravité telle qu’elle dépasse très largement les risques normaux attachés à toute exécution provisoire.

En l’espèce, Mme [E] excipe de conséquences manifestement excessives tirées de sa situation financière ne lui permettant pas de faire face au paiement des 11’106,29 euros mis à sa charge.

Elle verse aux débats son avis d’imposition sur ses revenus de 2023 qui fait apparaître des revenus totaux de 11 656 euros sur cette année soit approximativement 970 euros par mois.

Elle verse également une attestation de la CAF qui montre qu’elle perçoit différentes allocations et prestations sociales pour un montant global de 1 165 euros. Parmi ces prestations se trouve l’allocation de soutien familial laquelle permet de corroborer le fait qu’elle ne perçoit aucune pension alimentaire pour l’éducation et l’entretien des deux enfants dont elle a seule la charge.

La demanderesse justifie en outre du règlement d’un loyer à hauteur de 864,17 euros.

L’ensemble de ces éléments démontre une situation financière particulièrement précaire empêchant la débitrice de régler les sommes dues et caractérisant de ce fait des conséquences manifestement excessives au sens de l’article 514-3 précité.

Mme [E] se prévaut dans un second temps de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation du jugement au motif que le commissaire de justice n’a pas entrepris les démarches nécessaires à même de lui permettre de lui délivrer l’acte introductif d’instance de sorte que l’assignation est nulle.

Selon l’article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le commissaire de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Il ressort de la lecture du procès-verbal litigieux que le commissaire de justice, à la suite de recherches sur le site ‘pagesjaunes.fr’ a découvert qu’une personne dénommée [J] [E] était domiciliée au [Adresse 4] à [Localité 2], information confirmée par la police municipale locale.

Pour autant, et alors que cette adresse est effectivement celle de la demanderesse, il ne s’est pas rendu sur les lieux au motif d’un ‘risque d’homonymie faute de disposer de l’état civil complet’. Une telle justification n’apparaît pas fondée en ce qu’elle ne permet pas de répondre à l’exigence faite au commissaire de justice de procéder à toutes les investigations nécessaires pour connaître le domicile, la résidence ou le lieu de travail de l’intéressée.

Dès lors, Mme [E] justifie également d’un moyen sérieux d’annulation du jugement rendu le 20 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse.

Il sera en conséquence fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de cette décision.

La SA Banque CIC Sud Ouest, qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [E] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

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PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,

Arrêtons l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 20 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Toulouse,

Condamnons la SA Banque CIC Sud Ouest aux dépens,

La condamnons à payer à Mme [J] [E] la somme de 800 au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE

C. IZARD A. DUBOIS


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