L’Essentiel : M. [I] [M] et Mme [L] [X] ont commandé une cuisine aménagée auprès de la SAS Cuisine Moutarde pour 31 000 euros. En raison du non-paiement de l’acompte, la SAS a assigné le couple devant le tribunal. Le 4 septembre 2023, le tribunal a condamné M. [M] et Mme [X] à payer 29.810 euros, mais Mme [X] a interjeté appel, contestant sa responsabilité solidaire. La cour a finalement décidé que M. [M] était seul responsable du paiement, réformant ainsi le jugement initial et condamnant M. [M] aux dépens et à des frais irrépétibles.
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Contexte de la commandeM. [I] [M] et Mme [L] [X] ont passé commande auprès de la SAS Cuisine Moutarde pour une cuisine aménagée entièrement équipée, incluant livraison et installation, pour un montant total de 31 000 euros TTC. Les bons de commande ont été régularisés les 28 janvier et 31 mars 2021. Litige et assignationLa SAS Cuisine Moutarde, n’ayant pas reçu le règlement de l’acompte, a assigné M. [M] et Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand le 29 décembre 2021. Elle a demandé leur condamnation solidaire à payer 29.810 euros, ainsi que des intérêts et l’enlèvement des meubles et équipements de cuisine dans un délai d’un mois. Jugement du tribunalLe 4 septembre 2023, le tribunal a condamné M. [M] et Mme [X] à payer 29.810 euros à la SAS Cuisine Moutarde, avec intérêts légaux. Ils ont également été ordonnés d’enlever les meubles et équipements dans un délai d’un mois. La SAS a été déboutée de ses autres demandes, tout comme M. [M] de sa demande reconventionnelle. Appels interjetésMme [X] a interjeté appel du jugement le 3 octobre 2023, tandis que M. [M] a fait de même le 27 septembre 2023. M. [M] s’est ensuite désisté de son appel le 14 décembre 2023, ce qui a été accepté par le magistrat le 21 décembre 2023. Demandes de Mme [X]Dans ses conclusions du 3 janvier 2024, Mme [X] a demandé à la cour de l’admettre en son appel et d’infirmer le jugement du tribunal, en contestant sa condamnation solidaire avec M. [M]. Elle a également demandé des condamnations spécifiques à l’encontre de M. [M] concernant les paiements à la SAS Cuisine Moutarde. Position de la SAS Cuisine MoutardeLa SAS Cuisine Moutarde a, dans ses conclusions du 2 avril 2024, déclaré qu’elle s’en remettait à droit concernant les demandes de Mme [X] et a demandé à la cour de débouter Mme [X] de ses demandes de frais irrépétibles et de dépens. Arguments de Mme [X]Mme [X] ne conteste pas la validité du contrat, mais argue que sa condamnation solidaire avec M. [M] est injustifiée, car elle s’est séparée de lui peu après la commande. Elle souligne que la cuisine a été installée dans la maison de M. [M], ce qui lui confère un bénéfice exclusif. Décision de la courLa cour a décidé que M. [M] serait seul responsable du paiement à la SAS Cuisine Moutarde, en vertu de l’article 1318 du code civil, et a réformé le jugement initial. M. [M] a été condamné à payer 29.810 euros et à enlever les meubles dans un délai d’un mois. Dépens et frais irrépétiblesM. [M] a été condamné aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer 2.500 euros à la SAS Cuisine Moutarde et 1.000 euros à Mme [X] au titre des frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la responsabilité des codébiteurs solidaires en vertu de l’article 1318 du Code civil ?L’article 1318 du Code civil stipule que : « Si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres ; s’il l’a payée, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs, si ceux-ci l’ont payée, ils disposent d’un recours contre lui. » Dans le cadre de ce litige, Mme [X] conteste sa condamnation solidaire avec M. [M] à payer la somme due à la SAS Cuisine Moutarde. Elle fait valoir que, bien que le bon de commande ait été signé par elle, l’objet de la commande concernait l’aménagement d’une cuisine dans une maison appartenant exclusivement à M. [M]. Ainsi, selon l’article 1318, si la dette est liée à une affaire qui ne concerne que M. [M], ce dernier est seul responsable de la dette envers la SAS Cuisine Moutarde. En conséquence, le jugement initial a été réformé, et M. [M] a été déclaré seul responsable du paiement, sans recours possible contre Mme [X]. Quelles sont les implications des frais irrépétibles selon l’article 700 du Code de procédure civile ?L’article 700 du Code de procédure civile dispose que : « La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans cette affaire, le tribunal a condamné M. [M] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 2 500 euros et à Mme [X] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700. Ces sommes sont destinées à couvrir les frais engagés par les parties pour leur défense, qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre du procès. Il est important de noter que la décision de condamner une partie aux frais irrépétibles est laissée à l’appréciation du juge, qui doit évaluer la situation au cas par cas. Dans ce litige, la cour a jugé que M. [M] devait supporter ces frais, étant donné qu’il a succombé dans ses demandes. Comment se prononce le tribunal sur l’exécution provisoire du jugement ?L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du Code de procédure civile, qui précise que : « Le jugement est exécutoire même en cas d’appel, sauf disposition contraire. » Dans le jugement rendu, il a été décidé qu’il n’y avait pas lieu à écarter l’exécution provisoire. Cela signifie que les décisions prises par le tribunal, notamment celles concernant le paiement et l’enlèvement des meubles, peuvent être exécutées immédiatement, même si un appel est en cours. Cette mesure vise à garantir que les droits des parties soient respectés sans attendre la décision finale de la cour d’appel. Ainsi, la SAS Cuisine Moutarde peut procéder à l’exécution des décisions du tribunal, ce qui renforce l’efficacité de la justice. Quelles sont les conséquences de la séparation des concubins sur la responsabilité contractuelle ?La séparation des concubins a des implications significatives sur la responsabilité contractuelle, notamment en ce qui concerne les dettes contractées ensemble. Dans ce cas, bien que Mme [X] ait signé le bon de commande, la cour a considéré que l’aménagement de la cuisine apportait une amélioration à la maison de M. [M], qui en était le propriétaire exclusif. Cela signifie que, malgré la volonté initiale de contribuer à l’achat, la séparation a modifié la nature de la responsabilité. En vertu de l’article 1318 du Code civil, Mme [X] ne peut être tenue responsable des dettes contractées pour un bien qui ne lui appartient pas, surtout après la rupture de leur relation. Ainsi, la cour a réformé le jugement initial, déchargeant Mme [X] de toute obligation de paiement envers la SAS Cuisine Moutarde. |
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 22 Janvier 2025
N° RG 23/01532 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GCDJ
ACB
Arrêt rendu le vingt deux Janvier deux mille vingt cinq
Sur APPEL d’une décision rendue le 4 septembre 2023 par le Tribunal Judiciaire de Clermont Ferrand, RG 22/4135
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [L] [X]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Louis TERRIOU de la SCP TERRIOU RADIGON FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
M. [I] [M]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Non représenté, assigné le 4 janvier 2024
Société CUISINE MOUTARDE,
SAS immatriculée au RCS de Clermont Ferrand sous le n° 833 447 808
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me David TEYSSIER de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de [Localité 2]
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, à l’audience publique du 21 Novembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame BERGER, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 22 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon bons de commande régularisés les 28 janvier et 31 mars 2021, M. [I] [M] et Mme [L] [X] ont passé commande auprès de la SAS Cuisine Moutarde d’une cuisine aménagée intégralement équipée, comprenant livraison et pose, pour un montant total de 31 000 euros TTC.
Exposant n’avoir pas perçu le règlement de l’acompte, la SAS Cuisine Moutarde a assigné M. [M] et Mme [X] par exploit d’huissier en date du 29 décembre 2021 devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 29.810 euros en exécution du contrat, outre intérêts au taux légal à compter de sa lettre de mise en demeure du 19 juillet 2021 et leur ordonner d’enlever l’ensemble des meubles, appareils ménagers et autres fournitures constituant la cuisine litigieuse dans les locaux de son dépositaire situé [Adresse 6] dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et à défaut de prononcer un astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par jugement rendu le 4 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :
– condamné solidairement M. [M] et Mme [X] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 29.810 euros ;
– dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;
– condamné M. [M] et Mme [X] à procéder à l’enlèvement de l’ensemble des meubles, appareils ménagers et autres fournitures correspondant au bon de commande du 31 mars 2021 et stockés dans les locaux sis [Adresse 6] à [Localité 2], dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;
– débouté la SAS Cuisine Moutarde du surplus de ses demandes ;
– débouté M. [M] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts’ ;
– condamné in solidum M. [M] et Mme [X] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la SAS Cuisine Moutarde de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. [M] et Mme [X] aux dépens ;
– accordé à Maître Teyssier le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 3 octobre 2023, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement. M. [M] a également interjeté appel par déclaration du 27 septembre 2023 (RG 23/1501).
Par conclusions signifiées le 14 décembre 2023, M. [M] s’est désisté de son appel. Par ordonnance du 21 décembre 2023, le magistrat de la mise en état a donné acte à M. [M] de son désistement d’appel et dit que la décision entreprise produira son plein effet (RG 23/1501).
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 20024, Mme [X] demande à la cour, au visa des articles 1317 et 1318 du Code civil, de :
– la recevoir en son appel et la dire fondée ;
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en date du 27 septembre 2023, en ce qu’il l’a condamnée solidairement avec M. [M] à payer à la SAS Cuisine Moutarde les sommes de 29.810 euros outre 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-statuant à nouveau :
– condamner M. [M] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 29.810 euros outre les intérêts ;
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens, sans recours possible à son encontre ;
– dire que M. [M] ne dispose d’aucun recours à son encontre pour les sommes réglées à la SAS Cuisine Moutarde en exécution du jugement rendu par le tribunal judicaire de Clermont-Ferrand le 4 septembre 2023 ;
– condamner M. [M] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles et le condamner aux dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, la SAS Cuisine Moutarde demande à la cour de :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à droit concernant les prétentions d’appel de Mme [X] ;
– le cas échéant débouter Mme [X] de toutes demandes à son encontre au titre de ses frais irrépétibles et dépens ;
– condamner Mme [X] ou toutes parties succombant, à lui payer la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’appel.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.
Mme [X] a fait signifier à M. [M] par acte du 4 janvier 2024 sa déclaration d’appel et ses conclusions (à domicile).
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2024.
Sur la demande principale formée par Mme [X] :
Mme [X] ne conteste pas la validité du contrat passé avec la SAS Cuisine Moutarde mais uniquement sa condamnation in solidum avec M. [M] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme correspondant à cette commande. Elle fait valoir que peu de temps après cette commande elle s’est séparée de M. [M] et que si le bon de commande a été également signé par elle, cette commande avait pour objet l’aménagement d’une cuisine dans une maison d’habitation appartenant en propre à M. [M].
La SAS Cuisine Moutarde déclare qu’à l’exception des frais irrépétibles et dépens non encore réglés, le jugement du 4 septembre 2023 a été pleinement exécuté par M. [M]. Elle confirme que la cuisine commandée a été installée dans l’immeuble appartenant à M. [M]. Elle déclare qu’elle n’entend pas s’opposer aux demandes de Mme [X] et qu’elle s’en remet à droit.
Sur ce,
L’article 1318 du code civil dispose que si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres ; s’il l’a payée, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs, si ceux-ci l’ont payée, ils disposent d’un recours contre lui.
En l’espèce le litige concerne deux concubins Mme [X] et M. [M], lesquels durant leur vie commune ont passé commande les 28 janvier et 31 mars 2021 auprès de la SAS Cuisine Moutarde aux fins de d’installer une cuisine au domicile de M. [M] à [Localité 7] (63).
Les concubins se sont séparés avant l’installation de ladite cuisine. Dès lors, si l’investissement fait par le couple résulte d’une volonté commune, compte tenu de leur séparation intervenue, l’aménagement de la cuisine apporte à la maison une amélioration notable dont seul M. [M] bénéficie .La participation par Mme [X] à cet achat excède ainsi la simple contribution aux charges du ménage.
En conséquence, en application de l’article 1318 précité, le jugement déféré sera réformé et M. [M] sera seul tenu à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 29.810 euros au titre des commandes passées les 28 janvier et 31 mars 2021, étant relevé qu’il a déjà payé cette somme à la société intimée, sans recours possible envers Mme [X].
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [M], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il sera également condamné à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 2 500 euros et à Mme [X] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et par défaut ;
Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau
Condamne M. [I] [M] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 29 810 euros et à procéder à l’enlèvement de l’ensemble des meubles, appareils ménagers et autres fournitures correspondant au bon de commande du 31 mars 2021 et stockés dans les locaux sis [Adresse 6] à [Localité 2], dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;
Donne acte à la SAS Cuisine Moutarde de ce que M. [M] a procédé au règlement du principal par chèque CARPA de 30 000 euros ;
Déboute la SAS Cuisine Moutarde de ses demandes formées à l’encontre de Mme [X] ;
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [M] à payer à la SAS Cuisine Moutarde la somme de 2 500 euros et à Mme [X] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [I] [M] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier La présidente
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