Ne pas conclure un contrat de commande de photographies (réalisation d’un calendrier) présente un risque. Tandis que la S.A. BD MULTI-MEDIA justifie avoir passé commande auprès de l’association HELP pour que celle-ci réalise son calendrier 2021, et l’avoir payé à ce titre, l’association HELP échoue quant à elle à apporter la démonstration qu’elle a bien effectué les prises de vues nécessaires à la réalisation dudit calendrier. La juridiction en a conclu l’absence de réalisation de la prestation et la restitution du paiement versé par le prestataire.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Meaux
16 mars 2022
RG n° 21/04716
Texte intégral
Min N° 22/00177 Association HELP
N° RG 21/04716 – N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCN36
S.A. BD MULTI-MEDIA C/
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 16 mars 2022
DEMANDERESSE :
S.A. BD MULTI-MEDIA
[…]
assistée par Me Manon FRANCISPILLAI, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDERESSE :
Association […]
représentée par Me Nicolas BORDAÇAHAR, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame NAVARRO Hélène Greffier : Madame MAGNIER Emma
DÉBATS:
Audience publique du : 26 janvier 2022
Copie exécutoire délivrée le : 24 mars 2022
à: Me Manon FRANCISPILLAI
Copie délivrée le : 24 mars 2022 à : Me Nicolas BORDACAHAR
EXPOSÉ DU LITIGE
La société BD MUTLI-MEDIA est une société anonyme dont l’activité principale consiste notamment en l’exploitation d’un commerce ayant pour nom d’enseigne DEMONIA et qui vend des produits destinés à des adultes
Dans le cadre de ses activités, la S.A. BD MUTLI-MEDIA a pendant plusieurs années eu recours aux services de l’association HELP, dont le dirigeant est Monsieur A X, pour la réalisation d’un calendrier intitulé DEMONIA. A compter du mois de septembre 2011, la S.A. BD MUTLI-MEDIA a embauché Monsieur X en qualité de photographe traducteur.
Selon un bon de commande daté du 12 mars 2020, la S.A. BD MUTLI-MEDIA a sollicité l’association HELP pour la réalisation du calendrier de l’année 2021, l’objet de la mission étant déterminé ainsi : « 12 pages calendrier 2021 – 1 page couv », pour un montant de 4.000€.
Consécutivement, plusieurs factures ont été émises par l’association HELP, lesquelles ont fait l’objet de plusieurs paiements en espèces intervenus entre le 3 janvier 2020 et le 24 juillet 2020 pour un montant total de 4.450€.
Monsieur A X a quitté les effectifs de la S.A. BD MUTLI-MEDIA le 5 août 2020.
Contestant la réalisation de la prestation objet du bon de commande, la S.A. BD MUTLI-MEDIA, par l’intermédiaire de son conseil, a par courrier du 31 mars 2021, mis en demeure l’association HELP d’avoir à lui restituer la somme de 4.450€.
En réponse, par courrier en date du 13 avril 2021, l’association HELP a fait savoir à la S.A. BD MUTLI MEDIA qu’elle ne restituerait pas lesdites sommes au motif que la prestation avait bien été effectuée, les photographies correspondant à la réalisation du calendrier 2021 lui ayant été transmises par Monsieur X
Par courrier du 21 mai 2021 adressé à l’association HELP, la S.A. BD MUTLI-MEDIA lui a fait savoir qu’aucune prestation de shooting n’avait été réalisée, que les photographies qui lui avaient été restituées par Monsieur X à l’occasion de son départ de l’entreprise correspondaient à d’anciennes prises de vue. Elle la mettait donc une ultime fois en demeure de lui restituer les 4.450€.
En l’absence de règlement amiable du litige, par acte d’huissier du 21 octobre 2021, la S.A. BD MUTLI MEDIA a fait assigner l’association HELP devant le tribunal judiciaire de MEAUX afin de la voir condamnée à lui verser:
4.450€ au titre des factures impayées, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2021, cela jusqu’à complet paiement; 1.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice d’image ; 1.400€ euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les dépens.
Au soutien de sa demande formée au visa des articles 1231-6, 1302 et 1353 du code civil, la S.A. BD MUTLI-MEDIA fait valoir que les factures émises fait mention d’une prestation de shooting photo qui n’a en réalité pas eu lieu. Elle expose que les tickets de caisse qu’elle verse aux débats prouvent que ces factures ont bien été réglées à l’association HELP par Monsieur X lui-même alors qu’il travaillait toujours pour le compte de la S.A. BD MUTLI-MEDIA en qualité de responsable de la boutique DEMONIA et était, à ce titre, habilité à procéder au paiement des factures des prestataires externes. Elle soutient que Monsieur X tente de tromper le tribunal en arguant qu’il a restitué les photos litigieuses alors que les photographies en question correspondent à des shooting antérieurs, comme en atteste l’historique de leur enregistrement informatique. Elle souligne que l’attestation produite par l’association HELP est une attestation de complaisance. Au soutien de sa demande tendant à la condamnation de l’association HELP d’avoir à lui verser 1.000€ de dommages et intérêts, la S.A. BD MUTLI-MEDIA indique avoir subi un préjudice d’image d’autant plus avéré qu’elle a été contrainte d’organiser un nouveau shooting pour la réalisation du calendrier 2021. Enfin, elle expose, s’agissant de la demande de l’association HELP visant à ce que la S.A. BD MUTLI-MEDIA soit condamnée pour procédure abusive, qu’elle n’a eu d’autre alternative que de la faire assigner, cette dernière n’ayant pas hésité à détourner ses fonds.
L’affaire a fait l’objet d’un premier appel à l’audience du 1er décembre 2021, puis été renvoyée et retenue à l’audience du 26 janvier 2022.
Lors de l’audience, la S.A. BD MUTLI-MEDIA assistée par son conseil, maintient l’intégralité de ses demandes telles que figurant dans son assignation et ses conclusions en réponse qu’elle dépose. Elle demande le rejet des demandes adverses.
L’association HELP, représentée par son conseil, reprend les termes de ses conclusions qu’elle dépose à l’audience. Elle sollicite le débouté des demandes formulées à son encontre, la condamnation de la S.A. BD MUTLI-MEDIA à lui payer 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Elle soutient que la demanderesse n’apporte pas la preuve que la prestation convenue n’a pas été réalisée. Elle expose au contraire que la prestation a bien été accomplie puisqu’elle a transmis à la S.A. BD MUTLI MEDIA les photographies nécessaires à la réalisation du calendrier 2021, comme en attestent les témoignages dont elle se prévaut de Messieurs Y et Z, salariés de la S.A. BD MUTLI-MEDIA. Elle précise à ce titre que la société HELP ne lui a pas commandé de prestations de shooting photo, mais uniquement l’utilisation de photographies pour la réalisation de calendriers, sans exiger qu’il s’agisse de nouvelles photographies. Elle ajoute à ce propos que certains calendriers des années précédentes utilisaient d’anciennes photographies. Elle estime que la procédure diligentée par la S.A. BD MUTLI-MEDIA n’a aucun lien avec la prestation de service litigieuse, mais qu’elle trouve son origine dans un différend prud’homal l’opposant à Monsieur X. S’agissant du préjudice d’image allégué par la S.A. BD MUTLI-MEDIA, l’association HELP relève que la demanderesse n’en apporte pas la preuve. Enfin, s’agissant de sa demande indemnitaire sur le fondement d’une procédure abusive, elle la fonde sur la mauvaise foi de la société demanderesse.
La décision a été mise en délibéré au 16 mars 2022
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 Sur l’exécution de la prestation
En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Selon l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette et ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
L’alinéa 1er de l’article 1231-6 du code civil énonce que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Enfin, selon l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. En l’espèce, selon le bon de commande litigieux date du 12 mars 2020, la désignation du service sollicité par la S.A. BD MUTLI-MEDIA auprès de l’association HELP correspond à « 12 pages calendrier 2021 – 1 page COUV » pour un montant de 4.000€.
L’association HELP a édité 8 factures, entre le 3 janvier 2020 et le 24 juillet 2020, ayant pour objet « shooting photo calendrier Demonia 2021 », pour un montant total de 4.450€. n’est pas contesté que ces factures ont été payées en espèces par Monsieur X à l’association HELP alors qu’il était responsable de la boutique DEMONIA.
Ainsi, tandis que la S.A. BD MULTI-MEDIA justifie avoir passé commande auprès de l’association HELP pour que celle-ci réalise son calendrier 2021, et l’avoir payé à ce titre, l’association HELP échoue quant à elle à apporter la démonstration qu’elle a bien effectué les prises de vues nécessaires à la réalisation dudit calendrier.
Il n’est en effet pas contesté que la S.A. BD MUTLI-MEDIA avait habituellement recours au service de l’association HELP pour la réalisation de ses calendriers, ce qui impliquait l’organisation de prises de vue de différents modèles, ainsi que cela ressort notamment du courriel datant de l’année 2012 produit par la demanderesse, et de la qualification même de la prestation de service figurant sur les factures émises par l’association HELP sous le terme « shooting photo calendrier 2021 », un « shooting photo » consistant en une séance pendant laquelle un modèle est photographié par un photographe professionnel sur un thème défini. Or il résulte des pièces versées aux débats que les photos utilisées pour le calendrier 2021 sont anciennes (datant de 2015 à 2019) et n’ont pas fait l’objet de séances photographiques récentes dédiées notamment à la réalisation du calendrier. La restitution de photographies ainsi que de fichiers électroniques par Monsieur X à la S.A. BD MULTI-MEDIA lors de son départ de l’entreprise ne suffit pas à démontrer que l’association HELP a bien effectué la prestation de service objet du litige, d’autant qu’il s’agissait de la restitution de photographies anciennes comme en atteste l’historique informatique d’enregistrement des fichiers. La prestation de service commandée par la S.A. BD MUTLI-MEDIA à l’association HELP ne saurait consister en la restitution de matériels anciens qui appartenaient à la SA BD MULTI-MEDIA puisqu’ils étaient le fruit de commandes antérieures qu’elle avait passées auprès de l’association HELP.
En conséquence, l’association HELP sera condamnée à restituer à la S.A. BD-MULTI-MEDIA la somme de 4.450€, en restitution des sommes indûment payées, en raison de l’inexécution du bon de commande par la défenderesse, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
II/ Sur la demande principale en dommages et intérêts
Même si la S.A. BD MULTI-MEDIA justifie avoir eu recours aux services d’un photographe indépendant pour la réalisation du calendrier 2021, cette dernière n’apporte pas la preuve du préjudice d’image qu’elle allègue et sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre.
III/ Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être réclamés.
Il est constant qu’une procédure abusive ou dilatoire doit être démontrée comme étant une action en justice caractérisée par la mauvaise foi ou le dol ou encore par une faute dont il résulterait un préjudice ; en outre, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas en soi constitutif d’une faute.
En l’espèce, la preuve de la mauvaise foi de la demanderesse ou d’une faute de sa part n’est pas rapportée, étant rappelé qu’il est fait droit à sa demande principale en restitution du prix des factures.
Il convient en conséquence de débouter l’association HELP de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
IVI Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’association HELP, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
L’association HELP, partie condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à la S.A. BD MUTLI-MEDIA une somme qu’il est équitable de fixer à 1.000€ au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés dans la présente procédure judiciaire.
Sur l’exécution provisoire
Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, l’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE l’association HELP à verser à la S.A. BD MUTLI-MEDIA la somme de 4.450 euros, en restitution des sommes indûment payées, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
DÉBOUTE la S.A. BD MUTLI-MEDIA de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’image ;
DÉBOUTE l’association HELP de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE l’association HELP à verser à la S.A. BD MUTLI-MEDIA la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l’association HELP au paiement des dépens de l’instance ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
La greffière La vice-présidente
En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous Huissiers de Justice sur ce requis de mettre ladite décision, décision à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Président et le greffier