L’Essentiel : La SAS ART ET BATIMENT a subi des dommages de 576.994,23 euros HT suite à un incendie le 09 février 2017, causé par l’intrusion de quatre mineurs. Après indemnisation partielle par MS AMLIN INSURANCE SE et la MACIF, la société a assigné plusieurs assureurs devant le tribunal de Nantes pour obtenir une compensation complète. Le tribunal a reconnu une faute de 20% de la société pour ne pas avoir sécurisé le bâtiment, réduisant ainsi l’indemnisation demandée à 234.974,60 euros. MS AMLIN a également obtenu une indemnisation de 162.612,13 euros pour les sommes versées à son assurée.
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Exposé du litigeLa SAS ART ET BATIMENT possède des bâtiments industriels à [Adresse 7], [Localité 13]. Un incendie a eu lieu le 09 février 2017, entraînant des dommages évalués à 576.994,23 euros HT. La compagnie MS AMLIN INSURANCE SE a indemnisé son assurée pour 203.265,16 euros. Quatre mineurs ont été condamnés pour leur implication dans l’incendie. Les assureurs ont été mis en demeure de régler les dommages le 09 novembre 2020, et la MACIF a versé 144.248,56 euros. Procédure judiciaireLe 21 décembre 2021, la SAS ART ET BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE ont assigné plusieurs compagnies d’assurance devant le tribunal de Nantes pour obtenir une indemnisation. Ils ont demandé la reconnaissance de la responsabilité des mineurs et de leurs parents, ainsi que la prise en charge des préjudices. Les défendeurs ont contesté la demande, invoquant une faute de la victime pour justifier une réduction de l’indemnisation. Arguments des partiesLa SAS ART ET BATIMENT a soutenu que l’incendie était dû à l’intrusion des mineurs, et a contesté les allégations de négligence. Les assureurs des mineurs ont fait valoir que la société ART ET BATIMENT avait laissé le bâtiment sans surveillance, ce qui avait facilité l’intrusion. Ils ont demandé une réduction de l’indemnisation en raison de cette faute. Responsabilité des parentsLes parents des mineurs ont été jugés responsables in solidum des dommages causés par leurs enfants, conformément à l’article 1242 du code civil. Les assureurs des parents doivent couvrir les préjudices subis par la SAS ART ET BATIMENT. Faute de la société ART ET BATIMENTLe tribunal a reconnu que la société ART ET BATIMENT avait commis une faute en ne sécurisant pas suffisamment le bâtiment, ce qui a contribué à l’incendie. Cette faute a été évaluée à 20% de la responsabilité totale, réduisant ainsi le montant de l’indemnisation. Indemnisation demandéeLa SAS ART ET BATIMENT a demandé une indemnisation de 234.974,60 euros, correspondant aux dommages subis après déduction des sommes déjà perçues. Le tribunal a ordonné le paiement de cette somme, en tenant compte de la réduction de 20% pour la faute de la société. Demande de la société MS AMLIN INSURANCE SELa société MS AMLIN a également demandé une indemnisation pour les sommes versées à son assurée. Le tribunal a reconnu son droit à la subrogation et a ordonné le paiement d’une somme de 162.612,13 euros, après déduction de la part de responsabilité de la société ART ET BATIMENT. Appels en garantieLes assureurs ont été condamnés à se garantir mutuellement en fonction de leurs parts de responsabilité. Le tribunal a précisé que chaque assureur devait couvrir un tiers des condamnations prononcées. Autres demandesLe tribunal a également statué sur les intérêts et les dépens, condamnant les assureurs à verser des indemnités pour les frais engagés par la SAS ART ET BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la responsabilité civile des parents des mineurs ayant causé l’incendie ?La responsabilité civile des parents est régie par l’article 1242 du Code civil, qui stipule que : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. » Dans le cas présent, les mineurs [R] [D], [P] [N], [C] [K] et [W] [L] ont été identifiés comme responsables de l’incendie. Le tribunal a donc déclaré leurs parents responsables in solidum des préjudices subis par la société ART ET BATIMENT, conformément à cet article. Quelles sont les conséquences de la faute de la société ART ET BATIMENT sur son droit à indemnisation ?La société ART ET BATIMENT a été accusée d’avoir commis une faute en ne sécurisant pas suffisamment son bâtiment, ce qui a contribué à l’intrusion des mineurs. Le tribunal a constaté que la société ART ET BATIMENT avait laissé le bâtiment inoccupé et sans surveillance, ce qui a favorisé l’intrusion. Cette négligence a conduit à une réduction de son droit à indemnisation de 20%, comme le stipule l’article 1240 du Code civil, qui précise que : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Ainsi, la faute de la société ART ET BATIMENT a été reconnue comme ayant contribué à la survenance du dommage, entraînant une réduction de son indemnisation. Comment la subrogation de l’assureur est-elle appliquée dans ce cas ?La subrogation de l’assureur est régie par l’article L.121-12 du Code des assurances, qui dispose que : « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur. » Dans cette affaire, la société MS AMLIN INSURANCE SE, assureur de la société ART ET BATIMENT, a indemnisé son assuré pour un montant de 203.265,16 euros. Elle a donc été subrogée dans les droits de son assuré pour récupérer cette somme auprès des tiers responsables, c’est-à-dire les assureurs des parents des mineurs. Quelles sont les implications de la vétusté sur l’indemnisation ?La question de la vétusté est souvent soulevée dans les cas d’indemnisation. Le principe de la réparation intégrale du préjudice, qui est un fondement du droit civil, stipule que la victime doit être remise dans la situation où elle se serait trouvée si le dommage n’était pas survenu. L’article 1231-6 du Code civil précise que : « Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son fait, à moins qu’il ne prouve que le dommage aurait eu lieu de toute façon. » Dans ce cas, la société ART ET BATIMENT a contesté l’application d’un coefficient de vétusté sur les travaux de réparation, arguant que cela ne respecterait pas le principe de réparation intégrale. Le tribunal a convenu que la vétusté ne devait pas être prise en compte dans le calcul de l’indemnisation, car cela aurait conduit à une injustice pour la victime, qui aurait à supporter une perte supplémentaire due à la faute d’un tiers. Ainsi, les frais de reconstruction et de remise en état ont été pris en compte sans déduction pour vétusté. |
LE 03 JANVIER 2025
Minute n°
N° RG 22/00061 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LLKQ
S.A.S. Art & Bâtiment
Société MS Amlin Insurance SE
C/
Mutuelle MAE
Compagnie d’assurance THELEM ASSURANCES
Compagnie d’assurance PACIFICA
Caisse CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE exerçant sous l’enseigne : GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
Demande en réparation des dommages causés par un mineur ou un majeur, formée contre les parents ou la personne contrôlant son mode de vie ou son activité
1 copie exécutoire et certifiée conforme à :
la SELARL ARMEN
Me Cédric BEUTIER – 209
la SCP IPSO FACTO AVOCATS – 213
la SELARL MEN BRIAL AVOCATS – 224 – Me Audrey GICQUEL – 224
la SELARL THOMAS-TINOT AVOCAT – 291
délivrées le
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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QUATRIEME CHAMBRE
JUGEMENT
du TROIS JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors du délibéré :
Président : Stéphanie LAPORTE, Juge,
Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice Présidente,
Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,
GREFFIER : Sandrine GASNIER
Débats à l’audience publique du 01 OCTOBRE 2024 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.
Prononcé du jugement fixé au 28 NOVEMBRE 2024 prorogé au 03 JANVIER 2025.
Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
S.A.S. Art & Bâtiment, dont le siège social est sis [Adresse 12] – [Localité 3]
Rep/assistant : Maître Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
Société MS Amlin Insurance SE, dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 8]
Rep/assistant : Maître Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
DEMANDERESSES.
D’UNE PART
ET :
Mutuelle MAE, dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 10]
Rep/assistant : Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES
Compagnie d’assurance THELEM ASSURANCES, dont le siège social est sis [Adresse 14] – [Localité 4]
Rep/assistant : Maître Christophe SIMON-GUENNOU de la SELARL MEN BRIAL AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
Rep/assistant : Me Audrey GICQUEL, avocat au barreau de NANTES
Compagnie d’assurance PACIFICA, dont le siège social est sis [Adresse 11] – [Localité 9] / FRANCE
Rep/assistant : Maître Gaëtane THOMAS-TINOT de la SELARL THOMAS-TINOT AVOCAT, avocats au barreau de NANTES
Caisse CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE exerçant sous l’enseigne : GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 2]
Rep/assistant : Maître Martine GRUBER de la SELARL ARMEN, avocats au barreau de SAINT-NAZAIRE
DEFENDERESSES.
D’AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE
La SAS ART ET BATIMENT est propriétaire d’un ensemble de bâtiments à usage industriel, sis [Adresse 7] à [Localité 13]. Le 09 février 2017, un incendie s’est déclaré dans l’enceinte du bâtiment. La compagnie MS AMLIN INSURANCE SE a indemnisé son assurée à hauteur de 203.265,16 euros.
Suite à une enquête pénale, quatre mineurs ont été condamnés par le tribunal pour enfants : Monsieur [R] [D], assuré auprès de la MAE, Monsieur [P] [N], assuré auprès de la compagnie THELEM, Monsieur [C] [K], assuré auprès de la société PACIFICA et de la compagnie GROUPAMA, Monsieur [W] [L], assuré auprès de la MACIF.
Les dommages ont été estimés à la somme de 576.994,23 euros HT et les assureurs ont été mis en demeure de régler cette somme le 09 novembre 2020.
La MACIF a réglé la somme de 144.248,56 euros.
Par exploit du 21 décembre 2021, la SAS ART ET BATIMENT et son assureur la compagnie MS AMLIN INSURANCE SE ont fait assigner la société MAE, la société THELEM ASSURANCES, la société PACIFICA et la société GROUPAMA devant le tribunal judiciaire de Nantes, aux fins d’indemnisation des préjudices liés à l’incendie du 09 février 2017.
Par dernières conclusions du 23 août 2024, la SAS ART ET BATIMENT et son assureur la compagnie MS AMLIN INSURANCE SE ont sollicité du tribunal, au visa de l’article 1242 alinéa 4 du code civil, des articles L.121-12 et L.124-3 du code des assurances,
Juger que les mineurs [R] [D], [P] [N] et [C] [K] sont responsables de l’incendie survenu le 09 février 2017 au [Adresse 7] à [Localité 13] ;
Juger que Madame [E] [S] est civilement responsable des agissements de son fils [R] [D],
Juger que Madame [X] est civilement responsable des agissements de son fils [P] [N],
Juger que Madame [B] et Monsieur [J] [K] sont civilement responsables des agissements de leur fils [C] [K],
Juger que la société Arts & Bâtiment est recevable et bien fondée à exercer un recours à l’encontre des assureurs des parents précités, les compagnie MAE, Pacifica, Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire et Thelem Assurances,
Juger que la compagnie MS Amlin Insurance SE est recevable et bien fondée à exercer un recours subrogatoire à l’encontre des assureurs des parents précités, les compagnies MAE, Pacifica, Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire et Thelem Assurances,
Juger qu’aucune faute de la victime ne peut être opposée à la société ART ET BATIMENT et à son assureur la compagnie MS Amlin Insurance SE,
En conséquence,
Débouter les compagnies MAE, Pacifica, Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire et Thelem Assurances de leurs demandes,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la société Art & Bâtiment la somme de 234.974,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 9 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la compagnie MS Amlin Insurance SE la somme de 203.265,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 9 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la société Art & Bâtiment la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire à payer à la société MS Amlin Insurance SE la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum les compagnies MAE, Pacifica, Thelem Assurances et Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire aux entiers dépens de la procédure,
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
A l’appui de leurs conclusions, la SAS ART ET BATIMENT et son assureur MS AMLIN INSURANCE SE font valoir que l’incendie qui a endommagé le bâtiment le 09 février 2017 est le fait de quatre mineurs qui ont été identifiés et condamnés pénalement. Ils font ainsi valoir la responsabilité de leurs parents sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4 du code civil. Ils contestent la demande d’exonération partielle des défendeurs fondée sur une faute de la victime, qui n’aurait pas mis en place les moyens de surveillance et de gardiennage nécessaires pour empêcher la pénétration d’individus dans l’enceinte de son bâtiment, alors que la présence de tags avait déjà été relevée. Ils font valoir des rapports produits par les assureurs, faisaient état du fait que le bâtiment était clôturé et indiquent que la sécurité du bâtiment avait été renforcée après l’achat et était régulièrement surveillé par le gérant et son fils. Ils précisent que le bâtiment avait été inoccupé avant son acquisition le 15 novembre 2016, pendant un an et demi, ce qui peut expliquer la présence de tags. Ils soulignent, qu’aucun des éléments produits ne permet de justifier du fait que des intrusions aient eu lieu depuis l’acquisition des locaux et que la société ART ET BATIMENT en avait eu connaissance. Ils contestent le bien-fondé de l’argument basé sur l’application d’une franchise par l’assureur de la société ART ET BATIMENT, comme démontrant l’existence d’une faute imputable à celle-ci, ou de celui basé sur la mise en place d’une alarme anti intrusion après l’incendie.
Sur les dommages, la société ART ET BATIMENT sollicite la prise en charge de son découvert de garantie et conteste l’argument selon lequel la vétusté n’aurait pas été prise en charge, alors que cette dernière n’intervient que dans les rapports de l’assuré avec son assureur, que la compagnie MS AMLIN n’est pas adhérente de France Assurances et qu’il convient d’appliquer le principe de la réparation intégrale. Elle conteste également le chiffrage invoqué par la société PACIFICA, alors que les parties s’étaient mises d’accord sur le montant à retenir et l’argument selon lequel les travaux non réalisés par la demanderesse ne peuvent être indemnisés.
La société MS AMLIN sollicite l’indemnisation de la somme versée à son assuré, dont elle est subrogée dans les droits. Elle conteste la fin de non-recevoir opposée par la société THELEM, en rappelant notamment qu’elle relevait de la seule compétence du juge de la mise en état. Elle indique justifier du règlement de l’indemnité à son assuré en application du contrat d’assurance, ce qui suffit à justifier d’un recours subrogatoire fondé sur l’article L121-12 du code des assurances. Elle conteste également l’argument opposé par la société PACIFICA concernant la possibilité de condamner les assureurs in solidum, dès lors que la clause de ses conditions générales n’est pas opposable aux demandeurs et ne peut être invoquée que dans les rapports entre codébiteurs, ainsi que celui de la MAE s’opposant à la prise en charge des frais d’expertise amiable.
Par dernières conclusions du 03 septembre 2024, la SA PACIFICA a sollicité du tribunal, au visa de l’article 1242 du code civil, de l’article L. 121-12 du code des assurances, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
– juger que la société ART & BATIMENT a commis une faute susceptible de réduire son droit à indemnisation,
– juger que la faute de la société ART & BATIMENT justifie une réduction de son droit à indemnisation de 50%,
– juger que la société MS AMLIN INSURANCE SE doit prouver sa subrogation qui est limitée aux sommes réellement versées,
– juger que la société MS AMLIN INSURANCE SE, subrogée, ne peut avoir plus de droits que son assurée la société ART & BATIMENT,
– juger que PACIFICA et GROUPAMA prendront en charge, chacun, la moitié des conséquences des actes commis par [C] [K],
– juger que le contrat souscrit auprès de PACIFICA garantit uniquement la quote-part de son assuré,
En conséquence,
Condamner la société PACIFICA à verser une somme de 15 892,65 €, à charge pour le Tribunal de répartir cette somme entre les sociétés ARTS et BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE,
Rejeter la demande d’intérêts des sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE,
Rejeter toute demande de condamnation in solidum,
Rejeter toute autre demande à l’encontre de PACIFICA,
Limiter les frais irrépétibles à une somme de 1000 euros mise à la charge de chacun des 3 mineurs et de leur civilement responsable,
Mettre les dépens mis à la charge de chacun des 3 mineurs et de leur civilement responsable.
A l’appui de ses conclusions, la société PACIFICA fait valoir la faute de la victime pour solliciter une limitation de l’indemnisation à 50%. Elle indique que la société ART ET BATIMENT a contribué à son préjudice en ayant laissé son immeuble sans surveillance et en ayant permis à des individus de s’y introduire pour le dégrader avant même le sinistre du 09 février 2017. Elle souligne que le bâtiment acquis en novembre 2016 était vide depuis plusieurs mois et laissé à l’abandon et que la société ART ET BATIMENT savait qu’il avait déjà fait l’objet d’intrusions. Elle indique que la société MS AMLIN a de ce fait imposé une réduction de 200.000 euros à son assuré, que celui-ci n’a pas contesté. Elle souligne que la société ART ET BATIMENT ne justifie pas d’une sécurisation des lieux à compter de leur acquisition. Cette absence de sécurisation ayant favorisé l’intrusion des auteurs, la société ART ET BATIMENT a commis une faute en lien avec le préjudice qu’elle a subi et son indemnisation doit être réduite de 50%, ainsi que celle de son assureur qui est subrogé dans ses droits.
S’agissant des sommes réclamées, la société PACIFICA fait valoir qu’il convient de prendre en compte l’état initial du bâtiment et de partir de la valeur de l’immeuble avant sinistre. Elle conteste la prise en compte des frais de désamiantage et de maîtrise d’œuvre qui étaient déjà nécessaires avant l’incendie et fait valoir que le préjudice indemnisable ne peut prendre en compte les frais que la demanderesse a engagé pour reconditionner l’immeuble.
S’agissant de la somme réclamée par la société MS AMLIN, la société PACIFICA fait valoir qu’elle ne produit qu’une seule quittance pour une somme de 123.553,89 euros, permettant de justifier des versements effectués par l’assureur au profit de son assuré.
Par dernières conclusions du 20 mars 2023, la société THELEM ASSURANCES a sollicité du tribunal, au visa de l’article 1242 alinéa 4 du code civil, de l’article 1240 du code civil, des articles L.121-1, L. 121-2 et L.121-12 du code des assurances, de :
Juger recevable et bien fondée la société THELEM ASSURANCES en ses demandes, fins et conclusions,
Exonérer les civilement responsables de 30% de leur responsabilité en raison des fautes commises par la société ART & BATIMENT,
Réduire de 30% les demandes de condamnations des sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN,
Appliquer un coefficient de vétusté de 12% aux demandes de condamnations des sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN,
Limiter le montant des sommes susceptibles d’être réclamées par la société ART & BATIMENT à la somme de 7.735,86 €,
Limiter le montant des sommes susceptibles d’être réclamées par la société MS AMLIN à la somme de 76.109,20 €,
Juger que la société THELEM ASSURANCES ne pourra être condamnée à verser à la société ART & BATIMENT que la somme maximale de 2.578,62 €.
Juger que la société THELEM ASSURANCES ne pourra être condamnée à verser à la société MS AMLIN que la somme maximale de 19.027,30 €.
En conséquence
Débouter les sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN de toutes demandes de condamnation supérieures aux sommes de 2.578,62 € et 19.027,30 €.
Appliquer une franchise de 230 € aux sommes qui seraient mises à la charge de la société THELEM ASSURANCES,
Condamner les sociétés MAE, PACIFICA, GROUPAMA, ART & BATIMENT et MS AMLIN de la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre qui seraient supérieures :
D’une part à la somme de 2.578,62 € au bénéfice de la société ART & BATIMENT,
D’autre part à la somme de 19.027,30 € au bénéfice de la société MS AMLIN.
Condamner les sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN à verser à la société THELEM ASSURANCES la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouter les sociétés ART & BATIMENT et MS AMLIN de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles,
Subsidiairement, Réduire la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme globale de 1.500 €,
Condamner les mêmes aux dépens.
A l’appui de ses conclusions, la société THELEM ASSURANCES oppose la faute de la victime à la responsabilité de ses assurés. Elle soutient que la société ART ET BATIMENT savait que le bâtiment avait déjà fait l’objet d’intrusions et de dégradations, mais n’a pas pour autant sécurisé les lieux. Elle relève que les rapports d’expertise réalisés ont mis en évidence ces détériorations et le fait que le grillage présentait des déformations laissant penser à des intrusions. Elle soutient que ces faits étaient connus du demandeur lors de l’acquisition de l’immeuble et que ce dernier ne justifie d’aucune mesure visant à sécuriser les lieux. Elle fait valoir que l’assureur de la société ART ET BATIMENT a, sur cette base, appliqué une franchise de 200.000 euros, considérant qu’elle n’avait pas respecté les obligations imposées par le contrat d’assurance en cas de bâtiment vide. Elle sollicite une réduction de l’indemnisation de 30%.
Concernant les demandes de la société ART ET BATIMENT, la société THELEM considère que le découvert de garantie n’est pas justifié et qu’il ne peut être tenu compte de la valeur à neuf de l’immeuble, sans lui appliquer un coefficient de vétusté de 12%, qui peut être retenu, à titre exceptionnel, en matière de responsabilité civile, notamment lorsque l’immeuble était inoccupé depuis de nombreuses années et était laissé à l’abandon. Elle considère qu’il convient également de déduire les sommes déjà versées à la société ART ET BATIMENT, par son assureur, par la MACIF et par CGB EXPERTISES.
Sur les demandes de la société MS AMLIN, la société THELEM considère qu’elle ne justifie pas du montant sollicité, dès lors qu’elle ne produit qu’une quittance d’indemnité et qu’elle ne tient pas compte du coefficient de vétusté retenu dans le cadre de l’expertise amiable, ainsi que de la réduction de 30% du droit à indemnisation de son assuré.
La société THELEM ASSURANCES demande à ne verser que la part qui lui revient et, à titre subsidiaire, entend appeler en garantie les autres assureurs.
Enfin, la société THELEM ASSURANCES oppose une franchise de 230 euros.
Par dernières conclusions du 30 mai 2023, la MAE a sollicité du tribunal au visa de l’article 1242 alinéa 4 du code civil, et de l’article L121-12 du code des assurances de :
Fixer à parts égales la contribution des civilement responsables de Messieurs [R] [D], [P] [N] et [C] [K] dans les dommages subis par les sociétés ART & BÂTIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE et restant à indemniser soit les sommes de 165.479,76 euros pour la première et 119.205,85 euros pour la seconde ;
Réduire d’un taux qui ne pourra être inférieur à 30 % l’indemnisation due par Madame [E] [S] et les civilement responsables de Monsieur [R] [D] au motif que la société ART & BÂTIMENT a commis une faute de négligence et d’imprudence ayant concouru à la réalisation de son propre dommage ;
En conséquence
Fixer à 38.611,94 euros la somme dû par la MAE au bénéfice de la société ART & BÂTIMENTS
Fixer à 39.735,28 euros la somme dû par la MAE au bénéfice de la société MS AMLIN
Rejeter l’ensemble des demandes formulées par les sociétés ART & BÂTIMENT, MS AMLIN INSURANCE SE et la société THELEM ASSURANCE à l’encontre de Madame [E] [S] et de son assureur la MAE pour le surplus.
Rejeter les demandes formulées par les sociétés ART & BÂTIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner les sociétés ART & BÂTIMENT et MS AMLIN INSURANCE SE aux entiers dépens.
A l’appui de ses conclusions, la MAE ne conteste pas la responsabilité de Madame [E] [S], pour les faits commis par son fils [R] [D], mais fait valoir une faute de la société ART ET BATIMENT, dès lors que le bâtiment était régulièrement squatté, pillé et dégradé et qu’en ayant connaissance de cette situation, elle n’a rien mis en place pour le sécuriser. Elle souligne que l’expert judiciaire a également relevé que la clôture présentait plusieurs endroits éventrés non liés à l’intervention des secours. Elle considère qu’elle a commis une faute d’imprudence en n’assurant pas la sécurisation des lieux, qui restaient inoccupés et sujets à des squats et acte de vandalisme. Elle relève que l’assureur de la société ART ET BATIMENT s’est lui-même fondé sur cette insuffisance de sécurisation du bâtiment pour lui opposer une franchise de 200.000 euros. La MAE sollicite ainsi une réduction de l’indemnisation de la société ART ET BATIMENT et de son assureur à hauteur de 30%.
Concernant la demande d’indemnisation de la société ART ET BATIMENT, la MAE fait valoir une convention entre compagnies d’assurance qui prévoit de renoncer à recours sur trois postes : la vétusté, les honoraires d’expert et les pertes indirectes. Elle indique également qu’en vertu du principe de réparation intégrale, la société ART ET BATIMENT ne saurait être indemnisée par une somme décorrélée de la valeur vénale de son bien au jour de l’incendie et qu’il convient ainsi de prendre en compte la vétusté du bâtiment, dès lors que l’assuré n’a pas pris les mesures pour éviter le dommage et que l’immeuble était en mauvais état d’entretien. La MAE sollicite également l’exclusion des frais d’expertise qui ont déjà été versés par l’assureur de la société ART ET BATIMENT. Elle sollicite enfin que la somme à verser tienne compte de la réduction de 30% pour la faute commise et du fait qu’il y a trois mineurs encore débiteurs.
Concernant le préjudice de la MS AMLIN INSURANCE, la MAE fait valoir la réduction du droit à indemnisation de son assuré et la répartition de la somme entre les trois mineurs.
Elle fait valoir que son contrat d’assurance limite sa garantie à la seule part de responsabilité de son assuré.
Par dernières conclusions du 24 janvier 2023, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) a sollicité du tribunal de :
Dire que la STE ART & BATIMENT a commis une faute limitant son droit à indemnisation de 50 %.
En conséquence décerner à la CIE GROUPAMA LOIRE BRETAGNE de ce qu’elle n’a pas de moyen opposant à régler à la STE ART & BATIMENT et à la STE AMLIN MSA INSURANCE SE la somme de 15892.65 €.
Condamner la concluante à régler lesdites sommes.
Débouter les demanderesses de leurs demandes, fins et conclusions contraires.
A l’appui de ses conclusions, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE), fait valoir la faute de la société ART ET BATIMENT afin de solliciter une exonération partielle de responsabilité, à hauteur de 50%.
Elle indique que les locaux étaient inoccupés depuis 2015, que les rapports d’expertise ayant suivi le sinistre ont relevé la présence de traces de vandalisme dans l’enceinte du bâtiment, une clôture déformée laissant passer des individus et que des travaux de sécurisation des lieux avaient été envisagés avant l’incendie. Elle souligne que la société MS AMLIN INSURANCE a elle-même opposé à son assuré ses négligences dans la sécurisation des lieux pour lui opposer une franchise de 200.000 euros.
La concluante rejoint les arguments de la société PACIFICA concernant les sommes réclamées par les demandeurs. Elle conteste la capitalisation des intérêts.
Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance de clôture le 04 septembre 2024. L’audience de plaidoirie a eu lieu le 1er octobre 2024 et mise en délibéré le 28 novembre 2024 prorogé au 03 janvier 2025.
Sur la responsabilité civile des parents des auteurs
Selon l’article 1242 du code civil « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.
(…)
Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l’instance. »
L’incendie qui s’est déclaré dans les locaux de la société ART ET BATIMENT, le 09 février 2017, a été imputé à Monsieur [R] [D], Monsieur [P] [N], Monsieur [C] [K] et Monsieur [W] [L], qui ont fait l’objet d’un rappel à la loi. La responsabilité de ces enfants mineurs, au moment des faits, n’est pas contestée. Sur le fondement de l’article 1242 du code civil, les pères et mères de ces mineurs sont responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Il n’est pas davantage contesté que Madame [E] [S], mère de Monsieur [R] [D], assurée auprès de la MAE, Madame [X] mère de Monsieur [P] [N], assurée auprès de la compagnie THELEM, Madame [B] mère de Monsieur [C] [K], assurée auprès de la société PACIFICA ainsi que Monsieur [K] son père assuré auprès de la compagnie GROUPAMA, et Madame [L] mère de Monsieur [W] [L], assurée auprès de la MACIF sont responsables civilement et que leur assurance responsabilité civile doit être mobilisée.
Il convient de déclarer Madame [E] [S], mère de Monsieur [R] [D], Madame [X] mère de Monsieur [P] [N], Madame [B] mère de Monsieur [C] [K] et Monsieur [K], son père, responsables in solidum des préjudices subis par la société ART ET BATIMENT du fait de l’incendie de son bâtiment, survenu le 09 février 2017.
La MACIF ayant déjà réglé la somme de 144.248,56 euros, il convient de condamner in solidum la MAE, la compagnie THELEM, la société PACIFICA et la compagnie GROUPAMA LOIRE BRETAGNE à garantir leurs assurés.
Sur la faute de la société ART ET BATIMENT
Les assureurs des auteurs sollicitent une exonération partielle de responsabilité en faisant valoir que la société ART ET BATIMENT a commis une faute à l’origine du sinistre, en ne sécurisant pas suffisamment l’accès au bâtiment et en favorisant ainsi l’intrusion de tiers.
La société ART ET BATIMENT a acquis un ensemble de bâtiments à usage industriel, sis [Adresse 7] à [Localité 13], le 15 novembre 2016. Lorsque l’incendie a eu lieu, le bâtiment était vide et inoccupé depuis juillet 2015. Le gérant de la société ART ET BATIMENT avait même déclaré, lors de sa plainte, qu’il n’y avait même plus d’installation électrique.
Une expertise judiciaire a été ordonnée dans le cadre de l’enquête pénale visant à établir les causes de l’incendie et a donné lieu à des constatations dès le 15 février 2017. Dans le rapport, outre l’analyse des causes de l’incendie, l’expert a relevé que le grillage de la clôture du terrain présentait, à deux ou trois endroits (le long de la limite Nord/Est), des déformations laissant penser que des individus se sont introduits dans l’entreprise et photographié des endroits où le grillage était déformé, les fils de tension distendus et le grillage relevé.
Ces éléments montrent que des personnes se sont introduites dans l’enceinte de l’immeuble, ce qui confirme l’intrusion des quatre auteurs de l’incendie, mais qui ne suffit pas à démontrer que ces accès existaient avant le 09 février 2017. Ce qui permet, en revanche, d’affirmer que des intrusions avaient déjà eu lieu avant cette date et que la SAS ART ET BATIMENT ne pouvait l’ignorer, ce sont les nombreux tags présents sur les façades des bâtiments, que l’expert constate dans son rapport. Il a indiqué que ces tags étaient visibles depuis la clôture et recouvraient l’ensemble des murs, démontrant selon lui l’intrusion de tiers. L’importance de ces tags ne permet pas de les attribuer aux seuls auteurs de l’incendie et leur caractère apparent implique que la SAS ART ET BATIMENT savait que des individus avaient déjà pu s’introduire dans les lieux avant l’incendie. La présence de tags, de bouteilles et de canettes dans les locaux a confirmé la présence d’occupant dans les lieux.
Dans le « procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages », établi et signé le 18 décembre 2017, suite à l’expertise réalisée par l’ensemble des experts des assurances concernées et en présence de la société ART ET BATIMENT, il a été mentionné que lors de l’expertise réalisée le 06 septembre 2017, il avait été indiqué que l’état de dégradation du bâtiment était révélateur d’actes de vandalisme répétés ainsi que de vol de matériaux et il a été signalé l’existence de clôtures éventrées non liées à l’intervention des services de secours ainsi que des cheminements d’accès matérialisés.
Sans que ce type de propriété soit soumise à une réglementation particulière en termes d’accès et de sécurité, il apparait à la lecture du contrat d’assurance conclu avec la société MS AMLIN INSURANCE SE, qu’elle devait, au titre de ce contrat, prendre des mesures particulières de surveillance et de sécurisation des lieux, du fait de leur inoccupation, afin de limiter tout risque d’intrusion.
La SAS ART ET BATIMENT ne justifie d’aucune de ces mesures, indiquant simplement que le gérant passait toutes les semaines et que son fils résidait à proximité et produisant un courrier du cabinet GUILLOTIN DAVID, en date du 1er juillet 2021, faisant état de travaux de sécurisation sollicités par son client avant l’incendie, sans que la teneur de cette demande soit réellement établie. Ce courrier confirme, par ailleurs, que la SAS ART ET BATIMENT savait que ces travaux devaient être engagées depuis novembre 2016.
Le fait que les bâtiments étaient inoccupés et vides depuis plus d’un an, au moment de leur acquisition par la SAS ART ET BATIMENT, les exposaient à des intrusions, notamment révélées par la présence de nombreux tags sur l’ensemble des murs extérieurs et intérieurs des bâtiments. Le risque d’intrusion lié à l’absence d’occupant et d’activité aurait dû conduire la SAS ART ET BATIMENT à prendre des mesures de sécurisation des lieux, ainsi que son contrat d’assurance le lui imposait. Le fait de n’avoir pas pris ces mesures a conduit son assureur à appliquer une franchise de 200.000 euros et constitue également une faute ayant contribué à l’intrusion des quatre mineurs auteurs de l’incendie.
La faute de la SAS ART ET BATIMENT a ainsi contribué à la survenance du dommage, mais dans une moindre mesure que celles imputables aux quatre auteurs de l’incendie, qui se sont introduits dans les lieux par effraction et ont mis le feu aux bâtiments.
Au regard de ces éléments, il convient de considérer que la faute de la société ART ET BATIMENT a exonéré Monsieur [R] [D], Monsieur [P] [N], Monsieur [C] [K] et Monsieur [W] [L], des conséquences de l’incendie à hauteur de 20%.
Sur la demande d’indemnisation de la SAS ART ET BATIMENT
La SAS ART ET BATIMENT sollicite la prise en charge de son découvert de garantie, soit la somme de 234.974, 60 euros correspondant à la somme de 576.994, 23 euros de dommages de laquelle elle déduit 170.295,07 euros reçus de son assureur, 144.248,56 euros de la MACIF, 24.476 euros des honoraires d’expert réglés par son assureur. Les défendeurs contestent le montant des dommages faisant valoir que cette somme ne tient pas compte de la vétusté des bâtiments.
L’évaluation des dommages imputables au sinistre a donné lieu à un « procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages », établi le 18 décembre 2017, suite à l’expertise réalisée par société CGB EXPERTISE, en présence de l’ensemble des experts des assurances concernées et de la société ART ET BATIMENT. Dans ce document, signé par l’ensemble des experts les dommages affectant le bâtiment ont été estimés à 404.972, 82 euros, les mesures conservatoires (gardiennage, mise en sécurité et diagnostic amiante) à 4360 euros et les garanties complémentaires pour un montant de 167.661,41 euros comprenant les honoraires de maîtrise d’œuvre, le désamiantage, la démolition et le déblai, les études et diagnostics, et les honoraires d’expert.
Le principe de la réparation intégrale du préjudice commande que l’indemnité allouée à la victime lui permette de faire reconstruire l’immeuble détruit, sans tenir compte de la vétusté du bâtiment tel qu’il existait, ni de sa valeur vénale. Ce principe signifie que l’indemnisation doit comprendre non seulement le coût de la réalisation des travaux nécessaires à la réparation du dommage, mais également les frais nécessaires à la réalisation de ces travaux, comme les frais de démolition, de désamiantage et de maîtrise d’œuvre. Déduire des frais de remise en état, le coefficient de vétusté correspondant à l’âge du bâtiment ne replacerait pas la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, puisqu’elle supporterait injustement une dépense supplémentaire rendue nécessaire par la faute d’un tiers.
Certes, la valeur vénale de l’immeuble réparé à neuf sera supérieure à celle de l’immeuble dans son état antérieur, mais cet enrichissement de la victime n’est pas sans cause, car il trouve sa cause dans l’obligation du responsable de réparer intégralement le dommage causé. En cas de destruction ou de détérioration d’un ouvrage ou d’une partie d’ouvrage, il n’y a pas d’autres moyens que de reconstruire.
En l’espère, le rapport d’expertise judiciaire et celui réalisé par la société VRS VERING pour le compte de la société ART ET BATIMENT ont indiqué que l’incendie avait détruit toute la partie consacrée aux bureaux et les installations immobilières à proximité, imposant une reconstruction de 500 m2.
Le coût de reconstruction du bâtiment sinistré a été fixé à 404.972,82 euros dans le document établi contradictoirement par les experts désignés par les assureurs. Il convient d’y ajouter les frais annexes, liés à ces travaux de reconstruction, à savoir les honoraires de maîtrise d’œuvre, le désamiantage, la démolition et le déblai, les études et diagnostics de sol et de structure, le coordonnateur SPS et le bureau de contrôle, pour un montant de 140.185,41 euros et les mesures conservatoires (gardiennage, mise en sécurité et diagnostic amiante) pour 4360 euros, soit un total de 549.518,23 euros. Les frais d’expert ayant été pris en charge par la société MS AMLIN, ils sont déduits de la somme de 576.994,23 euros.
Il convient également de déduire, comme l’a précisé la société ART ET BATIMENT, la somme de 170.295,07 euros déjà versée par son assureur la MS AMLIN INSURANCE SE et celle de 144.248,56 versée par le MACIF, soit un reste à charge pour la société ART ET BATIMENT de 234.974,60 euros, duquel il convient de déduire l’exonération partielle de 20%, soit 187.979,68 euros.
Les mineurs ayant participé à la réalisation du dommage, leurs parents sont responsables in solidum des préjudices liés à l’incendie et leurs assureurs sont condamnés in solidum à indemniser la victime de l’incendie.
La société THELEM ASSURANCES oppose une franchise de 230 euros en se prévalant des conditions particulières de la police souscrite par son assuré. Ces conditions n’étant pas signées, elles ne peuvent être opposées si à son assuré, ni au tiers lésé. Cette franchise ne pourra être opposée à la société ART ET BATIMENT.
Il convient de condamner in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, et la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 187.979,68 euros à la SAS ART ET BATIMENT, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.
Sur la demande de la société MS AMLIN INSURANCE SE
L’article L.121-12 du code des assurances prévoit que « l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ».
Selon l’article 1346 du code civil : « La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette ».
En application de l’article 1346-1 du même code : « La subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse.
Elle doit être consentie en même temps que le paiement (…) ».
La société MS AMLIN INSURANCE SE, assureur de la société ART ET BATIMENT, sollicite la somme de 203.265,16 euros au titre des sommes versées à son assuré, suite à l’incendie survenu le 09 février 2017.
En l’espèce, au moment de l’incendie, la société MS AMLIN INSURANCE SE, était l’assureur « multirisque industrielle » de la société ART ET BATIMENT, la garantie contenait, dans ses conditions générales une clause de subrogation.
Suite à l’incendie survenu dans 09 février 2017, une partie des locaux a été détruite. A la suite de cet incendie, l’assureur a indemnisé son assuré.
La société MS AMLIN INSURANCE SE a ainsi versé en exécution du contrat une indemnité à son assuré, d’un montant de 203.265,16 euros, qui a donné lieu à une quittance subrogative d’indemnité immédiate du 24 mars 2017, produite par l’assureur et des indemnités différées de 42.160,18 euros et 4600 euros, dont il établit les versements sur le compte de son assuré. Il justifie également avoir versé à l’expert en charge de l’expertise amiable, la société CGB EXPERTISE, la somme de 32.971,09 euros.
Aux termes de cette quittance subrogative et des justificatifs de virement, la MS AMLIN INSURANCE SE est subrogée dans les droits de son assuré et peut agir contre les tiers responsables et leurs assureurs. Il convient de déduire les 20% mis à la charge de la société ART ET BATIMENT et opposable à l’assureur.
Les arguments opposés par les assureurs au sujet de l’application d’un coefficient de vétusté sont également écartés. Il en est de même de la convention de renonciation à recours dont l’opposabilité à la société MS AMLIN INSURANCE SE n’est pas démontrée.
Comme cela a déjà été rappelé pour l’indemnisation de la société ART ET BATIMENT, les mineurs ayant participé à la réalisation du dommage, leurs parents sont responsables in solidum des préjudices liés à l’incendie et leurs assureurs sont condamnés in solidum à indemniser la victime de l’incendie et son assureur. Les conditions propres à certains des assureurs condamnés, visant à écarter cette condamnation in solidum, ne peuvent être opposées à la victime et à son assureur.
La franchise de 230 euros invoquée par la société THELEM ASSURANCES n’est pas davantage opposable à la société MS AMLIN INSURANCE SE.
Il convient de condamner in solidum la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 203.265,16, de laquelle sont déduits les 20% (40.653,032 euros), soit une somme finale de 162.612,13 euros, à la société MS AMLIN INSURANCE SE.
Sur les appels en garantie
Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil.
La société THELEM ASSURANCES appelle en garantie la société MAE, la société PACIFICA et la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE. Les trois mineurs impliqués dans la présente procédure, ayant tous contribué à la survenance du dommage, il convient de considérer qu’ils sont tenus tous les trois à un tiers des condamnations prononcées.
La société MAE pourra ainsi être condamnée à garantir la société THELEM ASSURANCES pour un tiers des condamnations prononcées contre elle.
La société PACIFICA pourra être condamnée à garantir la société THELEM ASSURANCES pour un tiers des condamnations prononcées contre elle.
La société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE pourra être condamnée à garantir la société THELEM ASSURANCES pour un tiers des condamnations prononcées contre elle.
Sur les autres demandes
Les intérêts sur les sommes dues, ne courent qu’à compter du présent jugement, qui seul détermine le principe et le montant de la créance indemnitaire, l’article 1231-6 du code civil n’étant applicable que dans l’hypothèse où le principe et le montant de la créance résultent de la loi ou du contrat.
La capitalisation des intérêts sera due à compter du présent jugement, conformément à l’article 1343-2 du code civil.
La MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) qui succombent, supporteront in solidum les dépens de l’instance, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) seront par ailleurs condamnées in solidum à verser à la société ART ET BATIMENT, une indemnité qui sera fixée en équité à la somme globale de 2000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a dû exposer pour faire valoir ses droits en justice.
La MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) seront également condamnées in solidum à verser à la société MS AMLIN INSURANCE SE, une indemnité qui sera fixée en équité à la somme globale de 2000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a dû exposer pour faire valoir ses droits en justice.
La charge finale des dépens et de cette indemnité seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus.
Aucune circonstance ne justifie que soit écartée l’exécution provisoire du présent jugement.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au Greffe, contradictoire et en premier ressort,
DECLARE Madame [E] [S], mère de Monsieur [R] [D], Madame [X] mère de Monsieur [P] [N], Madame [B] et Monsieur [K] parents de Monsieur [C] [K] et Madame [L] mère de Monsieur [W] [L] responsables in solidum de l’incendie survenue le 09 février 2017, dans les locaux de la SAS ART ET BATIMENT, sur le fondement de l’article 1242 du code civil ;
DIT que la MAE garantit Madame [E] [S], mère de Monsieur [R] [D] ;
DIT que la société THELEM ASSURANCES garantit Madame [X] mère de Monsieur [P] [N] ;
DIT que la SA PACIFICA garantit, Madame [B] mère de Monsieur [C] [K] ;
DIT QUE la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) garantit Monsieur [K], père de Monsieur [C] [K] ;
DIT que la MACIF assureur de Madame [L] mère de Monsieur [W] [L] a déjà versé la somme de 144.248,56 euros ;
DIT que la faute de la société ART ET BATIMENT a contribué à hauteur de 20% à la survenance de son dommage ;
CONDAMNE in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, et la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 187.979,68 euros à la société ART ET BATIMENT, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
CONDAMNE in solidum la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 162.612,13 euros, à la société MS AMLIN INSURANCE SE avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
DIT que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
DIT que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera par tiers ;
CONDAMNE la MAE à garantir la société THELEM ASSURANCES des condamnations à hauteur d’un tiers prononcées à son encontre ;
CONDAMNE la SA PACIFICA à garantir la société THELEM ASSURANCES des condamnations à hauteur d’un tiers prononcées à son encontre ;
CONDAMNE la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à garantir la société THELEM ASSURANCES des condamnations à hauteur d’un tiers prononcées à son encontre ;
CONDAMNE in solidum la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) aux entiers dépens ;
CONDAMNE in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 2000 euros à la société ART ET BATIMENT au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE in solidum, la MAE, la société THELEM ASSURANCES, la SA PACIFICA, la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE (GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) à verser la somme de 2000 euros à la société MS AMLIN INSURANCE SE au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
DIT que la charge finale des dépens et celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus ;
ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du jugement est de droit.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Sandrine GASNIER Stéphanie LAPORTE
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