L’Essentiel : Dans cette affaire, un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille a condamné une société d’assurance à verser des sommes à un créancier et à une créancière. Le 11 avril 2024, le créancier et la créancière ont procédé à une saisie-attribution sur le compte de la société d’assurance pour obtenir le paiement d’une somme de 433 864,24 euros. La société d’assurance a contesté cette saisie en assignant le créancier et la créancière devant le juge de l’exécution. Le tribunal a rejeté la demande de mainlevée, considérant que la société n’avait pas prouvé ses allégations de paiement.
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Contexte de l’affaireDans cette affaire, un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 19 octobre 2017, rectifié le 14 décembre 2017, a condamné une société d’assurance à verser des sommes à un créancier et à une créancière. Ce jugement a été signifié le 20 avril 2018. Saisie-attribution et contestationLe 11 avril 2024, le créancier et la créancière ont procédé à une saisie-attribution sur le compte de la société d’assurance pour obtenir le paiement d’une somme de 433 864,24 euros. La société a contesté cette saisie en assignant le créancier et la créancière devant le juge de l’exécution, demandant la mainlevée de la saisie et l’octroi de frais irrépétibles. Arguments des partiesLa société d’assurance soutient avoir réglé l’intégralité des sommes dues, y compris les droits de succession, et conteste le montant de la condamnation. En revanche, le créancier et la créancière affirment que la société n’a pas prouvé ses allégations de paiement et qu’elle a indûment déduit des droits fiscaux du montant de la condamnation. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution, considérant que la société d’assurance n’avait pas apporté la preuve des paiements allégués. Il a également confirmé que le montant des droits fiscaux ne pouvait pas être déduit, car cela avait déjà été statué dans le jugement initial. Exécution provisoire et fraisLe tribunal a également statué que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit, rejetant ainsi la demande de la société d’assurance d’écarter cette exécution. En conséquence, la société a été condamnée aux dépens et à verser une indemnité de procédure au créancier et à la créancière. ConclusionEn résumé, le tribunal a confirmé la validité de la saisie-attribution et a rejeté les demandes de la société d’assurance, tout en condamnant cette dernière à payer des frais au créancier et à la créancière. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la légalité de la saisie-attribution pratiquée par les créanciers ?La saisie-attribution pratiquée par les créanciers, en l’occurrence M. [P] et Mme [V], est fondée sur l’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution. Cet article stipule que : « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. » Ainsi, la saisie-attribution est légale tant que le créancier dispose d’un titre exécutoire, ce qui est le cas ici avec le jugement du tribunal de grande instance de Marseille. De plus, l’article R.121-1 alinéa 2 précise que : « Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. » Cela signifie que le juge ne peut pas remettre en cause la validité de la saisie-attribution tant que le titre exécutoire est en vigueur. En conséquence, la saisie-attribution pratiquée par M. [P] et Mme [V] est conforme aux dispositions légales en vigueur. Quelles sont les conditions de la mainlevée de la saisie-attribution ?La mainlevée de la saisie-attribution peut être ordonnée par le juge de l’exécution selon l’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution, qui dispose que : « Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. » Dans le cas présent, la société Sogecap a demandé la mainlevée en arguant avoir acquitté l’ensemble des causes du jugement. Cependant, il a été établi que l’erreur sur le montant des sommes dues n’affecte pas la validité de l’acte d’exécution. L’article L.211-1 précise également que l’erreur sur le montant réclamé ne justifie pas la mainlevée, mais peut limiter ses effets au montant des sommes effectivement dues. Ainsi, la société Sogecap n’a pas réussi à prouver que les paiements allégués avaient été effectués, ce qui a conduit le juge à rejeter sa demande de mainlevée. Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans cette affaire ?L’exécution provisoire est régie par l’article R.121-21 du code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que : « Les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit. » Cela signifie que les décisions rendues par le juge de l’exécution sont immédiatement exécutoires, sans qu’il soit nécessaire d’attendre l’issue d’un éventuel appel. Dans cette affaire, la société Sogecap a demandé à écarter l’exécution provisoire, mais l’article 514-1 du code de procédure civile ne s’applique pas aux décisions du juge de l’exécution. Par conséquent, la demande de la société Sogecap a été rejetée, confirmant que l’exécution provisoire est maintenue et que les créanciers peuvent continuer à recouvrer les sommes dues. Quelles sont les conséquences financières pour la société Sogecap suite à cette décision ?Suite à la décision du juge de l’exécution, la société Sogecap a été condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure. En effet, le jugement a stipulé que : « Succombant, la société Sogecap sera condamnée aux dépens et au paiement de l’indemnité de procédure fixée au dispositif. » Cela signifie que la société Sogecap devra non seulement supporter les frais de la procédure, mais également verser une somme de 2 500 euros à M. [P] et Mme [V] au titre des frais irrépétibles. Cette décision souligne la responsabilité financière de la société Sogecap dans le cadre de cette procédure judiciaire, renforçant ainsi la position des créanciers dans leur quête de recouvrement des sommes dues. |
AFFAIRE : SOGECAP / [I] [V], [C] [P]
Minute n°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Cécile CROCHET
GREFFIER : Marie-Christine YATIM
DEMANDERESSE
SOGECAP
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Corinne CUTARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1693
DEFENDEURS
Madame [I] [V]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Véronique JULLIEN de l’AARPI DROITFIL, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 49 et Me Edward TIERNY de la SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
Monsieur [C] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Maître Véronique JULLIEN de l’AARPI DROITFIL, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 49 et Me Edward TIERNY de la SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 07 Janvier 2025 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 04 Février 2025, par mise à disposition au Greffe.
Par jugement du 19 octobre 2017, rectifié le 14 décembre 2017 et signifié le 20 avril 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a condamné la société Sogecap à payer à M. [P] et à Mme [V] diverses sommes.
Le 11 avril 2024, sur le fondement de cette décision, M. [P] et à Mme [V] ont fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte de la société Sogecap ouvert dans les livres de la Société générale pour paiement de la somme de 433 864,24 euros.
Le 15 avril 2024, ils ont dénoncé cette saisie à la débitrice.
Les 13 et 14 mai 2024, la société Sogecap a assigné M. [P] et Mme [V] devant le juge de l’exécution.
Elle demande la mainlevée de la saisie-attribution, subsidiairement d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ainsi que l’octroi de frais irrépétibles de 3 500 euros.
En défense, M. [P] et Mme [V] concluent au rejet des demandes adverses et à la condamnation de la société Sogecap à des dommages et intérêts de 15 000 euros chacun. Ils réclament en tout cas une indemnité de procédure de 5 000 euros chacun.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions visées à l’audience.
Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution
L’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
Aux termes de l’article R.121-1 alinéa 2 de ce même code, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.
Selon les dispositions de l’article L.121-2, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
L’erreur sur le montant des sommes dues en vertu du titre exécutoire n’a pas d’incidence sur la validité de l’acte d’exécution qui reste valable à concurrence du montant réel de la dette, l’erreur affectant le montant réclamé ne justifiant donc pas sa mainlevée mais la limitation de ses effets au montant des sommes effectivement dues.
Au soutien de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution, la société Sogecap prétend avoir acquitté l’ensemble des causes du jugement dont l’exécution forcée a été poursuivie. Elle allègue qu’il n’a pas été tenu compte des règlements intervenus et particulièrement du paiement des droits de succession qu’elle a effectué au bénéfice de l’administration des finances publiques à la demande de M. [P] et Mme [V]. Elle prétend qu’en dépit de l’absence de précision du jugement sur ce point, le montant de la condamnation s’entend nécessairement avant paiement des droits fiscaux à la charge des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie en vertu des dispositions du code général des impôts d’ordre public. Elle ajoute également que le décompte fait apparaître de manière erronée la poursuite du cours des intérêts en dépit du règlement intégral des condamnations pécuniaires prononcées à son encontre.
M. [P] et Mme [V] soutiennent quant à eux que la demanderesse ne justifie pas des paiements allégués. Ils exposent qu’en tout état de cause, la société Sogecap a indûment déduit les droits fiscaux réglés du montant de la condamnation si bien qu’elle était fondée à en poursuivre le recouvrement forcé.
En l’espèce, la saisie-attribution déférée a été pratiquée en exécution du titre exécutoire constitué par le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 19 octobre 2017 rectifié le 14 décembre 2017, aux termes desquels, la société Sogecap a été condamnée à payer à M. [P] et Mme [V] les sommes de :
450 503,90 euros au titre du capital des deux contrats souscrits par M. [N] dont ils sont bénéficiaires, avec intérêts au taux légal majoré de 50% entre le 22 juin 2013 et le 22 août 2013, puis au double du taux légal entre le 23 août 2013 et le 31 décembre 2015 et au triple du taux légal à compter du 1er janvier 2016 jusqu’à la date du parfait paiement avec capitalisation des intérêts par année entière, 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, 12 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Contrairement aux allégations de la demanderesse, le tribunal de grande instance de Marseille a été saisi d’une demande de la société Sogecap quant à l’imputation des droits fiscaux à hauteur de 87 995,49 euros par bénéficiaire et, statuant sur ce point, l’a précisément écartée, considérant « que le montant des droits fiscaux a été réglé par M. [P] et Mme [V] le 19 juin 2013, ainsi qu’il résulte des documents établis par l’administration des finances publiques (pièce numéro 10 des demandeurs) ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de procéder à un abattement sur le montant total du capital afférent aux deux contrats ».
Dès lors, le moyen tiré de l’auteur des paiements adressés à l’administration fiscale, qui ne tend qu’à contester le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites est inopérant, en l’absence d’appel interjeté à l’encontre du jugement du 19 octobre 2017, désormais définitif.
Il n’y a donc pas lieu de déduire la somme de 175 990,98 euros au titre des droits fiscaux réglés.
Sur le surplus, si M. [P] et Mme [V] font valoir que la société Sogecap ne rapporte pas la preuve des paiement allégués, il résulte néanmoins des avis au crédit et du décompte du commissaire de justice actualisé au 7 novembre 2024 versés aux débats que les sommes suivantes ont été réglées :
114 256,70 euros au bénéfice de Mme [V] le 17 mai 2018,114 256,70 euros versés au bénéfice de M. [P] le 5 juin 2018, 182 684,18 euros versés au bénéfice de Mme [V] et M. [P] le 23 mai 2018.
Il convient de tenir compte de ces règlements intervenus pour un montant total de 411 197,58 euros.
Toutefois, lesdits paiement n’étant pas satisfactoires à la date de la saisie-attribution pratiquée, M. [P] et Mme [V] étaient fondés à poursuivre le recouvrement forcé du solde restant dû à hauteur de 71 306,32 euros, postérieurement au dernier paiement intervenu le 5 juin 2018 et des intérêts correspondants.
Par conséquent, la demande de mainlevée de la saisie-attribution sera rejetée.
Sur l’exécution provisoire
Conformément à l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution, les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.
Les dispositions de l’article 514-1 du code de procédure civile, étant inapplicables s’agissant des décisions du juge de l’exécution, la demande afin de voir écarter l’exécution provisoire sera par conséquent rejetée.
Sur les demandes accessoires
Succombant, la société Sogecap sera condamnée aux dépens et au paiement de l’indemnité de procédure fixée au dispositif.
Le juge de l’exécution, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
Rejette la demande de mainlevée de la saisie-attribution ;
Rejette la demande de dommages et intérêts ;
Condamne la société Sogecap aux dépens ;
Condamne la société Sogecap à payer à M. [P] et Mme [V] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Rappelle que la décision est exécutoire de droit.
Le greffier Le juge de l’exécution
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