Investissement en SCPI : Responsabilités et obligations des intermédiaires financiers en question

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Investissement en SCPI : Responsabilités et obligations des intermédiaires financiers en question

L’Essentiel : Les époux [N] ont acquis vingt-cinq parts de la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 4, dans le cadre d’un investissement « loi Malraux ». Le prêt associé, remboursable in fine, était garanti par les parts de la SCPI et un contrat d’assurance-vie. En 2018, ils ont découvert la liquidation des actifs de la SCPI, entraînant une perte en capital. En 2020, ils ont assigné plusieurs parties en justice, demandant la reconnaissance de responsabilités et des dommages-intérêts. Cependant, le tribunal a débouté leurs demandes, les condamnant à payer des frais, confirmant leur responsabilité dans l’opération d’investissement.

Acquisition des parts de la SCPI

Les époux [N] ont acquis vingt-cinq parts d’une valeur de 8 000 euros dans la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 4, gérée par INTER GESTION REIM, dans le cadre d’un investissement « loi Malraux ». La SCPI a été créée le 10 décembre 2003, avec une durée de quinze ans, sauf prorogation ou dissolution anticipée. Le financement a été réalisé par un découvert sur leur compte à la BNP PARIBAS, en attendant un prêt de 200 000 euros, accepté en juillet 2006.

Conditions du prêt et garanties

Le prêt, remboursable in fine au plus tard le 21 septembre 2021, était garanti par les parts de la SCPI et un contrat d’assurance-vie souscrit par les époux [N] auprès de CARDIF. Un avenant en septembre 2017 a réduit le taux d’intérêt à 1,45 %. En 2013, les époux ont reçu une estimation de leurs avoirs, mais ont découvert en 2018 que la liquidation des actifs de la SCPI était en cours, entraînant une perte en capital.

Actions en justice

Les époux [N] ont assigné plusieurs parties, dont JCS CONSEIL, INTER GESTION REIM, BNP PARIBAS et [K], devant le tribunal judiciaire de Paris en 2020. Ils ont également assigné M. [K] en intervention forcée en 2021. Le juge a rejeté plusieurs fins de non-recevoir, y compris la prescription de l’action et le défaut d’intérêt à agir.

Demandes des époux [N]

Dans leurs conclusions, les époux [N] demandent la reconnaissance de la responsabilité de JCS CONSEIL pour la rédaction du bulletin de souscription, la constatation d’un conflit d’intérêts de la société INTER GESTION REIM, et la transmission de documents au procureur pour des poursuites pour faux. Ils réclament également des sommes importantes pour pertes en capital, intérêts contractuels, et dommages-intérêts.

Réponses des défendeurs

Les défendeurs, dont JCS CONSEIL et [K] & ASSOCIES, demandent le déboutement des époux [N] et la condamnation de ces derniers à des frais. BNP PARIBAS conteste sa responsabilité, affirmant qu’elle n’a pas participé au montage de l’opération et que les époux [N] étaient des emprunteurs avertis.

Fautes reprochées

Les époux [N] reprochent à JCS CONSEIL des manquements à ses obligations d’information et de conseil, ainsi qu’à [K] & ASSOCIES et BNP PARIBAS pour des manquements similaires. Ils soutiennent que ces parties n’ont pas respecté leurs obligations en matière de conseil et d’information, ce qui a conduit à leur perte financière.

Jugement du tribunal

Le tribunal a débouté les époux [N] de leurs demandes et les a condamnés à payer des sommes à BNP PARIBAS et à JCS CONSEIL au titre des frais de justice. Le jugement a également confirmé que les époux [N] étaient responsables de la somme due à BNP PARIBAS, en raison de leur engagement dans l’opération d’investissement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations d’information et de conseil des intermédiaires financiers dans le cadre d’un investissement ?

Les intermédiaires financiers, tels que les Conseillers en Investissements Financiers (CIF) et les Intermédiaires en Opérations de Banque (IOB), ont des obligations précises en matière d’information et de conseil envers leurs clients.

Selon l’article L. 541-1 du Code monétaire et financier, les CIF doivent s’assurer que les conseils fournis sont adaptés à la situation financière, aux objectifs d’investissement et à l’expérience de leurs clients.

De plus, l’article L. 321-2 du Code de la consommation stipule que l’IOB doit fournir des informations claires sur les produits financiers proposés, y compris les risques associés.

Ces obligations sont renforcées lorsque l’investissement implique des montages complexes, comme les prêts in fine, où l’IOB doit évaluer la capacité de remboursement de l’emprunteur et s’assurer que le produit est en adéquation avec ses besoins.

Il est donc essentiel que les intermédiaires respectent ces obligations pour éviter toute mise en cause de leur responsabilité en cas de litige.

Quelles sont les conséquences d’un manquement aux obligations d’information et de conseil ?

Un manquement aux obligations d’information et de conseil peut entraîner la responsabilité de l’intermédiaire financier. En vertu de l’article 1147 du Code civil, le débiteur d’une obligation est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution.

Dans le cadre d’un investissement, si un intermédiaire ne fournit pas les informations nécessaires sur les risques ou ne s’assure pas que le produit est adapté à la situation de l’investisseur, il peut être tenu responsable des pertes subies par ce dernier.

De plus, l’article L. 533-12 du Code monétaire et financier précise que les CIF doivent agir avec diligence et loyauté, ce qui implique une obligation de conseil renforcée.

En cas de litige, les investisseurs peuvent demander des dommages-intérêts pour compenser les pertes résultant de ces manquements, ce qui peut inclure la restitution des sommes investies et des intérêts.

Comment la responsabilité des banques est-elle engagée dans le cadre d’un prêt in fine ?

La responsabilité des banques peut être engagée si elles ne respectent pas leurs obligations d’information et de mise en garde lors de l’octroi d’un prêt in fine.

L’article L. 312-1 du Code de la consommation impose aux établissements de crédit de fournir une information claire et précise sur les caractéristiques des produits de crédit, y compris les risques associés.

En outre, la jurisprudence a établi que les banques doivent évaluer la situation financière de l’emprunteur et s’assurer que le prêt est adapté à ses capacités de remboursement.

Si la banque ne respecte pas ces obligations, elle peut être tenue responsable des conséquences financières pour l’emprunteur, notamment en cas de surendettement ou de perte d’investissement.

Les emprunteurs peuvent alors demander des dommages-intérêts pour compenser les pertes subies en raison de la négligence de la banque dans ses obligations d’information et de conseil.

Quelles sont les implications de la dissolution anticipée d’une SCPI sur les investisseurs ?

La dissolution anticipée d’une SCPI (Société Civile de Placement Immobilier) a des implications significatives pour les investisseurs. Selon l’article L. 214-1 du Code monétaire et financier, la dissolution d’une SCPI entraîne la liquidation de ses actifs, ce qui peut entraîner une perte en capital pour les investisseurs.

Les investisseurs doivent être informés des conséquences de cette dissolution, notamment en ce qui concerne la valorisation de leurs parts et le remboursement des sommes investies.

En cas de perte en capital, les investisseurs peuvent envisager des actions en responsabilité contre les intermédiaires qui les ont conseillés, s’ils estiment que ces derniers n’ont pas respecté leurs obligations d’information et de conseil.

Il est donc crucial pour les investisseurs de comprendre les risques associés à l’investissement dans une SCPI et les implications d’une éventuelle dissolution anticipée sur leur capital.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions délivrées le 14/01/2025
A Me FARES MALOUM
Me PERICARD
Me BAUCH-LABESSE
Me PIA
Me CROQUELOIS

9ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 20/10158 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTAFD

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 14 Janvier 2025
DEMANDEURS

Monsieur [S] [N]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Katia FARES MALOUM, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0391, et Me Serge PAULUS, de la société ORION – Avocats et Conseils, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

Madame [J] [F] épouse [N]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Katia FARES MALOUM, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0391, et Me Serge PAULUS, de la société ORION – Avocats et Conseils, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

DÉFENDEURS

S.A.R.L. [K] ET ASSOCIES
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B036
Décision du 14 Janvier 2025
9ème chambre 2ème section
N° RG 20/10158 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTAFD

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 11]
représentée par Me Nicolas BAUCH-LABESSE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0010

S.A.S. J.C.S CONSEIL Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Maître Anne-sophie PIA de la SELEURL AWKIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0964

Monsieur [B] [K]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Maître Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B036

S.A. INTER GESTION REIM
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Maître Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1119

COMPOSITION DU TRIBUNAL

M. Gilles MALFRE, Premier Vice-président adjoint
Monsieur Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Monsieur Alexandre PARASTATIDIS, Juge

assisté de Madame Camille CHAUMONT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 29 Octobre 2024 tenue en audience publique devant M. Gilles MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 14 janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] et son épouse (les époux [N]) ont acquis vingt-cinq parts d’une valeur de 8 000 euros au capital de la SCPI PIERRE INVESTISSEMENT 4 (la SCPI), dont la société de gestion est la société INTER GESTION REIM, dans le cadre d’un investissement «loi Malraux».

Cette SCPI a été créée le 10 décembre 2003, ses statuts précisant que sa durée est de quinze ans à compter de son immatriculation, sauf prorogation ou dissolution anticipée.

Le financement de cette opération a été réalisé au moyen d’un découvert sur le compte des époux [N] ouvert dans les livres de la BNP PARIBAS, dans l’attente de l’octroi d’un prêt. Cette offre de prêt émise le 20 juin 2006, a été acceptée le 17 juillet 2006, pour un montant de 200 000 euros, avec un taux d’intérêt conventionnel de 3,80 %. L’offre rappelle que l’objet du prêt est le refinancement de l’acquisition des vingt-cinq parts de la SCPI et que ces parts ont été souscrites et libérées le 29 décembre 2005. Ce prêt était remboursable in fine, au plus tard 180 mois après la mise à disposition des fonds, en une seule fois, cette date de remboursement étant fixée au 21 septembre 2021. En garantie de ce prêt, les époux [N] ont nanti au profit de la BNP PARIBAS les parts de la SCPI, par acte du 17 juillet 2006. En outre, a été gagé sur le prêt, le 20 juin 2006, un contrat d’assurance-vie souscrit le 26 décembre 2005 par les époux [N] auprès de la société CARDIF.

Ce prêt a fait l’objet d’un avenant accepté le 4 septembre 2017, ramenant le taux d’intérêts à 1,45 %.

Les époux [N] indiquent que la société [K] leur a transmis en 2013 une estimation de leurs avoirs en euros au 15 novembre 2013, pour leurs parts détenus dans la SCPI. Ils rappellent avoir appris dans la presse que la performance de leur investissement était douteuse et avoir découvert lors de l’assemblée générale de juin 2018 que la liquidation des actifs de la SCPI était en cours, avec pour conséquence une perte en capital. Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 13 juillet 2018, il a été décidé la dissolution anticipée de la SCPI.

C’est dans ces conditions que par actes des 30 septembre et 6 octobre 2020, ils ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société JCS CONSEIL, la société INTER GESTION REIM, la BNP PARIBAS et la société [K].

Par acte du 18 octobre 2021, les époux [N] ont fait assigner M. [K] en intervention forcée. Cette instance a été enrôlée sous le RG 21/13096. Par ordonnance du 9 novembre 2021, elle a été jointe à l’affaire initiale, sous le RG 20/10158.

Par ordonnance du 18 octobre 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action des époux [N], à l’encontre de la BNP PARIBAS, de la société [K] & ASSOCIÉS, de M. [K] et de la société JCS CONSEIL, a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir et de qualité à agir des époux [N], à l’encontre de la société INTER GESTION REIM, de la société JCS CONSEIL, de la BNP PARIBAS, de la société [K] & ASSOCIÉS et de M. [K] et a débouté les époux [N] de leur demande de communication de pièces et des demandes qui en sont la conséquence.

Par conclusions du 22 août 2024, les époux [N] demandent au tribunal de :
– dire que le bulletin de souscription a été établi par M. [X], représentant légal de la société JCS CONSEIL, et de réserver, à défaut d’acquiescement par la société JCS CONSEIL et la BNP PARIBAS, leur droit de solliciter une expertise graphologique de ce bulletin de souscription ;
– constater, au besoin, juger que la société INTER GESTION REIM est en situation de conflit d’intérêts et a agi pour ses propres intérêts et solliciter au besoin, l’avis des autorités de contrôle, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), sur les agissements et le respect des obligations incombant à la société [K] & ASSOCIES, la société JCS CONSEIL, la BNP PARIBAS et la société INTER GESTION REIM et, plus largement, solliciter toutes informations utiles de ces autorités ;
– transmettre au procureur de la République, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, les bulletins de souscription pour que des poursuites soient initiées pour faux et usage de faux ;
– condamner solidairement la société [K] & ASSOCIES, M. [K], la société JCS CONSEIL et la BNP PARIBAS à leur payer la somme de 217 821,64 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 1,45 % sur la somme de 200 000 euros à compter du 14 décembre 2022, au titre du prêt in fine ;
– condamner la société INTER GESTION REIM à leur payer la somme de 217 821,64 euros au titre de la perte en capital ;
– condamner solidairement les cinq défendeurs à leur payer la somme de 111 011 euros au titre des intérêts contractuels du prêt du 20 juin 2006, sur la période 2005-2020, celle de 320 000 euros au titre de la perte de chance d’investir dans un placement immobilier classique sur la période 2005-2020 ;
– condamner solidairement la société [K] & ASSOCIES, la société JCS CONSEIL, la BNP PARIBAS et la société INTER GESTION REIM à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice moral du fait de leur réticence abusive ;
– condamner solidairement les cinq défendeurs à leur payer une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner la compensation des dommages-intérêts alloués avec les sommes réclamées par la société BNP PARIBAS.

Par conclusions du 29 août 2024, la société JCS CONSEIL demande au tribunal de débouter les époux [N] de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 13 mars 2023, la société [K] et ASSOCIES et M. [K] demandent au tribunal, à titre principal de débouter les époux [N] de leurs demandes, à titre subsidiaire d’écarter l’exécution provisoire et, en tout état de cause, de condamner les requérants, chacun, à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions du 2 septembre 2024, la BNP PARIBAS demande au tribunal, à titre principal de débouter les époux [N] de leurs demandes et, reconventionnellement, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 217 821,64 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 1,45 % sur la somme de 200 000 euros à compter du 14 décembre 2022. Subsidiairement, la BNP PARIBAS entend qu’il soit ordonné compensation entre les sommes dues par les demandeurs au titre du prêt in fine avec les condamnations prononcées à son encontre. En outre, elle sollicite que l’exécution provisoire soit écartée, sauf aux époux [N] à constituer une garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. En tout état de cause, elle demande au tribunal de condamner solidairement les requérants à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 2 septembre 2024, la société INTERGESTION REIM demande au tribunal de débouter les époux [N] de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024.

SUR CE

Sur les fautes reprochées à la société JCS CONSEIL :

Les époux [N] exposent que la société JCS CONSEIL, dont le gérant est M. [X], est intervenue pour leur conseiller l’opération d’investissement et a servi d’intermédiaire avec les différents intervenants, en sa qualité de Conseiller en Investissements Financiers (CIF) et d’Intermédiaire en opération de banque (IOB).

Compte tenu de l’expertise graphologique qu’ils ont effectuée, ils estiment qu’il est établi que c’est M. [X] qui a rempli et signé le bulletin de souscription et, qu’en tout état de cause, l’expert a confirmé que l’écriture et la signature apposées sur ce bulletin ne sont pas celles de M. ou Mme [N].

Ils rappellent que la société JCS CONSEIL est intervenue en qualité d’IOB car elle est l’intermédiaire désigné sur les divers documents bancaires relatifs au prêt et aux garanties prises par la banque (pièces 5 et 24).

Ils considèrent que c’est M. [X] qui a rempli et signé le bulletin de souscription et a certainement remis ce bulletin, à leur insu, à la banque et à la société [K] & ASSOCIES, qui est intervenue en qualité de Conseiller en Gestion de Patrimoine (CGP), de sorte que la société JCS CONSEIL ne saurait soutenir n’être intervenue qu’en qualité d’intermédiaire en opérations d’assurance, lors de la souscription du contrat d’assurance-vie CARDIF. Ils estiment dès lors qu’il importe peu que la société JCS CONSEIL ait cédé son portefeuille de contrats d’assurance-vie le 1er août 2020, relevant dans tous les cas que l’acte de cession ne mentionne pas les contrats concernés, outre que cette cession est postérieure à l’introduction de la présente instance, si bien qu’elle ne peut avoir de conséquences sur les responsabilités recherchées. Ils notent d’ailleurs que cette société reconnaît être intervenue pour recommander les services du cabinet [K] comme CGP et les avoir mis en relation avec la BNP PARIBAS.

Ils ajoutent que M. [K] a indiqué dans son courriel du 9 septembre 2019 que M. [X] a été à l’époque l’initiateur de leur souscription.

Les époux [N] font valoir que lorsque le contrat porte sur une opération de crédit, l’IOB doit évaluer les connaissances et l’expérience de son client en matière d’opérations de banque, ainsi que sa situation financière et ses besoins.

Or, ils soulignent que la société JCS CONSEIL n’a pas satisfait à ses obligations d’information et de conseil permettant de vérifier que la proposition d’investissement était en adéquation avec leur situation personnelle, outre qu’aucune information ne leur a été donnée sur la sécurité du montage, la rentabilité promise, ainsi que sur le risque relatif à ce type d’opération, la partie adverse ne produisant aucune pièce sur ce point. Ils notent à cet égard qu’aucune copie de l’acte relatif à la constatation de la réalisation de l’opération ne leur a été remise conformément aux articles L. 341-12 et suivants du code monétaire et financier, alors qu’ils ont été démarchés par la société JCS CONSEIL. Ils indiquent que de même, aucun document relatif à la rémunération de la société JCS CONSEIL, mandatée par BNP PARIBAS, ne leur a été fourni, en violation des dispositions de l’article L. 321-2 du code de la consommation.

Les requérants entendent par ailleurs que le tribunal sollicite de l’ACPR un avis sur la société JCS CONSEIL en sa qualité d’IOB ou, à tout le moins, sollicite de cette autorité la transmission d’informations relatives au respect de la réglementation incombant aux IOB par la société JCS CONSEIL.

Les époux [N] rappellent en outre que c’est M. [X], et donc la société JCS CONSEIL, qui leur a proposé en 2005 l’investissement présenté comme étant sans risque.

Ils notent à cet égard que sur les pièces 44 et 45, la mention « CFP » apparaît sous la rubrique « observations », ce sigle correspondant au « Conseiller Financier et Patrimoniale » et désignant la société JCS CONSEIL en qualité de CIF, peu important que cette société ne soit pas enregistrée en cette qualité alors qu’elle a en pratique rempli ce rôle et qu’elle a en outre pour activité, celles de courtier d’assurance ou de réassurance, de courtier en opérations de banque et en services de paiement, de mandataire d’intermédiaire d’assurance, de mandataire d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, de mandataire exclusif et non exclusif en opérations de banque et en services de paiement.

Or, les demandeurs soutiennent que la société JCS CONSEIL n’a pas respecté ses obligations en qualité de CIF.

En réplique, la société JCS CONSEIL rappelle que son gérant, M. [X], et M. [N] étaient en relations d’affaires dans le cadre de l’activité de concessionnaire automobile du demandeur, que ce dernier a interrogé M. [X] sur les investissements qu’il réalisait à titre personnel, et que M. [X] lui a indiqué avoir investi dans des parts de SCPI, par l’intermédiaire du cabinet [K] & ASSOCIES, de sorte que c’est à cette occasion qu’il a mis en relation les époux [N] avec ce cabinet.

Elle ajoute qu’en parallèle, les époux [N] se sont rapprochés de la BNP PARIBAS auprès duquel un compte a été ouvert afin de leur accorder des facilités de caisse, dans l’attente de la signature du prêt, soulignant ne pas être intervenue dans la souscription de ce prêt.

La société JCS CONSEIL reconnaît être intervenue dans l’opération en qualité de courtier en assurances, afin de transmettre une souscription à un contrat d’assurance-vie auprès de CARDIF le 27 janvier 2006, ce contrat devant être adossé à l’emprunt, précisant qu’il a été mis en gage le 20 juin 2006, par un avenant conclu entre CARDIF et les époux [N], auquel la banque BNP PARIBAS était partie.

La société JCS CONSEIL indique ne pas être intervenue en qualité d’IOB, comme le confirme la BNP PARIBAS, qui affirme que la souscription du prêt a été réalisée par l’intermédiaire d’un courtier, la société WH CONSULTING.

Elle note que les documents que lui opposent les demandeurs ne sont pas des documents bancaires mais sont en lien avec le contrat d’assurance-vie, la société JCS CONSEIL n’étant jamais mentionnée comme IOB mais comme correspondant de l’assureur, la société CARDIF.

Elle souligne que les seules pièces communiquées par les époux [N] et la mentionnant sont le courrier CARDIF du 27 janvier 2006 confirmant la souscription du contrat d’assurance-vie et indiquant que cette souscription a été transmise par la société JCS CONSEIL et un bulletin de rachat du contrat d’assurance-vie, rempli de manière manuscrite par les époux [N] et non tamponné par la compagnie, si bien qu’il n’est pas établi que ce bulletin a été envoyé à la compagnie, et sur lequel les demandeurs ont apposé la mention manuscrite « JCS CONSEILS» comme correspondant CARDIF.

Elle estime que les requérants font une confusion entre CARDIF, assureur, et la BNP PARIBAS, établissement bancaire. Elle rappelle que si elle a travaillé avec la société CETELEM, il s’agit d’une banque distincte de la BNP PARIBAS.

La société JCS CONSEIL soutient également ne pas être intervenue en qualité de CIF.

Elle estime qu’en l’espèce, le CIF était M. [K], les époux [N] reconnaissant d’ailleurs avoir souscrit aux investissements par l’intermédiaire de ce dernier, en qualité de CIF.

Elle rappelle ne pas être immatriculée en qualité de CIF et que le seul fait que son gérant, en sa qualité de proche des époux [N], ait recommandé les services du cabinet [K] en qualité de CGP n’est pas de nature à la rendre solidaire des agissements de ce dernier, outre dans tous les cas que les requérants ne démontrent pas l’avoir investie d’une mission d’assistance patrimoniale.

Elle conteste l’allégation de faux concernant le bulletin de souscription, versant aux débats des documents sur lesquels est apposée la signature de M. [X] et permettant de constater qu’il n’a pas signé le bulletin de souscription. Elle note que le rapport d’expertise graphologique est non contradictoire et qu’il n’établit pas que la signature apposée sur le bulletin de souscription serait un faux. Elle relève que ce rapport repose sur l’examen de photocopies, n’est corroboré par aucun autre élément, que font défaut la qualité et le nombre d’éléments de comparaison, outre une absence de contemporanéité des écrits et signatures de référence. Elle ajoute que l’expert a méconnu les limites de sa mission en retenant l’existence d’une volonté d’usurper les signatures des époux [N] ou encore d’une volonté de signer un engagement financier à la place de ces derniers. Dans tous les cas, même à supposer que la JCS CONSEIL aurait rempli les informations sur le bulletin de souscription, elle estime que cela ne lui confère pas la qualité de CIF ou d’IOB pas plus que n’est remise en cause la portée des engagements des demandeurs dans l’opération à laquelle ils ont consenti.

À titre surabondant, la société JCS CONSEIL soutient que la demande d’expertise graphologique présentée devant la formation de jugement est irrecevable, en application de l’article 789 du code de procédure civile.

Au surplus, alors que sa responsabilité n’est pas recherchée en sa qualité de courtier d’assurance, elle souligne que son portefeuille de contrats d’assurance-vie a fait l’objet d’une cession de branche d’activité dédiée au courtage d’assurance le 1er août 2020 et que depuis cette date, c’est la société [K] & ASSOCIES qui a repris ce portefeuille, dont compris le contrat souscrit par les époux [N] auprès de CARDIF. Elle précise que cette cession porte sur l’ensemble de son activité de courtage d’assurance, en ce compris l’ensemble des droits et obligations, le fait que cette cession soit postérieure à la souscription de l’investissement des époux [N] n’empêchant pas la mise en cause de la société [K] & ASSOCIES à ce titre, dès lors que le transfert de branche emporte transfert des obligations au cessionnaire. Elle note d’ailleurs que les requérants ne peuvent, d’une part, se prévaloir de cette cession pour justifier la mise en cause de la société [K] & ASSOCIES et, d’autre part, refuser son opposabilité pour justifier la mise hors de cause de la société JCS CONSEIL.

Sur les fautes reprochées à la société [K] & ASSOCIES et à M. [K] :

Les époux [N] rappellent avoir assigné en intervention forcée M. [K], en son nom personnel, postérieurement à l’introduction de leur action, puisque la société [K] & ASSOCIES a excipé de son absence de qualité et intérêt à défendre, ayant été immatriculée le 28 février 2012, soit postérieurement à la souscription litigieuse. Pourtant, ils soutiennent que la société [K] & ASSOCIES était depuis l’origine leur interlocuteur privilégié.

Ils indiquent que c’est M. [K], associé gérant de la société [K] & ASSOCIES, qui est intervenu en qualité de CGP indépendant, dans l’opération souscrite en 2005. Ils relèvent que le fonds de commerce par lequel il exerçait alors son activité de CIF, de courtier d’assurance ou de réassurance et de courtier en opérations de banque et en services de paiement a été cédé et repris par la société [K] & ASSOCIES, société qu’il a créée en 2011. Ils estiment que cette société [K] & ASSOCIES a qualité et intérêt à défendre en raison du rachat de l’activité et du portefeuille « de courtage d’assurance-vie CARDIF et de portefeuille d’assurance-vie ODDO » dont était propriétaire la société JCS CONSEIL.

Ils reprochent à la société [K] & ASSOCIES et à M. [K] de ne pas avoir rempli leurs obligations en qualité de CIF et de CGP, aucun document précontractuel ou contractuel relatif aux obligations de conseil, d’information et de loyauté ne leur ayant été remis. Ils soulignent que la société [K] & ASSOCIES leur a uniquement remis, le 26 juin 2019, à la suite d’une demande de M. [N], un bulletin de souscription dont il est apparu qu’il avait été rempli et signé par M. [X].

Ils reprochent à la société [K] & ASSOCIES de ne pas avoir attiré leur attention sur les risques de l’investissement, au regard de leur situation financière, de leur expérience en la matière et de leurs objectifs. Ils notent qu’au contraire la société [K] & ASSOCIES et M. [K] ont transmis une lettre sur la valorisation des parts au 21 novembre 2013 à la somme de 200 000 euros et dans laquelle était garantie et confirmée la valeur des parts. Ils soulignent que la société [K] & ASSOCIES et/ou M. [K] se sont contentés de présenter l’opération dans ses aspects avantageux, avec un résultat garanti.

Ils estiment que le fait, pour la société [K] & ASSOCIES et M. [K], de rappeler, d’une manière d’ailleurs erronée, les différents mandats sociaux qu’exercerait M. [N], est sans intérêt dans le cadre du litige.

Ils entendent que le tribunal sollicite des différentes autorités de contrôle un avis sur la société [K] & ASSOCIES, au regard des obligations incombant aux CIF et CGP ou, à tout le moins, sollicite de ces autorités la transmission d’informations relatives à l’exercice et le respect de la réglementation par cette société.

En réponse, la société [K] & ASSOCIES rappelle qu’elle a été créée le 28 février 2012, soit plus de 6 ans après l’investissement litigieux, de sorte qu’elle ne peut pas avoir commis de fautes.

M. [K] conteste être intervenu en qualité de CIF, relevant que la première pièce où il est mentionné date de 2019, ce qu’il a rappelé aux époux [N] dans un courriel du 26 juin 2019, outre que dans un second courriel du 9 septembre 2019, il a été indiqué que c’était M. [X], ami des époux [N], qui était responsable de la souscription de l’investissement.

Sur les fautes reprochées à la BNP PARIBAS :

Les époux [N] reprochent à la banque, d’une part, des manquements à ses obligations d’information et de conseil.

Ils soutiennent que la BNP PARIBAS a permis à l’opération d’être réalisée par l’octroi de la facilité de caisse transformée en prêt in fine, sans qu’elle ne vérifie l’adéquation du prêt à leur situation.

Ils considèrent que dans ce type de montage, la banque est tenue d’apporter à son client même averti une information adaptée à son degré de connaissance, sa situation personnelle et ses objectifs, dont elle doit s’enquérir préalablement, lorsqu’elle propose un tel investissement, outre que la banque doit délivrer aux investisseurs les informations sur les risques liés à l’investissement proposé, ajoutant qu’en matière de prêt in fine, ces obligations sont renforcées.

Ils estiment qu’il importe peu que le produit ait été ou non proposé par la banque.

Ils rappellent que pendant plus de six mois, ils ont dû régler des intérêts liés à la facilité de caisse qui leur a été accordée d’une manière précipitée et sans vérification de leur situation, au taux de 16,39 %, outre que ce découvert les a contraints d’accepter le prêt. Ils soutiennent que ce prêt in fine n’était pas adapté à leurs besoins, notamment au regard de son coût global, outre que la banque n’a pas attiré leur attention sur l’aléa inhérent à l’investissement et à ce type de prêt, ajoutant qu’aucune modalité de remboursement du capital n’a été prévue, le contrat d’assurance-vie CARDIF n’ayant jamais été alimenté.

Si la BNP PARIBAS fait valoir qu’elle n’est intervenue qu’en qualité de dispensateur de crédit, postérieurement au montage de l’opération et sans participer à celui-ci, ils notent que l’investissement a été financé par la facilité de caisse octroyée dès l’origine de la souscription des parts.

Si la banque leur oppose le fait que le compte bancaire depuis lequel le versement du prix d’acquisition a été effectué n’a été ouvert que le 9 décembre 2005, soit un mois après la souscription supposée des parts le 7 novembre 2005, ils relèvent que cette date du 7 novembre 2005 retranscrite sur le bon de souscription ne peut être retenue puisque ce document est un faux. Ils notent à cet égard que l’exemplaire de ce bon de souscription fourni par la banque n’est pas le même que celui que la société [K] & ASSOCIES leur a transmis en 2019. Ils en concluent que la date de souscription des parts de la SCPI est indéterminable et demandent au tribunal de transmettre ces deux documents à M. le procureur de la République, pour que des poursuites soient initiées pour faux et usage de faux. Ils estiment qu’au mieux, la date de souscription des parts doit nécessairement être fixée à la date du paiement confirmée par l’attestation du 30 décembre 2005.

Les époux [N] rappellent qu’ils ne reprochent pas à la banque une absence de mise en garde quant au caractère excessif du prêt, une absence d’information et de mise en garde renforcée quant au prêt in fine, estimant que la banque a accompli des manœuvres pour favoriser ce prêt in fine, six mois après la souscription des parts de SCPI.

Si la banque soutient avoir transmis une note d’information visée par l’AMF, dans le dossier de prêt depuis la constitution du nantissement, et annexée au bulletin de souscription, les époux [N] répliquent ne pas en avoir eu connaissance, qu’ils n’ont d’ailleurs ni paraphé ni signé cette note, qui n’exonère pas la banque de ses obligations d’information et de conseil.

Sur le caractère averti des époux [N], ils font valoir que les mandats sociaux qu’ils exerceraient ne correspondent pas à une description de leurs mandats de gestion au moment de la souscription des parts de la SCPI en 2005, ni même lors de l’octroi du prêt in fine en 2006, outre que ces éléments ne concernent que M. [N], de sorte qu’ils doivent tous deux être considérés comme des emprunteurs non avertis, n’ayant pas une connaissance particulière des prêts in fine.

Les époux [N] reprochent à la banque, d’autre part, des manquements aux obligations légales et réglementaires de ses intermédiaires.

Ils rappellent que la BNP PARIBAS est intervenue comme banquier dispensant un crédit, dans le cadre d’un « package » global dans lequel elle était banquier référant.

Ils soutiennent que les agissements des intermédiaires chargés de proposer les financements de la banque sont opposables à l’établissement bancaire mandant, qui en est responsable au même titre que ses mandataires, rappelant que le représentant chargé par l’établissement de crédit de proposer des financements aux clients potentiels, puis de les recommander à son approbation, n’est pas, pour la conclusion des contrats, un tiers, de sorte que les manœuvres dolosives de ce représentant, viciant le consentement des clients, sont opposables à l’établissement.

Ils en concluent que la BNP PARIBAS doit répondre des manquements précédemment exposés de ses intermédiaires.

A cet égard, ils soulignent que l’adresse mail de M. [X], en date du 27 février 2014, mentionne qu’elle est liée à la BNP PARIBAS puisqu’elle est rédigée comme suit : « [Courriel 13] », outre qu’il est établi que c’est M [X] qui est l’auteur du bulletin de souscription qu’il a remis à la BNP PARIBAS.

Ils ajoutent que M. [X], à titre personnel, mais également au travers de ses sociétés, est un apporteur d’affaires et représentant local de la BNP PARIBAS, ayant d’ailleurs été directeur d’une agence COFICA, filiale de la BNP PARIBAS, et de filiales de cet établissement de crédit. Ils relèvent de plus que la filiale assurance de la banque, la société CARDIF qui a recueilli le contrat d’assurance-vie, apparaît sur le site internet de la société [K] & ASSOCIES comme partenaire et que la société INTER GESTION REIM a donné mandat à la filiale immobilière de la banque, la BNP PARIBAS REAL ESTATE VALUATION, pour procéder à l’estimation de la valeur des parts des actifs de la SCPI, en vue de la liquidation de ces actifs.

Ils estiment dès lors que la BNP PARIBAS est intervenue en qualité de commercialisateur, mais aussi d’assureur ainsi que dans l’estimation des biens et actifs de la SCPI.

Ils considèrent qu’il est utile d’interroger l’ACPR et l’AMF pour avis, sur le respect par la BNP PARIBAS de la réglementation relative aux obligations incombant aux établissements de crédit en la matière ainsi qu’aux prestataires de services en investissement.

En réponse, la BNP PARIBAS fait valoir que le prêt immobilier ne pouvant être mis en place dans le temps imparti, dans la mesure où l’investissement devait être réalisé, pour des motifs fiscaux, avant la fin de l’année 2005, elle a proposé un financement temporaire au moyen d’un découvert.

Elle précise que pour faire refinancer le prix d’acquisition des parts de la SCPI, les époux [N] ont mandaté la société WH CONSULTANT, en qualité de courtier immobilier, afin de trouver la meilleure offre de crédit.

Elle conteste avoir participé au montage de l’opération, qu’elle n’a pas conseillée, aucune pièce ne l’établissant, la souscription étant du 7 novembre 2005, le compte bancaire depuis lequel le versement du prix d’acquisition a été effectué ayant été ouvert le 9 décembre 2005 et le prêt de refinancement étant daté du 17 juillet 2006. Elle précise ne pas avoir mandaté ou sollicité l’intervention des sociétés JCS CONSEIL et [K] & ASSOCIES, en leur qualité d’IOB ou de CIF, soulignant que M. [X] n’est pas « prescripteur » de la BNP PARIBAS. Elle ajoute qu’il importe peu que l’adresse e-mail et la signature de M. [X] contiennent les signes caractéristiques des enseignes JCS CONSEIL et BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, alors que cette dernière société est une banque distincte de la BNP PARIBAS, outre que les échanges en question ne concernent pas le prêt in fine.

La BNP PARIBAS souligne par ailleurs qu’elle n’est pas non plus l’assureur, les demandeurs opérant une confusion avec la société CARDIF, pas plus qu’elle n’est la mandante de la société WH CONSULTANT, courtier en prêt immobilier, peu important que la société [K] & ASSOCIES mentionne en 2021 sur son site internet un partenariat avec CARDIF et qu’une filiale de la BNP PARIBAS, la BNP PARIBAS REAL ESTATE VALUATION, ait été chargée d’évaluer les parts de la SCPI.

Elle en conclut qu’elle n’était pas débitrice d’un devoir de conseil ou de mise en garde relative à l’opération financée. En sa seule qualité de dispensateur de crédit, postérieurement à la souscription, la banque rappelle qu’il ne lui appartenait pas d’informer, de conseiller ou de mettre en garde son client sur les risques inhérents à l’investissement. Elle estime n’avoir commis aucune faute lors de l’octroi du prêt in fine.

Elle relève que la jurisprudence opposée par les époux [N] n’est pas applicable à la présente espèce, en ce qu’elle concerne, soit des prêts in fine adossés à des contrats d’assurance-vie dont l’abondement régulier et les performances devaient permettre le remboursement, ce qui n’est pas le cas puisque les époux [N] n’ont jamais alimenté leur contrat d’assurance-vie dont rien ne permet de déterminer qu’il devait dès lors permettre le remboursement du prêt octroyé, soit des prêts structurés en francs suisses, plus complexes que le prêt in fine octroyé en l’espèce. Elle note que les requérants citent également des jurisprudences relatives à des prêts relais ou in fine, mais dans lesquelles la responsabilité de la banque n’a pas été retenue.

La BNP PARIBAS ne conteste pas qu’elle puisse être tenue d’une obligation de mise en garde mais rappelle que cette obligation ne concerne que l’emprunteur non averti, outre que ce dernier doit démontrer un risque d’endettement excessif, le devoir de mise en garde consistant alors pour la banque à alerter l’emprunteur, au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

En l’espèce, elle estime que les époux [N] ne sont pas des emprunteurs non avertis et que dans tous les cas, il n’existait pas de risque d’endettement excessif, compte tenu de leurs capacités financières attestées lors de la demande de prêt. Elle souligne que lors de la souscription du prêt, M. [N] a déclaré occuper la fonction de PDG et associé majoritaire, son épouse étant directrice administrative, tous deux au sein de la société SF AUTOS, depuis le 1er octobre 1991 et que leur déclaration ISF mentionne huit acquisitions immobilières et trois crédits immobiliers en cours. Comme le présente la société [K] & ASSOCIES, elle relève que les époux [N] sont associés-dirigeants de nombreuses sociétés, dans différents secteurs d’activité, exerçant dans des sociétés de concession automobile et des sociétés immobilières, pas moins de vingt-deux mandats de direction.

Elle ajoute que lors de la souscription du prêt, les époux [N] ont déclaré un actif net de 1 270 213 euros pour l’année 2005, composé d’une résidence principale à [Localité 12] et de plusieurs immeubles professionnels et appartements, à [Localité 6], chacun financés par des emprunts immobiliers, outre un chalet à [Localité 14] d’une valeur de 835 000 euros vendu l’année en cours, outre des plans d’épargne en actions, des parts sociales, un compte courant d’associés au sein de la société SF AUTOS et deux contrats d’assurance-vie auprès de la CARDIF.

A titre subsidiaire, sur l’obligation d’information, la BNP PARIBAS fait valoir que la note d’information visée par l’AMF figurant au dossier de prêt depuis la constitution du nantissement et annexée au bulletin de souscription prévoit expressément un avertissement de l’AMF, cette note ayant été remise à la banque dans le cadre de l’octroi du prêt, et contenant par ailleurs les renseignements nécessaires sur la politique d’investissement, les programmes de travaux, les objectifs, des dispositions sur les conditions générales de souscription, des modalités de prise de décision, de répartition des bénéfices et des revenus.

Elle en conclut que les époux [N] ont été informés, lors de la souscription des parts, des modalités de perception des dividendes au sein de la SCPI, ainsi que de l’existence d’un risque de rentabilité, la note visée par l’AMF alertant en préambule les investisseurs de ce que la valeur des parts liquidées dépendra du prix de cession du patrimoine et de la situation du marché lors de la cession, ce qui par construction en soumet la valeur à cet aléa.

Ceci étant rappelé.

Sur les circonstances dans lesquelles les époux [N] ont procédé à l’investissement litigieux, la société INTER GESTION REIM verse aux débats un exemplaire d’un bulletin de souscription, dénommé « exemplaire société de gestion », daté du 7 novembre 2005, où sont apposées deux signatures pour le compte des époux [N] et correspondant à la souscription des vingt-cinq parts de la SCPI, soit 8 000 euros par part, ce bulletin précisant que cette souscription a fait l’objet d’une demande de financement pour un montant de 200 000 euros, auprès de la BNP.

La BNP PARIBAS produit un exemplaire différent de ce bulletin de souscription puisqu’il n’est pas indiqué dans les coordonnées des époux [N], le département et le pays de naissance de M. [N], il n’est pas mentionné la ville, le département et le pays de naissance de Mme [F], la case sur la demande de financement est cochée mais ne sont pas repris le montant du prêt et le nom de la banque, outre que cette pièce ne précise pas le lieu et la date de son établissement. Pour autant, les précisions sur la souscription des parts de la SCPI sont exactes. Il figure sur cette pièce des traces de signature mais qui ne sont pas lisibles, la copie n’étant pas de bonne qualité.

Comme relèvent les époux [N], il est manifeste que les signatures figurant sur le bulletin de souscription produit par la société INTER GESTION REIM ne sont pas les leurs, ce constat ne nécessitant d’ailleurs pas d’expertise graphologique.

S’ils soutiennent que M. [X] aurait rempli et signé ce bulletin à leur place, ils n’en justifient pas, l’expertise produite n’étant pas probante sur ce point. Au contraire, la société JCS CONSEIL produit plusieurs preuves officielles de la signature de son gérant, dont il peut être constaté qu’elle diffère en tous points de celle apposée sur le bulletin de souscription, pour le compte de M. ou de Mme [N], aucune mesure d’instruction n’étant nécessaire pour procéder à ce constat.

Dans tous les cas, les précisions sur la souscription des parts de la SCPI, dans l’exemplaire du bulletin de souscription produit par la BNP PARIBAS et dans celui produit par la société INTER GESTION REIM, sont exactes. En outre, l’objet du prêt d’un montant de 200 000 euros était le refinancement de l’acquisition de ces vingt-cinq parts de la SCPI et les conditions générales du prêt rappellent que l’emprunteur ne pourra exiger l’utilisation du prêt qu’en remettant à la banque, notamment, le bulletin de souscription des parts.

Or, les époux [N] étaient déterminés à effectuer l’investissement litigieux, lorsqu’il a été souscrit.

De même, les requérants ne contestent pas avoir accepté le prêt d’un montant de 200 000 euros pour financer la souscription de parts de la SCPI à laquelle ils souhaitaient alors procéder. Il était donc de leur intérêt qu’un exemplaire du bulletin de souscription soit adressé à la banque, sans quoi le financement sollicité ne leur aurait pas été accordé.

Cette acquisition a d’ailleurs été confirmée par la société de gestion, par lettre du 30 décembre 2005 adressée à M. [N], sans que ce dernier ne la conteste alors.

Il n’y a donc pas lieu de transmettre au parquet ces deux bulletins de souscription, pour que soient engagées des poursuites pour faux et usage de faux.

Sur la responsabilité de la société JCS CONSEIL et de M. [K] et/ou la société [K] & ASSOCIES, il est rappelé qu’il appartient aux époux [N] de rapporter la preuve du rôle joué par chacun de ces défendeurs, lors de la souscription du placement.

Sur ce point, les époux [N] ne versent aux débats aucune pièce contractuelle établissant le rôle respectif qu’ils attribuent à ces défendeurs.

Aucun des exemplaires des bulletins de souscription ne mentionne que cet investissement a été conseillé par un CGP ou un CIF, la seule indication « CFP » dans le cadre réservé à la société, sans aucune autre précision, n’étant pas probant. Il a précédemment été retenu qu’il n’était pas établi que la société JCS CONSEIL, via son gérant, M. [X], aurait rempli et signé ce bulletin pour le compte des requérants. Il est d’ailleurs contradictoire pour les demandeurs de soutenir que la société JCS CONSEIL serait intervenue en qualité de CIF, alors que M. [K] et/ou la société [K] & ASSOCIES le seraient en qualité de CGP, alors qu’un CIF n’est qu’une catégorie particulière de CGP.

Les époux produisent copie d’un courriel du 26 juin 2019, en réponse à des demandes d’information de leur part, dans lequel M. [K] rappelle que la souscription de ce placement n’a pas été recueillie par ses soins. Dans un autre courriel en réponse du 9 septembre 2019, M. [K] indique que c’est M. [X] qui a été à l’époque l’initiateur de la souscription litigieuse, M. [N] ayant présenté ce dernier comme étant son ami.

De son côté, la société JCS CONSEIL rappelle que son gérant était en relations d’affaires avec M. [N] et a indiqué à ce dernier avoir investi dans des parts de SCPI, par l’intermédiaire du cabinet [K] & ASSOCIES, de sorte que c’est à cette occasion que M. [X] a mis en relation les époux [N] avec ce cabinet, à qui elle attribue le rôle de CIF.

Il n’est par conséquent nullement établi que la société JCS CONSEIL et M. [K] et/ou la société [K] & ASSOCIES seraient intervenus auprès des époux [N], en qualité de CGP ou de CIF.

Pour soutenir que la société JCS CONSEIL serait intervenue en qualité d’IOB, les requérants se fondent sur une lettre de la compagnie d’assurance CARDIF du 27 janvier 2006 adressée à M. [N] et dans laquelle l’assureur indique avoir reçu sa souscription au contrat CARDIF MULTI-PLUS 2, transmise par JCS CONSEIL. Ils excipent en outre d’une demande, non datée, de modification de ce contrat, où JCS CONSEIL est mentionnée comme le correspondant CARDIF de M. [N].

Ce

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE M. [S] [N] et Mme [J] [F], épouse [N], de leurs demandes ;

CONDAMNE solidairement M. [S] [N] et Mme [J] [F], épouse [N], à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 217 821,64 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 1,45 % l’an sur la somme de 200 000 euros, à compter du 14 décembre 2022 ;

CONDAMNE M. [S] [N] et Mme [J] [F], épouse [N], aux dépens ;

CONDAMNE M. [S] [N] et Mme [J] [F], épouse [N], à payer à la SAS JCS CONSEIL la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [S] [N] et Mme [J] [F], épouse [N], à payer à M. [B] [K] et à la SARL [K] & ASSOCIES la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [S] [N] et Mme [J] [F], épouse [N], à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière le Président


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